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Critiques de Anthony Doerr (587)
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La cité des nuages et des oiseaux

°°° Rentrée littéraire 2022 # 21 °°°



« Un chef d'oeuvre » nous dit le bandeau rouage qui ceint le livre. En général, je ne prête que peu de foi à ces allégations qui ne clignotent que pour pousser à l'achat. Mais là oui, je plussoie frénétiquement, tant le terme, souvent galvaudé, me semble ici mérité.



Pour être à la hauteur de l'ambition romanesque initiale, il fallait que le récit incarne la narration qu'il célèbre. Et c'est un exploit qu'un scénario aussi extravagant réussisse à garder cohérence et émotion jusqu'au bout de ses près de 700 pages. La distribution vraiment bizarre fait ainsi se croiser cinq personnages très différents, chacun évoluant sur des flux géographico-temporels très éloignés :



- dans l'Idaho d'aujourd'hui : Zeno Ninis, vieil homme vétéran de la guerre de Corée, qui aide des enfants à préparer une pièce de théâtre dans une bibliothèque le jour d'un attentat à la bombe commis par un jeune homme fragile, Seymour Stuhlman.



- en 1453, Anna, une brodeuse orpheline vivant derrière les remparts de Constantinople, apprend le grec ancien d'un vieux professeur goitreux, alors qu'Omeir, jeune bouvier au bec de lièvre se retrouve réquisitionné avec ses boeufs dans l'armée du sultan Mehmet II qui démarre le siège de la capitale de l'empire byzantin



- XXIIème siècle, Konstance, une adolescente vit confinée dans une cellule de l'Argos, vaisseau spatial qui fuit une terre dévastée pour se rendre dans la planète Beta Oph2, sous la surveillance de l'intelligence artificielle nommée Sybil.



Le fil conducteur à ses histoires disparates est un livre, La Cité des nuages et des oiseaux, contant les aventures d'un berger dont les transformations physiques font écho aux hauts et aux bas des personnages. Des extraits s'entrelacent dans les autres récits, texte entièrement inventé par Anthony Doerr qui l'attribue à un auteur antique réel, Antoine Diogène, en s'inspirant de ceux de l'Antiquité comme L'Ane d'or d'Apulée. C'est aussi la porte d'entrée et de sortie du labyrinthe narratif.



La grande joie du lecteur est de regarder les pièces du puzzle se remettre en place, les différents récits se réfractant les uns les autres comme autant d'éclats d'un kaléidoscope. La montre suisse de la construction laisse pantois d'admiration tant tout s'emboîte à la perfection. Anthony Doerr est un magicien capable d'animer chaque scène, trouvant les détails qui donnent de la texture à la lecture ou créent une intimité surprenante avec des personnages qui vous touchent profondément.



Ce roman-mondes - forcément au pluriel - stimule l'imaginaire et célèbre la littérature : celle qui fédère et relie les hommes à travers le temps, celle qui transcende la solitude, qui procure consolation et baume depuis des millénaires tout en brisant les murs autour de nous. L'épigraphe est limpide : « A tous les bibliothécaires passés, présents, et à venir ».



L'auteur souligne ainsi le rôle des gardiens passeurs de livres lorsque passe le Temps. Combien d'oeuvres de l'antiquité ont été perdues par le feu, la moisissure, l'insouciance, l'eau, la censure ou l'indifférence. Ce n'est pas un hasard si la ville ce Constantinople est mise en lumière, elle qui contenait avant sa chute en 1453 la plus grande bibliothèque du monde qui a permis de conserver la culture gréco-latine. Oui, la littérature peut sauver. La projection du récit dans un futur incertain rongé par le réchauffement climatique rappelle à quel point la survie de l'espèce humaine est reliée à la survie de la culture et des livres.



Le message peut sembler banal mais le résultat est captivant. Une bouffée d'air frais que cet ample roman follement inventif, regorgeant de générosité et de vie, et finalement plein d'un espoir. Galvanisant !
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La cité des nuages et des oiseaux

Après « Toute la lumière que nous pouvons voir », qui lui a permis de décrocher le prix Pulitzer en 2015, le romancier américain Anthony Doerr a méritoirement remporté le Grand Prix de Littérature américaine 2022 pour ce roman qui vous invite à voyager à travers le temps et l’espace sur près de 700 pages.



Dans l’Idaho de nos jours, Zeno Ninis, un vétéran octogénaire de la guerre de Corée, aide des enfants à mettre sur pied une pièce de théâtre dans la bibliothèque municipale de Lakeport. Au même moment, Seymour Stuhlman, un jeune homme hypersensible, s’apprête à commettre un attentat à la bombe pour le compte d’un groupe d’éco-terroristes.



En 1453, à Constantinople, une jeune brodeuse nommée Anna se passionne pour les livres et s’avère d’ailleurs plus douée pour le grec ancien que pour les travaux d’aiguille. De l’autre côté des remparts, Omeir, un jeune paysan au bec de lièvre, se retrouve réquisitionné par un sultan bien décidé à faire tomber la capitale de l’Empire byzantin.



Au 22ième siècle, une adolescente vit confinée à bord d’un vaisseau spatial à destination de la très lointaine planète Beta Oph2, sous la surveillance d’une intelligence artificielle nommée Sybil.



« La Cité des nuages et des oiseaux » est un roman choral déboussolant qui balade le lecteur de la chute de Constantinople au XVe siècle jusqu’au futur lointain du XXIIe siècle, en passant par la guerre de Corée et en utilisant un vieux texte remontant à la Grèce antique comme fil rouge afin de relier l’ensemble en un tout aussi cohérent que puissant !



« La Cité des nuages et des oiseaux » s’avère en effet être le titre d’un manuscrit antique écrit par Diogène et relatant la quête d’Aethon, un vieux berger à la recherche d’une cité céleste utopique, dont l’épopée va miraculeusement parvenir à traverser les époques. En imaginant ce livre venu du fond des âges et traversant les siècles, Anthony Doerr parvient non seulement à nouer les différentes intrigues, mais rend surtout un hommage vibrant à la littérature.



C’est ce petit livre, protégé par les murailles de Constantinople, capable de survivre à la barbarie des hommes et aux désastres climatiques, qui apportera du réconfort aux personnages tout au long du récit, démontrant le pouvoir salvateur des livres à travers les millénaires, ainsi que l’importance de la transmission du savoir, comme en témoigne d’ailleurs la belle dédicace en début de roman : « À tous les bibliothécaires passés, présents et à venir » !



« La Cité des nuages et des oiseaux » est une merveilleuse épopée, profondément humaine, portée par des personnages foncièrement attachants et abordant avec intelligence de nombreux thèmes sensibles, tels que l’écologie, l’homosexualité ou le handicap. Un gros coup de cœur !



« Étranger, qui que tu sois, ouvre ceci et tu apprendras des choses stupéfiantes. »
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Marie-Laure Leblanc et Werner Pfennig ne se connaissent pas. L'un est un jeune allemand ayant grandi avec sa sœur dans un orphelinat jusqu'à être remarqué par la Wehrmacht pour ses talents de mécanicien et d'électricien, tandis que l'autre est une jeune française aveugle, vivant seule avec son père, conservateur au musée d'histoire naturelle de Paris. Pourtant leurs routes vont se croiser dans le Saint-Malo bombardé de l'année 1944…



De flashback en flashback, on va progressivement découvrir quelle a été la vie des deux adolescents et ce qui les a conduit dans la cité malouine, si éloignée de chez eux… Mais derrière la volonté de fuir la guerre ou de prouver sa valeur à travers des actes de résistance, se cache une quête bien plus grande, qui dépasse l’entendement des deux enfants et qui consiste à soustraire aux allemands un diamant d’une valeur inestimable…





Entre récit d’apprentissage, récit de guerre et roman d’aventures, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir » se révèle être une histoire foisonnante et passionnante, comme pouvait l’être « Au revoir là-haut » de Pierre Lemaître, prix Goncourt en 2013 ! Si j’associe les deux, c’est tout simplement parce qu’ils m’ont procurée le même plaisir de lecture, le même attachement pour leurs personnages, le même intérêt pour leur intrigue et la même frustration à chaque fois qu’il m’a fallu interrompre ma lecture !



