KHROUCHTCHOV : J'en ai assez de ma médecine, comme d'une femme qu'on n'aime plus, comme d'un long hiver.
SÉRÉBRIAKOV : Mais permettez, quand même, la médecine, c'est votre profession, un devoir, pour ainsi dire…
VOÏNITSKI (avec ironie) : Il a encore une autre profession. Il extrait de la tourbe de ses terres.
SÉRÉBRIAKOV : De la quoi ?
VOÏNITSKI : De la tourbe. Un ingénieur a calculé, comme deux plus deux, que sa terre contient pour sept cent vingt mille roubles de tourbe. Ne riez pas.
KHROUCHTCHOV : Ce n'est pas pour l'argent que j'extrais de la tourbe.
VOÏNITSKI : Mais pourquoi alors ?
KHROUCHTCHOV : J'aime beaucoup ces questions… Pourquoi ? Pour faire du dentifrice ! (Avec nervosité.) Pour qu'on n'abatte pas les forêts. Toutes les forêts russes craquent sous la hache, des milliards d'arbres sont tués, on change en désert les habitations des animaux et des oiseaux, les rivières baissent et tarissent, des paysages merveilleux disparaissent sans retour, et tout ça parce que l'homme, dans sa paresse, n'a pas le bon sens de se baisser pour prendre son combustible dans la terre. Je ne vois rien de drôle à ça.
Acte I, Scène 7.