Avec Bertrand Belin, Jeanne Cherhal, Marianne Denicourt, Patrick Deville, Diaty Diallo, Marielle Macé, Yves Pagès, Lucie Rico, Jean Rolin, Anne Serre & Fanny Taillandier
Musique : Joël Grare
Pour célébrer la Fête de la librairie qui se tiendra samedi 15 avril, nous dévoilons en avant-première, en lecture et en musique, l'ouvrage réalisé pour l'occasion, Plumes : des portraits d'oiseaux imaginés par vingt-cinq écrivains, des illustrations flamboyantes par l'artiste Michaël Cailloux et une anthologie de textes, expressions et poèmes sur les oiseaux réalisée par Marielle Macé.
Jeanne Cherhal fera le lever de rideau. Bertrand Belin, Patrick Deville, Diaty Diallo, Marielle Macé, Yves Pagès, Lucie Rico, Jean Rolin, Anne Serre & Fanny Taillandier dévoileront le portrait de leur oiseau favori
accompagnés du percussionniste et compositeur Joël Grare.
Ce dernier, en compagnie de la comédienne Marianne Denicourt, nous offrira ensuite un florilège de textes qui ont célébré de tous temps les volatiles, en espérant que le chant de ces horlogers du ciel vous extirpera de la cacophonie du monde
À faire
25e Fête de la librairie indépendante, samedi 15 avril dans plus de 500 librairies en France.
Lumière : Patrick Clitus
Son : William Lopez
+ Lire la suite
Je ne voulais pas rencontrer Vila-Matas* ; je voulais le lire. Je ne voulais pas parler avec lui, absolument pas rencontrer ses yeux ; je voulais entrer dans ses histoires et vivre avec ses histoires le temps de mes lectures et un peu plus.
*Enrique Vila-Matas, auteur catalan.
« Je ne voyage sans livres ni en paix ni en guerre, c’est la meilleure munition que j’aie trouvée à cet humain voyage ».
(Michel de Montaigne)
Ce devait être mars, ce mois dont Dickens dit qu’au soleil c’est l’été et à l’ombre l’hiver. Mars était aussi le mois où sa jeune sœur était née et celui où elle était morte.
Pourquoi faut-il qu’autour de moi tant de gens soient devenus fous ? Ne pouvaient-ils, comme moi, s’en tenir à la merveilleuse table au disque luisant où se reflète toute notre histoire, interroger cette table, la faire parler, la faire danser ? Pourquoi l’ont-ils négligée ? N’était-il pas évident, pour eux comme pour moi, que c’était ce lac et son eau noire qui nous sauveraient, à condition de les scruter ?
Ce lac fut-il un puits sans fond pour tous ceux qui se perdirent par la suite ? Ai-je davantage qu’eux tous, aimé ce qui s’y reflétait ?
Ma chère Marie, ce fut une bonne soirée. Nous y étions tous, personne n'a manqué à l'appel. Il y avait ma jeunesse, mon enfance, mon père parti trop tôt qui était là dans son blazer froissé. Hans, comme d'habitude, nous a tenus en haleine sans nous donner grand-chose mais comme nous étions heureux de le voir, dos à nous, regarder par la fenêtre dans ce costume gris un peu clérical qui nous plaît toujours tant! p. 90
Je crois que sa langue était la langue de la mort. Ou l'une des langues de la mort qui en a peut-être plusieurs. Rentrée chez moi après avoir enterré mon père, j'étais encore dans cette période du deuil où l'on n'en a pas encore fini avec l'autre, où l'on continue à lui parler, à le faire vivre en soi, à s'adresser à lui mentalement. C'est alors que ce texte est apparu, très naturellement, joyeusement sans que je fasse d'efforts pour déformer les mots de notre langue. Il y avait même des moments où je pensais dans cette langue, et où penser dans cette langue me paraissait plus juste que de penser dans ma langue coutumière. Il me semblait que dans cette langue et celle-ci seulement, autrement dit dans la langue de la mort, je pourrais dire des choses plus fines et plus précises que je n'aurais pu le faire dans ma langue habituelle.
On devrait savoir que les gens qui vous aiment vous regardent parfois lorsqu'on ne le sait pas.
L'un des derniers romans d'Enrique Vila-Matas, -Impressions de Kassel- (...)
Ses romans me mettaient dans un tel état de joie, d'énergie , de confiance, de réconciliation avec le monde et mon prochain que je les avalais toujours à grande vitesse tout en regrettant de ne pas pouvoir être plus calme, plus posée, plus studieuse et de ne pas prendre le temps de les annoter, d'en méditer chaque paragraphe, chaque passage. (p. 13)

J'ai parfois figuré pour certains de ces hommes, probablement à cause de ma solitude et paradoxalement parce que je n'attendais rien d'eux, n'ayant jamais vraiment cru à l'amour, ce personnage en lequel ils pouvaient mettre leurs espoirs d'une autre vie. Alors qu'avec moi, pour des raisons que j'ignore et dont je n'ai certes pas à me flatter, rien n'est possible, c'est justement en moi qu'ils voyaient cette ouverture où transformer leur destin. J'étais gênée par ce malentendu, même s'il m'offrait des satisfactions de vanité.
Oh, non, je n'aurais pas su me donner. Faire deux était une chose tout à fait impossible pour moi, même si j'étais bien capable d'amitié, de gentillesse, et le temps faisant son œuvre pie, de tendresse, même. Mais croire à l'autre ! Le croire de devenir cette forêt ou s'engager, non, je ne le pouvais pas. J'offrais un sein, une bouche, et parfois toute mon intimité avec douceur, j'eus des amours qui durèrent quinze ans et d'autres plus encore, mais faire deux, non, jamais je ne le pus. Il manquait en moi le ressort qui préside à ce désir. (pages 43-44)
(...) j'étais envahie par les livres de Vila-Matas (...)je le réouvrais, m'y relançais et l'émerveillement rejaillissait comme si ces livres étaient des geysers permanents, des puits de pétrole en incessante activité. j'avais bien besoin d'être occupée ainsi, envahie par quelque chose d'heureux, de très heureux, car pendant des mois d'affilée, peut-être bien douze, j'avais souffert d'être envahie plutôt par une sorte de vide, de morne vide dont j'avais une certaine connaissance car c'était toujours l'état où je tombais après avoir publié un roman. (p. 24)