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Critiques de Antoine Brea (24)
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Récit d'un avocat

Se lit d’une traite. Voilà, c’est clair et je préfère le dire dès le début. Ne prévoyez pas une autre activité avant d’avoir reposé cet ouvrage. Impossible. Ce récit d’un avocat vous happe littéralement car jusqu’aux trois quarts du livre, vous ne savez pas où vous allez. Vous sentez bien que l’étau se resserre sur le personnage principal mais c’est sans entrevoir le pourquoi du comment et encore moins l’issue. Et la raison est bien simple : le narrateur non plus ne sait pas où il va. Manipulé ? D’une certaine façon oui ou bien, fondamentalement, étranger au monde de la justice ou au monde tout court. Mais bon, commençons par le commencement…

Le narrateur (le texte est écrit à la première personne) est un jeune avocat qui, après quelques missions intéressantes, sombre petit à petit dans un quotidien assez terne : en effet, après des études de droit, des voyages en Asie Mineure et des fonctions de rapporteur à la Commission des recours des réfugiés où, pendant un an, il établit des rapports afin de proposer que soit accordé ou non l’asile politique à des étrangers, des kurdes souvent, il se voit finalement confier des tâches subalternes dans différents services de l’État. Pas de plaidoiries, pas d’effets de manche.

Ainsi, notre gratte-papier kafkaïen, pauvre sous-fifre de la justice, vit à l’étroit dans son bureau et dans son existence.

Jusqu’au jour où, il reçoit un étrange courrier de Mme H., magistrat honoraire à la Cour des comptes rencontrée lors de son année passée à la Commission des recours des réfugiés. Elle souhaite le rencontrer. Notre avocaillon se rend au Cercle de l’Union interallié où il est invité à déjeuner avec la dame en question et son mari. Très impressionné par les lieux (il faut préciser que le narrateur souffre de phobies multiples), il se voit exposer un fait plutôt étrange : en effet, Mme H. entretient une « correspondance de prison » avec un certain Ahmet A, détenu turc d’origine kurde emprisonné dans la maison centrale de Clairvaux et elle attend du narrateur qu’il essaie de faire sortir le plus rapidement possible ledit Ahmet A., au vu de son excellente conduite.

Le jeune avocat, rentré chez lui, fait des recherches sur Internet pour connaître un peu mieux l’affaire Annie B. Il découvre qu’Ahmet A. et son cousin Unwer K. ont été condamnés le 17 mai 1996 par la cour d’assises du Jura à « trente années de réclusion criminelle pour l’un, à la réclusion à perpétuité pour l’autre, en répression des faits de viol aggravé, assassinat en concomitance, tortures et actes de barbarie » sur la personne d’une jeune aide-soignante de 25 ans. Souhaitant rencontrer Ahmet A., l’avocat demande que lui soit envoyé son dossier administratif. Il découvre l’histoire d’Ahmet et ce qui s’est passé dans la nuit du 8 au 9 juillet 1994. Je n’en dirais pas plus pour ne rien dévoiler de l'intrigue.

En fait, à travers une série de chapitres très courts, secs dirais-je, allant droit à l’essentiel et des détails extrêmement réalistes, l’auteur place son lecteur dans une situation assez étrange : en effet, on n’a pas du tout l’impression d’être dans un roman mais plutôt dans un journal. L’effet de réel est saisissant et tient certainement au fait qu’Antoine Brea étant avocat, il maîtrise parfaitement le jargon du droit, des mécanismes judiciaires et c’est vraiment bluffant de vérité. Vraiment !

A cela s’ajoute la personnalité même de l’avocat : qui est-il au fond ? Un être anxieux et mal à l’aise dans la société au point de ne pouvoir partager un repas avec d’autres convives, un homme un peu naïf que certains manipulent aisément ou bien un homme gentil et généreux prêt à tout pour aider son prochain ? Et puis, on se demande pourquoi on lui a confié cette « mission », à lui précisément ? Simple hasard ou pas ?

