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3.85/5 (sur 10 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Ganges , le 08/12/1676
Mort(e) à : Paris , le 27/03/1825
Biographie :

Antoine Fabre d’Olivet est un écrivain, philologue et occultiste français.

L’importante partie de sa production qu’il a, comme écrivain et philologue, consacrée à la langue occitane, fait de lui un des précurseurs de la renaissance du Félibrige.

Après la faillite de la maison familiale, Fabre d’Olivet tente de vivre de sa plume en fondant plusieurs journaux, parmi lesquels L’Invisible et Le Palladium de la Constitution. Il publie un roman et plusieurs œuvres musicales.

S’intéressant de plus en plus à la théosophie et à la philologie, il prépare La Langue hébraïque restituée et travaille sur La Musique expliquée.

À la fin de sa vie, il fonde un culte nouveau, le culte théodoxique, sur lequel il publie deux ouvrages importants, L’Histoire philosophique du genre humain et La Théodoxie universelle.
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Source : Wikipédia
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Le polythéisme n'était pas à ses yeux [de pythagoricien] ce qu'il est devenu aux nôtres, ou une idolâtrie impie et grossière, ou un culte inspiré par l'adversaire infernal, pour séduire les hommes et s'attribuer les honneurs qui ne sont dus qu'à la Divinité : c'était une particularisation de l'Être universel, une personnification de ses attributs et de ses facultés.

Avant Moïse, aucun des législateurs théocratiques n'avait pensé qu'il fût bon de présenter à l'adoration du peuple le Dieu suprême, unique et incréé, dans son universalité insondable. Les Brahmanes indiens, que l'on peut regarder comme les types vivants de tous les sages et de tous les pontifes du Monde, ne se permettent point, même aujourd'hui où leur longue vieillesse a effacé jusqu'aux traces de leur antique science, de proférer le nom de Dieu, principe de Tout. Ils se contentent de méditer son essence en silence, et d'offrir des sacrifices à ses plus sublimes émanations. Les sages chinois en agissent de même à l'égard de la Cause première, qu'on ne saurait nommer ni définir ; les spectateurs de Zoroastre, qui font émaner de cette cause ineffable les deux principes universels du bien et du mal, Ormusd et Ahriman, se contentent de la désigner sous le nom de l’Éternité. Les Égyptiens, si célèbres par leur sagesse, l'étendue de leurs connaissances et la multitude de leurs symboles divins, honoraient par le silence le Dieu principe et source de toutes choses ; ils n'en parlaient jamais, le regardant comme inaccessible à toutes les recherches de l'homme ; et Orphée leur disciple, premier auteur de la brillante mythologie des Grecs, Orphée, qui semblait annoncer l'âme du Monde comme créatrice de ce même Dieu dont elle était émanée, disait sans détours : « Je ne vois point cet Être entouré d'un nuage ».

Moïse, comme je l'ai dit, fut le premier qui fit un dogme public de l'unité de Dieu, et qui divulgua ce qui jusqu'alors avait été enseveli dans l'ombre des sanctuaires ; car les principaux dogmes des mystères, ceux sur lesquels reposaient tous les autres, étaient l'unité de Dieu et l'homogénéité de la Nature. Il est vrai que Moïse, en faisant cette divulgation, ne se permit aucune définition, aucune réflexion, ni sur l'essence, ni sur la nature de cet Être unique ; ce qui est très-remarquable. Avant lui, dans tout le Monde connu, et après lui, excepté en Judée où plus d'un nuage offusquait encore l'idée de l'Unité divine, jusqu'à l'établissement du christianisme, la Divinité fut considérée par les théosophes de toutes les nations sous deux rapports ; premièrement comme unique, secondement comme infinie ; comme unique, réservée sous le sceau du secret à la contemplation, à la méditation des sages ; comme infinie, livrée à la vénération, à l'invocation du peuple. Or l'unité de Dieu réside dans son essence, que le vulgaire ne peut jamais, en aucune manière, ni concevoir, ni connaître : son infinité consiste dans ses perfections, ses facultés, ses attributs dont le vulgaire peut, selon l'étendue de ses lumières, saisir quelques faibles émanations, et les rapprocher de soi en les détachant de l'universalité, c'est-à-dire, en les particularisant et les personnifiant. Voilà la particularisation et la personnification qui constituent, ainsi que je l'ai dit, le polythéisme. La foule de Dieux qui en résulte est infinie comme la Divinité même dont elle prend naissance. Chaque nation, chaque peuple, chaque ville, adopte à son gré celles des facultés divines qui conviennent le mieux à son caractère, à ses besoins. Ces facultés, représentées par des simulacres, deviennent autant de Dieux particuliers dont la diversité de noms augmente encore le nombre. Rien ne met des bornes à cette immense théogonie, puisque la cause première dont elle, émane n'en a pas. Le vulgaire, entraîné par les objets qui frappent ses sens, peut devenir idolâtre, et il le devient ordinairement ; il peut distinguer même ces objets de son adoration les uns des autres, et croire qu'il existe réellement autant de Dieux que de statues ; mais le sage, le philosophe, et le plus simple lettré ne tombe pas dans cette erreur. Il sait avec Plutarque que les lieux, les noms différents ne font pas les différents Dieux ; que les Grecs et les Barbares, les nations du nord et celles du midi, adorent la même Divinité ; il ramène facilement à l'unité de l'essence cette infinité des attributs, et comme font encore aujourd'hui les respectables restes des antiques Samanéens, les prêtres des Burmans, il adore Dieu, quelque soit l'autel, et le temple, et le lieu où il se trouve.