Anthony Doerr nous livre une fresque captivante et parfaitement rythmée sur la base de chapitres alternés, donnant tour à tour le premier rôle à Marie-Laure puis à Werner. Les deux enfants, que l’on voit évoluer et grandir dans des univers complètement différents, se révèlent être des personnages attachants et lumineux qui, malgré un contexte difficile, font preuve d’une humanité et d’une bonté des plus touchantes. Le sujet quant à lui, bien que traité de manière très romanesque, s'avère, grâce à ses descriptions riches et précises, particulièrement intéressant et instructif et parvient à nous passionner pour cet épisode de l’histoire de Saint-Malo. L’écriture par ailleurs est fluide et agréable, faisant du roman un « page turner » pour le moins efficace !



Couronné du prestigieux prix Pulitzer, « Toute la lumière que nous ne pouvons voir » est donc un excellent roman, idéal pour ceux qui recherchent une lecture plaisante, prenante et intéressante ! Une très jolie découverte pour ma part !

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La cité des nuages et des oiseaux

Ce livre m’a littéralement happé.

Un mystérieux ouvrage datant de la Grèce Antique va se transmettre de main en main à travers les siècles.

Leurs détenteurs ne sont ni des princes, ni des politiciens, ni des hommes de pouvoir ; ce sont des gens bien ordinaires ballotés par la vie et le tragique de l'Histoire. Ils seront les gardiens fidèles et intransigeants de ce livre fascinant.

Un codex grand comme un livre de poche avec ses pages à moitié effacées, si détérioré qu’il donne l’impression d’être « resté mille ans au fond de la cuvette d’un WC ».

Un livre venu du fond des âges et qui poursuivra son chemin chaotique bien au-delà de notre siècle.

Un livre qui changera l’existence de ceux dont le destin a donné mission de l’étudier, de le comprendre, de le conserver comme le plus précieux des trésors, de lui permettre de poursuivre sa route à travers les incertitudes du temps.

Nos passeurs de relais se nomment Anna, Omeir, Zeno, Seymour, Konstance…

Constantinople au moment de sa chute, la guerre de Corée, les trente glorieuses, la terrible machinerie humaine qui tue à petit feu la planète Terre, la fuite éperdue vers les étoiles… Les époques sont différentes, mais la fascination exercée par ce petit livre et son récit en quête d’une fabuleuse cité reste la même.

J’ai aimé tous ces personnages ; j’ai aimé les suivre dans leurs espérances, leurs rêves, leurs rémissions et leurs défaites.

Anna et sa soif d’apprendre. La tare du visage d’Omeir, et sa façon de parler aux animaux. L’amour impossible de Zeno. L’effroyable tumulte dans la tête de Seymour. La rébellion de Konstance contre Sybil…

Des vies et des époques différentes avec pour seul fil conducteur leur rencontre avec ce petit livre épuisé par les ans.

Où donc a voulu nous mener Anthony Doerr ? Comme pour tous les grands livres, il y a tellement de portes d’entrée que chaque lecteur pourra se faire sa propre opinion. Moi, j’y vois l’insignifiance du petit homme emporté par l’histoire et les évènements comme feuilles au vent, et la puissance éternelle du rêve et de l’espérance…

Un roman fleuve puissant, évocateur, où l’émotion est à fleur de peau. Dès les premières pages, vous voilà embarqué. Vous ne le lâcherez plus.

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La cité des nuages et des oiseaux

Quel livre fascinant ! Je ne me souviens pas avoir lu un autre livre comparable à celui-ci. Quasiment 700 pages, et pas un mot de trop. Personnellement j'aurais même bien continué un peu avec les derniers personnages du roman. L'émotion est bien présente, chacun des personnages sait nous toucher, chacun avec ses failles, ses faiblesses, mais aussi ses déterminations, ses forces, et ses victoires.



Un roman sur plusieurs époques, chacune mettant en scène des personnages qui se révèleront tous reliés, les uns aux autres.



Konstance, dans un futur lointain, en route vers une planète à des années-lumière, seule enfermée dans une capsule de son vaisseau l'Argos, découvrant la terre par un programme nommé Atlas, sous la surveillance d'une intelligence artificielle nommée Sybil.



Anna, jeune brodeuse à Constantinople, au quinzième siècle, plus passionnée par les livres, les idées et le pouvoir des mots que par les points de broderie :

« "Tu te bourres le crâne de choses inutiles ", lui chuchote Maria. Peut-être - mais le point de chaîne câblée, le point noué et le point de marguerite, Anna ne les apprendra jamais. Quand elle manie l'aiguille, son talent le plus sûr consiste à se piquer accidentellement le bout du doigt et à tâcher l'étoffe de sang. »



Omeir, à la même époque jeune paysan au bec de lièvre, recruté avec ses boeufs pour rejoindre l'armée du sultan, à la conquête de Constantinople. Omeir qui aime ses bêtes plus que beaucoup d'humains

« Ce n'est pas normal qu'un enfant ait moins de sympathie pour les humains que pour le reste des créatures.

La mèche du fouet claque à deux doigts de son oreille.

Un conducteur à la barbe blanche, qui les accompagne depuis Edirne, lance alors : « Laisse ce gamin tranquille. Il a de la bonté pour ses bêtes, et après ? le Prophète lui-même, que la paix soit avec Lui, a préféré un jour couper un pan de sa tunique plutôt que réveiller le chat qui dormait dessus. »



Zeno et Seymour, tous deux vivant à Lakeport aux États-Unis, quelques dizaines d'années les séparant. Zeno ancien soldat, solitaire, qui se prend de passion pour la traduction de textes grecs et Seymour, jeune hypersensible, passionné par la nature et se battant pour sa défense.



Et puis le personnage le plus improbable, Aethon, berger grec inculte de l'antiquité qui va partir à la recherche d'une cité céleste utopique : la cité des nuages et des oiseaux.

« Il fut Homme pendant quatre-vingts ans, Âne pour une année, Loup de mer pour une autre, et une année Corbeau. »



Le lien le plus immédiat entre eux est ce livre de Diogène, racontant la quête d'Aethon. Ce livre fera partie de leur histoire à chacun au cours des siècles, et l'auteur nous révèlera peu à peu toutes les ramifications qui unissent ces hommes et femmes au cours de l'histoire. Beaucoup d'informations dans les premiers chapitres, qui peuvent dérouter certains lecteurs, et peu à peu le récit s'organise, rythmé par les chapitres du livre de Diogène, et les différentes parties du récit s'accordent les unes aux autres, telles un puzzle immense. Je suis admirative de la façon dont l'auteur a mis en place toutes les petites pièces qui trouveront toutes leur sens à un moment ou un autre.



L'auteur nous enchante par un talent de conteur hors du commun, rendant chacune de ces époques, chacun de ces personnages, réels, touchants. Aucun n'aura un destin glorieux, mais ils survivront et sauront nous captiver. Je les aurais tous aimés. Je n'en oublierai aucun.



Ce roman est aussi un formidable hommage aux bibliothèques et surtout aux bibliothécaires, ceux d'aujourd'hui et ceux d'hier, qui protègent et transmettent les livres. Ces livres qui sauvent l'homme de l'ignorance, de la solitude, qui lient les différentes générations, indispensables et pourtant si fragiles. Combien ont disparu au cours des âges, combien ont été détruits par la bêtise humaine, l'intolérance, le besoin de puissance et de domination.

Je terminerai cette critique par la dédicace de l'auteur :

« À tous les bibliothécaires passés, présents et à venir »

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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Voilà un roman que je termine sans déplaisir mais bizarrement je n'ai pas été emporté comme je l'espérais. Deux destins pendant la seconde guerre mondiale de l'occupation à la libération, Marie-Laure est une jeune française aveugle réfugiée à Saint Malo, Werner lui est allemand as des transmissions,après un périple dans l'Europe, se retrouve lui aussi dans la cité corsaire. Ajouté à cela un troisième personnage, un officier SS malade à la chasse d'un diamant qui aurait des pouvoirs d'immortalité. Anthony Doerr alterne chaque histoire dans des chapitres courts qui donne un rythme incontestable au roman. Pourtant les pages défilent et l'empathie tarde pour ces personnages que Doerr peine à nous faire aimer. Je m'attendais à un roman au souffle épique, une saga qui m'emporterai (avec un sujet pareil il y avait matière), je n'y ai vu et lu qu'un livre agréable mais bien loin du chef d'oeuvre annoncé.
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La cité des nuages et des oiseaux

Mêlant mythes antiques et science-fiction dans une formidable traversée des temps dédiée « À tous les bibliothécaires passés, présents et à venir », Anthony Doerr rend un fervent et éblouissant hommage à la littérature et à tous ceux qui contribuent à son rayonnement par-delà les siècles.





