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Critiques de Antoine Sénanque (156)
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Croix de cendre

°°° Rentrée littéraire 2023 # 52 °°°



1367. Deux jeunes moines dominicains prennent la route vers Toulouse, chargés par leur prieur d’aller acheter du parchemin vélin de la meilleure qualité afin de rédiger ses mémoires. Plutôt heureux de quitter la monotonie de leur couvent, les deux candides ne se doutent pas du guêpier dans lequel ils se sont fourrés. L’Inquisition les attend, alertée par les projets du prieur dont les confessions pourraient révéler un secret capable d’ébranler l’Eglise et ses fondements.



Dès que parait un polar historique érudit situé au Moyen-Age, mettant en scène des ecclésiastiques, des inquisiteurs et des controverses religieuses, on le compare inévitablement au Nom de la rose d’Umberto Eco, le maitre étalon du genre, absolument indépassable. Dans ce cas précis, oui, j’y ai pensé, évidemment, mais la comparaison s’arrête vite car ici, pas de huis clos, on est autant dans le roman d’aventures que le polar car l’auteur fait voyager ses personnages de Toulouse à Paris, en passant par Cologne, Avignon où siège la papauté à cette époque, et surtout le Moyen-Orient sur la route de la soie.



A partir de là, Antoine Sénanque construit un récit à deux temps maitrisé de bout en bout : le récit au passé des mémoires du prieur racontant sa jeunesse aux côtés de Maître Eckart, renommé théologien, ainsi que les origines de la Peste en 1347 lors du siège de Kaffa ; vingt ans après, le récit au présent de la lutte entre l’Inquisition et les moines dominicains menés par le prieur.



L'auteur alterne avec brio scènes de bravoure ( incroyables descriptions du siège de Kaffa, comptoir génois, par la Horde d’Or tatare du Khan Djanibeg, ou encore des geôles cauchemardesques de l’Inquisition toulousaine ) et scènes plus intimistes, notamment celles centrées sur la philosophie religieuse de Maître Eckart dont le prieur a été le disciple. C’est une prouesse de rendre accessible sa théologie complexe qui est au cœur de l’intrigue. J’ai eu l’impression de tout comprendre de sa mystique abolissant la distance de majesté entre Dieu et les hommes à partir du moment où ces derniers accomplissent un dénuement radical de l’âme. Maître Eckart n’a jamais été déclaré hérétique ( il s’en est fallu de peu ) mais ses écrits ont été condamnés et censurés.



Et puis, il y a les personnages, tous formidablement incarnés, tous dotés d'une psychologie fouillée qui se révèle progressivement ( pour les plus âgés comme le prieur Guillaume et son sacristain ) ou se transforment ( pour les plus jeunes, Antonin l'érudit et Robert, plus rustique ), y compris le « méchant », le fourbe inquisiteur Louise de Charne, qui avait tout pour être caricatural et finalement est bien plus complexe, et donc intéressant, que l'expression manichéenne de sa haine et de son ambition. Sans oublier les formidables béguines formant des communautés de femmes pieuses et travailleuses vivant leur foi de façon enflammée, quasi charnelle.



Le récit est rempli de surprises, de secrets révélés, de rebondissements au coeur de la folie des luttes intestines entre les différents ordres religieux ( ici Franciscains vs Dominicains ) et au sein de ces mêmes ordres religieux. On se régale des dialogues enlevés,. Bref, ce roman est palpitant et passionnant !
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Croix de cendre

Polar mêlant l'Histoire et la fiction, en plein Moyen-Age religieux, où la fureur de la peste le dispute aux atrocités de l'Inquisition…

Dans « Croix de cendre », Antoine Sénanque nous invite tout à la fois à descendre et à monter, à voir le pire possible en l'homme et à déceler ses sommets de pureté. La noirceur la plus absolue de l'âme humaine côtoie le sacrifice le plus extrême de soi par amour pour son prochain. Ascenseur émotionnel remarquable dans lequel nous embarque l'auteur, nous faisant découvrir la vie, la philosophie et les secrets de Maitre Eckhart, dominicain allemand de grande renommée qui enseignait dans les universités, les monastères, les béguinages et les confréries religieuses de toute l'Europe.



A l'hiver de sa vie, au 14ème siècle, le prieur Guillaume, avant de partir au ciel, souhaite révéler d'importants souvenirs au sujet de son maitre, feu Maitre Eckhart. Vu l'importance des révélations, il souhaite les faire écrire sur un matériau noble, le vélin, peau de veau à la texture douce, fine et qui sait comme nulle autre capter la lumière. Il envoie ainsi frère Robert et frère Antonin, deux moines liés par une forte amitié, auprès de tanneurs afin d'aller chercher les matériaux nécessaires à son projet, le vélin donc mais aussi l'encre bien spécifique et les plumes. Une fois arrivés sur place, les deux frères se font étrangement amener chez l'Inquisiteur du Languedoc qui décide de séquestrer Robert dans une terrible geôle au doux nom de Couloir, le soupçonnant d'hérésie, et propose un marché à Antonin : il lui promet de libérer Robert si, en contrepartie, Antonin, chargé d'écrire dans le scriptorium sous la dictée de Guillaume ces fameuses révélations, lui livre secrètement et régulièrement les confessions de Guillaume dont il semble craindre ou attendre le contenu. Force est de se demander, avec Antonin, quel secret ce parchemin va contenir pour intéresser autant l'Inquisition…



L'amitié extrêmement forte qui lie Antonin à Robert le pousse à obéir, mais il est également loyal et fidèle à Guillaume. le jeune moine étant visiblement totalement tiraillé, Guillaume ne tarde pas à se douter du terrible dilemme que vit le jeune moine. Aussi, à l'aide de son fidèle sacristain Jean et du tanneur, il va tenter de secourir Robert tout en évitant, avec subtilité, de céder au chantage de l'inquisiteur. le manuscrit lui, s'écrit peu à peu et nous découvrons, en même temps qu'Antonin, qui était Maître Eckhart, ce célèbre théologien dont Guillaume fut ainsi le fidèle assistant, esprit libre, brillant et controversé, aux idées spirituelles hétérodoxes, rendu fou par la cruauté des hommes d'église. Ce manuscrit évoque également la peste qui ravagea l'Europe décimant les populations, faisant des villes et des villages des lieux de désolation.



Ce roman est un livre dont la belle érudition s'entrelace à merveille avec le récit d'aventure romanesque. Une érudition de qualité qui se base sur des faits historiques véridiques. J'ai été impressionnée par la maigre bibliographie sur laquelle s'est basée Antoine Sénanque. Quatre livres en tout et pour tout, dont j'ai noté précieusement les références, pour nous expliquer les épidémies de peste, dénommée alors « le fléau de Dieu », sa propagation et ses effets dévastateurs. L'épidémie de peste de 1348 est particulièrement bien relatée avec en point de mire l'incroyable siège de Kaffa par les armées Mongoles qui l'abandonnèrent après avoir été décimées par la peste, non sans avoir contaminé au préalable la ville en catapultant tous leurs cadavres atteints par la maladie. L'auteur nous explique également les différences entre les Dominicains et les Franciscains et leur rivalité ; il nous narre les médecines de l'époque à base de saignées et de concoction de Simples, ces herbes médicinales ; nous relate les riches idées spirituelles de Maitre Eckhart, notamment celle du Détachement le plus total, ou encore l'existence des béguines, ces femmes veuves, extatiques, libres, sans voeux, ni clôture, dont les vibrants et passionnés poèmes spirituels entachent leur réputation auprès de l'Inquisition. Sans oublier justement le voile soulevé sur les rouages perfides de l'Inquisition basées sur la délation facile et les preuves sorties de leur contexte, pour se débarrasser rapidement de quelqu'un, ainsi que ses méthodes de torture totalement effarantes.