Voilà ce que faisaient les disciples de Pythagore, par le commandement de leur maître ; ils voyaient dans les Dieux des nations les attributs de l'Être ineffable qu'il ne leur était pas permis de nommer ; ils augmentaient ostensiblement, et sans aucune répugnance, le nombre de ces attributs dont ils reconnaissaient la cause infinie ; ils leur rendaient le culte consacré par la loi, et les ramenaient tous en secret à l'Unité qui était l'objet de leur foi. (pp. 193-197)
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Ouvrez les livres sacrés des Chinois, des Burmans, des Indiens, des Parses, vous y trouverez des traces non équivoques de ce dogme. Ici, c'est la Providence représentée sous les traits d'une vierge céleste, qui, envoyée par l'Être suprême, fournit des armes pour combattre et subjuguer le génie du mal, et porter à la perfection tout ce qu'il avait corrompu. Là, c'est l'Univers lui-même et les Mondes qui les composent, qui sont signalés comme l'instrument qu'emploie cette même Providence pour arriver à ce but. Telle était la doctrine secrète des mystères. Le Bien et le Mal étaient représentés dans les sanctuaires sous l'emblème de la lumière et des ténèbres : on y donnait à l'initié le spectacle formidable du combat de ces deux principes opposés, et après plusieurs scènes de terreur, on faisait insensiblement succéder à la nuit la plus obscure, le jour le plus brillant et le plus pur.

C'était exactement ce que Zoroastre avait publiquement enseigné. « Ormusd, dit ce théosophe, savait par sa science souveraine, que d'abord il ne pourrait influer en rien sur Ahriman ; mais qu'ensuite il se mêlerait avec lui, et qu'enfin il finirait par le subjuguer, et le changer au point que l'Univers existerait sans mal pendant la durée des siècles ». « Lorsque la fin du Monde sera arrivée, dit-il dans un autre endroit, le plus méchant des esprits infernaux sera pur, excellent, céleste : oui, ajoute-t-il, il deviendra céleste, ce menteur, ce méchant ; il deviendra saint, céleste, excellent, ce cruel : le vice, lui-même, ne respirant que vertu, fera publiquement un long sacrifice de louanges à Ormusd ».

Ces paroles sont d'autant plus remarquables, que l'on ne doit point ignorer que le dogme touchant la chute de l'Ange rebelle, a passé de la cosmogonie des Parses dans celle des Hébreux, et que c'est sur ce dogme seul, mal interprété par le vulgaire, qu'on a fondé la doctrine contradictoire de l'éternité du mal, et des peines qui le suivent. Cette doctrine, à peine connue, a été vivement attaquée. Simon, très mal à propos surnommé le Magicien, força Saint-Pierre lui-même, disputant avec lui, de convenir que les écritures hébraïques n'avaient rien dit de positif à ce sujet. Cela est certain. Ces écritures, telles qu'on peut les connaître par l'interprétation que les Juifs hellénistes en ont donnée, sous le nom de Version des Septante, ne procurent aucune lumière sur ce point important ; mais il est bon de savoir que ces interprètes ont à dessein dissimulé cette lumière, pour ne point divulguer le sens de leur Livre sacré. Si l'on entendait bien la langue de Moyse, on verrait que, loin de s'écarter des traditions théosophiques qu'il avait reçues en Egypte, ce Législateur théocrate y demeure constamment fidèle. L'endroit de son Sépher, où il parle de l'anéantissement du Mal, dans le sens de Zoroastre, est au chapitre IIIème, v. 15, de la partie vulgairement appelée la Genèse, ainsi que j'espère le faire voir un jour.