Combien d’écrits, perdus au fil du temps, ont-ils disparu définitivement ou dorment encore, cachés en quelque recoin oublié, doucement rongés par l'âge, les champignons et les insectes, en attendant que, peut-être, leur découverte ne leur redonne un jour la parole ? « Un texte – un livre – est un lieu de repos pour les souvenirs de ceux qui ont vécu avant nous. Un moyen de préserver la mémoire après que l’âme a poursuivi son voyage. » « Mais les livres meurent, de la même manière que les humains. Ils succombent aux incendies ou aux inondations, à la morsure des vers ou aux caprices des tyrans. Si personne ne se soucie de les conserver, ils disparaissent de ce monde. Et quand un livre disparaît, la mémoire connaît une seconde mort. »





Un manuscrit très ancien et abîmé, relatant, à la manière des Oiseaux d’Aristophane, l’odyssée d’un berger vers une utopique cité céleste, royaume des créatures ailées, est retrouvé par hasard dans la Constantinople de 1453, assiégée par les Ottomans. Dans l’atmosphère apocalyptique qui précède la chute de la ville et la fin de l’Empire romain d’Orient, le petit codex est miraculeusement sauvé de la destruction en même temps qu’il favorise la fuite conjuguée de deux adolescents, Anna et Omeir, représentants de chaque camp. Après encore bien des turpitudes et des détériorations supplémentaires, il parvient entre les mains de Zéno le bien-nommé – Zénodote fut le premier bibliothécaire de la bibliothèque d’Alexandrie –, un Américain du XXe siècle dont un érudit anglais, rencontré dans les camps de prisonniers de la guerre de Corée, a sauvé la vie en lui communiquant sa passion pour les grands textes et mythes de l’Antiquité. Mais Zéno et la bibliothèque de sa petite ville se retrouvent au centre des visées terroristes d’un jeune écologiste déterminé à frapper fort pour tenter de freiner la destruction de la forêt. C’est dans une navette spatiale fuyant en 2146 la Terre dévastée en direction d’une autre planète, qu’une adolescente explorant virtuellement la vie grâce à la formidable bibliothèque stockée dans une incollable intelligence artificielle, devra elle aussi son salut à la découverte de l’utopie rédigée deux mille ans plus tôt…





Constatant avec mélancolie la fragilité de la littérature, dont une part s’évapore inexorablement au fil du temps, siphonnée par les guerres, la précarité et les catastrophes naturelles en même temps que passent les générations humaines, Anthony Doerr s’émerveille en même temps de son universalité et de ses pouvoirs salvateurs. Dans un monde qui, à aucune époque, n’aura su s’affranchir de la violence, de la peur et du désespoir, il célèbre son enchantement possible grâce à la force de l’écriture et de l’imaginaire, à la capacité de la littérature de s’affranchir du temps et des frontières, de nous ouvrir les portes de l’utopie et de l’espoir. Et c’est avec un immense plaisir que, fasciné par la savante imbrication de chacun des récits qui forment ce roman-fleuve aux multiples atmosphères prégnantes, l’on se laisse emporter par sa narration aussi fluide, dense et vivante qu’érudite et pertinente.





« À chaque signe correspond un son, associer les sons revient à former des mots, et en associant les mots on finit par bâtir des univers. » On ne se lasse pas de celui que cet auteur, fort de son merveilleux talent de conteur et de son imagination sans pareille, nous donne à explorer. Coup de coeur.


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La cité des nuages et des oiseaux

Je vous écris ce billet depuis les entrailles d'un Léviathan et je vous assure que ce n'est pas un endroit très confortable pour écrire. Ça bouge tout le temps, ces petites bêtes... En plus il y a plein d'arrêtes, ce que je déteste par-dessus tout dans le poisson...

Le récit démarre dans une capsule spatiale appelée L'Argos qui nous propulse dans un temps futur indéfini, sauf peut-être pour ceux qui ont programmé sa trajectoire.

Mince ! Un récit de SF, ai-je pensé tout d'abord. Cela vous donne déjà un aperçu de mon appétence pour le genre... Mais non, c'est bien autre chose, même si cela l'est aussi d'une certaine manière...

La Cité des nuages et des oiseaux est l'histoire d'un manuscrit qui traverse les âges.

Le temps est cet indicible et vertigineux territoire qui abrite, protège, broie aussi.

La Cité des nuages et des oiseaux est le titre du livre dont je vous parle, mais c'est aussi le titre d'un livre qui aurait été écrit il y a de cela plus de dix-huit siècles par un certain Antoine Diogène, un auteur grec de l'époque romaine. Et la genèse de la Cité des nuages et des oiseaux part de ce manuscrit disparu, puis retrouvé par hasard...

C'est donc un livre qui parle d'un livre, un peu comme le voyage d'un Léviathan qui aurait englouti le monde dans lequel nous sommes et que je vous décris en le contemplant à travers la gueule ouverte du monstre qui m'a avalé... Vous me suivez ?

J'aurais très bien pu écrire ce billet d'un autre endroit plus confortable, tiens par exemple dans un vaisseau intersidéral, - quoique, ou bien sous les remparts de Constantinople, la gardienne des textes anciens ou pourquoi pas sur le dos d'un âne depuis une plaine de l'Arcadie.

J'aime bien me mettre en situation pour écrire mes billets. Les entrailles d'un Léviathan ne sont peut-être pas l'endroit idéal pour explorer le monde et ses méandres, mais il offre une capacité de voyager indéniable, traversant les mers, effleurant les rivages, défiant les contrées les plus insaisissables...

C'est un récit choral comme je les aime. Un manuscrit traverse le temps et capte toutes ces voix, nous les renvoie par le truchement de l'imaginaire comme des miroirs jouant avec le soleil, avec les constellations qu'il traverse.

Les premiers chapitres m'ont permis de faire la connaissance de tous les personnages avec lesquels je m'apprête à voyager... Chacun habite un récit qui lui est propre, un temps qui lui est propre aussi, viendra un romancier qui s'appelle Anthony Doerr, qui dans un geste empli de jubilation et de virtuosité, va couturer l'ensemble comme un orfèvre autour d'un seul chemin : celui d'un livre. Quelle prouesse !

Certains de ces personnages sont attachants et je ne suis pas prêt de les oublier. Konstance en voyageuse intersidérale du vingt-deuxième siècle à destination de la planète Bêta Oph2, Anna et sa soeur Maria dans la Constantinople du quinzième siècle, un jeune berger du nom d'Omeir né avec une fente labiale, Zeno Niris vétéran de la guerre de Corée, traducteur inspiré, Seymour Stuhlman, inquiétant jeune homme qui a l'âme d'un terroriste au motif qu'il veut sauver la planète en danger...

Sans oublier ces cinq enfants d'une bibliothèque municipale de Lakeport, dans l'État de l'Idaho aux États-Unis...

Ils ont plusieurs points communs même s'ils ne se connaîtront jamais. Un seul leitmotiv les anime et va donner sens à leur existence : un livre, un manuscrit miraculeusement préservé venu des limbes de la Grèce antique, écrit par un certain Antoine Diogène...

Les différents chapitres font écho les uns aux autres puisqu'ils nous parlent que d'une seule et même chose : l'odyssée d'un manuscrit.

Ce récit qui ressemble à lui seul à un immense vaisseau traversant le temps est avant tout un magnifique hommage à l'univers des livres.

Plus que conteur, Anthony Doerr se fait ici griot, dépositaire d'une histoire à transmettre à travers les âges, puisant à la fois dans son imaginaire épris de fiction, mais aussi dans les récits mythologiques et les riches références historiques qui peuplent ce livre.

S'il me venait spontanément un adjectif, là à cet instant, ce serait celui de tourbillonnant.

