AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet

3.54/5 (sur 92 notes)

Nationalité : États-Unis
Né(e) à : Californie
Biographie :

Anne de Pasquale vit en France depuis 1988.

Comédienne, auteur de chansons et de musiques mais aussi interprète, co-scénariste de moyens métrages, elle est également l'auteur, chez Marabout, de "Dites-moi qu'elle est vivante" (2010), son premier roman, et de "Les Couleurs de la peur" (2013). "Alex’s Baby" est son 3e roman suspense.

Anne de Pasquale a pour le moins un parcours original ! "Anne Lonnberg", son nom de comédienne, a en effet tourné avec Roger Moore dans Moonnraker ! L'ex James Bond girl a également joué avec Woody Allen, fait de la télévision, enregistré des disques, co-scénarisé et traduit des films.

Autre talent, celle de chanteuse, avec la sortie d’un 33 tours chez Barclay, deux 45 tours chez Polidor, etc.

Elle joue du banjo dans des groupes de jazz, se consacre à l'écriture et à l'équitation dans son "ranch" percheron à Nocé.

page Facebook:
https://www.facebook.com/anne.depasquale.3
+ Voir plus
Ajouter des informations
Bibliographie de Anne de Pasquale   (4)Voir plus

étiquettes

Citations et extraits (43) Voir plus Ajouter une citation
Eleanor Wilder avait huit ans lorsque l’événement se produisit. Elle jouait à la marelle pendant la récréation dans la cour de l’école avec sa meilleure amie, Morgan, quand sa maîtresse de cours élémentaire vint la chercher. Eleanor comprit tout de suite qu’il était arrivé quelque chose d’affreux, parce que les yeux inquiets de miss Robbins débordaient de vagues ondulantes couleur violet foncé. Eleanor demeura immobile, serrant entre ses doigts le morceau de craie vert pâle, tandis que la maîtresse se dirigeait vers elle. Même Morgan comprit qu’il se passait quelque chose ; elle atterrit jambes écartées dans les deux carrés de la marelle et demeura pétrifiée.

Miss Robbins, une très grande femme mince aux cheveux orange coiffés en chignon serré, arborait en général un large sourire, mais à cet instant ses lèvres disparaissaient à l’intérieur de sa bouche, comme si elle allait les avaler. Elle se pencha, prit gentiment Eleanor par les épaules et lui dit, d’une voix tellement douce : « Eleanor, ta mère a eu un accident. »



Deux heures et quart plus tôt, Abby Wilder rentrait chez elle à pied, toute seule, après avoir joué au tennis avec sa meilleure amie Daphné Andrews. Même en ce mois de mars, en cette fin d’hiver, le célèbre soleil de Californie se montrait fidèle à son rendez-vous quotidien, lui réchauffant bras et jambes dont le bronzage était souligné par le T-shirt et le short blancs.

Le club de tennis se situait à cinq pâtés de maisons de la résidence des Wilder, dans un quartier résidentiel tranquille au milieu des collines de Berkeley. À mi-chemin, Abby prit sur la gauche, en direction d’un virage en épingle à cheveux que bordaient de chaque côté des propriétés à vendre, vides. À l’approche de l’unique maison située dans la courbe en U, balançant son sac de tennis, elle s’arrêta pour dénouer le sweat-shirt qu’elle portait autour de la taille. L’enfilant par-dessus sa tête, elle n’entendit pas le crissement des pneus s’engageant dans le virage, ni n’eut le temps de voir, le sweat-shirt une fois tiré sur ses yeux, l’éclair sombre du véhicule qui se rapprochait à toute vitesse, le pneu avant gauche montant sur le trottoir. Elle n’eut pas le temps de réaliser l’impact de l’acier sur sa chair, ni de la trajectoire de son propre corps projeté dans les airs. La première et la dernière chose qu’enregistra son cerveau avant de sombrer, ce fut son sac de tennis rouge qui s’envolait comme un cerf-volant pris dans une tornade, tourbillonnant à toute vitesse et pulvérisant une fenêtre de l’étage du 29 Crescent Drive.