Mais sans entrer pour l'heure dans la discussion où la vraie traduction de ce passage m'entraînerait, qu'il me suffise de dire que les premiers chrétiens furent très loin d'admettre l'éternité du mal ; car, sans parler de Manès et de ses nombreux sectateurs, qui partageaient l'opinion de Zoroastre, ceux qui sont versés dans ces sortes de matières, savent qu'Origène enseignait que les peines ne seront pas éternelles et que les démons, instruits par le châtiment, se convertiront enfin et obtiendront leur grâce. Il était suivi en cela par un grand nombre de docteurs, au rapport de Beausobre, qui allègue, à ce sujet, l'exemple d'un philosophe d'Edesse, qui soutenait qu'après la consommation des siècles, toutes les créatures deviendront consubstantielles à Dieu. (pp. 348-352)
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Cette même maxime du pardon des offenses, et celles qui ordonnent de rendre le bien pour le mal, et de faire aux autres ce que l'on voudrait qui nous fût fait, se rencontrent dans plusieurs écrits orientaux. On lit dans les distiques de Hafiz ce beau passage : « Apprends de la coquille des mers à aimer ton ennemi, et à remplir de perles la main tendue pour te nuire. Ne sois pas moins généreux que le dur rocher ; fais resplendir de pierres précieuses le bras qui déchire tes flancs. Vois-tu là-bas cet arbre assailli d'un nuage de cailloux ? il ne laisse tomber sur ceux qui les lancent que des fruits délicieux ou des fleurs parfumées. La voix de la nature entière nous crie : l'homme sera-il le seul à refuser de guérir la main qui s'est blessée en le frappant ? de bénir celui qui l'outrage » ?

Le précepte évangélique, paraphrasé par Hafiz, se rencontre en substance dans un discours de Lysias ; il est exprimé distinctement par Thalès et Pittacus ; Kong-Tzée l'enseigne dans les mêmes paroles que Jésus ; enfin on trouve dans l'Arya, écrit plus de trois siècles avant notre ère, ces vers qui semblent faits exprès pour inculquer la maxime et peindre la mort du juste qui nous l'a dictée :

L'homme de bien, paisible au moment qu'il expire,
Tourne sur ses bourreaux un oeil religieux,
Et bénit jusqu'au bras qui cause son martyre :
Tel l'arbre de Saudal que frappe un furieux,
Couvre de ses parfums le fer qui te déchire.

Interrogez les peuples, depuis le pôle boréal, jusqu'aux extrémités de l'Asie, et demandez-leur ce qu'ils pensent de la vertu ; ils vous répondront, comme Zénon, que c'est tout ce qu'il y a de bon et de beau ; les Scandinaves, disciples d'Odin, vous montreront le Hâvamâl, discours sublime de leur ancien législateur, où l'hospitalité, la charité, la justice, le courage leur sont expressément recommandés : vous saurez par tradition que les Celtes avaient des vers sacrés de leurs Druides, où la piété, la justice, la valeur étaient célébrées comme des vertus nationales : vous verrez dans les livres conservés sous le nom d'Hermès, que les Egyptiens suivaient sur la morale les mêmes idées que les Indiens, leurs antiques précepteurs ; et ces idées, conservées encore dans le Dherma-Shastra, vous frapperont dans les Kings des Chinois. C'est là, dans ces livres sacrés, dont l'origine se perd dans la nuit des temps, que vous trouverez à leur source les maximes les plus sublimes de Fo-Hi, de Krishnen, de Thaôth, de Zoroastre, de Pythagore, de Socrate et de Jésus.