C'est un récit vaste comme l'espace dans lequel nous voyageons sans nous en rendre compte au quotidien, c'est un récit qui se déplie sous la forme d'une odyssée.

C'est un récit qui nous parle d'humanité, celle qui vacille sous la menace ou l'emprise des barbaries, des guerres, de la disparition des espèces vivantes et du changement climatique..., une humanité en perdition qui joue à chaque instant sa survie...

La plus belle image du récit que je garderai en moi après sa lecture est celle que la littérature est la discipline à avoir su inventer le premier voyage dans l'espace.

Livre-monde,

Livre-vaisseau,

Livre-Léviathan,

Livre-Arche de Noé,

Livre-humanité...

Je n'en finis pas de déplier toutes les possibilités de ce livre comme une cartographie infinie tout en contemplant l'espace-temps abyssal que je traverse et que j'aperçois lorsque le Léviathan se met à bailler... Oui je confirme, un Léviathan ça baille, c'est même à ça qu'on le reconnaît...

Odes aux bibliothèques (et je rajouterai : odes aux bibliothécaires),

Odes à la transmission,

Odes aux quêtes insensées...

Oui, ce livre célèbre les quêtes insensées si l'on peut ainsi qualifier celle de vouloir protéger à toutes forces un manuscrit vieux de plus de dix-huit siècle.

En filigrane se détache comme ultime message celui-ci que seule la littérature pourra nous sauver. Mais nous sauver de quoi ? Peut-être de nos propres démons...

La fin du roman pourra surprendre certains d'entre nous... Récit inachevé ? Bâclé ? Ouverture vers d'autres espace-temps ? Elle ressemble peut-être tout simplement à l'âme de ce livre... Une histoire qu'il reste encore à transmettre aux générations futures...

Et comment ne pas oublier la fabuleuse dédicace qui entame le livre d'Anthony Doerr :

« À tous les bibliothécaires passés, présents et à venir. »

Cet écrivain est remarquable et ce livre m'a tout simplement rendu heureux.

Il me faut à présent glisser mon billet dans une bouteille et la jeter par-dessus les vagues en espérant qu'un lecteur attentif la recueillera au bord d'un rivage...

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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Toute la lumière que nous ne pouvons voir est un roman magnifique.

2 personnages sans lien l'un avec l'autre.

On s'attache à Marie-Laure, jeune fille française aveugle.

On s'attache tout autant à Werner, jeune homme allemand.

Tous deux sortent de l'enfance brutalement, rentrent dans cette 2nde guerre mondiale sans choix, inévitablement.

On passe de l'histoire de l'un, puis de l'autre, alternativement.

600 pages qui se lisent très rapidement grâce au rythme qu'a su insuffler l'auteur, grâce aux chapitres courts.

En fin de livre, on imagine très bien cette fin de guerre, du côté français comme du côté allemand, où rien n'est tout rose ou tout noir.

C'est la 1ère fois que je m'interroge sur ce que la guerre a pu être pour les Allemands.

De même on imagine souvent la joie des Français une fois que le débarquement a eu lieu, mais tout n'a pas du être simple après cette longue guerre. Les plaies physiques et morales ne se sont pas refermées d'un coup... La lumière n'a pas du réapparaître aussi facilement qu'on peut le croire...
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Pendant la seconde guerre mondiale, deux destins que tout oppose, celui de Marie-Laure, jeune aveugle réfugiée chez son oncle à Saint-Malo, et celui de Werner, orphelin recruté par la Wehrmacht pour son génie des transmissions électromagnétiques, finissent par se croiser sous les bombes de la Libération qui pilonnent la cité malouine.





Vaste fresque épique et foisonnante, cette histoire très romanesque centrée sur deux adolescents est un récit d’aventures et d’apprentissage sur fond de guerre. Alternant entre le Paris de l’Occupation qui tente de sauver ses trésors, comme ceux du Museum d’Histoire Naturelle où travaille le père de Marie-laure, et une Allemagne jetée dans une folie meurtrière et dévastatrice qui n’épargne pas sa population, embrigadée, exploitée et terrorisée, la narration converge vers la cité corsaire de Saint-Malo, dans un décor magique de pierre et de mer bientôt voué à l’enfer du feu et de la destruction lors des bombardements de la Libération.





Dans ce maelström, Marie-Laure et Werner sont deux galets roulés et usés par la tempête, tous deux emportés malgré eux dans une vague qui leur dérobe leur innocence. Les confrontant au pire et à ce qui devrait les dresser l’un contre l’autre, elle finit par les pousser aux choix les plus essentiels, ceux qui préserveront leur humanité, et, à travers elle, l’avenir du monde. Un curieux mélange de poésie et de réalisme imprègne les pages de ce roman aux multiples niveaux de lecture. Derrière la restitution historique pleine d’exactitude et de discernement, où les populations, y compris allemandes, se retrouvent toutes victimes du conflit qu’elles subissent, se dessine une fable symbolique, porteuse d’espoir et de réconciliation, comme celle qui unira les descendants respectifs des familles de Werner et de Marie-Laure.





S’accrochant coûte que coûte aux beautés d’un monde qu’on croirait pourtant devenu fou, l’auteur s’émerveille de curiosités autant naturelles que scientifiques : oiseaux, diamant fabuleux, ingénieuses maquettes de villes pleines de compartiments secrets, magiques transmissions radio… Habité par Jules Verne dont les Vingt mille lieux sous les mers jalonnent le récit, ce roman historique teinté de poésie fabuleuse, où la lumière refuse de céder le pas à l’ombre, m’a aussi parfois évoqué Marina de Carlos Ruiz Zafon. C’est d’ailleurs avec le même étrange envoûtement que l’on parcourt chez l’un la cité de Saint-Malo, et chez l’autre la ville de Barcelone.





Aucun temps mort ne vient rompre le rythme de cet épais roman qui se dévore avec le plus grand plaisir. Entre Histoire, aventure et fable, il emporte le lecteur dans une intrigue originale, pleine d’intelligence et de sensibilité, dont le point d’orgue est sans aucun doute son extraordinaire évocation de la cité malouine et de sa libération en août 1944.


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La cité des nuages et des oiseaux

Antoine Diogène est un écrivain grec de l'époque romaine, auteur d'un récit de voyages fabuleux en 24 livres intitulé « Les merveilles d'au-delà de Thulé », qui ne nous est pas parvenu mais que Photius a retranscrit dans sa Bibliothèque. Intitulé ici "La cité des nuages et des oiseaux", c'est autour de cette œuvre que tourne toute l'histoire d'Anthony Doerr, véritable voyage à travers les siècles qui m'a totalement conquise.



Il faut certes s'accrocher au départ, puisque nous sommes d'emblée baladés d'une époque à l'autre, d'un personnage à l'autre, mais on a tôt fait de prendre notre envol quand on comprend que tout se découpe sur trois périodes principalement où nous suivrons cinq personnages au total : au XVème siècle auprès d'Anna et Omeir à Constantinople, du milieu du XXème siècle à nos jours auprès de Zeno et Saymour en Idaho, et pour finir dans le courant du XXIIème siècle auprès de Konstance dans un vaisseau spatial en route vers une planète habitable.



Passé, présent et futur se mêlent au fil des pages. "La cité des nuages et des oiseaux" de Diogène en est le fil conducteur puisqu'il traverse les siècles tout en parvenant à transporter ses lecteurs vers des contrées inconnues. Tout commence en 1453 avec Anna, qui n'oublie pas de le fourrer dans son sac dans sa fuite, lorsqu'elle tente d'échapper au siège de Constantinople. Tout se termine avec Konstance en 2146, dont je ne peux rien dévoiler. Mais entre ces deux périodes, il y a ce fameux 20 février 2020 : une bibliothèque municipale dans une commune de l'Idaho, une ultime répétition avant la représentation d'un spectacle racontant le voyage d'un homme en quête d'une cité dans les nuages, un ancien combattant, cinq enfants, un jeune homme un peu perdu et incompris, et une bombe...