« C'est la peste qui a redressé la chrétienté. Aucun de nos châtiments, aucune de nos tortures n'auraient pu terrifier les pêcheurs à ce point. Depuis, le peuple fait pénitence. En Allemagne et tout au long du Rhin, entre Bâle et Strasbourg, des groupes de laïcs se regroupent dans la simplicité et le service des autres. Leur seule inspiration est d'imiter le Christ. On les appelle les « amis de Dieu ». Ils ne sont pas guettés par les hérésies car ils ne réfléchissent pas. Ils ne pensent pas leur foi, ils la vivent. Simplement. La peste a tué la pensée. Les idées sont mortes sur les charrettes qui portaient les corps de ses victimes. Les catastrophes ont cet effet sur l'humanité, elles tuent les ambitions».



Entre fresque historique, polar religieux et quête spirituelle, l'auteur nous plonge avec délice et de façon haletante, dans une Europe hantée par le fantôme de la peste et rongée par la corruption des élites religieuses. C'est un livre qu'on ne lâche pas, superbement écrit, qui touche à la fois le coeur et la raison !



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Croix de cendre

Petit écho à Umberto.

En 1367, l’église ne sent pas la rose, et le prieur Guillaume charge deux jeunes frères dominicains de se rendre à Toulouse pour lui ramener du vélin, parchemin de luxe tiré de la peau d'un veau mort-né. Ils vont se faire tanner pour ramener la rame de papier. L’homme d’église ne veut pas se lancer dans les enluminures pour soigner ses majuscules mais pour révéler le destin du plus grand théologien de l’époque, Maître Eckhart, dont il fut le novice et compagnon de déroute.

Cet illustre mystique qui a vraiment existé et dont émanait, parait-il, un feu sacré, sans pourtant finir au bûché, a eu quelques démêlés avec les autorités ecclésiastiques de l’époque, qui lui firent un procès en hérésie pour avoir eu un peu trop d’influence spirituelle et pour avoir aussi un peu trop béguiné avec les béguines, ces femmes qui vécurent en communautés religieuses laïques le long du Rhin.

Le grand inquisiteur du Languedoc va chercher à contrarier l’écriture de ces mémoires, la révélation de certains secrets pouvant causer du tort à ses ambitions papales et un séisme au sein de l’église.

Je propose à tous les déclinistes de partir un faire un stage au 14ème siècle dans ce roman pour relativiser nos petits soucis actuels. Au programme des calamités : peste noire qui toucha un européen sur trois, famines à répétition avec une vague glaciaire, la guerre de Cent ans qui dura 116 ans (c’est un peu comme les 3 mousquetaires qui étaient quatre), pas de wifi, pas de retraite autre que spirituelle avec une espérance de vie de libellule et une Inquisition en avance sur son temps puisqu’elle décarbona ses barbecues en faisant de l’hérétique un bon combustible attisé par des larmes de repentir.

Antoine Senanque, qui a choisi comme pseudonyme le nom d’une magnifique abbaye Cistercienne, a habilement construit son récit en alternant les machinations du grand inquisiteur pour contrarier la rédaction des mémoires du prieur Guillaume et le parcours presque biblique de Maître Eckhart avec l’ombre de la peste noire comme châtiment divin. D’ailleurs, le récit du siège de Caffa par l’armée Mongole qui catapulta ses pestiférés derrière les remparts avant de plier boutique et yourtes est saisissant d’effroi. Ils ont inventé la guerre bactériologique.

Dans ce polar médiéval, l’auteur mêle bubons et goupillon, aventures à la bure et érudition, scapulaires et crapules, réalité historique et fiction. C’est passionnant de bout en bout, et même les paragraphes qui vulgarisent les théories complexes et arides de Maître Eckhart ne m’ont pas donné envie de bouffer du curé après le chapon.

Cette histoire s’amuse aussi des luttes d’influence peu glorieuses entre les Dominicains et les Franciscains, deux ordres mendiants qui n’ont pas le même maillot et qui muèrent leurs vœux d’humilité en résolutions de nouvelle année à l’approche d’une salle de sport et d’agités en lycra.

C’est aussi un beau roman sur l’amitié et la fraternité, thèmes qui climatise un peu l’enfer des fléaux de ce siècle.

Croix de cendre, superbe titre, sans égaler « Le nom de la Rose », mérite copistes et enluminures.

Bon, je peux aller à confesse je crois.





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Croix de cendre

Lorsque leur prieur les envoie à Toulouse y chercher la meilleure qualité d’encre et de vélin pour son testament, les frères dominicains Robert et Antonin sont loin de se douter que cette mission va les mener tout droit dans les griffes de l’Inquisition. Tandis que, retenu en otage, le premier est jeté au plus secret des terribles geôles du tribunal pontifical, le second se voit contraint, pour espérer le libérer, de transmettre au grand Inquisiteur les confessions à venir de leur maître. Quels secrets sont-elles donc supposées dévoiler pour, en pleine Inquisition, faire trembler l’Église et son ambitieuse et intrigante hiérarchie ?





Désormais doublement tenus en haleine, par le sort de Robert livré aux affres de la torture et par les mystérieuses révélations qui vont occuper plus de quatre cents pages aussi denses en surprises qu’un polar, nous voilà, par une habile mise en abyme nous plaçant dans la même perspective qu’Antonin, récipiendaire des mémoires de son aîné Guillaume, les témoins emplis de curiosité du monde intellectuel du XIVe siècle. Le récit à l’intérieur du récit nous place cette fois dans les pas de Maître Eckhart, personnage bien réel disparu quarante ans plus tôt, en 1328, et dont Guillaume fut le jeune disciple et assistant.





A son époque, Maître Eckhart était un théologien de grande renommée qui enseignait dans les universités, les monastères et les confréries religieuses de toute l’Europe. La narration de Guillaume est l’occasion de découvrir sa pensée, de considérable influence, dans le contexte d’effervescence intellectuelle qui, en ce tournant du XIVe siècle, accompagnait la renaissance des villes et l’essor des échanges à travers l’Europe. Monastères, ordres, mais aussi confréries à vocation religieuse - béguinages ou autres - se développaient, en même temps que les écoles et les universités où clercs et laïcs se disputaient l’accès au savoir et à l’enseignement. Les rivalités étaient telles que l’on en venait souvent aux mains entre factions étudiantes, ces frictions reflétant à leur échelle les luttes politiques pour le pouvoir entre les diverses autorités.





Dans une telle foire d’empoigne, un moyen radical de se débarrasser d’un importun consistait à le dénoncer à l’Inquisition, pour peu que, comme Eckhart, certains de ses propos sortis de leur contexte pussent fleurer l’hérésie. Si sa mort avant la fin de la procédure d’Inquisition coupa court à toute sanction, son œuvre ayant été condamnée post mortem à l’oubli, toutes les mesures furent prises pour qu’elle disparût avec lui. Un retour à l’obscurité qui en devançait un autre, d’une ampleur cataclysmique, puisque vingt ans plus tard, en 1348, la peste ravageait et terrorisait l’Europe, tuant les idées dans un regain de ferveur religieuse. Cet épisode noir de l’Histoire offre à l’écrivain l’un des passages les plus impressionnants de son livre, à l’occasion du siège de Caffa que les armées mongoles abandonnèrent, décimées par la peste, mais non sans contaminer la ville en y catapultant leurs cadavres pestiférés...