La morale, je le répète, est partout la même : aussi ce n'est point sur ses principes écrits qu'on doit juger de la perfection du culte, comme on l'a fait sans réflexion, mais sur leur application pratique. Cette application, d'où résulte l'esprit national, dépend de la pureté des dogmes religieux, de la sublimité des mystères, et de leur plus ou moins grande affinité avec la Vérité universelle, qui est l'âme, apparente ou cachée, de toute religion. (pp. 245-248)
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Le mot latin ratio, dont Kant a visiblement suivi le sens, n'a jamais traduit exactement le mot grec logos, dans l'acception de verbe ; et si les philosophes grecs substituaient quelquefois le logos au nous, ou le verbe à l'intelligence, en prenant l'effet pour la cause ; c'est à tort que les Romains ont essayé de les imiter, en employant ratio, en place de mens ou l'intelligentia. Ils ont en cela prouvé leur ignorance, et mis à découvert les funestes ravages que le scepticisme avait déjà faits parmi eux. Le mot ratio s'élève sur la racine ra ou rat, qui dans toutes les langues où elle a été reçue, y a porté l'idée d'une raye, d'un rayon, d'une ligne droite, tirée d'un point à un autre. Ainsi la raison, loin d'être libre, comme l'a prétendu Kant, est ce qu'il y a de plus contraint dans la nature : c'est une ligne géométrique, toujours asservie au point d'où elle émane, et forcée d'aller frapper le point vers lequel elle est dirigée, sous peine de cesser d'être elle-même ; c'est-à-dire, de cesser d'être droite. Or, la raison n'étant point libre de sa marche, n'est ni bonne ni mauvaise en soi ; elle est toujours analogue au principe dont elle est la conséquence. Sa nature est d'aller droit ; sa perfection n'est point autre chose. On va droit de toutes les manières, dans toutes les directions, en haut, en bas, à droite, à gauche ; on raisonne juste, dans la vérité comme dans l'erreur, dans le vice comme dans la vertu : le tout dépend du principe d'où l'on part, et de la manière dont on voit. La raison ne donne pas ce principe ; elle n'est pas plus maîtresse du but où elle va frapper, que la ligne droite, tirée sur le terrain, n'est la maîtresse du point où elle va aboutir. Ce but et ce point, sont déterminés d'avance, par la position du raisonneur ou du géomètre.
(...)
On doit sentir maintenant la faute de Kant dans toute son étendue. Ce philosophe ayant confondu une des modifications principales de l'homme, son intelligence, avec une de ses facultés secondaires, sa raison, dont le siège est dans l'âme, se trouva, en élevant cette raison hors de son lieu, et lui donnant une dominance qu'elle n'a pas, déposséder entièrement la partie spirituelle ; en sorte que, méditant sans cesse dans la partie médiane de son être, qu'il croyait être la supérieure, et descendant, il trouva la matière, la connut parfaitement, et manqua absolument l'esprit. Ce qu'il prit pour lui, n'était autre chose que l'entendement, faculté neutre, placée entre la sensibilité qui est purement passive, et l'intelligence qui est entièrement active. Il eut la faiblesse d'y fixer sa pensée, et dès lors tout fut perdu.
(...)
Cette catastrophe, tout inévitable qu'elle était, n'en était pas moins piquante. Il était bizarre de voir un homme, qui venait de promettre d'asseoir sur des bases irréfragables la possibilité et les principes de toutes les connaissances, annoncer froidement que Dieu, l'Univers, l’Âme, n'en pouvaient être les objets, et bientôt, découvrir, poussé par la force de ses raisonnements, que la réalité même des objets physiques dont les sens sont affectés, n'est que phénoménale, que l'on ne peut en aucune manière savoir ce qu'ils sont, mais seulement ce qu'ils paraissent être ; et que notre propre moi, considéré comme objet, n'est aussi, pour nous qu'un phénomène, une apparence, sur l'essence intime duquel nous ne pouvons rien apprendre. Kant sentit bien l'effroyable contradiction où il tombait ; mais au lieu de revenir courageusement sur ses pas, et de chercher, au-dessus de la raison, les principes des connaissances qu'elle ne possède point, il continua son mouvement descendant, qu'il appelait transcendantal, et alla déterrer, au-dessous de cette Raison pure, une certaine Raison pratique, à laquelle il confia les destinées des plus grands objets dont l'homme puisse s'occuper : Dieu, la Nature et lui-même. Cette raison pratique, qui n'est rien autre que le Sens commun, devait, selon lui, porter l'homme à croire ce qui ne lui est pas donné de connaître, et l'engager, par le besoin de sa propre félicité, à suivre les sentiers de la vertu, et à admettre le système de rémunération qui découle de l'existence de Dieu et de l'immortalité de l'âme. (pp. 312-317)
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Pythagore envisageait l'Homme sous trois modifications principales, comme l'Univers ; et voilà pourquoi il donnait à l'homme le nom de microcosme ou de petit monde. Rien de plus commun chez les nations anciennes que de comparer l'Univers à un grand homme, et l'homme à un petit univers. L'Univers considéré comme un grand Tout animé, composé d'intelligence, d'âme et de corps, était appelé Pan ou Phanès(1).