J'ai eu un peu de mal au début, du mal à me mettre complètement dedans. Les chapitres étant assez courts, je passais trop rapidement d'une époque à une autre et d'un personnage à un autre, ne me laissant pas le temps de les apprivoiser. C'est finalement venu tout seul, sans que je ne m'en rende vraiment compte. La plupart des fins de chapitre nous laissant en plan, j'étais bien obligée de continuer ma lecture pour pouvoir retrouver le fil. Un coup, j'étais pressée de retrouver Konstance, un autre Zeno et Saymour, ou encore Anna et Omeir. Complètement prise au piège dans ce cercle vicieux, j'ai fini par tourner et tourner les pages à une vitesse faramineuse.



Anthony Doerr a fait un travail remarquable, complet. Son roman, au premier abord un peu complexe, n'en est en fait que minutieusement bien construit. Les fils se dénouent au fur et à mesure qu'on avance dans notre lecture. Passé, présent et futur ne feront plus qu'un au fil des pages. Tout se rejoint, tout s'explique petit à petit. L'ensemble est judicieusement bien amené. Ajoutez à cela des personnages également bien fouillés, des descriptions foisonnantes mais jamais barbantes parce que nécessaires, et vous obtenez un roman captivant sachant mêler le temps et l'Histoire à l'imaginaire et au merveilleux.



Mélangeant l'historique, le contemporain et la science-fiction, je ne saurais comment définir ce roman. Mais aucune importance ! Parce que j'ai adoré ! N'est-ce pas là l'essentiel ?



"La cité des nuages et des oiseaux" est un très beau voyage à travers le temps et l'espace. Un petit pavé de 704 pages dans lequel on en redemanderait encore et encore, qu'on ne tient pas à terminer trop vite. Un roman complet, captivant et qui plus est très bien écrit.

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La cité des nuages et des oiseaux

Prêts pour un voyage extraordinaire dans le temps et l’espace ! Alors plongez dans ce roman foisonnant d’Antoine Doerr ! Du moyen-âge à nos jours, avec même une incursion dans un futur interstellaire, de la Perse aux États Unis en passant par la Corée, la narration vertigineuse nous entraine dans son tourbillon .



Qu’est-ce qui unit ces lieux et ces époques disparates ? Un codex, un ancêtre du livre moderne, un manuscrit qui passe de mains en mains, de conflits en inondations, manquant chaque fois de disparaître dans un oubli inéluctable, mais qui renaît à chaque fois de ses cendres, au risque de devenir de plus en plus difficile à déchiffrer, tant les affres du temps et les catastrophes dont il est témoin le mettent à rude épreuve.



On aime ces héros modestes, qui seront agent de transmission de la légende de Diogène , l’auteur des pages précieuses, dont l’ambition était au départ de conter une histoire à sa fille; on aime l’adresse qui consiste à faire entrer la Grande Histoire au coeur des vies minuscules ballotées par des événements qui les dépassent.



Malgré les bonds dans le temps et l’espace, on est rapidement familier avec les différentes époques où nous transporte l’auteur et les portraits des personnages sont suffisamment bien brossés pour que leur évocation nous soit vite claire.



On salue ce talent de conteur remarquable et c’est avec ce type de roman que l’on sait pourquoi on aime tout lâcher di quotidien pour vivre par procuration mille autres vies, au travers de si magnifiques pages.







704 pages Albin-Michel 14 septembre 2022


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

L'enfance envolée.



Marie Laure est aveugle et fuit le Paris de l'Occupation pour se réfugier à Saint Malo avec son père dépositaire d'un étrange trésor de Musée parisien.

Werner, orphelin sans avenir, petit génie des maths et de la physique est enrôlé pour son talent de télégraphiste dans l'armée allemande, dérivant dans la furie nazie, pistant sans relâche par triangulation des ondes radio les poches de résistance.

Par une narration temporelle imbriquée, le fil rouge qui les relie nous conduit dans une cité corsaire de nuit, brouillard et fracas des armes, site hallucinant des bombardements alliés de 1944.



Livre historique, roman d'apprentissage et de perte de l'innocence, expérience poétique et sensorielle, ce livre apporte plusieurs niveaux de plaisirs littéraires. Les expériences croisées des deux jeunes enfants grandissant dans un monde de furie et de pertes personnelles nous sont relatées avec une intelligence de structure romanesque, une distanciation qui évite le pathos dans la dramaturgie. Il y a comme un filtre qui nous fait vivre ces années de guerre par procuration, par les yeux, les sentiments et l'extrême maturité de l'enfance envolée trop vite.



Cette mise en hauteur de l'occupation, pourtant très réelle, meurtrière et bruyante, est bien illustrée par la passionnante approche du monde impalpable des ondes radio, par la magie de la compréhension des choses par les sens, par l'écho des événements en parallèle avec un livre de Jules Verne. J'ai vécu le bombardement de Saint Malo par la perception de la cécité de Marie Laure, expérience effrayante.



De très beaux personnages, soigneusement construits, décalés, attachants, une toile de fond magnifique de remparts et de bord de mer martyrisés. Rythmé par des chapitres courts jamais pesants, une écriture aisée, c'est un roman un peu mystérieux, lyrique, musical, coloré, qui renouvelle le genre Seconde Guerre mondiale, par son originalité et sa sensibilité.

Et un coup de chapeau pour un écrivain américain qui, par son travail de documentation, a su si bien me faire vibrer à la lecture de la destruction d'une ville qui me ravie toujours autant.

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La cité des nuages et des oiseaux



“ Ώ ξένε, ὄστις εἶ, ἄνοιςον, ἴνα υἀθῃς ἂ θανυάξεις

Étranger, qui que tu sois, ouvre ceci et tu apprendras des choses stupéfiantes.”

Passé, présent, futur.

Passé:

Anna adolescente de 14 ans vit ses journées dans l’insouciance de son âge. Elle habite Constantinople avec sa sœur aînée Maria. 1439 La ville se prépare au siège des troupes Ottomanes; c’est la fin de l’empire Byzantin. Lors d’une de ses déambulations quotidiennes Anna va faire deux découvertes qui vont transformer sa vie, d’étranges caractères sur un vélin que lit un vieil homme à ses élèves, un épisode de l’odyssée et et la découverte dans un prieuré abandonné d’un codex d’un certain Antoine Diogène « la cité des nuages et des oiseaux « va être l’occasion de fuir la ville et de devenir la gardienne d’un savoir oublié. Au même moment Omeir jeune homme Bulgare est enrôlé de force avec ses deux bœufs par les troupes du sultan direction Constantinople. Omeir est un garçon solitaire rejeté par la troupe à cause de son bec de lièvre.



« πολλῶ δ´ άνθρὠπων ἴδεν ἄστεα ϰαἱ νόον ἔγνω »

« Celui qui visita les cités de tant d’hommes et connut leur esprit « 

Présent :

Zeno Ninis vétéran de la guerre de Corée se souvient, ce camp de prisonniers et sa rencontre avec Rex un professeur de grec ancien, la découverte de cette écriture mystérieuse qui allait faire de lui un gardien du savoir. Maintenant Zeno est vieux il se souvient: A égale ἄλφα égale alpha. B égale βῆτα égale bêta. Ω égale μέγα égale oméga.

Dans la bibliothèque de Lakeport Idaho Zeno suit la répétition de la pièce « la cité des nuages et des oiseaux en compagnie des enfants de la ville.

Au même moment Seymour un garçon plein de douleurs et de rancœurs s’apprête à commettre l’irréparable. Souvent seul, livré à lui-même il passe son temps entre l’école,la bibliothèque et la forêt derrière sa maison. Seymour est malade, avec son casque anti bruit sur les oreilles il est vite mit de côté par les élèves de sa classe. La disparition d’ami fidèle va être la goutte qui va faire déborder le vase.

Futur :

Konstance jeune adolescente de 14 ans navigue à bord de l’Argos une navette spatiale qui file vers la planète Beta Oph2. Elle fait partie de la deuxième génération. Sa vie à bord est gérée par une intelligence artificielle Sybil. Après les cours et divers travaux Konstance se réfugie dans la bibliothèque virtuelle.

