Anneliese Mackintosh: About Me!

Cher Petit Livre de merde,
D’abord, qui a bien pu te baptiser Petit Livre du Bonheur ?
Quelle idée ! Tu sais aussi bien que moi que s’il existait un mode d’emploi pour être heureux, ça se saurait. Dès que j’ai repéré ta tranche prétentieuse sur la bibliothèque, je t’ai détesté.
Petit Livre du Bonheur. Comme si tout ce qu’il y aurait à dire au sujet du « bonheur » pouvait se condenser dans un « petit livre ». Et pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de te récupérer ce matin et de parcourir tes pages, saturées d’espaces blancs et d’aphorismes débiles. Tout comme je n’ai pas pu m’empêcher de te glisser dans mon sac à main, et de te dérober au travail. Pense donc à tous ces patients cancéreux qui ne connaîtront jamais les secrets menant au nirvana à cause de moi.
J’avoue que je ne regrette pas tant que ça de t’avoir subtilisé. Enfin, je suis un peu désolée d’avoir commencé à arracher tes pages. Mais bon, je ne fais pas cela sans raison : c’est un truc qu’on m’a appris à la Maison de Maggie, à l’époque où j’y allais en tant que patiente. Je vais composer un album de deuil. Sauf que personne n’est mort. Pas récemment, du moins. Cela dit, j’expérimente le deuil de l’alcool, ça justifie bien un album, non ?
Il me faudra plus qu’un bouquin merdique sur le bonheur pour me sortir du trou, alors je vais te monter en gamme. Je vais t’ajouter des jolies pages neuves et te faire raconter l’histoire de ma vie pendant quelque temps. Quand j’en aurai terminé avec toi, tu seras devenu le Putain d’énorme livre du bonheur qui va tout déchirer ! Et je n’aurai pas touché un verre d’alcool pendant toute une année. Tu vas voir ce que tu vas voir, mon petit gars. Tu vas voir ce que tu vas voir.
La relation la plus importante, c'est celle que vous entretenez avec vous-même.

Cher Petit Livre de merde,
D’abord, qui a bien pu te baptiser Petit Livre du Bonheur ?
Quelle idée ! Tu sais aussi bien que moi que s’il existait un mode d’emploi pour être heureux, ça se saurait. Dès que j’ai repéré ta tranche prétentieuse sur la bibliothèque, je t’ai détesté.
Petit Livre du Bonheur. Comme si tout ce qu’il y aurait à dire au sujet du « bonheur » pouvait se condenser dans un « petit livre ». Et pourtant, je n’ai pas pu m’empêcher de te récupérer ce matin et de parcourir tes pages, saturées d’espaces blancs et d’aphorismes débiles. Tout comme je n’ai pas pu m’empêcher de te glisser dans mon sac à main, et de te dérober au travail. Pense donc à tous ces patients cancéreux qui ne connaîtront jamais les secrets menant au nirvana à cause de moi.
J’avoue que je ne regrette pas tant que ça de t’avoir subtilisé. Enfin, je suis un peu désolée d’avoir commencé à arracher tes pages. Mais bon, je ne fais pas cela sans raison : c’est un truc qu’on m’a appris à la Maison de Maggie, à l’époque où j’y allais en tant que patiente. Je vais composer un album de deuil. Sauf que personne n’est mort. Pas récemment, du moins. Cela dit, j’expérimente le deuil de l’alcool, ça justifie bien un album, non ?
Il me faudra plus qu’un bouquin merdique sur le bonheur pour me sortir du trou, alors je vais te monter en gamme. Je vais t’ajouter des jolies pages neuves et te faire raconter l’histoire de ma vie pendant quelque temps. Quand j’en aurai terminé avec toi, tu seras devenu le Putain d’énorme livre du bonheur qui va tout déchirer ! Et je n’aurai pas touché un verre d’alcool pendant toute une année. Tu vas voir ce que tu vas voir, mon petit gars. Tu vas voir ce que tu vas voir.
Ottila McGregor, qui s’apprête à faire sa révolution.
Je suis tellement jalouse des gens qui peuvent discuter avec leurs frères et soeurs de ce qui leur passe par la tête.
Sortir avec un mec sans l’alcool, c’est vraiment chaud. Normalement, je me bourrais la gueule et je me jetais sur le type. Je n’ai pas la moindre idée de ce à quoi le sexe va pouvoir ressembler. Ça fait des lustres que je n’ai pas couché avec un mec à jeun. Le dernier en date, c’était Ben, et ça ne compte pas vraiment parce qu’on est restés ensemble deux ans, et qu’on avait l’habitude l’un de l’autre. Et puis, en général on était quand même soûls quand on faisait l’amour. Je ne crois pas avoir déjà couché avec un mec qui n’ait pas bu. Pas même quand j’avais quinze ans et que Dreadlock Dorian et moi, on s’est mutuellement déflorés. (Euh, est-ce qu’un homme se fait aussi déflorer ? Est-ce que ça se dit vraiment d’une femme ? Est-ce que l’hymen est censé être une fleur ? Beurk.)
Cela me parait tellement normal de blottir de nouveau mon corps contre celui de Thalès, et je sais que se connecter comme ça à quelqu'un, c'est de l'art, rien de moins.
On reste ainsi un moment, ma soeur parallèle et moi, à nous enlacer pendant que les bus crissent et vrombissent autour de nous, que les garçons et les filles en uniformes flirtent, rient, se disputent et parlent comme des charretiers, et que tout le monde grandit, juste d'une fraction de temps de vie, se rapprochant à tout petits pas de la découverte ultime de qui nous sommes et pourquoi nous sommes là.
Mais il existe une autre peine, une "peine sauvage", dont la source jaillissait au fond de moi. Une peine aussi rugissante que mordante. Une peine qui veut se venger de l'humanité. Et ce n'est qu'au cours des derniers mois que j'ai commencé à la laisser s'évacuer, cette peine.
Alors je pensais que je pouvais faire la même chose avec ma nouvelle vie sans alcool : décréter que ça me conviendrait bien. Car vivre à cent à l'heure, repousser toujours les limites, multiplier les infidélités, tout ça, c'est fini... Je décrète juste que ça va aller.
Je sais que ma mère était un génie grâce aux trucs que mon père m’a racontés. Genre elle avait beau passer quinze heures par jour à son bureau, ça ne l’empêchait pas de se réveiller trois ou quatre fois par nuit pour griffonner des notes sur un carnet à côté de son lit. Je me demande comment une personne aussi absorbée par sa carrière de haut niveau dans l’informatique a pu éprouver le désir de m’avoir. Est-ce une coïncidence que les photos sur lesquelles moi, je suis photographiée, impliquent aussi de l’alcool ? Ou est-ce que sa consommation excessive d’alcool à la fin était une tentative parmi d’autres pour calmer son esprit débordé ?