À l’instant même où son corps atterrissait puis roulait au centre d’une pelouse fraîchement tondue et bordée de rosiers couleur pêche, une vieille dame à l’expression effarée apparut à la vitre brisée du premier étage.

Les yeux grands ouverts dans le noir, Eleanor attendait patiemment, le dessus-de-lit remonté jusque sous le menton, par-dessus le jean, le pull et la paire de Nike déjà éraflée que sa mère lui avait offerte pour son anniversaire, à peine deux semaines auparavant. Le réveil électronique d’adulte sur la table de chevet affichait 8 h 37 pm. Huit est un chiffre bleu, se dit-elle comme par automatisme. Le trois est rouge, et le sept jaune. Elle passa la main sous son oreiller, et en retira un bonbon qu’elle enfourna dans sa bouche.

Les trois coups brefs sur les portes-fenêtres situées juste en dessous de sa propre fenêtre, laissée entrouverte, résonnèrent enfin. Le courant d’air vif qui gonflait les rideaux ornés de motifs représentant Chewbacca – la température s’était rafraîchie ces derniers jours – lui refroidissait la joue. Elle se força à patienter un bon quart d’heure, jusqu’à ce que les gloussements familiers augmentent d’intensité, que leur écho s’élève le long de l’escalier recouvert de moquette, et s’insinue sous la porte de sa chambre. Certains soirs, elle ne faisait plus la distinction entre le son de la télévision et le bavardage stupide de Rebecca. Les gens passaient leur temps à bavasser sur cette idiotie de télévision, pensait-elle, et Rebecca, la baby-sitter (Eleanor détestait ce mot), passait son temps à essayer de les imiter. Elle s’entraînait probablement à devenir actrice.

Eleanor repoussa le dessus-de-lit d’un coup de pied, attrapa le réveil, sortit rapidement de la chambre et remonta d’un pas alerte le couloir de l’étage jusqu’à son extrémité, où elle ouvrit une porte en noyer aux reflets patinés. Elle se dirigea sans hésiter dans l’obscurité jusqu’au milieu de la bibliothèque, et s’arrêta devant le bureau Louis-Philippe. Elle alluma la lampe à l’abat-jour vert foncé posée sur le plateau de cuir de même couleur encadré d’arabesques gravées à l’or.

Le sanctuaire de sa mère baignait dans une lumière douce et chaleureuse. Dans un coin de la pièce, un violoncelle reposant sur son support attira le regard d’Eleanor. Une des larges hanches de l’instrument effleurait d’un côté les bibliothèques en chêne, tandis que l’archet reposait fièrement de l’autre. Légèrement en retrait se dressait un pupitre avec une partition.

Se dirigeant vers la bibliothèque, Eleanor, pinça au passage, la basse de son pouce. La vibration riche et grave la poussa à fredonner à l’unisson. Elle alla tout droit à un Atlas si lourd et si grand qu’il avait été posé sur le flanc au-dessus d’une rangée de livres. C’était une ancienne édition française que sa maman et elle avaient dénichée dans un marché aux puces dans le centre de Berkeley. Elle sortit le volume et le posa par terre. Il s’ouvrit presque comme par enchantement à la carte de France. Une liasse de billets et un mince bloc-notes étaient glissés près de la côte nord de la Bretagne. Elle prit un billet de cinq dollars qu’elle fourra dans la poche arrière de son pantalon, et se pencha pour déchiffrer : Finistère Nord. Maman lui avait dit que cela signifiait : « le nord de la fin du monde ». Comme si le nord du monde avait explosé, ou quelque chose dans ce genre. Sa maman lui avait alors expliqué que, dans ce contexte-là, le monde était la terre, au sens physique, et que finis pouvait également signifier « extrémité ».

« L’extrémité nord de la terre ». Eleanor préférait cette définition-là, plus magique. Elle aimait la sensation de ces mots français résonnant dans son esprit. Du noir, du brun et du rouge mêlés.