Mêlant l’Histoire et la fiction avec autant de réalisme que d’originalité, Antoine Sénanque signe un roman passionnant, polar médiéval mâtiné d’aventures, habile emboîtement de symboliques et éclairante vulgarisation de la pensée philosophique et religieuse de l’époque. Quelle ironie que ce personnage qui, après avoir tant travaillé à son union à Dieu selon le principe de divinisation de l’homme, se fait plus vengeur que le plus biblique des Dieux, allant jusqu’à préférer la compagnie des rats à celle de ses semblables ! Coup de coeur.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Guérir quand c'est impossible

♫Par les quatre horizons qui crucifient le monde

Par tous ceux dont la chair se déchire ou succombe

Par ceux qui sont sans pieds, par ceux qui sont sans mains

Par le malade que l'on opère et qui geint

Et par le juste mis au rang des assassins

Je vous salue, Marie.



Oh, Marie, si tu savais

Tout le mal que l'on me fait

Oh, Marie, si je pouvais

Dans tes bras nus me reposer

Évanouie, mon innocence

Tu étais pour moi ma dernière chance

Peu à peu, tu disparais

Malgré mes efforts désespérés



J'aime Les Gens Qui Doutent

Les gens qui trop écoutent [...]

Ceux qui n'auront pas honte

De n'être au bout du compte

Que des ratés du coeur

Pour n'avoir pas su dire

"Délivrez-nous du pire

Et gardez le meilleur"

J'aime leur petite chanson

Même s'ils passent pour des cons

J'aime les gens qui n'osent

S'approprier les choses ♫

La prière - Georges Brassens -1953

Marie - Johnny Hallyday - 2002

Les Gens qui doutent- Anne Sylvestre-1977





Peut-on tester Dieu comme un vulgaire médicament ?

Faut-il apprendre aux médecins à être des charlatans ?

Un thérapeute efficace doit être un charlatan singulier,

qui envers le patient se doit de lui dire sa vérité,

La vérité en médecine étant celle qui sert à la guérison

Croyance, miracle, placebo et autres, qui a raison ?



Je panse donc j'essuie

Médecins, malade et maladie

célèbre triangle Hyppocratique

faut être balèze en mathématiques

pour les incurables c'était un carré

le quatrième coté étant le sacré

Sacrée claque à Pythagore

avec son théoreme, que nul ignore !

AB²+AC² ça m'est égal, ta tête au carré !?



Mes sincères félicitations, à Mr Sénanque

qui jongle avec l'ethique en saltimbanque

Pour un Neurologue authentique

une petite prose Sémantique

du bio logique à la métaphysique

maladie de Lyme , remède homéo pas tique

Pas de panique, propos prosaïques

peut rendre vraies même les fausses sceptiques

de la Grèce Antique à l'épigénétique

références philosophiques, au Renouveau Charismatique

sans vouloir faire son malin

il nous montre le Chemin

Demandez pour être guéri ! … priez !

Si vous manquez de vocabulaire, marchez !

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Croix de cendre

« …. Je te porterai comme une croix de cendre,

Une croix de vent et de néant.

Je te porterai au cœur même de ma fin, dans ma nuit,

Au point où défaite de matière et de temps

Ne subsistera de moi que la longue étreinte de ta grâce.

Et au cœur même de cette étreinte,

Le secret de ton amour et de mon éternité :

Le long désir. »



Tout commence par la discussion de deux jeunes moines, qui laisse paraître une certaine animosité entre les différents ordres

Le prieur Guillaume sentant sa mort venir à décidé d’écrire ses mémoires et de raconter les années qu’il a passé auprès de Maître Eckhart. C’est ainsi que nous allons connaître les aventures des chiens de Dieu (des dominicains) moines prêcheurs qui empruntaient la route de la soie

A partir de ce moment une incroyable aventure nous attend qui se terminera par un bras de fer entre le prieur et un inquisiteur. Les personnages se dévoileront petit à petit

Un Moyen-âge qui porte les stigmates de la peste, où sévit la lèpre. Différents ordres viennent en aide aux miséreux et parmi eux les fameux béguinages qui suscitent beaucoup d’animosité.

Des êtres mystiques d’une grande spiritualité comme Maître Eckart et quelques autres seront la proie des médisances et des membres de l’inquisition

Des hommes bons seront persécutés, acculés, sombreront dans la folie ou commettront l’irréparable

Haine, ambition, cruauté, abus de pouvoir, vengeance mais aussi loyauté tissent une œuvre romanesque de grande qualité.

Un suspense qui va crescendo et une atmosphère envoutante qui m’ont laissée scotchée au livre.

Une trame toute à la fois romanesque et historique qui nous réserve de grands moments. Je ne connaissais pas Antoine Sénanque mais quel auteur ! Quelle érudition !

Un roman à lire et à offrir assurément.

Merci aux éditions Grasset.

#Croixdecendre #NetGalleyFrance

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Que sont nos amis devenus ?

Découverte de l’auteur avec ce roman qui se donne des airs de polar, même si pour une fois, le flic de service est non seulement pitoyable mais aussi nul, dans ses capacités de déduction.



Lorsque Pierre Mourange attend patiemment l’arrive de son épouse et de sa fille chez leur thérapeute familial, il ne se doute pas qu’une partie de son existence va changer. Les deux femmes de sa vie n’arrivent pas, il sort du cabinet pour confier son mal-être à une masseuse professionnelle, et c’est pendant cet épisode réconfortant que le psychiatre dont il fut le dernier patient à plus d’un titre, choisit de mettre fin à ses jours. Avec le revolver que par curiosité Pierre a manipulé quelques instants…



Cette intrigue est le support pour d’autres évocations, des histoires d’amour, naissantes ou mourantes, des histoires d’amitiés, si profondes qu’elles survivent à des trahisons pardonnées mais pas oubliées, ou font franchir le rubicond de la légalité.

On aime aussi les papys qui font de la résistance malgré la puissance des forces qui gouvernent l’administration d’une institution qui héberge des personnes âgées



Le ton est quelque peu désabusé, mais les circonstances ne sont pas particulièrement drôles, et malgré tout, certains personnages nous feront sourire par leur compétences cachées ou leur incompétence notoire.



Beaucoup de plaisir donc à la découverte de ce roman qui m’incite à vouloir explorer l’univers littéraire de l’auteur .


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Croix de cendre

Hep hep hep ! Trois heures et demi du mat ! Debout là-dedans les feignasses ! c’est l’heure des Laudes !

La quatrième de couverture vantait un roman d‘aventures, fresque historique, étude théologique et polar médiéval.

Tout était plutôt bien parti avec de mémorables premières lignes dans lesquelles il est question de moines qui se les gèlent au monastère de Verfeil dans le Languedoc en février 1367.

Cependant mon enthousiasme est assez vite retombé car j’ai très trouvé l’ensemble assez inégal. S’il y a des passages très intéressants sur la vie des moines au moyen âge, les liens hiérarchiques entre eux, les relations entre franciscains et dominicains avec une salvatrice pincée d’humour, j’ai décroché à la lecture des passages sur la théologie d’Eckhart, maître que servait que le prieur Guillaume dans sa jeunesse.

Guillaume, prieur du couvent de Verfeil, décide de coucher ses souvenirs sur vélin au soir de sa vie. Il fait pour cela appel au jeune Antonin, frère chargé d’écouter ses souvenirs puis de les retranscrire.

Certaines lignes m’ont transportée, fait voyager à Kaffa en Crimée, lorsque des Tartares ont eu l’idée dévastatrice de remplacer leurs boulets de pierre dans leurs trébuchets par des cadavres de pestiférés. Des passages m’ont séduite par leur beauté et poésie sombres. Cependant, d’autres interminables m’ont assommée sur la théologie d’Eckhart à laquelle Guillaume dit ne pas voir compris grand-chose. Et bien, j’avoue ne pas avoir compris beaucoup plus, j’ai fini par survoler ces paragraphes très obscurs.

Je me suis perdue dans les derniers chapitre entre les batailles entre dominicains et inquisiteurs et mon intérêt s’est émoussé. La fin du roman n’a donc pas arrangé les choses, elle m’a semblé un peu facile, venant trop vite clore et laisser en suspens les sujets.