Voilà la trame de ce roman doudou comme dirait Sonia. Un voyage dans le temps que nous offre Anthony Doerr, une éblouissante aventure où les thèmes abordés comme l’écologie, la littérature et la transmission du savoir ou encore l’exclusion sociale à cause de différence physique ou mental . A travers ce voyage on suit l’épopée du berger Aethon qui rêve de découvrir la cité des nuages et des oiseaux et de la malédiction qui le punit de sa curiosité. Le fameux codex qui relie les personnages du roman. J’ai adoré ce roman malgré une pirouette de l’écrivain sur la fin de l’histoire. Mais je lui pardonne aisément tellement il m’a rendu heureux.



παράδειος, paradeisos, paradis : un mot qui signifie « jardin « 
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La cité des nuages et des oiseaux

Epoustouflant ! Anthony Doerr s’avère être un réel maestro !

Un récit absolument hors-norme, inclassable, qui charme, émeut, transporte.



Anna et Maria sont des petites brodeuses sans cesse penchées sur leur ouvrage à Constantinople en 1439, Omeir, un jeune garçon au bec de liève en Bulgarie à la même époque.

Zeno Ninis que l’on va suivre à différentes périodes de sa vie, enfant, jeune soldat lors de la guerre de Corée, puis à Lakeport en Idaho en 2020.

Seymour un jeune garçon qui vit seul avec sa mère pleine d’amour et de tendresse envers son enfant qui semble souffrir de troubles du comportement.

La très jeune et déroutante Konstance, qui vit à bord de l’Argos, un vaisseau spatial qui a quitté la terre pour assurer la survie du peu qui reste de l’humanité, à destination de la très lointaine planète Beta Oph2, si lointaine que Konstance n’a même pas l’espoir d’arriver vivante à destination.

En fil rouge, reliant étrangement de diverses manières les personnages, Aethon, héros d’un conte de la Grèce Antique, dont une grande partie du texte d’origine a été perdu, suite aux outrages du temps et des hommes, … Chaque folio de ce texte ouvre les 24 chapitres du livre (comme les 24 lettres de l’alphabet grec), en véritable fil d’Ariane.

Anthony Doerr entrelace avec aisance les récits, les personnages, les époques sans jamais perdre le lecteur. A chaque fois, quelle frustration de quitter un personnage, mais quel plaisir d’en retrouver un autre et de poursuivre ses aventures !

L’auteur aborde une multitude de sujets, la protection de l’environnement et des animaux, l’amour, l’homosexualité, la générosité, la guerre, la peur des étrangers, …Mais plus que tout, c’est l’amour des livres qui permet la transmission du savoir, les histoires qui guérissent, on ne meurt pas avant de connaître la fin d’une histoire…

Au début, l’histoire de Konstance m’est apparue incongrue, me semblait faire un peu tache parmi les autres récits, mais au fil des pages, elle s’avère être une des plus intéressantes, de celles qui font le plus réfléchir et son retournement final s’est avéré assez inattendu.

Une épopée-odyssée magique et magnifique qui plaira aux rêveurs, aux amateurs d’histoires. Un livre pour retrouver en chacun de nous l’enfant qui sommeille et qui attendait sagement tous les soirs l’heure de l’histoire (ce qui peut faire pas mal de monde au total)…

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La cité des nuages et des oiseaux

Pour la rentrée littéraire, la collection Terres d’Amérique d’Albin Michel a mis les petits plats dans les grands. Non content de révolutionner le monde de la fantasy avec la publication en septembre de Léopard noir, loup rouge de Marlon James, voici qu’arrive le même mois un autre mastodonte avec La Cité des nuages et des oiseaux, nouveau roman de l’américain Anthony Doerr.



Si ce nom vous est familier, c’est parce que son précédent roman, Toute la lumière que nous ne pouvons voir, a été un carton critique et public, récoltant même le prestigieux Prix Pulitzer en 2015.

C’est avec un ouvrage des plus ambitieux de presque 700 pages que nous revient Anthony Doerr…et le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il va faire du bruit !



De Constantinople à l’Argos

Alors même que l’on entame ce pavé, on réalise que l’on tient entre les mains un énorme récit choral où s’entrelace les époques et les personnages.

On grimpe ainsi aux cotés d’une certaine Konstance, une jeune fille vivant dans un vaisseau spatial appelé Argos fonçant vers la lointaine Beta Oph2 en compagnie de ses parents et de passagers triés sur le volet. Pour les guider, une intelligence artificielle appelée Sybil qui rassemble tout le savoir d’une humanité désormais au bord de l’extinction.

À peine a-t-on eu le temps de se familiariser avec cet étrange environnement que le récit retourne dans le passé aux alentours du milieu du XVème siècle dans une ville légendaire : Constantinople. On y fait la connaissance d’une autre petite fille curieuse et sensible : Anna.

Avec sa sœur Maria, Anna vit près du couvent Sainte-Théophania et travaille dans l’atelier de broderie de Nicolas Kalapathes, un impitoyable marchand aussi cruel qu’inflexible. De la cellule minuscule où elles dorment la nuit, Anna rêve de bien davantage qu’un métier de brodeuse. C’est au détour d’une fenêtre qu’elle entend alors une bien singulière histoire, celle d’un homme parti à la guerre et dont l’odyssée a traversé les siècles, un certain Ulysse.

En cherchant à en apprendre davantage à son sujet, Anna fait la connaissance du vieux Licinius qui va lui apprendre à lire et lui ouvrir ainsi les portes d’un monde complètement nouveau.

Quelques kilomètres plus loin à la même époque, en Bulgarie, un jeune garçon voit le jour dans un petit village. Il s’appelle Omeir, celui qui a une longue vie. Affublé d’un terrible malformation qui ressemble à s’y méprendre à un bec de lièvre, Omeir devient un paria et contraint ses parents à s’exiler du petit village où on le dit possédé par le démon. Avec ses parents et ses sœurs, Omeir prend la route et affronte la misère et la mort. C’est lors de la naissance de deux bœufs, Arbre et Clair-De-Lune, qu’Omeir comprend que la vie peut de nouveau lui sourire… jusqu’à l’arrivée d’une troupe de combattants qui emmène les deux animaux et le jeune garçon pour répondre à l’appel du nouveau Sultan qui désire mettre à bas la ville des villes : Constantinople.

De nouveau, le lecteur est transporté dans le temps et fait route vers l’Idaho et, plus précisément, à Lakeport. On y retrouve un jeune garçon au nom incongru, Zeno Ninis. Immigré aux États-Unis, Zeno doit faire face à l’hostilité des autres gamins et à leurs insultes. Baiseur de moutons, Métèque, Zéro.

C’est par hasard que Zeno tombe sur un bâtiment qui va changer sa vie : une bibliothèque. À l’intérieur, deux femmes vont lui ouvrir les portes d’un nouvel univers, celui de la littérature. Bien des années plus tard, en 2020, le vieux Zeno répète une pièce de théâtre avec plusieurs adolescents à la bibliothèque tandis qu’un jeune homme perturbé fait irruption dans celle-ci.

Seymour. Dernier personnage de cette immense fresque, jeune gamin d’une immense sensibilité et pas tout à fait comme les autres, différent. Un gamin qui a grandi avec sa mère, Bunny, dans la misère et les dettes. Un gamin qui s’est trouvé un unique ami dans ce monde hostile, une chouette qu’il appelle Ami-Fidèle. Lorsque celle-ci trouve la mort alors que l’on construit de façon frénétique sur les terrains sauvages qui entourent sa maison, Seymour perd pied et se met à détester ces gens qui détruisent le monde autour de lui.

Le jeune homme se met alors en tête de faire payer la mort de son Ami-Fidèle. Peu importe ce qu’il lui en coutera.