Très vite, le jeune avocat se voit complètement dépassé par les événements : au-delà du fait divers sordide, l’enquête dévoilera des zones d’ombre et des manipulations politiques assez complexes.

Un texte très fort, très serré qui, je vous préviens, ne va pas vous laisser le temps de respirer.

Percutant !
Lien : http://lireaulit.blogspot.fr/
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L'Enfer de Dante mis en vulgaire parlure

Mise en dialogue de L'enfer de Dante afin d'en restituer les contrastes, le comique et surtout la tchatche et le flow. Antoine Brea se prête à une plaisante réinterprétation de cette partie de la Divine Comédie. Avec ce qu'il faut d'irrespect, d'amusement et de passion donc, Antoine Brea donne sa propre vision de L'enfer et invente une vulgaire parlure tout d'emprunts et de références comme pour rendre l'étrangeté du texte original.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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L'instruction

Le procès de la réalité telle qu'on nous la rapporte, l'instruction d'un magistrat égaré entre souvenirs, retour sur un vieux dossier et manière de tension métaphysique insidieuse et prégnante. Roman quasi documentaire, L'instruction brille par son gourmand emprunt d'une langue judiciaire, policière, de celle aussi susceptible de dire les confins et banlieues et autres irréels lointain où nos vies se passent. Antoine Brea surprend et captive par ce roman où le quotidien apparaît sous sa diffuse inquiétude, ou la passionnante enquête dessine en creux une critique politique des plus pertinentes.
Lien : https://viduite.wordpress.co..
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L'instruction

Un juge d’instruction inexpérimenté reprend une affaire qui avait probablement conduit son prédécesseur  au suicide, dossier que visiblement tout le monde voudrait oublier.

Alternant avec ce récit, une autre histoire , tout aussi sombre et qui, évidemment , va rejoindre la première, la rendant encore plus sinistre.

Plus que le récit c 'et l'atmosphère de délitement généralisé que je retiendrai de ce roman  à l'atmosphère étouffante et quasi désespérée. Un portait de l'univers carcéral, de la justice, de la police d'une noirceur extrême.
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L'instruction

Je remercie les éditions Le Quartanier et l'agence littéraire Trames pour cette découverte.



En voilà une découverte sympathique, et je ne dis pas ça uniquement parce que j'apprécie les romans judiciaires. Déjà, il est toujours agréable de découvrir une nouvelle maison d'édition car je ne connaissais pas les éditions Le Quartanier. Et puis, c'est également une découverte de l'auteur pour moi, bien que cela ne soit pas son premier livre.



Dans ce roman, Antoine Brea invite le lecteur à suivre Patrice Favre, un jeune juge d'instruction tout juste diplômé de l'ENM, l'école nationale de la magistrature. Celui-ci se retrouve dans une ville de la banlieue parisienne suite à sa nomination temporaire. Son prédécesseur s'est suicidé et semble s'être épuisé sur une affaire concernant la mort d'un détenu suite à son agression par d'autres prisonniers.



On va donc suivre les débuts mouvementés de ce jeune juge au sein du tribunal avec la participation aux premières audiences, la découverte des collègues et de la greffière qui va l'accompagner durant son poste, les affaires en cours... Et puis, petit à petit, à la faveur de la découverte de plusieurs éléments, le juge va se retrouver happé par cette sombre affaire du meurtre du détenu qui comporte de nombreuses zones louches et qui va révéler des implications au sein de milieux de pouvoir et des petits arrangements peu reluisants allant même jusqu'à l'intimidation. Le jeune juge va s'accrocher envers et contre tout et il va petit à petit progresser dans l'enquête mais cela ne sera pas sans laisser de traces.