Déçue par ce rendez-vous raté, un livre qui témoigne de l’érudition de son auteur, que je n’ai peut-être pas lu au bon moment, qui n’aura pas résonné en moi tout cas (ou alors ça a sonné trop creux). J’ai eu envie de crier Hep ! Hep ! pour qu’on vienne me tirer de là, interjection au sujet de laquelle le livre m’a appris la chose suivante :

« Hep ! Hep ! »

-Sais-tu ce que cela signifie Antonin ?

-Non, mon père.

-Ce sont les initiales de « Hierosolyma est perdita », Jérusalem est perdue. Un cri de croisés qui appelle au meurtre des juifs. Tu l’entends encore aujourd'hui.

(p.228)

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Croix de cendre

Pour maintenir tout un peuple dans l'obéissance, rien de tel que la peur. Ainsi l'homme inventa la damnation éternelle en plus d'avoir inventé les guerres. Mais Dame Nature le supplanta en inventant les maladies. Quoi de plus terrifiant que la maladie? Quand rien ne peut vous protéger de cet ennemi qui vous tue de l'intérieur.



En 1346, les Mongols se trouvent en Crimée et font le siège de la ville de Caffa. Se sachant atteints par la peste et devant lever le camp, ils catapultent leurs cadavres par-dessus les murs de la ville pour infecter la population. Nous sommes au XIVème siècle et l'homme vient d'inventer la pire des guerres, la guerre bactériologique. Car une fois les Mongols partis, les Génois qui avaient leur comptoir à Caffa s'empressent d'affréter leurs navires pour regagner l'Italie, emportant dans les cales des centaines de rats infestés. C'est ainsi que l'Europe connut sa plus grande épidémie, qui lui fit perdre environ un tiers de sa population, soit 25 millions de personnes.



L'intrigue de Croix de cendre se situe vingt ans plus tard et commence dans le paisible monastère de Verfeil, en Haute-Garonne, dirigé par le Prieur Guillaume. La terreur de la peste s'est éloignée et la vie a repris son cours. Guillaume, sentant ses forces décliner, veut à tout prix laisser un témoignage de ces années de peste auxquelles il a miraculeusement survécu. Il envoie donc à Toulouse deux jeunes moines, Antonin et Robert, avec pour mission de lui ramener du vélin pour écrire son livre. Et c'est là que les péripéties commencent pour nos deux moinillons qui ne connaissent rien du monde et des bassesses humaines. Revenu à Verfeil, Antonin sera la main du Prieur Guillaume, celui qui devra graver dans le précieux vélin son histoire, notamment ce jour où Maître Eckhart l'a choisi pour être son assistant et les nombreuses années d'enseignement qu'il a passées à ses côtés. Entre le Maître et son disciple s'est tissée une solide amitié que rien, semble-t-il, ne peut défaire si ce n'est le terrible secret que Guillaume tient à graver sur le parchemin.



J'ai lu à de nombreuses reprises que Croix de cendre était un polar médiéval que l'on compare volontiers au Nom de la Rose. le terme polar me semble exagéré même si intrigue il y a. le héros étant un très jeune moine, il s'agirait plutôt d'un roman d'apprentissage ou d'aventures. Mais surtout, les pages qui décrivent les échanges entre Maître Eckhart et son jeune ami Guillaume sont d'une grande profondeur. Antoine Sénanque a étudié la pensée de Maître Eckhart et nous en livre la substance avec une remarquable aisance, rappelant au passage combien la pensée du Maître s'est enrichie de celle de Marguerite Porète, béguine et poétesse nous ayant laissé de merveilleux chants adressés à Dieu.



Maître Eckhart: " -Que tu dises qu'Il est infini ou qu'Il fait la taille d'une mouche, Dieu n'est rien de ce que tu peux en dire. Mieux vaut dire alors que Dieu n'est rien. Ou dire ce qu'Il n'est pas, plutôt que ce qu'Il est à l'horizon de notre faible intelligence. Dès que tu parles de Dieu, dès que tu le qualifies, tu le fais exister comme une créature. Et c'est cela, dont il faut se séparer. du Dieu créature."



Roman historique, Croix de cendre s'inscrit dans un Moyen-Âge tourmenté ou le Grand Inquisiteur faisait régner la terreur au nom de Dieu, ayant le pouvoir de torturer et tuer qui bon lui semblait. Mais curieusement, les hérétiques étaient surtout des pauvres et des femmes. Pas de seigneurs pour allumer les bûchers. Pourtant certains, luttant contre l'obscurantisme, faisaient copier des textes et des sermons interdits qu'ils cachaient ensuite dans les doubles-fonds de leurs bibliothèques. Qu'ils en soient remerciés.

Étrange époque que ce Moyen-Âge de tous les excès, de la peste et de la barbarie mais aussi des courants spirituels les plus purs. Mais sans Dieu, comment les hommes auraient-ils pu supporter cette existence difficile?



Et voilà sans doute le coeur même de ce roman, l'interrogation qui le traverse de bout en bout. Quelle quantité de souffrance pouvons-nous endurer avant de douter de Dieu? Face à la maladie, la cruauté, la mort de ceux qu'on aime, dans le pire dénuement, serons-nous capables, comme l'a fait Job, de garder la Foi? Ou au contraire serons-nous de ceux qui accusent? Car les fléaux qui s'abattent sur l'humanité, si Dieu ne les a pas envoyés, pourquoi ne les a-t-il pas empêchés? Tout vrai croyant, un jour, connaît le doute qui égare. C'est un chemin semé de pierres. le mieux est de ne pas le parcourir seul car le retrait du monde est un poison dangereux pour l'âme et l'esprit.



Dans Croix de cendre, Antonin et Robert font le chemin ensemble et c'est peut-être là le plus beau du livre, cette fraternité qui vous sauve de tout, y compris de vous-même, cette intime faiblesse que l'on peut avouer sans qu'elle vous soit reprochée.

Robert: -"La vie est sèche, Antonin, c'est pour çà qu'il faut pleurer dessus. Pour qu'on puisse y faire pousser quelque chose."

Et ces deux-là cultivèrent le plus pur et le plus noble des sentiments, l'amitié.

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Croix de cendre

« Toutes les mémoires étaient recouvertes de croix de cendre, de grands cimetières d'actes dont l'oubli avait emporté les ombres. Chacun pouvait prétendre renier leur existence. Mais les croix demeuraient, elles prouvaient qu'on ne décidait pas du destin de nos actes et qu'aucune trace ne s'effaçait jamais de la surface de la terre. »



Quel roman passionnant !

Je suis une fervente lectrice de littérature historique et ce roman m'attirait depuis sa parution. Et là, je dois bien avouer que j'ai pris énormément de plaisir à cette lecture qui m'a emportée dans une période historique qui me fascine, le Moyen-âge. le récit évolue autour de l'année 1348, date marquée la terrible peste noire.

C'est un roman baigné de lumière et de ténèbres. Il nous parle de foi, de vocation et de liberté ; d'Inquisition et d'hérésie, de tortures, de persécutions et de condamnations au bûcher ; d'ambition et de folie, de jalousies et de rivalités, de haine et de trahisons, de regrets et de sacrifice.



*

Le roman arbore deux temporalités : il débute en 1367 dans un monastère du Languedoc où le prieur Guillaume, un des hommes les plus respectés de l'ordre des Dominicains, sentant sa mort approcher, décide de se confier en couchant ses mémoires sur le plus beau des parchemins, le vélin.