L'homme, ou le microcosme était composé de même, mais d'une manière inverse, de corps, d'âme et d'intelligence ; et chacune de ces trois parties était à son tour envisagée sous trois modifications, en sorte que le ternaire régnant dans le tout, régnait également dans la moindre de ses subdivisions. Chaque ternaire, depuis celui qui embrassait l'Immensité, jusqu'à celui qui constituait le plus faible individu, était, selon Pythagore, compris dans une Unité absolue ou relative, et formait ainsi, comme je l'ai déjà dit, le quaternaire ou la tétrade sacrée des pythagoriciens.

Ce quaternaire était universel ou particulier. Pythagore n'était point, au reste, l'inventeur de cette doctrine : elle était répandue depuis la Chine jusqu'au fond de la Scandinavie. On la trouve élégamment exprimée dans les oracles de Zoroastre.

Le Ternaire partout brille dans l'Univers,
Et la Monade est son principe.

Ainsi, selon cette doctrine, l'homme, considéré comme une unité relative contenue dans l'Unité absolue du grand Tout, s'offrait, comme le ternaire universel, sous les trois modifications principales de corps, d'âme et d'esprit ou d'intelligence. L'âme, en tant que siège des passions, se présentait à son tour sous les trois facultés d'âme raisonnable, irascible ou appétante. Or, suivant Pythagore, le vice de la faculté appétante de l'âme, c'était, l'intempérance ou l'avarice ; celui de la faculté irascible, c'était la lâcheté ; et celui de la faculté raisonnable, c'était la folie. Le vice qui s'étendait sur ces trois facultés, c'était l'injustice. Pour éviter ces vices, le philosophe recommandait quatre vertus principales à ses disciples, la tempérance pour la faculté appétante, le courage pour la faculté irascible, la prudence pour la faculté raisonnable, et pour ces trois facultés ensemble, la justice, qu'il regardait comme la plus parfaite des vertus de l'âme. Je dis de l'âme, car le corps et l'intelligence se développant également au moyen de trois facultés instinctives ou spirituelles, étaient, ainsi que l'âme, susceptibles de vices et de vertus qui leur étaient propres.

(1) Pan, en grec Πάν, signifie le Tout, et Phanès dérive du mot phénicien אנש (ânesh), l'Homme, précédé de l'article emphatique פ (ph). Il faut remarquer que ces deux noms s'élèvent sur la même racine אן (ân), qui, dans un sens figuré, exprime la sphère d'activité, et dans un sens propre, la circonscription de l'être, son corps, sa capacité. De là, אני (âni), moi, et אניח (aniha), un vaisseau. (pp. 239-242)
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Pythagore considérait l'Univers comme un Tout animé dont les Intelligences divines, rangées chacune selon ses perfections dans sa sphère propre, étaient les membres. Ce fut lui qui désigna le premier ce Tout par le mot grec Kosmos, pour exprimer la beauté, l'ordre et la régularité qui y règnent(1) ; les Latins traduisirent ce mot par Mundus, duquel nous avons fait le mot français Monde. C'est de l'Unité considérée comme principe du monde que dérive le nom d'Univers que nous lui donnons. Pythagore posait l'Unité pour principe de toutes choses, et disait que de cette Unité était sortie une Duité infinie. L'essence de cette Unité et la manière dont la Duité qui en émanait y était enfin ramenée, étaient les mystères les plus profonds de sa doctrine, les objets sacrés de la foi de ses disciples, les points fondamentaux qu'il leur était défendu de révéler. Jamais on n'en confiait l'explication à réécriture : on se contentait de les enseigner de bouche à ceux qui paraissaient dignes de les apprendre.