Elle s’empara du bloc-notes, et lut à voix haute les mots tracés sur la dernière page : « Mon petit canard, je t’aime plus que n’importe quoi d’autre, plus que le soleil, plus que le ciel ou la plus haute des montagnes, et plus profond que l’océan ! Maman. »

Eleanor emporta le bloc sur le bureau, attrapa un crayon et écrivit sous le message de sa mère : « Ma maman, je t’aime aussi, plus haut que le soleil, et plus loin que l’extrémité nord de la terre, où tu as promis que tu m’emmènerais un jour. J’ai pris cinq dollars pour pouvoir aller te voir tout de suite, et tu auras ce message quand tu iras mieux et que tu rentreras à la maison ! »

Elle replaça le bloc-notes dans le gros volume, qu’elle remit dans sa niche sur l’étagère. Elle ramassa le réveil, éteignit la lampe et ressortit sans refermer complètement la porte derrière elle. Sur la pointe des pieds, elle atteignit le haut de l’escalier puis, retenant son souffle, entreprit de descendre avec précaution, agrippant à chaque marche la rampe noire cirée. En passant à toute vitesse devant la porte ouverte du salon de télé, elle jeta un œil à l’intérieur. Le cuir du canapé grinçait. Rebecca et sa copine, la bouche pleine de pop-corn, rigolaient en bondissant dessus. Elles ne la virent pas passer ; les lumières du hall étaient éteintes.

Eleanor se retrouva devant la porte d’entrée, impressionnante à la fois par sa taille et par sa splendeur, une arche sculptée de chérubins et de grappes de raisin ornant l’élégant linteau d’un blanc laiteux. Les deux serrures du bas ne présentaient pas de difficulté, mais lorsqu’elle leva la tête, elle se souvint qu’elle n’atteignait pas tout à fait celle du haut, qui était munie, en plus, d’un verrou en cuivre et d’une chaîne de sûreté.

Elle se retourna, et son regard aux reflets cuivrés se fixa sur l’épais annuaire téléphonique, posé comme un Bouddha suffisant sur le coffre en camphrier chinois incrusté d’argent à l’autre bout du hall dallé de marbre.
Commenter  J’apprécie          30
Il n’avait pas plu depuis mai. La terre de cette fin d’été était si sèche qu’elle s’était ouverte au pied des séquoias géants, formant de longues crevasses sinueuses qui semblaient vouloir chercher leur chemin jusqu’à la plage. Ellen avait l’impression d’entendre les racines millénaires craquer et gémir de soif.

Ce dimanche, elle se réveilla plus tôt que de coutume. John dormait encore. Elle se glissa discrètement hors du grand lit, traversa la chambre sur la pointe des pieds, referma doucement la porte derrière elle et se dirigea vers l’escalier. En passant, elle jeta un œil par l’enfilade de fenêtres du couloir à l’étage. Elle pouvait sentir, plus qu’elle ne les voyait, les arbres commencer à ondoyer. Ellen avait toujours su anticiper l’orage. Lorsqu’elle était enfant, sur la côte de l’Oregon, plus au nord, elle courait se mettre à l’abri en même temps que les chiens, plusieurs minutes avant que les nuages aient commencé à devenir menaçants. Bien avant que les adultes les aient remarqués.

Dans la cuisine, Ellen se prépara un café dans son percolateur à l’ancienne. Elle opta pour un mélange colombien, nettement plus doux que le café français que John préférait. Elle posa deux assiettes et deux grandes tasses en porcelaine fine sur le comptoir en noyer qui servait à la fois de bar et de table de petit-déjeuner. Ni elle ni John n’aimaient boire dans des mugs épais ou dans des tasses étroites. John avait un nez plutôt long, il appréciait de siroter son café avec une marge de confort.

Ces derniers mois il s’était noyé dans le travail, presque jusqu’à l’épuisement. Il rentrait bien après la tombée de la nuit, chaque jour s’extirpant péniblement de la voiture pour avancer à pas lourds, les yeux vides, le visage défait.

Ellen redoutait ces soirées. Ils jouaient, lui le rôle du mari poli, elle celui de l’épouse efficace ; ils se posaient, comme il se doit, les questions d’usage, sans vraiment écouter les réponses. Au fil des semaines, leur angoisse partagée, le chagrin qui aurait pu les rapprocher les éloignaient au contraire chaque jour davantage. Chacun s’enfermait dans sa propre douleur.

