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Citation de Henri-l-oiseleur


Procope et ses contemporains ne comprirent jamais pleinement les mécanismes psychologiques à l'oeuvre sous la surface froide et indéchiffrable de Justinien. Peut-être Théodora fut-elle la seule à y parvenir. Cela se voit au fait que jamais Justinien ne s'exprime au discours direct dans les oeuvres de Procope. L'Histoire Secrète décrit un technocrate stérile maniaque du secret, du meurtre, de la rapine, qui a remplacé ses émotions par des doctrines et se sert du langage pour cacher et non dire la vérité. Sa tyrannie était moderne en ce qu'elle était fondée sur l'idéologie ; Justinien était incapable de penser ou d'agir sans invoquer des principes théologiques. Il n'exagérait pas quand il disait "Nous sommes habitués à considérer Dieu en tout ce que Nous entreprenons" (préface de la Novelle 18). Par exemple, il invoquait la Bible pour réglementer le prix des légumes. Il révélait ainsi l'étendue de ses dispositions totalitaires, qu'il n'avait en commun avec aucun autre monarque antique ...

Il y a quelque chose d'inéluctablement moderne dans cette combinaison de dogmatisme et de bureaucratie, et il n'est pas surprenant que le même savant (Honoré, note 115) ait longuement comparé Justinien à Staline. Nous pouvons déceler en Justinien les caractéristiques de la tyrannie moderne, qui le différencient de ses contemporains : "le Tyran Terminal se présente comme un philosophe ... et comme l'exégète suprême de la seule vraie philosophie, comme l'exécuteur et le bourreau appointés par la seule vraie philosophie. Il affirme donc qu'il ne persécute pas la philosophie, mais les fausses philosophies." (Léo Strauss). ... Procope pouvait comprendre des guerres menées pour la gloire et le pillage, mais un gouvernant qui tuait ses propres sujets à cause de leurs croyances religieuses tout en réglementant le prix des légumes, la main sur la Bible, c'était une chose à quoi son éducation ne l'avait pas préparé. Il comprenait que "Justinien ne croyait pas commettre un meurtre si ses victimes étaient d'une foi différente." Comme Staline, "d'un visage aimable, sourcils abaissés, d'une voix douce, il ordonnait la mort de milliers d'innocents" (Shukmann, "Staline", 1999).

pp. 157-158
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