« Son heure était proche, son coeur de vieil homme le savait. La prière aurait bien mieux valu que le dévoilement de son passé. Mais la prière ne suffisait pas. Les croix de sa mémoire y résistaient, veillant sur de grandes sépultures dont il devait à présent rendre le souvenir au monde. »



Il confie à deux jeunes frères dominicains, Antonin et Robert, la mission à priori anodine de se rendre à Toulouse pour se procurer des vélins, des plumes et de l'encre de qualité. Les deux hommes quittent le monastère de Verfeil, heureux d'échapper pour quelques jours à la vie monacale. Mais les révélations du prieur font peur et menacent l'ambition de certains membres haut placés de l'Eglise.

De ce voyage à Toulouse, un seul des deux frères reviendra avec les parchemins et deviendra la plume du vieil homme.



« Il fallait percer cette mémoire comme un abcès. »



Nous sommes en présence de deux temps historiques qui s'entrelacent, de deux intrigues qui se répondent. En effet, les aveux du prieur Guillaume remontent le fil de l'Histoire jusqu'à l'an 1313, date à laquelle jeune novice, il devient l'assistant d'Eckhart de Hochheim, un des plus grands intellectuels, théologiens et philosophes dominicains de son époque. Sa confession révèle la destinée de son maître au temps de la Peste noire, il confie la vérité sur les origines de ce fléau qui s'est propagé en Europe en 1348 et qui a décimé un tiers de la population.



« … les souvenirs ont des bras. Pour nous enlacer comme ceux d'une mère bienveillante et réchauffer nos coeurs ou bien serrer nos gorges pour étouffer notre soif de vivre. »



A chaque instant, on ressent la présence d'Eckhart dans la cellule du prieur qui lui aussi, semble conscient de cette ombre qui l'enveloppe. Elle paraît même s'étoffer, prendre corps à chaque souvenir ravivé et inscrit sur le parchemin.

Ainsi, « Croix de cendre » invite les lecteurs à suivre l'incroyable destinée de Maître Eckhart. Cet homme charismatique et mystérieux, qui prêche en allemand, séduit, fascine, envoûte le peuple, mais l'arrogance de sa foi et son aura grandissante font des envieux. Malgré la puissance de l'ordre dominicain, il est accusé d'hérésie et poursuivi avec acharnement par l'Inquisition.



*

Si « Croix de cendre » se rapproche davantage dans les premières pages du roman historique, de la quête spirituelle et de l'étude théologique, véritablement passionnant d'ailleurs mais demandant un peu d'attention pour ceux qui, comme moi, ne connaissaient pas les oppositions et les rivalités qui opposaient les Dominicains et les Franciscains, la suite du récit se découvre peu à peu comme un thriller médiéval et prend les allures d'un superbe roman d'aventure.

Après donc ce petit temps d'adaptation, je me suis laissée emporter par l'écriture d'Antoine Sénanque qui se révèle un superbe conteur, par l'atmosphère pleine de tensions, de remous politiques et religieux, de confidences dévoilées.



« Les bûchers s'allumaient à travers le pays. On brûlait pour une parole, pour un livre. On chassait les juifs, les bégards, les sorciers. Chaque jour moissonnait une énergie puissante et sombre. le monde grondait sous ces courants contraires qui s'entrechoquaient. »



Cette fresque historique nous fait voyager à travers les universités d'Europe, les communautés de béguines d'Allemagne et de Flandres, jusqu'aux portes de l'Asie où les caravanes commercent avec l'Orient. Riche en rebondissements et en secrets divulgués, elle mêle avec brio complots et passions humaines, temps et Espace.



Antoine Sénanque fait revivre des personnages historiques auxquels il associe des personnages de fiction. Monstrueux ou attachants, redoutables ou bons, ambitieux ou fraternels, ils sont captivants, tous magnifiquement incarnés, à tel point qu'ils prennent vie sous la magnifique plume de l'auteur.

L'auteur nous offre également de beaux portraits de femmes. Je suis entrée dans l'intimité des béguines et j'ai savouré la douceur de vivre des béguinages.



*

A aucun moment, je ne me suis égarée dans la narration. L'histoire m'a emportée par la richesse de ses détails, par la finesse de sa construction, par la personnalité complexe des personnages, par le mystère qui entourait la vie d'Eckhart et de son jeune disciple Guillaume. J'ai eu envie de reprendre maintes fois ma lecture, j'ai tourné les pages avec envie, avec avidité, avec émotions.



*

Bref, Antoine Sénanque réussit avec beaucoup de talent à marier petite et grande Histoire dans ce roman passionnant et émouvant, magnifiquement écrit et au suspense redoutable.

Un très grand plaisir de lecture, un coup de coeur assurément.
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Croix de cendre

* DISSONANCE *



On dirait bien que je vais être la voix dissonante de Babelio concernant ce roman. Moi, il ne m'a pas emportée, ni intéressée. Pourtant, il y a un beau fond historique mais l'histoire ne m'a absolument pas scotchée à mon canapé.



Le prieur dominicain Guillaume envoie deux novices, Antonin et Robert, chercher du vélin à Toulouse. La peau de veau étant rare et chère, on devine qu'il a quelque chose d'important à raconter. Oui mais Guillaume a des ennemis... dont l'inquisiteur. Celui-ci pressent que ce que va raconter Guillaume sur son Velin va lui servir, et il engeôle Robert.

Le prieur Guillaume va décrire son apprentissage auprès de Maître Eckhart. La vie de celui-ci, jusqu'à sa mort... qui n'est pas celle qu'on croit.

Qu'y a-t-il de si important sur ce vélin pour qu'il intéresse à ce point l'inquisition ? Ca vous le découvrirez en lisant le bouquin.



J'ai trouvé le titre particulièrement bien choisi. Le Mercredi des Cendres, la croix tracée à la cendre sur le front des fidèles représente l’éphémérité de la vie et le repentir vis-à-vis de ses propres péchés.



Ce roman met en scène un personnage historique : Maitre Eckhart von Hochheim, théologien allemand, un des maitres à penser de la Mystique rhénane. Il est dénoncé à la fois par les dominicains et les franciscains devant l'inquisition pour hérésie. Cela a conduit l'église à le frapper de damnatio memoriae mais sans vraiment le condamner. D'ailleurs, certains ont voulu le réhabiliter en 1992... mais l'église a dit qu'il n'y avait pas lieu de le réhabiliter étant donné qu'il n'avait jamais été condamné !

Le roman d'Antoine Sénanque en fait un super méga méchant, entre Jack Torrance (pas le boxeur, l'autre ) et Gargamel. Dans l'esprit collectif, ça ne va pas aider à la réhabilitation de ses thèses. (Pour ceux qui l'ont lu, moi j'entendais clairement le MOUHAHAHHAHAHHHHH quand il emballait le pain!! Pas vous ?)



Sinon, ce qui est très sympa, c'est la description de la vie ecclésiastique et monastique du 14ème siècle. La vie des béguines et moniales, les conflits entre dominicains et franciscains.

Les débuts de l'épidémie de peste, au siège de Caffa en Crimée, où est née la première guerre bactériologique ! Eh oui, les Mongols ont réellement balancé des cadavres de pestiférés au dessus des remparts de Caffa pour y introduire la peste. Les marchands génois transportèrent ensuite dans la cale de leurs bateaux la maladie à travers l'Europe.



A mon sens, l'intrigue est faible et les licences historiques trop fortes.

Je ne vais pas déconseiller ce roman, peut-être que j'en attendais trop, tout simplement.





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Croix de cendre

Partons au Moyen-Age du XIV ème siècle en 1367, 20 ans après l'épidémie dévastatrice de la Peste pour des aventures riches en péripétie en France , en Italie et vers les terres orientales , mêlant fiction et Histoire.



Depuis le monastère de Verfeil dans le Languedoc , le vieux prieur Guillaume envoie deux jeunes frères , Antonin et Robert de sa communauté de dominicains à Toulouse chercher des vélins, parchemins de qualité car il veut écrire ses Mémoires .