Lorsqu'on était forcé par l'enchaînement des idées, d'en faire mention dans les livres de la secte, on se servait de symboles et de chiffres, on employait la langue des Nombres ; et ces livres, tout obscurs qu'ils étaient, on les cachait encore avec le plus grand soin ; on évitait par toutes sortes de moyens qu'ils ne tombassent dans les mains des profanes.
(...)
Ce philosophe [Pythagore] avait à cet effet divisé sa doctrine en deux parties : la partie purgative et la partie unitive, par la première, l'homme se purifiait de ses souillures, sortait des ténèbres de l'ignorance, et parvenait à la vertu : par la seconde, il employait sa vertu acquise à s'unir à la Divinité, au moyen de laquelle il arrivait à la perfection. Ces deux parties se trouvent bien distinctes dans les Vers dorés. Hiérocles qui les a bien saisies, en parle dans le commencement de ses Commentaires, et les désigne par deux mots qui renferment, dit-il, toute la doctrine de Pythagore, purification et perfection.

Les mages et les Chaldéens, dont Pythagore avait adopté tous les principes, s'accordaient en ce point, et se servaient, pour exprimer leur idée, d'une phrase parabolique fort célèbre parmi eux. « Nous consumons, disaient-ils, le fumier de la matière par le feu de l'amour divin ».

(1) Le mot grec Kosmos exprime une chose mise en ordre, arrangée d'après un principe fixe et régulier. Sa racine primitive est dans le phénicien אזש (aôsh) un Être principe, le feu. Le mot latin mundus rend très-imparfaitement le sens du grec. Il signifie exactement ce qui est rendu net et propre au moyen de l'eau. Sa racine prochaine est unda, et sa racine éloignée se trouve dans le phénicien ; אזר (aôd), une émanation, une vapeur, une source. On voit, d'après cette étymologie, que les Grecs tiraient l'idée de l'ordre et de la beauté, du feu, et les Latins, de l'eau. (pp. 197-199 & 206-207)
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Ces philosophes [Pythagore, Socrate, Platon] et leurs nombreux disciples ne mettaient point de bornes aux avantages de l'autopsie, ou, de la théophanie, comme ils nommaient quelque fois ce dernier degré de la science télestique. Ils croyaient que la contemplation de Dieu, pouvait être portée si loin pendant cette vie même, que l'âme non seulement s'unissait à cet Être des êtres, mais qu'elle se mêlait et se confondait avec lui. Plotin se vantait d'avoir joui de cette vue béatifique quatre fois, suivant Porphyre, qui lui-même assurait en avoir été honoré à l’âge de soixante-huit ans.

Le grand but des mystères, était d'apprendre aux initiés la possibilité de cette réunion de l'homme avec Dieu, et de leur en indiquer les moyens. Toutes les initiations, toutes les doctrines mythologiques, ne tendaient qu'à alléger l'âme du poids de la matière, à l'épurer, à l'éclairer par l'irradiation de l'intelligence, afin que, désireuse des biens spirituels, et s'élançant hors du cercle des générations, elle put s'élever jusqu'à la source de son existence. Si l'on examine avec soin les cultes différents qui ont dominé ou qui dominent encore sur la terre, on verra qu'ils n'ont pas été animés d'un autre esprit. La connaissance de l'Être des êtres a été offerte partout comme le terme de la sagesse ; sa ressemblance, comme le comble de la perfection ; et sa jouissance, comme l'objet de tous les désirs et le but de touts les efforts. On a varié dans l'énumération de ses facultés infinies ; mais quand on a osé fixer les yeux sur l'unité de son essence, on l'a toujours défini comme Pythagore : le principe et la fin de toutes choses.