J'ai vraiment apprécié ce roman, et ce pour plusieurs raisons. Tout d'abord, cette histoire aux multiples facettes avec la découverte du métier de juge d'instruction, des incursions dans le passé du jeune juge, les détails sur l'affaire de l'agression du détenu qui ressurgissent au fil du récit, tout ça est très bien construit et m'a tenu en haleine tout le long de ma lecture. Autre point fort, cette ambiance particulière que l'auteur arrive à installer et qui devient de plus en plus oppressante. Le style d'écriture y participe pleinement, je l'ai trouvé très agréable, peut-être un peu trop "scolaire" par moment, un peu froid, journalistique, on se croirait par moment au cœur d'un documentaire sur le milieu judiciaire. Ceci dit, l'auteur ne m'a pas perdu avec le jargon bien particulier du milieu judiciaire, le problème étant que j'ai quelques notions en droit donc ce n'est pas forcément simple de me mettre à la place d'un lecteur complètement profane mais des notes de bas de page explicatives permettent de ne pas trop se perdre dans les termes.



Donc, voilà l'ensemble est assez froid, chirurgical mais ça participe à l'instauration de cette ambiance particulière et ça ne m'a pas gêné. D'autant plus que l'ensemble est fluide et dynamique. On n'est pas toujours sur du récit pur puisque le lecteur découvre des pièces de dossier en même temps que le narrateur, ainsi on retrouve des rapports administratifs, des comptes-rendus d'interrogatoires (cela doit participer au ressenti un peu froid puisque ce type de document n'est pas réputé pour son côté chaleureux et romancé). En tout cas, cela renforce l'immersion du lecteur dans le roman.



Au final, c'est donc une bonne surprise ce roman à mi-chemin entre le roman policier et le feuilleton judiciaire. L'ensemble est d'un réalisme bluffant, l'ambiance est soignée et c'est très (très) prenant. Si vous aimez les romans qui se déroule au sein de la machine judiciaire, c'est un bon conseil de lecture, et si vous souhaitez découvrir ce type de roman, et bien c'est également un bon conseil pour découvrir le genre.
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Oeuvres ouvertes, numéro 1 : Apparitions

Œuvres ouvertes, c’est d’abord un site de littérature créé au tournant des années 2000 qui a accueilli de nombreux textes d’auteurs dont la plupart étaient eux-mêmes actifs sur le web. Site à la fois personnel et collectif, Œuvres ouvertes est une espèce de chantier d’écriture permanent, un work in progress à la vue de tous, avec notamment de nombreuses traductions. Les Grains de pollen et d’autres fragments de Novalis traduits par mes soins, mais aussi plus d’une centaine de récits de Kafka, et une édition critique en cours de ses journaux et cahiers. La littérature allemande – aussi contemporaine – y est donc amplement représentée.



Aujourd’hui, Œuvres ouvertes franchit un cap : revue web aux nombreuses ressources (4000 fichiers en ligne, soit plusieurs dizaines de milliers de pages imprimées), elle sera aussi une revue numérique et papier une fois l’an.



Pour ce premier numéro, un thème s’est imposé à moi : Apparitions. Le sommaire s’est en effet dessiné à partir d’une nouvelle traduction d’un récit de Kafka que je venais d’achever. Y surgit dès la première page un enfant fantôme avec lequel le narrateur engage aussitôt un dialogue. Comme une parabole de la littérature elle-même, épreuve intérieure au cours de laquelle des personnages, des lieux, des situations hantent littéralement celui ou celle qui écrit, jusqu’à le transformer. Kafka déclarait devant des amis, à propos de l’écriture de La Métamorphose : « Ce fut une chose horrible », comme s’il s’était agi d’un événement qu’il avait réellement vécu et qui l’avait marqué en profondeur.



On pourra donc lire ici des auteurs qui, pour la plupart, laissent surgir sur le web leurs propres apparitions (pas forcément spectrales !). Qu’ils soient ici vivement remerciés d’avoir accepté de participer à cette aventure d’Œuvres ouvertes.



Sommaire:



http://oeuvresouvertes.net/spip.php?article3980

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L'instruction

L’instruction d’Antoine Bréa  



Le Quartanier





Dans une autre vie, j'ai été greffière et j'étais fascinée par le travail de magistrat. J'ai eu grand plaisir à retrouver ce monde judiciaire sous cette plume juste et prenante avec la mise en scène des procès, la parade des avocats puis le huis clos des juges.