Les deux jeunes hommes sont ravis de quitter l'austérité du monastère , de parcourir les chemins et de découvrir la ville et ses tentations, ils y font la connaissance d'un jeune tanneur ...

C'est sans compter sur la surveillance de l'Inquisiteur, .Louis de Charnes, qui, inquiet des confessions à venir de Guillaume qu'il connait bien , fait emprisonner les moines .

Seul Antonin revient , Robert, lui, reste dans les redoutables geôles comme otage .



La partie suivante du récit concerne ces fameuses confessions que le prieur dicte à Antonin.



Il y raconte , en particulier, ses jeunes années où il a accompagné Maitre Eckhart, un dominicain lui aussi, grand théologue et philosophe allemand qui a publié de nombreux traités et sermons en latin, bien entendu, mais aussi en allemand, ouvrant la voie de la connaissance aux non-membres du clergé .

C'est un homme puissant, influent qui va se faire beaucoup d'ennemis dans la communauté chrétienne, ses discours prêtant à de nombreuses discussions intellectuelles , ses paroles pouvant être provocantes et la hardiesse de ses propos ont beaucoup choqué.

Il a également eu une grande influence dans les béguinages , ces communautés de femmes non religieuses qu'il aimait fréquenter . Elles ont été considérées parfois comme hérétiques, publiant des écrits et des poèmes souvent enflammés qui n'étaient pas du goût des hommes d'église qui traquaient le Libre Esprit et certaines d'entre elles ont fini sur le bûcher comme Marguerite Polete , évoquée dans le bon roman La nuit des béguines d'Alice Zeniter où il était fait mention déjà à Maitre Eckhart.



La pérégrination des deux hommes les entraine sur la Route de la Soie en 1347 vers l'Asie Centrale , ils arrivent dans le port de Kaffa en Crimée juste avant le siège par les mongols , siège qui va durer presque deux ans et qui se termine de façon tragique avec l'arrivée dans des circonstances morbides de la peste et qui sera suivie par sa dispersion en Europe ce qui fait partie intégrante des secrets révélés .



Entre ces récits dictés , les péripéties continuent pour les dominicains de Verfeil, Guillaume, son sacristain et compagnon de jeunesse , les jeunes moines et le tanneur créant dans l'adversité une forte fraternité dépassant les générations et qui leur permet de franchir les obstacles .



Le mélange entre un récit d'aventures au présent et celui au passé plus spirituel avec les échanges entre franciscains et dominicains et entre les contempteurs du Maitre Eckhard et ses disciples mais également les longs voyages du Maitre et de son disciple entre l'Allemagne, la France avec Avignon où siège le Pape et les routes de l'Orient rend la lecture passionnante .



Quelque soit sa foi, ses convictions spirituelles , les discussions philosophiques sont rendues abordables pour peu qu'on fasse l'effort de se débarrasser d'éventuels préjugés. Elles concernent , bien sûr, une époque lointaine et révolue mais les ambitions sous-jacentes, les jalousies, les trahisons sont intemporelles et facilement transposables .



Quant au "détachement" auquel aspire le Maitre Eckhart, on peut le rapprocher d'autres croyances ou pratiques actuelles ...



L'évocation des béguines prend une place non négligeable et montre bien qu'en cette période de Moyen-Age, certaines femmes pouvaient acquérir une indépendance et un pouvoir et qu'elles étaient craintes à défaut d'être toujours comprises .



J'ai beaucoup aimé ce roman qui m'a plongé dans une période qui me fascine et qu'Antoine Sénanque fait vivre avec talent et une belle écriture pour une épopée réussie .



Je remercie grandement les Éditions Grasset et NetGalley pour cette belle lecture .
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Croix de cendre

Seconde moitié du 14e siècle, dans le sud de la France. Après la peste noire qui a décimé près de la moitié de la population d’Europe. On construit encore des cathédrales, on commerce à nouveau avec le Moyen-Orient. Les ordres mendiants rivalisent avec le pouvoir des évêques, imposant aux foules éperdues et affamées leur pauvreté agressive, l’ostensible dépouillement d’une existence qu’ils veulent au plus près de celle du Christ. L’hérésie cathare a été vaincue mais les flammes de la controverse sont encore vives ici comme en Rhénanie. A la Sorbonne, on se cherche des maîtres spirituels, les plus érudits redécouvrent Aristote et Platon quand la foule des moinillons grégaires se contente d’admirer leur maître et de mener à coups de poing plutôt que d’argutie des batailles ayant bien peu à voir avec le céleste. L’inquisition, diligentée par le Pape, est déployée dans les moindres campagnes afin que l’ordre de l’église ne soit plus jamais contesté. La misère et la crainte règnent.



Voilà pour le cadre de Croix de cendre. Deux jeunes moines, Robert et Antonin, ouvrent le roman. Guillaume, leur prieur, leur a ordonné de se rendre à Toulouse afin d’acquérir de précieux vélins. Il pourra ainsi faire de sa vie la nécessaire confession. C’est donc par la gourmandise fanfaronne de Robert, sa foi profonde aussi, les aventures sympathiques d’un duo soudé que nous rentrons dans cette histoire. Bien sûr, très vite, les choses se gâtent. Nos deux amis sont faits prisonniers par l’inquisiteur afin de servir de moyens de pression sur Guillaume dont il craint les confessions.



Pourquoi ce livre a-t-il été écrit ? J’avoue ne pas avoir une réponse très claire à cette question. Le roman se déploie autour de la figure centrale d’Eckhart, théologien et philosophe allemand ayant réellement existé. Sa proximité théologique avec les béguines, le succès de ses prêches aux propos parfois subtilement paradoxaux lui ont effectivement valu un procès en hérésie. Sans doute le scandale est assez attaché historiquement à cette figure pour qu’elle trouve un potentiel romanesque.



A travers le récit que fait Guillaume de son compagnonnage avec le maître, Antoine Sénanque met effectivement en scène les succès d’Eckhart, il campe habilement les querelles, la précarité du pouvoir papal, l’état d’une Europe ravagée par la peste, les famines, tout à la fois écartelée et abandonnée par les ordres régulier et séculier. Ce sera donc un roman historique mettant en scène une époque reculée et rendue presque monstrueuse par les tourments qui la traversent.



A cela, je n’aurais rien à dire si les personnages m’avaient paru un peu plus résolument incarnés. Le début du livre voit les deux jeunes moines attendrissants de foi profonde et de pure amitié, dans une relation complètement asexuée et naïve. Un parti pris hautement invraisemblable mais que j’ai accepté, me disant qu’il éviterait une psychologisation peu compatible avec une époque où l’individu n’existait effectivement pas. Mais il aurait fallu alors, temps médiévaux obligent, que l’absence de motif psychologique soit compensée par la force d’une puissance spirituelle. Qu’autre chose que les besoins de la narration guide ces personnages à travers les nombreuses péripéties émaillant le roman.

Pourtant, de la spiritualité, il y en a. Se fondant sur la mystique d’Eckhart telle qu’elle a réellement été professée, Antoine Sénanque fait du détachement le cœur de l’intrigue. Un détachement poussé à ses extrémités les plus radicales. Dans un monde où vous n’êtes pas sûr de survivre à la journée qui s’achève, où les destins particuliers ne sont rien et où chacun semble au contraire exalter les mérites d’un renoncement, d’une discipline mortificatoire, il faut au moins l’orgueil d’Eckhart pour aller plus loin encore chercher dans le reniement de tout besoin physiologique l’espoir même de ressusciter un être cher. Se prendre pour le Christ et faire de Marie, une enfant rencontrée chez les béguines, un nouveau Lazare, ce serait culotté si la nécessité de ce geste avait été ancrée par des motifs crédibles. Mais quand on baigne dans une période où les morts sont légion, où les personnages n’ont pas d’intériorité mais ne semblent répondre qu’à des idéaux abstraits, qu’on est un moine qui observe scrupuleusement la règle dominicaine au point de n'avoir aucune affection terrestre pour quiconque, comment justifier qu’on veuille soudain faire renaître de ses cendres une enfant à laquelle rien ne nous rattache ? Et comment faire gober à son lecteur que cet échec conduise à un déferlement de haine, de violence et de destruction proprement apocalyptique ?