Elle versa du lait dans une des tasses, la réchauffa au micro-ondes, ajouta le café et deux cuillerées de sucre brun. Elle s’avança jusqu’aux portes-fenêtres du salon et tira les rideaux. Son image lui apparut en miroir sur la vitre, comme un fantôme : une femme de taille moyenne entre trente et quarante ans, vêtue d’une longue robe de chambre écrue sur laquelle disparaissait la tasse blanche qu’elle tenait à deux mains ; ses cheveux châtains tombaient sur ses épaules, ébouriffés par une mauvaise nuit.

Comme à son habitude, Ellen guetta malgré elle un éclat de rire, l’écho d’un pas rapide. Elle ferma les yeux, entrevit un instant le vélo bleu céruléen qui fonçait vers le garage, elle croyait presque entendre retentir la sonnette – Jamie la faisait tinter deux fois lorsqu’elle rentrait à la maison, déboulant follement de la route sur l’allée. Ellen revécut la scène en boucle dans sa tête – elle aurait fait n’importe quoi pour se retrouver au mois d’août de l’année précédente, quand Jamie était encore auprès d’eux, jubilant à la pensée de son départ imminent pour l’Europe. Elle aurait voulu se saisir de sa fille, la serrer contre elle, déchirer le billet d’avion, lui interdire de partir, l’empêcher de disparaître de leurs vies.

L’aube se levait, les silhouettes majestueuses des séquoias se dessinaient, les pointes des plus hautes branches se frôlant comme dans une timide danse. Plus bas, un bosquet d’eucalyptus, dont les troncs fragiles tremblaient dans le vent grandissant, inclinait son feuillage vers l’océan. Les premières gouttes vinrent s’écraser contre la fenêtre puis, sans crier gare, des trombes d’eau s’abattirent frénétiquement sur les carreaux.

Ellen tenta de repousser les images qui la hantaient sans relâche depuis cet affreux jour de février, six mois plus tôt.



John était en voyage d’affaires à New York et ne devait pas rentrer avant la semaine suivante. Elle avait été réveillée par le téléphone posé sur la table de chevet et avait su, avant même de saisir le combiné, que quelque chose était arrivé. Personne n’appelait à six heures du matin, pas même John, sans raison grave.

Une voix d’homme, au fort accent, avait demandé :

– Je suis bien chez Mrs. Brentwood ?

– Oui, avait-elle répondu, déjà au bord de la panique, se frottant les yeux et cherchant le commutateur.

– C’est M. Mansard, avait dit la voix où Ellen perçut un vague mécontentement. Est-ce que votre fille est avec vous ?

– Qu’est-ce que vous voulez dire, qu’est-ce que vous racontez ? s’était-elle exclamé. Bien sûr que non, Jamie est en France, elle est avec vous ! Qu’est-ce que c’est que cette histoire ?

– Écoutez, nous sommes furieux. Votre fille est irresponsable. Nous venons de rentrer du ski et l’appartement est… vide, poursuivit-il, en butant sur les mots.

Ellen n’oublierait jamais la phrase suivante :

– Jamie est disparue. Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? Elle s’est volatilisée !

Volatilisée.
Désormais pleinement lucide et luttant contre la panique, Ellen avait demandé à M. Mansard combien de temps ils étaient restés absents et pourquoi ils avaient laissé Jamie seule à Paris. Il avait grommelé une phrase
incompréhensible, puis expliqué qu’ils étaient de retour depuis deux jours et espéraient que Jamie ne tarderait pas à réapparaître. Ellen avait demandé s’ils avaient prévenu la police. Pas encore, avait répondu M. Mansard, mais il contacterait le commissariat si Jamie ne refaisait pas surface le lendemain. Avaient-ils tenté de joindre Jamie sur son portable ? M. Mansard avait assuré que oui, « mais comment dire ? On tombe à chaque fois sur la boîte vocale. » Ellen avait dit qu’elle le rappellerait et avait appelé Jamie dans la foulée. Dans son oreille, la voix joyeuse de sa fille : « Salut ! Ouais, c’est moi, Jamie, vous êtes qui ? Je vous rappelle… vite ! À toute ! » Ellen avait composé ensuite le numéro de son mari à New York. Déjà en retard à son rendez-vous, il était sur le point de quitter l’hôtel. Sans préambule, elle lui avait annoncé que leur fille avait disparu. Non, elle ne savait pas depuis combien de temps ; les Mansard s’en étaient rendu compte en rentrant de leurs vacances aux sports d’hiver. John était entré dans une colère noire :