Patrice Favre reprend le poste d’un juge d’instruction qui s’est suicidé, Herzog. Il reprend les dossiers en cours dont celui de l’agression d’un détenu emprisonné pour crime sexuel sur un mineur. Patrice Favre retrouve les carnets d’Herzog dans lesquels il découvre qu’il se sentait observé. 



Il reprendra l’enquête sur cette agression, remontera les éléments sur lesquels travaillait Herzog, interrogera d’autres témoins, fera d’autres liens. Au cours de ses recherches, c’est aussi un tableau de la justice et des maisons d’arrêt qui se brosse .



C’est une enquête mais le rythme est lent, c’est un autre espace temps, celui de la justice. Tout est réfléchi, le ton est posé. 



Mais au fil de l’enquête, les liens se font, le rythme s'accélère avec de nouveaux éléments jusqu'à un démêlé très surprenant.



C’est un huis clos avec ce jeune juge qui nous entraîne, aussi par ses réflexions, dans son intimité dévoilant ses propres tourments, sa relation avec son père lui aussi magistrat. 



On découvre un rythme particulier, intriguant et immersif qui se déploie dans ce livre.



Une très bonne lecture captivante.



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Récit d'un avocat

J’ai beaucoup aimé ce livre, court et dense.

Nous sommes littéralement dans la tête d’un jeune avocat pas très bon, pas vraiment bardé de conviction, un avocat routinier qui se retrouve par hasard sur une affaire qui le dépasse. Non, ne vous attendez pas à le voir se battre pour obtenir la réhabilitation d’un homme condamné à tort – les coupables le sont. Le crime a été sordide et si ce « pauvre Ahmet » est un détenu modèle, il n’est pas vraiment bourrelé de remords.

Ne vous attendez pas non plus à ce qu’il milite pour la sauvegarde d’un homme qui risque gros s’il retourne dans son pays. Non, rien d’héroïque chez notre narrateur, même s’il est attachant par son incapacité à habiter sa fonction d’avocat autrement qu’en étant un gratte-papier. Il est d’ailleurs véritablement fait pour ce que l’ancienne haute magistrate attend de lui, faire des démarches, déposer les recours, se heurter à l’administration afin qu’Ahmet ne soit pas expulqer.

Il n’est pas idiot cependant, il est seulement influençable et se retrouve à faire des choses qui auront des conséquences graves. Il est toujours des conséquences graves, me direz-vous. Exact. Seulement, tout comme le narrateur, je ne connais pas grand chose à la politique en Turquie, à ce qui se passe dans les endroits les plus isolés du pays. Il en apprendra (un peu) à ses dépends.

Quant à la morale, au happy end… Il faut bien garder à l’esprit que l’on est dans un roman noir. Pourle rose, vous repasserez.
Lien : https://deslivresetsharon.wo..
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Récit d'un avocat

Nouvelle collection du Seuil consacrée au roman noir dans laquelle se fond l’ancienne collection Seuil Policiers, Cadre Noir commence sur les chapeaux de roues avec deux auteurs américains reconnus, Clayton Lindemuth et William Gay et, c’est là la nouveauté, un jeune auteur français, Antoine Brea.

Court roman, Récit d’un avocat, comme son titre l’indique, est la recension à la première personne d’une affaire suivie par un jeune avocat. Celui-ci, après des études de droit, a un peu travaillé dans la fonction publique avant de passer l’examen du barreau et de finalement occuper un poste technique subalterne et répétitif jusqu’à l’ennui dans un cabinet d’avocats. C’est là qu’une correspondante de prison croisée dans sa précédente carrière le retrouve et lui demande de se saisir du dossier d’un jeune kurde emprisonné à la suite d’un fait divers sordide.