« L'Esprit dont procèdent les êtres créés, disent les Brahmanes, par lequel ils vivent après en être émanés, vers lequel ils aspirent, et dans lequel ils finissent par être absorbés, cet Esprit est celui dont tu dois ambitionner la connaissance : c'est le Grand-Être. L'Univers est une de ses formes. Il est l'Être des êtres : sans mode, sans qualité, sans passion, immense, incompréhensible, infini, indivisible, incorporel, irrésistible : nulle intelligence ne petit concevoir ses opérations, et sa volonté suffit pour mouvoir toutes les intelligences. Il est la vérité et la science qui ne périt point. Sa sagesse, sa puissance, et ses projets, sont comme une mer immense et sans bornes que nul être n'est en état ni de traverser ni d'approfondir. Il n'y a point d'autre Dieu que lui. L'Univers est rempli de son immensité. Il est le principe de toutes choses sans avoir de principes. Dieu est un, il est éternel. Il ressemble à une sphère parfaite qui n'a ni commencement ni fin. Il règle et gouverne tout ce qui existe par une providence générale, résultante de principes fixes et déterminés. L'homme ne doit point chercher à pénétrer la nature ni l'essence de cet Être ineffable ; une pareille recherche est vaine et criminelle ». (pp. 356-359)
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Il est digne d'observation que Pythagore commence la partie purgative de sa doctrine par recommander l'observance des devoirs naturels, et qu'il place au rang des premières vertus la piété filiale, l'amour paternel et conjugal. Ainsi cet admirable philosophe met son premier soin à resserrer les liens du sang, à les rendre chers et sacrés ; il prêche le respect aux enfants, la tendresse aux pères, l'union à tous les membres de la famille ; il suit ainsi le sentiment profond qu'inspire la Nature à tous les êtres sensibles ; bien différent en cela de quelques législateurs aveuglés par une fausse politique, qui, pour conduire les hommes à je ne sais quelle force et quel bonheur imaginaires, ont voulu, au contraire, briser ces liens, anéantir ces rapports de père et de fils et de frère, pour concentrer, disaient-ils, sur un être de raison appelé la Patrie, l'affection que l'âme divise sur ces objets de son premier amour.

Si ces législateurs avaient voulu réfléchir un moment, ils auraient vu qu'il n'existe point de patrie pour celui qui n'a point de père, et que le respect et l'amour que l'homme dans son âge viril ressent pour les lieux de sa naissance, tiennent leur principe et reçoivent leur force de ces mêmes sentiments qu'il ressentit dans son enfance pour sa mère. Tout effet annonce une cause ; tout édifice repose sur des fondements : la véritable cause de l'amour de la patrie est l'amour maternel ; les seuls fondements de l'édifice social sont la puissance paternelle et le respect filial. De cette seule puissance découle celle du Prince, qui, dans tout état bien organisé, étant considéré comme le Père du peuple, a droit à l'obéissance et au respect de ses enfants.
(...)
La piété filiale est la vertu nationale des Chinois, le fondement sacré sur lequel repose l'édifice social du plus grand, du plus ancien peuple du Monde. Cette vertu est à la Chine, depuis plus de quatre mille ans, ce que fut à Sparte ou à Rome l'amour de la patrie. Sparte et Rome se sont écroulées, malgré l'espèce de fanatisme dont leurs enfants étaient animés, et l'empire chinois, qui subsistait deux mille ans avant leur fondation, subsiste encore deux mille ans après leur chute.

Si la Chine a pu se conserver au milieu du flux et du reflux de mille révolutions, se sauver de ses propres naufrages, triompher de ses propres défaites, et subjuguer ses conquérants mêmes, elle le doit à cette vertu qui, s'élevant depuis le dernier citoyen jusqu'au Fils du ciel, assis sur le trône impérial, anime tous les cœurs d'un feu sacré, dont la nature elle même fournit les aliments et éternise la durée. L'empereur est le père de l’État ; deux cents millions d'hommes qui se regardent comme ses enfants composent son immense famille ; quel est l'effort humain qui pourrait renverser ce colosse ? (pp. 208-209 & 211-212)
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J'ai parlé souvent de ce premier ternaire, et même des triples facultés qui s'attachent à chacune de ses modifications ; mais comme je l'ai fait à plusieurs reprises, je crois utile d'en présenter ici l'ensemble, afin d'avoir occasion d'y réunir, sous un même point de vue, l'unité volitive, qui en fait résulter le quaternaire humain, en général, et l'être particulier, qui est l'homme.