– Vacances ? Ils sont partis en vacances en la laissant seule ? Bon sang ! Ils sont légalement responsables ; elle est mineure et ils en ont la garde ! Écoute Ellen, elle est peut-être seulement allée chez une copine à Paris ou quelque chose comme ça ; elle va certainement se manifester. Essaie d’appeler Rachel et vois si elle sait quelque chose. Rappelle-moi, j’attends.

Ellen n’eut aucun scrupule à réveiller Rachel, la meilleure amie de Jamie, sa confidente. La mère de Rachel répondit après plusieurs sonneries. Ellen n’avait pas envie d’entrer dans les détails. Sachant Mme Henderson plutôt fouineuse et loquace, elle se contenta de demander à parler à Rachel en précisant que c’était urgent. Mme Henderson dit qu’elle allait réveiller sa fille. Ellen dut patienter une longue minute avant d’entendre la voix pâteuse de l’adolescente au bout du fil.

Rachel ne savait rien. La dernière lettre de Jamie datait d’une quinzaine de jours, juste une lettre, rien qui sorte de l’ordinaire. Ellen téléphona à Jonathan, le petit copain de Jamie, déjà debout et sur le point de partir pour son entraînement quotidien de natation. Lui aussi était sans nouvelles. Il se montra aussitôt inquiet, promit de se renseigner auprès de tous les amis de Jamie et demanda à Ellen de le tenir au courant.

Elle appela son agence de voyages et réserva un billet pour Paris pour l’après-midi même.