Il y a bien entendu l’affaire. Le crime abject, la double peine qui s’ensuit pour Ahmet, le dossier fastidieux et les rouages lents, aveugles et frustrants de la machine judiciaire. Mais il a surtout la manière dont le narrateur glisse lentement. Antoine Brea décrit un homme qui ne semble avoir aucune épaisseur. Employé discret, insignifiant, qui se laisse plus emporter par le courant qu’il ne le suit, affligé de phobie sociale, il s’anime peu à peu, prend une forme plus humaine au fur et à mesure qu’il s’implique dans le dossier d’Ahmet et semble accepter les sentiments qui l’animent.

Sentiments contradictoires parfois, ambigus souvent et qui, à la lumière des explications du narrateurs sur le mal dont il souffre, cette incapacité à s’insérer dans le monde tel qu’il est, s’ancrent dans une réalité si crue qu’elle finit par ne plus offrir aucune possibilité de s’y raccrocher. Ainsi erre-t-on aux côtés du narrateurs dans des limbes qui finissent par relever du rêve ou du cauchemar éveillé et toute la force de l’écriture d’Antoine Brea repose sur cette capacité à maintenir le lecteur dans cet entre-deux inconfortable tout au long d’une centaine de pages âpres et froides.

Voilà un roman d’un abord pour le moins rude, mais saisissant et marquant. Une belle profession de foi qui augure on l’espère, dans ce Cadre Noir, de futurs romans français originaux et frappants.


Lien : http://www.encoredunoir.com/..
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L'instruction

Sérieux, pragmatique, « L’instruction » d’Antoine Brea, est un récit qui happe et dont on ne lâche rien, pas une virgule, un point, un seul mot. Ici, c’est la majuscule d’une écriture posée, réfléchie qui encense la trame. On sait les lignes magnétiques, dans un cadre posé en exactitude. L’équerre d’une justice qui va voir le jour subrepticement. « Les vitres givrées au cutter. Les lumières opalines sous les caches plastiques, inutiles en plein jour… C’est un poste temporaire, seulement pour quelques temps, ai-je tapé dans le SMS à ma sœur Amandine. » Patrice Favre est ici. Début d’une carrière dans l’empreinte de son père magistrat. L’introduction d’une vocation à certifier. Un premier poste pour lui, celui de juge d’instruction en banlieue parisienne. Peu à peu, il devient maître de son espace. Dans ce dédale où il va, habillé d’éthique et d’équité, pourvoir aux dossiers en cours et à venir. Rendre hommage à son prédécesseur Herzog, diminué, affaibli, malade mais pas que. Ce dernier s’est suicidé en laissant deux courriers, l’un pour sa femme et l’autre pour ses pairs. « N’en déplaise à Gaston Leroux, a répondu, amusé monsieur Palan, dans la réalité les coïncidences ne sont pas ennemies de la vérité, mon cher. On appelle ça des indices. » Patrice Favre va rassembler l’épars. Chercher la faille dans ce dossier quasi abandonné et pour cause. Perspicace, affûtant son savoir, ses capacités hors norme, il va chercher la vérité. Patrice Favre, tenace, va soulever la poussière sous le tapis d’une langue de bois. Les non-dits et les silences dérangeants vont se percuter et le dossier « Herzog » reprend vigueur. « L’affaire » encercle les intouchables d’une magistrature cachottière. C’est ici, le point central, le premier pas de côté d’un jeune juge d’instruction, olympien, calme mais déterminé. « L’instruction » est l’idiosyncrasie du monde carcéral, de ce qui se voudrait invisible à la vue du monde ; bien enfoui dans le tiroir emblématique de la haute hiérarchie. « L’instruction » démonte pierre après pierre les diktats judiciaires qui, parfois malencontreusement, confirment le poison de la soumission au corpus juridique criblé de corruption. Patrice Favre reste altier dans une constance théologale. Ce dernier pénètre le labyrinthe, fil d’Ariane d’un monde technocratique. Bousculé, il va de par cette quête de vérité se métamorphoser, se réaliser, l’outil en main, régénérant et spéculatif. Ce futur classique d’une littérature appuyée est un modèle pour tout à chacun. D’utilité publique, il devrait et vite se trouver dans les amphithéâtres, les lieux des savoirs républicains. Les notes en pages finales sont à recopier. A la page 310, au chapitre 4, pour moi et en promesse de relire la « Prière de l’humilité » dont les Psaumes sont traduits par André Chouraqui. Tout est symbole ! Magistral, culte. Publié par les majeures Éditions Le Quartanier.



