Storia Voce - 12 mars 2021
Le peuple à l'assaut du pouvoir (1789-1795)
Christophe Dickès reçoit Antoine Boulant.
Dans ses mémoires consacrées à la Révolution française, le baron Paul-Charles Thiébault disait de la capitale quelle était un « sol volcanique dont les torrents de feu séchappaient à la moindre secousse. » Or, une des expressions de ces torrents de feu est la fameuse journée révolutionnaire. Nous connaissons tous ce moment si particulier de la prise de la Bastille qui fu dans les faits une reddition
Il nempêche, la prise de la Bastille est devenue un symbole dès les premiers jours mais est-elle pour autant larchétype de la journée révolutionnaire ? Dailleurs, combien existe-t-il de journées révolutionnaires et comment naissent ces moments si particuliers de cette période? Qui en sont les meneurs et qui en sont les organisateurs ? Comment les autorités, les élus, le pouvoir réagissent-ils ? Quels sont enfin les conséquences de ces journées ?
L'invité: Docteur en histoire, Antoine Boulant est lauteur de nombreux travaux relatifs à lhistoire politique, institutionnelle et militaire du XVIIIe siècle, de la Révolution et du Premier Empire. Il a notamment publié une biographie de Saint-Just. Larchange de la Révolution, saluée par la critique, et La Journée révolutionnaire. Le peuple à l'assaut du pouvoir, 1789-1795 (Passés / Composés, 224 pages, 18).
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Il n'était cependant, ni plus habile, ni plus éloquent que les autres, mais son fanatisme politique avait un caractère de calme et d'austérité qui le faisait redouter de tous ses collègues.
Son attachement à la terre, sa condamnation de la loi agraire et sa volonté de créer une société de petits propriétaires étaient le lot de tous les Montagnards.
Désormais libérée de la contrainte du véto royal, l'Assemblée vota près de huit cents décrets en l'espace de cinq semaines, allant de la création du camp de fédérés sous Paris à la mise en place d'un tribunal extraordinaire, en passant par la vente des terres appartenant aux émigrés, la laïcisation de l'état civil, l'instauration du divorce, la destruction des statues royales ou la déportation des prêtres réfractaires.
Entre 1793 et 1795, la Convention nationale siège dans ses murs. On évoque désormais les Tuileries comme on évoquait Versailles sous l'Ancien Régime et comme on évoquera l'Elysée à partir de la Troisième République : le palais devient le symbole même de l'Etat.
Cette volonté des juges de rattacher un vol - certes d'une gravité exceptionnelle - (le vol du Garde-Meuble) à un complot contre-révolutionnaire est l'une des caractéristiques essentielles d'un procès de nature politique.
Le Comité de sûreté générale eut tout particulièrement recours à un procédé consistant à s'appuyer sur des individus incarcérés dans les principales prisons de la capitale pour leur faire révéler des conspirations prétendument préparées par certains prisonniers contre la Convention.
La méthode révèle… sans doute celle de nombreux membres du comité de dresser l'opinion publique contre Robespierre en le faisant apparaître comme le seul responsable du renforcement de la terreur.

Durant toute son existence, le Tribunal révolutionnaire eut à juger 5 215 personnes : 2 791 condamnations à mort furent prononcées – dont 94 % avant la chute de Robespierre –, frappant ainsi 53,5 % des accusés.
Devenu dès l’époque thermidorienne le symbole même de l’arbitraire judiciaire, le Tribunal révolutionnaire a fait l’objet de la réprobation morale de la plupart des grands historiens de la Révolution du xixe siècle. C’est ainsi que, tout en reconnaissant que le tribunal avait été « sérieux par le péril et la grandeur de la crise » et qu’il avait été composé de juges qui « respectaient la conviction » au cours des premiers mois de son existence, Jules Michelet souligna que le décret du 22 prairial avait fini par le transformer en une juridiction « exécrable par sa rapidité furieuse1 ». Quelques décennies plus tard, Alphonse Aulard écrivit que « beaucoup d’innocents périrent » et qu’il y eut « des méprises effroyables ».
Le 2 décembre, Saint-Just écrivait à l'accusateur public Claude Joseph Bruat une lettre qui laisse peu de doutes sur le rôle qu'il tint personnellement dans le fonctionnement de la commission :
"Nous apprenons que vos procédures languissent. Vous êtes trop longtemps à attendre les prévenus et vous laissez pressentir vos jugements. Vous êtes institués pour être justes, promps et sévères, mais souvenez-vous que la mort est sous le siège des juges iniques, comme sous celui des coupables."Bruat lui répondit qu'il croyait "devoir laisser à l'homme qui va mourir tous les moyens de se justifier".
Ainsi le tocsin est-il indissociable de toutes les insurrections : utilisé depuis le Moyen Age pour alerter la population d'un danger imminent, sonné par les églises ou le beffroi de l'Hôtel de Ville, il donna notamment le signal de l'insurrection aux premières heures du 10 août 1792, le baron Hüe, alors présent aux Tuileries, évoquant un son "lugubre et sinistre" qui suscitait "l'effroi dans les âmes".
Institués en avril 1789, les soixante districts de la capitale, remplacés par quarante-huit sections en mai 1790, avaient mis en place comités, délégués et assemblées qui se réunissaient sans véritable contrôle de la Commune et contribuaient progressivement à faire émerger le concept de souveraineté populaire.