John, qu’elle joignit à nouveau, lui dit qu’elle était folle : il fallait qu’elle l’attende, il ne pouvait pas se libérer comme ça, il enchaînait les rendez-vous cruciaux avant l’ouverture de ce nouveau restaurant, le vendredi suivant…
Commenter  J’apprécie          10
C'était une présence de tous les instants, une constante dans ma vie. Elle travaillait surtout à la maison, lorsque je rentrais de l'école, elle était toujours là pour m'encourager, m'inonder d'un amour infini. Je me souviens d'une chose en particulier, qui me revient sans cesse, et pour toi aussi, c'est vital, Sidney : elle me disait constamment de toujours suivre mon étoile, quoi qu'il arrive, de me battre pour mes idées, et de ne jamais, jamais renoncer. Elle était le fondement de mon ... de mon courage, je suppose. Je sublime peut-être tout cela aujourd'hui, mais elle représentait tout pour moi. Nous étions tellement proches. Pas un jour ne se passe sans que j'aille fouiller dans mon tiroir magique - c'est ainsi que je l'ai baptisé, ce tiroir métaphysique que je peux ouvrir, et dont ma mère sort pour m'aider. Elle est toujours là pour moi. Peut-être est-ce une des formes de ce que l'on appelle les fantômes, les esprits. Mais pour moi, elle est toujours vivante.
Commenter  J’apprécie          30
À 8 h 30, après une nuit si agitée qu’elle avait à peine fermé l’œil, Ellen retrouva Béatrice devant le lycée de Jamie, à quelques minutes de marche de l’hôtel. Sur le chemin, aidée de son plan de Paris, elle imagina Jamie empruntant le même itinéraire chaque matin. Le vent polaire la força à trouver refuge dans une boutique où elle fit l’acquisition d’un châle en laine rouge. Le temps qu’elle atteigne l’établissement scolaire, elle avait les yeux remplis de larmes et les joues écarlates.Les deux femmes furent introduites dans le bureau du proviseur. Madame le proviseur, une femme trapue, entre deux âges, les accueillit avec une expression inquiète. Comme elle ne parlait pas un mot d’anglais, Béatrice traduisit. Non, elle n’était pas au courant de la disparition de Jamie. Interrogée au sujet d’éventuels amis de Jamie, elle convoqua le professeur principal qui à son tour fit appeler un beau garçon brun prénommé Jean-Pierre, et une grande fille blonde, Emmanuelle. Tous deux faisaient partie de l’équipe de natation de Jamie. Ni l’un ni l’autre ne l’avaient vue depuis le dernier jour d’école avant les vacances.Ellen ne savait pas ce qu’elle pouvait faire de plus. Béatrice, visiblement mal à l’aise, ce qui n’était pas pour l’étonner, ne s’attarda pas, prétextant une lourde journée à la bijouterie huppée qu’elle dirigeait. Elle se sauva, promettant de rester en contact, et abandonna Ellen sur le trottoir devant le lycée. Retournant vers son hôtel, Ellen s’arrêta pour prendre un café et un croissant au café du coin, et se félicita de l’interdiction de fumer dans les lieux publics. Lors de son dernier séjour à Paris avec John, un nuage de fumée emplissait la quasi-majorité des cafés et des restaurants.Elle se sentit soudain extrêmement lasse.
Commenter  J’apprécie          20
Lorsqu’elle joua un enregistrement de chansons enfantines, et demanda à Eleanor de fredonner en même temps, celle-ci fit de véritables efforts. Elle ouvrit la bouche, ferma les yeux, se concentra ; dans sa tête, elle percevait sa voix, s’entendait chanter parfaitement à la tierce, car elle était très musicienne, mais aucun son ne sortait. La seule chose qui jaillit, ce furent des larmes, qui se mirent à couler de ses yeux, suivies de sanglots silencieux si violents qu’elle s’en étouffa.
Commenter  J’apprécie          10
Les moqueries finirent par cesser, remplacées par quelque chose d’encore pire, l’indifférence.
Commenter  J’apprécie          20
Marcher dans les rues de San Francisco était l’une des choses qu’elle aimait le plus au monde. Et peu importait où. Elle aimait le sentiment de liberté que cela lui procurait, étirer de façon délectable ses longues jambes à chaque pas. Elle appréciait particulièrement les jours venteux, où l’air se chargeait de sel. Elle aimait également la mer. Quelquefois, un simple coup d’œil à l’océan lui emplissait le cœur d’une telle émotion qu’elle devait fermer les yeux et respirer lentement par les narines, comme le lui avait enseigné son professeur de yoga lorsqu’elle avait du mal à s’endormir. Ou bien lorsqu’elle avait un de ses cauchemars, ces démons qui avaient empoisonné son enfance.
Commenter  J’apprécie          00
L’aphonie est en général le résultat d’une blessure, d’une opération chirurgicale, dans certains cas d’une maladie provoquant la paralysie, ou bien due à une tumeur cérébrale. Aucune de ces hypothèses ne s’applique à Eleanor. Dans son cas, on peut sans aucun doute l’attribuer à ce qui lui est arrivé. Elle a souffert d’un traumatisme psychologique très profond, qui a provoqué l’extinction des cordes vocales. Celles-ci sont incapables de se rencontrer, ou de vibrer, ce qui entraîne l’incapacité à produire des sons. La peur est un des facteurs qui contribuent à la maladie.
Commenter  J’apprécie          00
La schizophrénie n’implique pas nécessairement un changement de personnalité, elle peut se manifester de façons très diverses : isolement social, détérioration des émotions, des capacités intellectuelles…
Commenter  J’apprécie          10
Il avait juste dit que c’était une chose rare mais normale qui se produisait quelquefois quand on a le cerveau trop plein de trucs. Du genre de la télé, des jeux vidéo, et tout ça. Il avait conseillé à Eleanor d’inspirer profondément et de se dire que ce n’était pas réel, et les « épisodes » finiraient par disparaître, généralement à la puberté. Le mot « puberté » évoquait chez elle des endroits secrets du corps, elle n’aimait pas trop ce mot-là. Mais « épisode », elle aimait bien ; cela lui donnait un côté scientifique et intelligent.
Commenter  J’apprécie          00

Acheter les livres de cet auteur sur
Fnac
Amazon
Decitre
Cultura
Rakuten

Lecteurs de Anne de Pasquale (136)Voir plus

¤¤

{* *} .._..