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L'instruction

L'art de documenter sans être chiant, avec une écriture qui pourrait être plate à force d'être minimale, une situation de base à la Simenon. Non, ce livre ne se dévore pas, il ne se lit pas non plus avec un plaquette de xanax. L'intérêt grandit à chaque page et puis ça devient magistral, très vite.
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Récit d'un avocat

Originellement publié chez l’éditeur canadien Le Quartanier, ce récit d’un jeune Français, Antoine Brea, est un des premiers romans de la nouvelle collection « Cadre noir » des éditions du Seuil.



En quatre parties, l’auteur nous relate une enquête menée par un jeune avocat, sous l’impulsion d’une magistrate honoraire à la retraite, Mme H. Entretenant une correspondance avec un détenu d’origine kurde, condamné pour meurtre, elle demande au narrateur de lui rendre visite en prison et de lui venir en aide. L’avocat s’informe d’abord sur le meurtre commis, découvrant les rouages qui l’ont mis en route, puis sur le procès et la peine infligée pour chercher à comprendre à quel point la culpabilité d’Ahmet est engagée et qui, éventuellement, tire les ficelles de tout cela.

Ce qui commence comme un rapport judiciaire de fait divers sanglant se transforme peu à peu en enquête.



Antoine Brea ne nous épargne rien des lenteurs judiciaires, des fastidieux recours que l’avocat dépose, de ses hésitations et de ses doutes. Quel pouvoir a-t-il vraiment dans cette histoire touchant de près à la politique ? Que peut-il faire, que peut faire la justice pour cet immigré, criminel de droit commun ? D’autant que nous n’avons pas affaire à un ténor du barreau, mais à un avocat hésitant, sans envergure et affligé d’une maladie invalidante, la phobie sociale. Laborieusement, il avance dans la vie et dans son affaire sans vraiment y croire, égaré entre mélancolie et solitude. Nous le suivons dans ses errements juridico-personnels où rien ne semble jamais s’arranger comme il le souhaiterait.



Chaque mot est pesé soigneusement dans ce roman à la construction subtile qui nous fait très vite dépasser le fait divers pour aborder l’immigration, le conflit turco-kurde et les influences politiques internationales.

A la fois thriller juridique et récit d’anticipation (l’histoire se termine fin 2017), ce récit sec et étouffant mêlent habillement réalité et fiction et plonge le lecteur dans un perpétuel sentiment de malaise. Il relate l’indicible, fait monter la peur mais la morale n’arrive pas, victorieuse, pour signer un happy end. Ce récit bouscule les règles du genre et nous propulse face à la réalité crue.



Les fans du genre apprécieront sans aucun doute.

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Roman dormant

Subtil, joueur et décapant, un incroyable anti-bréviaire d’oniromancie pour temps difficiles.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2015/10/09/note-de-lecture-roman-dormant-antoine-brea/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Petites vies d'écrivains du XXe siècle : poèmes b..

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Roman dormant

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Méduses

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Récit d'un avocat

Eté 1994. Jura. Deux kurdes violent, torturent et assassinent Annie B.. En 1996, ils sont condamnés à la réclusion à perpétuité pour l’un et trente années de réclusion criminelle pour l’autre. En 2012, le narrateur, « tout juste inscrit au barreau », est contactée par une ancienne connaissance pour qu’il se saisisse du dossier de l’un d’eux. Il s’agit d’Ahmet. S’engage ainsi une plongée dans le système judiciaire et ce qui va devenir une quête pour le narrateur.