Moi, je n’ai pas pu. Il m’a semblé que chaque personnage obéissait moins à une nécessité intérieure qu’à la trame romanesque d’ensemble. Vivait moins les affres d’une pure foi dans un monde tourmenté que le cours d’une existence entièrement vouée à mettre en place les différents rouages permettant à l’auteur la mise en place d’un scénario ingénieux. De ce fait, j’ai de moins en moins goûté les péripéties, rebondissements et retournements de situation. Je me suis peu à peu résolument détachée de ces personnages dont on ne me disait rien qui m’aide à les comprendre. Ni psychologique, ni mystique, Croix de cendre est, à mon sens, un roman seulement pseudo historique. Ce qui sonne, vous l’avouerez, assez creux.

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Croix de cendre

Les romans historiques dont l'action se déroule au Moyen-Age m'attirent, mais souvent le Moyen-Age n'est qu'un décor, une toile de fond pour une histoire qui pourrait tout aussi bien se passer à une autre époque. Là, tous les détails historiques sont en lien avec l'action, qu'il s'agisse du siège de Kaffa, des geôles de l'inquisition, du jardin de simples du monastère, de la fabrication des vélins, des béguines, des disputes entre franciscains et dominicains ...

Il n'y a pas vraiment une enquête au sens strict, mais le lecteur se pose vite beaucoup de questions et, comme Antonin, s'interroge sur le contenu des confessions du prieur Guillaume. Que peut bien vouloir confesser Guillaume qui justifie le luxe du vélin et l'intérêt de l'Inquisition ? le lecteur le découvre, par épisodes, car le prieur Guillaume sait ménager ses effets et garder ses secrets les plus importants jusqu'au dernier moment. Au passage nous voyageons beaucoup (France, Allemagne, Crimée, et même Italie), la plupart du temps à pied. Certes la langue employée n'est pas d'époque, heureusement d'ailleurs (le plus important est que l'état d'esprit et les mentalités le soient). Par ailleurs, c'est un roman très bien documenté, avec beaucoup d'érudition qui s'intègre parfaitement dans le récit au fil des nécessités de l'intrigue, par ailleurs passionnante. A vrai dire j'ai eu, tout comme les personnages, bien du mal à suivre la pensée de Maître Eckhart (personnage historique bien réel mort en 1328) . C'est sans doute à cause de cela que, malgré toutes les qualités que je trouve à ce roman, je ne me suis pas sentie emportée comme avec le Nom de la Rose.
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Croix de cendre

Une épopée historique avec un personnage réel, Maître Eckhart, qui nous ramène jusqu’au siège de Kaffa qui fut le point de départ de la Grande peste de 1348 qui ravagea l’Europe !



Envoyés par Guillaume, Prieur de leur monastère, survivant de Kaffa et de la peste, deux jeunes dominicains partent pour Toulouse afin de rapporter du vélin et de l’encre spéciale pour qu’il puisse écrire ses souvenirs, comme une confession, des périodes où il côtoyât Maître Eckart.



A Toulouse, l’Inquisiteur emprisonne l’un des jeunes gens pour que son ami lui transmette une copie de l’histoire de Guillaume !



L’auteur nous emporte dans des tourbillons de douleurs, de trahison et de haine mais aussi dans des instants de sacrifice de soi ultime pour Dieu ! Honnêtement ces moments m’ont semblés très longs, étant profondément rétive à cette rhétorique religieuse. Bien heureusement l’auteur a su s’arrêter avant mon désintérêt total, même si j’étais décidé à continuer la lecture car l’appréciais la plupart des personnages !



Mêlant réalité historique et fiction nous découvrons la vie du Prieur Guillaume aux côtés d’Eckhart et les derniers instants de celui-ci à Kaffa ! Ce roman a un côté policier qui n’est pas déplaisant et qui permet à l’attention de perdurer dans les moments plus ésotériques.



Antoine Sénanque dresse le portrait religieux de l’Europe au 14ème siècle avec ses dérives de tous genres, la création de béguinages où des femmes se regroupaient sans prononcer leurs vœux mais frôlaient bien souvent l’hérétisme. La Papauté était toujours à Avignon, les Dominicains s’affrontaient aux Franciscains et le trafic d’influence avait déjà atteint un joli sommet ! Bref, c’était bien repoussant, le seul but étant le Pouvoir !



Mon manque de spiritualité ne m’a pas empêché de profiter de cette histoire romanesque et intéressante, bien écrite et agréable à lire !



#Croixdecendre #NetGalleyFrance #rentreelitteraire2023



Jeux en Foli...ttérature XVIII

Challenge ABC des Titres 2023/2024
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Croix de cendre

Lu suite à forte recommandation d'une libraire. Effectivement le dialogue des moines dans les premières pages est truculent et donne envie de continuer dans cette époque du Moyen-Âge. Quoique ! Était-ce dans le langage de se geler les couilles en 1367 ? J'ai vite commencé à me trainer dessus (euh sur le livre !) . Le temps a été bien long avec ces deux moines en quête de velin pour le Prieur. L'un va être prisonnier. Je n'ai pas trop compris le fort lien qui les unit. Le roman est alterné avec l'ancien qui raconte sa jeunesse que Antonin doit transmettre sur ce fameux velin. Ce qui se passe sur le terrain à cette époque du Moyen-Âge où la peste sévit est intéressant mais la théologie et les embrouilles d'ermites trop peu pour moi. Narration trop inégale, surtout quand les passages ennuyeux s'étalent sur des pages.

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Croix de cendre

Imaginons...

Imaginons que la plus meurtrière des épidémies qui ait un jour ravagé le monde, la peste noire, ne soit pas le fruit d'un rat chafouin égaré sur un port de la Méditerranée ou d'une fripe ramenée de la lointaine Asie, mais le résultat de la vengeance et de la détresse d'un seul homme...

A l'heure où l'eschatologie s'invite sur les bancs de la géopolitique bouleversée, théologie et philosophie sont à prendre au sérieux.

C'est le parti pris par Antoine Sénanque qui livre un roman époustouflant d'intelligence et d'érudition, plantant son décor au XIVe siècle dans une France affamée, aux abois, qui peine à se relever du passage de la mort noire.

Comme dans le roman d'Umberto Eco, Au nom de la rose, toute la trame du livre tourne autour d'un codex précieux, non pour ses ors ou ses enluminures, mais pour les révélations qu'il contient .

Le prieur du couvent de Verfeil, Guillaume, sent que sa fin approche et décide de coucher sur un parchemin tous les lourds secrets qui l'encombrent.

Il a été longtemps le novice de Maître Eckhart de Hochheim, théologien et philosophe fondateur de la mystique rhénane, influencé par Thomas d'Aquin, Averroes, Maïmonide et la béguine Marguerite Porete.

Sa philosophie prône le libre esprit, un détachement de l'âme et de l'intellect poussé à son acmé pour une union complète avec le créateur.

A l'instar des écrits de Margerite auprès de qui il trouve une connivence spirituelle, ses oeuvres exaltent le "long désir "pour une foi placée sous le sceau de la liberté.

Propos qui, en ces temps d'inquisition forcenée, fleurent bon l'hérésie.

Bien que Dominicain, l'ordre des "chiens de Dieu" à l'origine des tribunaux de l'inquisition, Eckhart aura de nombreux démêlés avec le siège épiscopal.

