La minute urbaine : "Travail vivant contre capital"
Le type d'autoéducation qui nous intéresse ici est lui aussi affectif tout autant que social et scientifique, mais il se distingue principalement par le fait qu'il n'est pas individuel. Nous ne pouvons étudier qu'en relation avec d'autres, qu'ils soient physiquement présents ou non. En ce sens, l'éducation est toujours une pratique et une démonstration de l'égalité des singularités dans le commun : quand nous étudions nous ne cessons de reconnaître l'intelligence des autres et nous apprenons à en tirer des bénéfices.
Ceci n'est pas un manifeste. Un manifeste donné l'aperçu d'un monde à venir, tout en invoquant un sujet qui, bien que n'existant encore qu'à l'état de spectre, est appelé à prendre forme et à faire advenir le changement. Les manifestes ont le pouvoir des anciens prophètes, capables de donner naissance à un peuple par la seule puissance de leur vision. Les mouvements sociaux d'aujourd'hui ont renversé cet ordre, et voué les manifestes et le prophètes à l'obsolescence. Les agents du changement ont déjà envahi les rues et occupé les places ; ils menacent de renverser les dirigeants au pouvoir (quand ils ne l'ont pas déjà fait) et ils donnent naissance à des visions d'un nouveau monde. Ce qui est peut-être plus important encore est le fait que les multitudes, dans leurs logiques et leurs pratiques, leurs slogans et leurs désirs, ont promulgué un nouvel ensemble de principes et de vérités. Comment leur déclaration peut-elle servir de socle à la constitution d'une société nouvelle et durable? Comment ces principes et ces vérités peuvent-ils nous aider à réinventer les rapports qui nous lient les uns aux autres et au monde qui nous entoure? A travers leur révolte, les multitudes doivent découvrir le passage qui va de la déclaration à la constitution.
La crise n'est pas le contraire du développement, mais sa forme même.
[cité par Edgar Morin : "Où va le monde ?"]
Nous sommes tous entre les mains d’un pouvoir qui nous rend infantiles, complètement ouverts à une exploitation totale. Mais en devenant adultes, nous faisons l’expérience des formes de la coopération, et de l’invention, nous commençons à découvrir les raisons de l’amour. Sans ces raisons, le monde n’existerait pas – parce qu’il n’y aurait pas la forme dans laquelle les hommes coopèrent, la vie se reproduit, la tristesse ou la joie s’expriment. Il y a, dans ce rapport entre la pauvreté et l’amour, un élément commun qui circule. Cet élément est monstrueux, il invente et découvre des formes de vie impossibles à contenir dans les mailles du pouvoir. Le tissu biopolitique est plein de désir, de relations amoureuses. Est-ce ce qui constitue la résistance ? Est-ce ce qui la rend monstrueuse aux yeux du capital ? Oui, probablement.
Autrement dit, nous devons considérer ce terme de la même façon que nous considérons d'autres activités, telles que boulanger, tisserand ou meunier. De même que le boulanger fait du pian, que le tisserand tisse ou le meunier moud son grain, l'homme du commun "commune", c'est-à-dire produit du commun.
Produire la vérité est un acte collectif de créativité linguistique.
Mais l'éducation n'est pas seulement ni même principalement une affaire de savoir. Lorsque nous étudions, il est vrai que nous accumulons du savoir, que nous apprenons des faits et que nous travaillons avec des idées, mais nous développons surtout notre intelligence. Pour le dire autrement, nous développons et nous éduquons notre puissance de pensée. En ce sens, l'éducation est toujours, par définition, de l'autoéducation. Personne ne peut étudier à notre place, et la puissance de pensée est toujours un élément situé en nous. Notre intelligence a besoin d'être cultivée. Il va de soi que, par "autoéducation", nous n'entendons pas un système dans lequel on se débarrasserait des enseignants ou on fermerait les écoles. "Autoéducation" signifie que ces relations et ces institutions doivent être orientés vers la création d'environnement propices à l'étude. Le plus grand don qu'un enseignant puisse faire consiste à reconnaître que chaque étudiant à la capacité de penser et le désir d'utiliser cette intelligence pour étudier. L'étude est l'essence de l'autoéducation et, malheureusement, elle est bien trop rare parmi les formes contemporaines d'éducation. Il faut faire de l'autoéducation l'instance - et sans doute l'instance paradigmatique - du libre accès au commun, c'est-à-dire notamment de l'accès à l'information, aux savoirs et aux moyens d'étude, libéré des obstacles que représentent les contraintes financières, les dogmatismes ou les censures.
J'aimerais que tout cela représente, ne serait-ce qu'un peu, un théâtre du futur antérieur. Trois fables théâtrales, oui ; mais aussi trois ébauches d'un programme de vie résistante et désirante.
dans le contexte de ces années 1970, l'autogestion a été pratiquée dans plusieurs quartiers de villes italiennes.
"C'étaient des quartiers où l'on pouvait expérimenter une autre organisation, une organisation de la joie impressionnante. Si la police entrait dans le quartier, elle était immédiatement repoussée. Toutes les maisons libres étaient occupées, il s'agissait d'appartements qui étaient récupérés pour être habités. Je vivais au bord de l'un de ces quartiers, il y avait une vie incroyable, inimaginable"
L'acte lent qui consiste à composer une lettre personnelle et à aller la poster a été pratiquement éclipsé par la rapidité et la brièveté des emails.