Je découvre la nouvelle collection « Cadre Noir » des éditions Seuil avec ce Récit d’un avocat d’une centaine de pages. Cadre Noir et robe noire. Ce format permet à l’auteur de développer le long cheminement administratif, ses éclaircissements et l’évolution psychologique du narrateur. Celui-ci n’est jamais avare d’explications et nous apprenons ainsi à le connaître, à situer le contexte et, enfin, après une enquête minutieuse, à découvrir l’effarante révélation. Ce qui fut un fait divers devient, avec la bénédiction de l’auteur/narrateur, un curieux objet littéraire. Curieux car ces démarches et procédures judiciaires auraient pu rapidement lasser le lecteur mais c’est sans compter sur le réel intérêt de cette sordide affaire, sur les états d’âme du narrateur et son intrigant et soudain investissement. Car celui qui n’est jamais vraiment nommé a connu un début de carrière difficile. Relégué à des tâches de second ordre alors qu’il accède au barreau à l’âge de trente-trois ans c’est un être affecté, presque abattu qui trouve enfin sa raison d’exister. Il avait auparavant baroudé puis occupé - cela a son importance pour la suite - un poste à la Commission des recours des réfugiés. L’avocat va utiliser tous les recours pour éviter l’expulsion qui livrerait son client à ses bourreaux. (...)

La suite sur : http://bobpolarexpress.over-blog.com/2017/04/cadre-noir-et-robe-noire-recit-d-un-avocat-antoine-brea.html
Lien : http://bobpolarexpress.over-..
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Récit d'un avocat

Dire le droit, voir(e) la justice : le choc poétique d’un désarroi radical et feutré.



Sur mon blog : https://charybde2.wordpress.com/2016/10/16/note-de-lecture-recit-dun-avocat-antoine-brea/
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Méduses

Terrifiants et jouissifs glissements progressifs de la raison ordinaire dans le désajustement de la syntaxe et du langage du dépit amoureux.



Sur mon blog : http://charybde2.wordpress.com/2016/06/17/note-de-lecture-meduses-antoine-brea/


Lien : http://charybde2.wordpress.c..
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Petites vies d'écrivains du XXe siècle : poèmes b..

Dix écrivains mythiques, dix proses poétiques cruelles et malicieuses pour dire en se jouant l’envers ambigu des vies de saints de la littérature.



Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2023/01/06/note-de-lecture-petites-vies-decrivains-du-xxeme-siecle-antoine-brea/



William S. Burroughs, Charles-Ferdinand Ramuz, Knut Hamsun, M. Aguéev, Louis-Ferdinand Céline, Charles Bukowski, Tony Duvert, Georges Bataille, Pierre Louÿs, Franz Kafka : dix écrivains pour incarner le soufre du XXème siècle littéraire sous des aspects fort différents, dix écrivains torturés à plus d’un titre, dix écrivains qui sonnent volontiers comme des défis au jugement contemporain, si souvent sommé de savoir séparer l’homme et l’œuvre.



Dans ces « Petites vies d’écrivains du XXe siècle », publiées chez Louise Bottu en 2013, petites vies qui n’ont rien de vies de saints, en effet, Antoine Brea abat malicieusement ces montagnes sacrées, en dix poèmes biographiques irrévérencieux, maniant la cruauté et la justice de la langue acérée.



Addictions, phobies, psychopathologies, haines viscérales, calculs cauteleux, errances multiformes,… : Antoine Brea incise joliment certains bourbiers sulfureux situés en couches plus ou moins profondes sous une certaine littérature de rupture, étrange carburant peut-être bien essentiel, mais pratique sa chirurgie avec un humour délié et un courage indéniable pour tenter de cautériser, peut-être, certaines plaies demeurées béantes. Son aisance prudente pour évoluer en poésie ambiguë entre humour et horreur ne surprendra pas totalement celles et ceux qui auraient pratiqué par ailleurs son oniromantique « Roman dormant » de 2014, son torrentiel « Méduses » de 2007, ou encore son radical « Récit d’un avocat » de 2016 : transformer ici la littérature des avancées et des frontières en sa propre cible, rendre au dérisoire les existences des créatrices ou créateurs lorsque nécessaire, démythifier salutairement, en somme, voilà bien l’étrange pouvoir de cette joueuse poésie en prose.
Lien : https://charybde2.wordpress...
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