Ce manuscrit sulfureux va être l'enjeu de multiples aventures, d'innombrables pas sur les sentiers de France et du monde, de l'ambition démesurée d'un inquisiteur, de l'amitié de deux frères d'ordre, de la liberté choisie par des femmes éclairées et érudites.

Véritable polar médiéval, ce roman est une ode à la liberté et à la vérité.

Dans un moyen-âge putride et belliqueux où les bûchers embrasent toutes les places des villes, c'est un morceau de bravoure littéraire qui mêle brillamment personnalités véridiques et personnages de fiction dans un tourbillon historique et bourré de suspense et dont l'écriture m'a totalement séduite.

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La grande garde

Je ne crois pas qu'on puisse apprécier ce roman si l'on n'est pas médecin. Je n'y ai vu qu'une fastidieuse juxtaposition de portraits de praticiens hospitaliers et de récits d'opérations médicales aux termes incompréhensibles qu'aucune intrigue ne relie. C'est donc extrêmement ennuyeux pour le profane et malheureusement j'ai aussi détesté le style heurté, brutal, comportant beaucoup trop de phrases nominales.
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Croix de cendre

Au monastère de Verfeil, à quelques kilomètres de Toulouse, l’hiver fut froid en cette année 1367. Même « les cierges grelottaient ».

Le livre s’ouvre sur un dialogue entre deux frères dominicains, certes victimes du froid mordant de ce mois de février, mais dont le vocabulaire ne correspond sûrement pas au langage utilisé à cette époque, qui plus est dans un monastère ! Mais mis à part ce petit écart qui nous éloigne un peu d’une période moyenâgeuse, ce roman est un pur dépaysement historique agitant dans son chaudron bouillonnant rivalités religieuses, amitiés fraternelles, écrit mystérieux, souvenirs redoutables, bactéries redoutables, ambition, hérésie, Inquisition… Avec une telle mixture, inutile de préciser que le lecteur doit rester vigilant, ne pas laisser passer les informations. Heureusement, l’auteur a une plume qui glisse aisément sur toutes ces données, nous laissant dériver sans trop d’efforts vers 1367 et ses précédentes années.



Retournons au monastère. Les poumons du prieur Guillaume lui donnent une respiration sifflante, ses jambes sont toutes congestionnées, autant de signes pour ne pas négliger plus longtemps le devoir d’écrire ses mémoires. Pour que celles-ci soient gravées durablement, il envoie les deux jeunes frères Antonin et Robert quérir à Toulouse du parchemin et de l’encre de grande qualité.

En périphérie de la ville la peausserie dégageait sa puanteur. À Toulouse, un attroupement se forme autour d’une maison abritant des lépreux, et, au détour d’une rue, des oblats intiment l’ordre aux deux frères de les suivre à la maison de l’Inquisition où Robert sera fait prisonnier, accusé d’avoir molesté un franciscain.

Ce n’est pas uniquement cet hiver-là que la bonté chrétienne entre franciscains et dominicains est de glace. Leurs doctrines diffèrent et où il y a différence, il ne peut y avoir d’entente.

Robert deviendra otage, et Antonin poussé à la traîtrise pour préserver la vie de son ami. L’Inquisiteur désire connaître l’histoire qui va être gravée sur le vélin. Pourquoi ces signes de cruauté, de perversité, pour de simples souvenirs d’un prieur ?

Même dans les prières Antonin ne peut apaiser la morsure de la trahison qu’il commet envers le prieur alors que son angoisse vis-à-vis du frère Robert ne fait que croître.

Sous les doigts d’Antonin, les pages du vélin se remplissent, lentement, sous la dictée du prieur qui parle de la peste, de son temps de novice au service du grand maître Eckhart. C’est cette figure, celle d’Eckhart, un maître en théologie mystérieux, troublant, qui va venir assombrir les confessions de Guillaume. Alors que Robert souffre en silence, dans un cachot à l’air vicié, victime de l’Inquisition, les mots se gravent, à la lueur des cierges, dans la chair du vélin. Des mots qui font défiler l’Histoire, avec toute l’intolérance et les batailles continuelles qui la peuplent et la peupleront toujours.

La puissance du gros inquisiteur, au nom de la soi-disant volonté de Dieu, est sournoise mais implacable puisque ses condamnations sont là pour purifier. Et ce sentiment de pouvoir ne se lâche pas...



Bien qu’au sein de couvents, rien de fraternel ne suinte des murs de cette histoire. Avidité et ambition sont en revanche bien présentes. C’est peut-être dans le jardin où les simples s’égayent que l’on trouve un peu de paix dans ce roman foisonnant. Il nous instruit sur de nombreux sujets comme les béguines, les sermons provocants et dangereux de maître Eckhart, les haines entre franciscains et dominicains, les hérésies ou tout ce qui était jugé comme tel... Une lecture instructive et aventureuse qui tourbillonne au fil des pages, dans un Moyen Âge qui ne manquait pas d'animation.

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Croix de cendre

Parlons d'abord de l'auteur avant de parler du roman .

Quelle maestria d'Antoine Sénanque pour nous conter Croix de cendre.

La bibliographie à la fin du roman est courte : 4 livres. Comme on dit ce n'est pas la quantité qui fait la qualité.

Et là la qualité est présente à chaque page . Un travail documentaire, historique, religieux, spirituel de haute volée.

Car Antoine Sénanque n'a pas choisi une période simple pour son roman : le Moyen âge religieux. On aurait vite fait de se perdre aux confins des années 1350.

La peste a envahi l'Europe. Depuis peu des ordres religieux viennent de naître. Les Dominicains et les Franciscains courent les routes et les chemins entre prédication et pauvreté. La papauté est installée en Avignon avec Jean XXII. L'empereur Frédéric Barberousse règne sur l'Allemagne , la Thuringe et le Nord de l'Europe. Le pouvoir papal et le pouvoir politique se disputent Dieu. L'Inquisition s'installe. Elle s'attaque aux Albigeois, aux Cathares, aux Templiers mais aussi aux béguinages ou encore aux Dominicains qui s'écartent de la ligne tel Maitre Eckhart qui professe le Libre Esprit. L'hérésie gagne le monde

Epoque semble-t-il confuse où les pouvoirs terrestres et célestes sont prêts à toutes les turpitudes.

Et de ce maelstrom , Antoine Sénanque en fait un polar médiéval. Bluffant.

En voici la trame.

Près de Toulouse dans le monastère de Verfeil, Antonin fils de médecin est dominicain. Il connait les plantes qui soignent. Il a comme ami, Robert, fils de valet de ferme et moine peu cultivé.

Le prieur du monastère, Guillaume, leur demande de se rendre à Toulouse afin de récupérer un vélin afin de fabriquer un parchemin. Parchemin d'importance car Guillaume souhaite y écrire une confession.

A leur retour , Antonin écoutera les confessions de Guillaume et les couchera sur le parchemin.

Alors plus jeune Guillaume a connu et accompagné Maitre Eckhart sur les routes de l'Europe. Celui-ci écrivant et professant des sermons provocants et dangereux. Il accompagna Eckhart à la Sorbonne, à Strasbourg mais aussi par dessus les mers jusqu'en Crimée.

Les révélations que pourraient faire Guillaume inquiète l'Inquisiteur général Louis de Charnes.

La suite est le plaisir de la lecture et de l'écriture. De religieux et politique, le roman devient polar. Il se savoure avec délectation.

Si en plus vous mettez dans vos oreilles quelques chants grégoriens , ou chorale de moines , le poème du Long Désir de Mathilde, béguine de Ruhl, en exergue du livre vous transportera.

Magnifique coup de cœur de cette rentrée littéraire.
Lien : http://auxventsdesmots.fr
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