Et…voici ! Un long, très long résumé pour vous mettre en place la galerie de personnages de ce monstrueux roman qui parcourt les siècles comme les genres. De Konstance à Omeir en passant par Seymour et Anna, Anthony Doerr aurait pu se contenter de dresser la vie (et les drames) de ces différentes existences. Mais il manque une chose importante à ce résumé…



L’écho des histoires

Il manque en l’occurrence un texte, celui de La Cité des nuages et des oiseaux d’un certain Antoine Diogène, auteur grec de l’époque romaine. En 24 chapitres (ou folio), voici l’histoire d’un berger qui entreprend l’impossible voyage vers une cité utopique à travers diverses métamorphoses improbables. Cette histoire (inspirée d’un texte réel, Les merveilles d’au-delà de Thulé) comprend un prologue où Diogène s’adresse à sa nièce souffrante à laquelle l’histoire est destinée et lui explique qu’il n’a nullement inventé le récit en question, qu’il l’a trouvé dans une tombe de l’ancienne cité de Tyr…

Mais quel rapport avec les nombreux personnages dont nous venons de parler plus haut ? Ce texte mythique va traverser les âges, être perdu puis retrouvé et perdu encore, pour influer sur les vies de tous. Il sera le texte découvert par Anna dans un monastère abandonné de Constantinople, le récit miraculeux qui sauvera Omeir et ses enfants, la bouleversante découverte qui redonne un sens à la vie de Zeno, la rédemption de Seymour et, enfin, la porte de sortie de Konstance. Comme si, d’une façon incroyable, surréaliste, l’écriture pouvait changer l’existence et acquérir l’immortalité que recherche l’humanité depuis toujours.

Anthony Doerr nous livre un texte proche de Cartographie des Nuages de David Mitchell, un texte protéiforme, mille-feuille de vies et d’époques, de genres et de thématiques, mais cette fois, l’écho n’est pas dans la réincarnation mais dans la littérature elle-même, dans les mots qui, si on les considère, peuvent survivre à tout.

C’est un paradoxe pourtant que tout du long, Anthony Doerr nous parle de la fragilité des livres, des œuvres, du savoir. Il nous explique avec patience et sagesse que la plus grande richesse est celle de l’esprit capable de tisser des mythes, ces choses à la fois vraies et fausses, imaginaires et réelles. Et cette richesse capable de transcender le temps, a cependant bien des ennemis.

Les inondations, les flammes, les vers, la pourriture, les tyrans, la guerre, l’oubli… et finalement le plus terrible et implacable d’entre tous : le temps.

Alors le livre, plus que tout autre, a besoin d’un protecteur : l’Homme, et, plus particulièrement, l’Homme sensible, celui qui comprendra qu’au-delà des péripéties et des métaphores se trouvent une vérité universelle : que l’on vit tant que l’histoire n’est pas achevée. La littérature comme une éternité.



Transmettre le mythe

Au travers de cette réflexion centrale, pivot du roman tout entier, Anthony Doerr va brasser un nombre de thématiques incroyables, avec toujours le souci d’en tirer une histoire cohérente, humaine et incroyablement émouvante.

Si la question du savoir et de l’éducation débute à Constantinople avec l’insatiable Anna, elle se prolonge jusque dans l’avenir où Constance se perd dans l’Atlas et fouille dans le passé quand tout le monde regarde les étoiles.

Mais dès l’arrivée d’Omeir (qui lui aussi vit une épopée guerrière comme le héros parfait qu’il n’est pas), Doerr nous parle d’écologie et de sensibilité envers les êtres vivants, tous les êtres vivants. Ce n’est pas un hasard si le jeune homme se lie d’amitié avec deux bœufs qui deviendront les choses les plus importantes de son récit avant longtemps. On retrouve cette sensibilité avec Seymour, forcément, un garçon exclu et pourtant extraordinairement sensible, un enfant autiste en réalité qui perçoit la lumière que nous ne pouvons voir, qui capte les subtilités de la Nature bien avant que la question écologique devienne capitale. L’injustice surgit également souvent dans La Cité des nuages et des oiseaux, et le destin est souvent cruel, difficile. Seymour en fera les frais, aveuglé par sa haine (compréhensible) et sa rage (légitime). Mais Anthony Doerr n’est pas un militant aveugle et obtus, il cherche à rapprocher et non diviser, à unir et non accabler.

C’est ainsi que même Seymour aura une chance de s’amender et de comprendre que tout n’est pas perdu pour le genre humain.

Une chose difficile à comprendre quand on plonge dans l’histoire de Zeno, homosexuel inavoué qui traverse les horreurs de la captivité durant la guerre de Corée et trouve l’amour qu’il est malheureusement incapable de formuler. L’époque, le regard des autres, les préjugés. Et pourtant, qu’y a-t-il de plus important que de retourner à la réalité, d’abandonner l’utopie pour revenir sur la terre ferme et avouer qui l’on est et ce que l’on aime ?

Qu’il parle d’homosexualité, d’enfances différences, de deuil, d’injustice ou d’handicap, Anthony Doerr n’oublie jamais avant toute chose l’ampleur de son entreprise et la profondeur de son histoire. En commun, la misère des petits, de tous ces personnages insignifiants pour la grande Histoire ou pour la société, souvent démunis, et qui, pourtant, forment l’ossature d’une histoire, une autre, plus intime et discrète, qui sauvegarde l’important, l’espoir, le futur, la transmission.

Car qu’est-ce que La Cité des nuages et des oiseaux si ce n’est une immense ode à la transmission du savoir, à sa conservation ? Ce n’est pas pour rien que le roman débute par une dédicace singulière « À tous les bibliothécaires passés, présents et à venir » comme un clin d’œil appuyé à ces gardiens du savoir qui passe aux autres l’amour des livres, des lettres, des contes, des mythes, des hommes…

Anthony Doerr trouve des échos entre les époques, harmonise les destins et donne d’étranges coïncidences à mâcher au lecteur (mais en sont-elles vraiment ?), il s’interroge sur notre capacité collective à réinventer sans cesse les mythes pour ne jamais les laisser mourir. Il nous offre alors un voyage grandiose, aux voix inoubliables et qui, plus que tout autre, célèbre le monde et ses splendeurs, du siège de Constantinople au froid environnement d’un vaisseaux spatial en passant par la boue d’un camp de prisonnier.

Cette odyssée, humaine, intellectuelle, émotionnelle, témoigne de notre propre grandeur, et à son tour, comme Diogène contant une histoire obscure retrouvée dans un tombeau, comme Anna lisant des feuillets ravagés pour sauver son enfant, comme Zeno et des adolescents jouant une pièce de théâtre à leur façon, Anthony Doerr tire de l’oubli un texte perdu qui n’a jamais existé et vit pourtant depuis toujours. C’est ainsi que va la littérature et le mythe, strate après strate, mot après mot. Vie après vie.



La Cité des nuages et des oiseaux jongle avec les époques et mélange les genres, du roman historique à l’écothriller en passant par la science-fiction et le récit de guerre. Anthony Doerr façonne sa propre Odyssée à travers les visages multiples de ses personnages insignifiants mais inoubliables, et quelque part sur le rivage aérien d’une cité utopique, il nous explique notre propre beauté et celle de notre création la plus sensible, la plus précieuse : notre capacité à raconter des histoires.

Le résultat est un chef d’œuvre d’humanité et d’intelligence dont on sort à la fois plus grand et plus humble.
Lien : https://justaword.fr/la-cit%..
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Toute la lumière que nous ne pouvons voir

Anthony Doerr nous propose de suivre le destin croisé de deux adolescents, d’origines différentes et de milieux différents. L’'un allemand, Werner, jeune orphelin élevé avec sa sœur dans un village de la Ruhr, enrôlé par les nazis pour son talent en radio et en transmissions.

L’autre, Marie-Laure, jeune française, fille d’un serrurier du Muséum d’Histoire Naturelle de Paris, gardien d’un diamant maléfique. Marie laure devient aveugle très jeune et trouve refuge à Saint Malo chez son vieil oncle Etienne.

Et ainsi l’on entre dans la peau de ces enfants bousculés dans un monde en guerre.

L'auteur nous emporte, dès les premiers chapitres. Happés par le destin et les hasards heureux ou malheureux ce jeune garçon et cette petite fille seront des « héros sans le savoir ». Mêlant à la fois poésie et lucidité, c'est un roman de vie, passionnant, profond, sensible avec une bonne dose de science et d'histoire parfaitement maitrisés.



