La mort traversière
extrait 5
aujourd’hui que des ormes la confiance nous meuble
dans l’agonie de tout vers un autre village
nouveau-nés que ton sang nous étrenne la haie
l’inexpugnable haie sourdre de son néant
qu’aimaient-ils ô tragiques
connaître que tu pourrissais ô arc-en-ciel
dans la boue transversale tu démembrais
ta pureté lorsque nous eûmes devers toi
un geste concertant nous pauvres d’un sursaut
qui désaltère promettant la flétrissure
entre les yeux des ifs accentuation du socle
travaille la nuit gauche et comme irradiant
l’aile blanche des goélands sur la stupeur
rayonne bleuet doux vois la cinglante
catastrophe des artères où fut ouverte
la déception puis le temps des noëls viendra
avec le gui de l’astre clair et du courage
ne cherche plus car le chemin s’est égaré
dans la divination de la lumière il dort
comme si tout était résolu l’herbe est plus haute
que son regard dans la jonction des certitudes
/ Revue « Poésie partagée »
Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1984
Les yeux de l’Aven (2)
Paysage de Bretagne
extrait 5
Nom pittoresque
Saint-Jean-du-Doigt
Les falaises sont
d’une même main
sœurs inséparables
aux liens d’écume
plus solides que le sang
L’élan est de mer
La résistance est de pierre
Mais de rien procède
la blancheur de neige
l’embrun du choc frontal
Le peintre est ce rêve
qui demeure
au travail
entre les doigts ouverts
dans le chagrin des failles
Couleurs vulnérables à l’infini
Paysage solidaire de toutes parts
…
Les yeux de l’Aven (2)
Paysage de Bretagne
extrait 2
Le ciel est rouge
il a neigé sur la falaise
et le sentier si fin
s’estompe dans la blancheur
tombée avec le secret des couleurs
Le rouge
le bleu
le jaune
échangent entre les choses
un courage qui n’appartient à rien
Le blanc voudrait aller jusqu’à la Laïta
couvrir les sables de l’estuaire
être mangé par l’eau à petites bouchées
être la mer
Mais le peintre l’engrange dans un cercle gris
Dans le temps du tableau
la falaise a pris la forme d’une palette
L’attention de la main qui souleva la neige
pour mieux lire le nom des lieux n’a pas fondu
…
La mort traversière
extrait 4
l’écluse regorgeait de l’angoisse des plaines
parmi ce nom l’évanouissement sûr
des arches de ton corps
blessé dans l’hirondelle
qu’il fit de sa violence native un sacrement
l’âme recrue c’était encore une autre plaie
qu’en la bruyère notre âme écartelait
mais tu rêvais d’ouvrir le nom torrentueux
de tant d’amour aux cils devers la mort
la rose était charnelle que l’angoisse
creusait dans l’indistincte mort
des prairies
tout l’ajonc reprenait ce hurlement charnel
qu’en l’automne abreuvèrent de souffrance les yeux
- infinitude !
…
/ Revue « Poésie partagée »
Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1984
Le crayon
creuse
à même
la bruine
Laboure
une vie
dans son chagrin
son endurance
Visage qui penche
de fatigue
les yeux scellés
de brume
Absence
ou repli extrême
à l'intérieur capté
à la mine grave
Quelle en-tête
pour l'âme
cette femme
de Plougastel
Les yeux de l’Aven (2)
Paysage de Bretagne
extrait 1
Il reste au paysage
ce que la mer en sa violence laisse debout
quelques chaumières bien tapies contre le sol
toits immenses et pentus
destinés aux pluies interminables
avec deux cheminées pour naviguer l’hiver
Dans le rose aussi vieux
que l’amitié du monde
un piétinement dessine une présence
Le ciel porte l’empreinte de trois nuages
Sur ce hameau perdu sans nom
ces toits voués au seul baptême des hivers
la signature est fausse mais l’école juste
La mer invisible ordonne les plans
le sentier la devine à sa rumeur
à sa force qui interdit la verticale
et pose la sagesse en aplats de couleurs
…
Les yeux de l’Aven (2)
Paysage de Bretagne
extrait 3
Une tempête vieille de cent dix ans
couve encore au creux des vagues
Hypnose du regard
elle a pétri dans la falaise
l’homme et la femme
selon la volonté du vent
synonyme ici
de discipline élémentaire
de destin
Les lieux font leur œuvre
en dessinant à la pierre
nos déchirures
À chaque anfractuosité
son âme sœur
Inquiétude plutôt qu’extase
l’osmose de souffrance
arrache aux falaises du sang
Une gestuelle quotidienne
tisse l’étoffe en damier
du paysage
au métier des saisons
Tout prépare l’hiver
comme un autre nom du courage
…
La sublime beauté à laquelle même un grand artiste n'atteint pas toujours,c'est cela Noël,une grâce qui dure le temps d'une visite et qu'aucune volonté ne rappellera.Il faut vivre de la désirer.
La mort traversière
extrait 3
prête l’ogive et seule ton âme prie
mourir est un visage à ne plus taire
l’ogive sur ton âme comme leur faix
de solitude
lèvres mues
en l’infrangible amour
arable ta paupière sur la contrée perdue
des maïs morts l’enfance tournoyait
entre nos doigts fragilement sauvée
dans une étreinte même
du sol et des sanglots
la mort était comprise jeunesse bleue
des glands qui encerclaient notre ère
déjà dans son écroulement
…
/ Revue « Poésie partagée »
Editions Folle Avoine, 35850 Romillé, 1984
Les yeux de l’Aven (2)
Paysage de Bretagne
extrait 6
Un chat dort à la page ouverte
paraphant de son corps
l’alliance de travail
où se grave le temps
cette longue amitié du paysage
Rides accentuées au front de la falaise
le violet de la bruyère déteint l’estampe
Le chat en boucle décalque l’écho exact
de la courbe lente prise par le granit
Les vagues montent
en aquarelle bleue et verte
La frange rouge du sable
déchire d’étonnement
les nuages
Consolation toujours à l’œuvre
le paysage sécrète en soi
des synonymes à la sérénité
…