Les trois facultés qui, comme je l'ai dit, distinguent chacune des trois modifications humaines, sont la sensibilité pour le corps, le sentiment pour l'âme, l'assentiment pour l'esprit. Ces trois facultés développent l'instinct, l'entendement et l'intelligence qui produisent, par une mutuelle réaction, le sens commun, la raison et la sagacité.

L'instinct placé au plus bas degré de la hiérarchie ontologique, est absolument passif ; l'intelligence élevée au sommet, est entièrement active, et l'entendement placé au centre est neutre. La sensibilité perçoit les sensations, le sentiment conçoit les idées, l'assentiment élit les pensées : la perception, la conception, l'élection, sont les modes d'agir de l'instinct, de l'entendement et de l'intelligence. L'entendement est le siége de toutes les passions que l'instinct alimente continuellement, excite, et tend à désordonner ; et que l'intelligence épure, tempère, et cherche toujours à mettre en harmonie. L'instinct réactionné par l'entendement, devient sens commun : il perçoit des notions plus ou moins nettes, suivant le plus ou le moins d'influence qu'il accorde à l'entendement. L'entendement réactionné par l'intelligence, devient raison : il conçoit des opinions d'autant plus justes, que ses passions sont plus calmes. La raison ne peut point, de son propre mouvement, arriver à la sagesse et trouver la vérité, parce qu'étant placée au milieu d'une sphère, et forcée d'y décrire, du centre à la circonférence, un rayon toujours droit et subordonné au point de départ ; elle a contre elle l'infini, c'est-à-dire que la vérité étant une, et résidant dans un seul point de la circonférence, elle ne peut être l'objet de la raison qu'autant qu'elle est connue d'avance, et que la raison est mise dans la direction convenable pour la rencontrer.

L'intelligence, qui peut seule mettre la raison dans cette direction, par l'assentiment qu'elle donne au point de départ, ne saurait jamais connaître ce point que par la sagesse qui est le fruit de l'inspiration : or l'inspiration est le mode d'agir de la volonté, qui se joignant au triple ternaire que je viens de décrire, constitue le quaternaire ontologique humain. (pp. 338-340)
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On sait assez que tout ce qu'il y a eu d'homme distingués tant parmi les anciens que parmi les modernes, tous les savants recommandables par leurs travaux ou leurs lumières, se sont accordés à regarder les préceptes de Pythagore comme symboliques, c'est-à-dire comme renfermant, au figuré, un sens très différent de celui qu'ils paraissaient offrir au propre. C'était l'usage des prêtres Égyptiens, chez lesquels il les avait puisés, de cacher leur doctrine sous l'écorce des paraboles et des allégories. Le Monde était à leurs yeux une grande énigme dont les mystères, revêtus d'un style également énigmatique, ne devaient jamais être ouvertement divulgués.

Ces prêtres avaient trois sortes de caractères, et trois manières d'exprimer et de peindre leurs pensées. La première manière d'écrire et de parler, était claire et simple ; la seconde, figurée ; et la troisième, symbolique. Ils se servaient, dans la première de caractères usités par tout le monde, et prenaient les mots dans leur sens propre ; dans la seconde, ils employaient des caractères hiéroglyphiques, et prenaient les mots dans un sens détourné et métaphorique ; enfin ils faisaient usage, dans la dernière, de phrases à double sens, de fables historiques, astronomiques ou de simples allégories. Le chef-d’œuvre de l'art sacerdotal était de réunir ces trois manières, et de renfermer, sous l'apparence d'un style simple et clair, le sens vulgaire, le figuré et le symbolique. Pythagore a cherché cette sorte de perfection dans ses préceptes, et souvent il l'a atteinte ; mais celui de tous les théosophes instruits dans les sanctuaires de Thèbes ou de Memphis, qui a poussé le plus loin cet art merveilleux, est sans doute Moïse.

La première partie de son Sépher, appelée vulgairement la Genèse, et qu'on devrait nommer le Bereshith de son nom originel, est en ce genre l'ouvrage le plus admirable ; le tour de force le plus étonnant qu'il soit possible à un homme de concevoir et d'exécuter. Ce livre, qui contient toute la science des antiques Égyptiens, est encore à traduire, et ne pourra être traduit que lorsqu'on se sera mis en état d'entendre la langue dans laquelle il a été primitivement composé. (pp. 402-404)
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