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La cité des nuages et des oiseaux



“Étranger, qui que tu sois, ouvre ceci et tu apprendras des choses stupéfiantes.”



~~~



D'une beauté, d'une force et d'une inventivité absolument incroyables - un roman prodigieux! Repéré dès sa sortie, j'attendais de pouvoir le lire avec grande impatience et je n'ai pas été déçue, bien au contraire. J'en ressors à la fois éblouie et très émue, totalement sous le charme.



Le moins que l'on puisse dire est qu’Anthony Doerr n'a pas choisi la facilité. Il signe ici un ouvrage d'une ambition vertigineuse. Poétique et érudite, sa plume enjambe les époques, sillonne les continents, brasse multitude de thèmes (guerre, précarité, autisme, racisme, homosexualité, écologie*) et entremêle les genres (science-fiction, mythologie, conte, historique, aventure, drame*). Le tout avec une aisance, une fluidité et une sensibilité impressionnantes. 



Je me suis délectée de chaque mot, de chaque phrases; nombre de passages ont résonné fort en moi. 



~



“Tourner la page, se frayer un chemin sur les lignes : la barde se lance et fait apparaître dans votre tête un univers débordant de bruits et couleurs.”



Captivant et maîtrisé d'un bout à l'autre, “La cité des nuages et des oiseaux” convie le lecteur à un fabuleux voyage à travers le temps et l'espace. Projeté en premier lieu dans un avenir indéterminé, celui-ci va faire la connaissance de Konstance, une adolescente vivant à bord d'un vaisseau spatial en partance pour la planète Beta Oph2. Née à bord, elle n’a jamais connu la Terre. Remontant ensuite le cours des siècles, il va partir à la rencontre d’Anna et d'Omeir, deux jeunes gens habitant chacun de part et d'autre des murailles de Constantinople et qui vont assister à sa chute en 1453. Pour finir, il va se rendre de nos jours dans l’Idaho, aux côtés de Zeno et de Seymour. Alors que le premier répète avec des enfants une pièce de théâtre,  le second s'apprête à commettre l’irréparable.



Cinq protagonistes, trois époques et un texte ancien qui sera le fil rouge reliant futur, passé et présent. Datant du 1er siècle de notre ère et écrit par Antoine Diogène, le manuscrit va défier les ans, et jouer un rôle important dans l'existence des différents personnages. Yeux émerveillés, le lecteur en découvrira une partie au début de chaque chapitre.



“...Je suivis mes frères écailleux dans les profondeurs infinies, fuyant les dauphins rapides et redoutables. Sans prévenir, un léviathan fondit sur nous, le plus grand se tous les êtres vivants, une gueule aussi large que les portes de Troie, des dents longues comme les piliers d'Hercule et pointues comme l'épée de Persée.”



Ce magnifique roman choral célèbre avec éclat le pouvoir de l'imaginaire et parlera à n'en pas douter à tous les amoureux de littérature - à ceux qui la font vivre, la protègent, la nourrissent, la partagent, la transmettent génération après génération.



“Mon enfant, chacun de ces livres est un portail,  une ouverture qui te donne accès à un autre lieu, à une autre époque. Tu as toute la vie devant toi, et ils ne te feront jamais défaut.”







(*) Non exhaustif
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La cité des nuages et des oiseaux

Poétique et brillant, ce sont les 2 1ers adjectifs qui me viennent à l'esprit pour qualifier ce roman original et étonnant dédié "A tous les bibliothécaires, passés, présents et à venir".



Roman fantastique, historique, de science fiction, où tout s'entremêle parfaitement sans que jamais on ne se perde, c'est fascinant !

De courts chapitres, de plus en plus courts quand on approche de la fin du livre, nous font traverser les siècles de l'Antiquité jusqu'à un futur proche.

5 personnages principaux pour nous faire vivre cette épopée, liés par un manuscrit écrit par Antoine Diogène intitulé : la cité des nuages et des oiseaux.

"La cité des nuages et des oiseaux, un récit en prose partiellement disparu dans lequel l'auteur grec Antoine Diogène relate le voyage d'un berger vers une utopique cité céleste, date probablement de la fin du premier siècle après J.-C."

Anthony Doerr a inventé l'histoire du berger de ce livre mais s'est appuyé sur un texte réellement découvert par Antoine Diogène.



Dans ce roman choral ambitieux où tout s'imbrique merveilleusement, nous suivons donc 5 personnages extrêmement attachants.



Avec Anna et Omeir, nous sommes à la fin de l'Empire bysantin suite à la chute de Constantinople en 1453.

Anna, jeune brodeuse, vit à l'intérieur des murs de Constantinople. Elle préfère apprendre le grec ancien plutôt que les points de couture. Omeir, quant à lui, est enrôlé dans l'armée du sultan Mehmed II grâce ou plutôt à cause de ses 2 magnifiques bœufs. Leur destin se croisera après la prise de Constantinople par les Ottomans, Constantinople, ville qui abrite une des plus grandes bibliothèques au monde..

De nos jours, aux Etats-Unis, Zéno Ninis, un vieil homme, vétéran de la guerre en Corée, est bénévole dans une bibliothèque de l'Idaho. Il se passionne pour le grec ancien dont il traduit les textes.

A la même époque, Seymour, un jeune hypersensible, fréquente la même bibliothèque. Très proche de la Nature et ne supportant pas sa destruction, il est prêt à tout pour la défendre.

Enfin, Konstance, une adolescente de la fin du 21ème siècle, est enfermée dans une capsule spaciale, l'Argos. Ce vaisseau doit la conduire sur une lointaine planète afin de fuir le réchauffement climatique et ses effets dévastateurs sur la Terre. Ayant accès à un atlas virtuel depuis la bibliothèque de la capsule, elle garde le contact avec, notamment, les écrits du passé.



Anthony Doerr nous fait naviguer sur plusieurs siècles avec comme fil conducteur le texte "La cité des nuages et des oiseaux" qui jouera un rôle particulier dans la vie de chacun des protagonistes. L'auteur fait preuve d'une inventivité incroyable et arrive à mêler tous ces thèmes (faits historiques, différence, écologie), toutes ces histoires et l'Histoire avec une aisance extraordinaire. C'est brillant, je l'ai déjà dit mais c'est le mot qui me vient spontanément.

Ce livre, comme il a été dit de nombreuses fois, est un roman-mondes, un livre sur les livres, qui m'a un peu fait penser, beaucoup au début, à "La mer sans étoiles" d'Erin Morgenstern.

Un livre sur l'importance de la Culture mais aussi sur le bien-être voire le réconfort et les soins qu'ils apportent au lecteur. Un livre sur la transmission et sur les liens que tissent les ouvrages entre les siècles. Un livre aussi qui m'a touchée avec l'amour que portent les personnages aux animaux.

Un bel hommage à la Littérature qui peut sauver. Un message plein d'espoir dans un livre éblouissant ! Et bien sûr hommage à tous les bibliothécaires, qui, de tout temps, conservent les précieux écrits.



Je remercie Babelio et Audiolib qui m'ont fait découvrir ce roman et m'ont donné envie de lire"Toute la lumière que nous ne pouvons voir", livre pour lequel cet auteur talentueux a reçu le prix Pulitzer en 2015.

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La cité des nuages et des oiseaux

Je ne connaissais pas Anthony Doerr avant de m’atteler à la lecture de La Cité des nuages et des oiseaux : j’ai découvert un incroyable conteur, maîtrisant à la perfection la construction de son roman, et quel roman ! Une plongée de presque 700 pages dans des univers très différents, un va-et-vient intrigant entre des époques variées, un kaléidoscope de descriptions et de portraits, sans doute une expérience tout à fait unique dans cette rentrée littéraire de septembre ! À ceux qui craindraient ce roman dense et foisonnant : sachez qu’il se lit très facilement et qu’il n’est jamais confus. Bien sûr, il pourrait déstabiliser ceux qui tenteraient d’y coller une étiquette car il est tout simplement inclassable : certains passages tendent vers la science-fiction quand d’autres relèvent davantage du genre historique. Mais ce qui compte c’est l’unité : de Zeno, le professeur-traducteur passionné par la langue grecque, à Anna, la jeune brodeuse de Constantinople, en passant par Konstance qui n’a jamais connu que le vaisseau spatial dans lequel elle vit, tous les personnages de ce roman sont liés par un manuscrit prétendument écrit des siècles plus tôt par Antoine Diogène. Petit à petit, les éléments se superposent, les destins s’entrecroisent et tout prend un sens. L’œuvre protéiforme devient un beau roman choral. Un roman qui rend hommage à la littérature, à son caractère intemporel et fédérateur.


Lien : http://aperto-libro.over-blo..
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