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Citation de Partemps


La seconde période est celle du voyant. Dans une lettre du 15 mai
1871 (4) , avec une maladresse pathétique, et dans les quelques
pages de la Saison en Enfer intitulées «Alchimie du Verbe»,
Rimbaud a essayé de nous faire comprendre la «méthode» de cet art
nouveau qu'il inaugure, et qui est vraiment une alchimie, une
espèce de transmutation, une décantation spirituelle des éléments
de ce monde. Dans ce besoin de s'évader qui ne le lâche qu'à la
mort, dans ce désir de «voir» qui tout enfant lui faisait écraser
son oeil avec son poing (les Poètes de sept ans), il y a bien
autre chose que la vague nostalgie romantique. «La vraie vie est
absente. Nous ne sommes pas au monde.» Ce n'est pas de fuir qu'il
s'agit, mais de trouver: «le lieu et la formule», «l'Éden»; de
reconquérir notre état primitif de «Fils du Soleil».-Le matin,
quand l'homme et ses souvenirs ne se sont pas réveillés en même
temps, ou bien encore au cours d'une longue journée de marche sur
les routes, entre l'âme et le corps assujetti à son desport
rhythmique, se produit une solution de continuité. Une espèce
d'hypnose «ouverte» s'établit, un état de réceptivité pure fort
singulier. Le langage en nous prend une valeur moins d'expression
que de signe; les mots fortuits qui montent à la surface de
l'esprit, le refrain, l'obsession d'une phrase continuelle,
forment une espèce d'incantation qui finit par coaguler la
conscience, cependant que notre miroir intime est laissé, par
rapport aux choses du dehors, dans un état de sensibilité presque
matérielle. Leur ombre se projette directement sur notre
imagination et vire sur son iridescence. Nous sommes mis en
communication,-C'est ce double état du marcheur que traduisent les
Illuminations: d'une part les petits vers qui ressemblent à une
ronde, d'enfants et aux paroles d'un libretto, de l'autre les
images décoordonnées qui substituent à l'élaboration grammaticale,
ainsi qu'à la logique extérieure, une espèce d'accouplement direct
et métaphorique. «Je devins un opéra fabuleux.» Le poète trouve
expression non plus en cherchant les mots, mais au contraire en se
mettant dans un état de silence et en faisant passer sur lui la
nature, les espèces sensibles «qui accrochent et tirent» (5). Le
monde et lui-même se découvrent l'un par l'autre. Chez ce puissant
imaginatif, le mot «comme» disparaissant, l'hallucination
s'installe et les deux termes de la métaphore lui paraissent
presque avoir le même degré de réalité. «À chaque être plusieurs
autres vies me semblaient dues. Ce monsieur ne sait ce qu'il fait,
il est un ange. Cette famille est une nichée de chiens.» Pratiques
extrêmes, espèce de mystique «matérialiste» (6), qui auraient pu
égarer ce cerveau pourtant solide et raisonnable (7) . Mais il
s'agissait d'aller à l'esprit, d'arracher le masque à cette nature
«absente», de posséder enfin le texte accessible à tous les sens,
«la vérité dans une âme et un corps», un monde adapté à notre âme
personnelle (8).
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