Il s'est jeté par la fenêtre. On le ramène à l'infirmerie très mal en point.
Choqué, il ne répond à aucune question.
Il a sans doute de graves fractures. on découpe la jambe de son pantalon, de la cheville à l'aine, avec un soin rapide. Alors lui, tout à coup, dans un sursaut de vigueur : " Attention, hein, n'allez pas m'abîmer les couilles !"
Qu'est-ce qui a rendu Untel ou Une Telle un instant désirants ? Désirants ou seulement un peu plus présents ? Bien sûr, il est souterrain, ce travail là. Difficile à repérer, à quantifier, très obscur.
Allez donc décrire cela, ce qui est invisible, ce qui ne se donne pas à voir.
La psychothérapie institutionnelle ça se déploie dans l'invisible.
Il habite à La Borde depuis des années. Il dit : " C'est affreux. Je ne sais rien faire. Je ne sers à rien"
L'ambiance, ça se mitonne avec du calme, des rituels, de la patience et du respect... du thé, bien sûr, des horaires fidèles et une qualité d'écoute aussi constante que possible. Echanges et fuite de regards, regards au repos sous les paupières lasses, regards qui menacent, regards d'impuissance, de haine, de désespoir, d'amour.
Quand un sourire naît d'un visage triste, c'est toute la misère, la détresse morale qui font naufrage, l'espace d'un instant, s'évadent de l'être incompris.
Vous êtes ici depuis des mois ! Plusieurs mois pour prendre place, pour vous placer là où eux (les "patients" comme on les appelle parfois) vous ont amenée dans ce réseau de travail invisible qui, justement vous rend visible, vous donne du corps, de la présence.
Silence, l'assemblée s'immobilise, personne ne bouge, c'est pas la peine d'en rajouter ! Il y a comme un respect consterné devant tant de violence. Restons paisibles, on sait que ces vociférations expriment surtout de la souffrance.