À mes yeux de garnement abandonné par ses parents, la maison devient un vaste théâtre, avec plusieurs scènes, toutes frénétiques, comme si les acteurs s’agitaient en vain, confinés au cœur de la tourmente. Je cours d’une pièce à l’autre avec un tas de copains, lutins, Indiens ou Martiens et, tels des farfadets emportés par des courants d’air, nous passons par mille lieux inquiétants : la trappe de la cave à patates où semblent dodeliner des dos de rats, un réseau de garde-robes communicantes, aussi confondant qu’un magasin à rayons, des chambres obscures où des inconnus jouent aux cartes avec des airs menaçants, jusqu’au grenier débordant d’antiquités innommables, nous sommes partout à la fois, mais sans jamais franchir la zone défendue où meurt Mémère Thibodeau.
- Pap, euh... je veux dire Guido, une Terre qui meurt, y a personne que tu vas faire rigoler avec cette histoire-là.
- J'espère bien. Si les lecteurs n'embarquent pas dans ma sous-marinef, c'est peut-être qu'on a une chance d'éviter l'apocalypse. Sinon, aussi bien en rire !
Et le voilà qui se marre et qui se tape sur les cuisses. Quelle tristesse !
- Tu nous tues la Terre et tu rigoles ? C'est encore pire que je pensais !
- D'abord, monsieur le juge,je ne l'ai pas tuée tout seul. Je n'ai pas cette prétention. C'est nous qui la tuons un petit peu chaque jour. Nous sommes complices, nous avons tous un bout de crime dans les mains.
- Surtout toi ! C'est tes mains qui touchent le clavier de l'ordi.
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En réalité, elle se livrait à une pratique des plus étranges: après avoir fixé une mouette comme si elle cherchait à l’hypnotiser, elle prenait une profonde inspiration et l’oiseau se mettait à battre follement des ailes, incapable de résister aux violents courants d’air qui l’attiraient vers Joanne, et, brusquement, il disparaissait.
Joanne les avalait en plein vol! Dans son intense désir de réaliser une osmose avec les oiseaux, elle était parvenue à les absorber de cette façon ahurissante
Dans le Rang-du-Haut de Notre-Dame-de-Ham, au début de la colonisation, les ours rôdaient autour des cabanes. Ils étaient nombreux, curieux et vraiment pas peureux.
Pas moyen de laisser des cochons dehors sans surveillance. Et pour la surveillance, il fallait avoir un fusil entre les mains, avec beaucoup de patience. Mais on n’avait pas le temps de perdre du temps.
Nous étions bien givrés, tous les quatre, dans notre camper Volkswagen spykadélik qui datait de vingt ans, comme chacun d’entre nous. Mais dans notre cas, on commençait la vingtaine, alors que lui, il finissait son temps. Le camper avait connu la joie, il avait fait la fête, mais il n’en restait plus que peine et misère.
Le monde entier devenait à ses yeux une vaste machination destinée à flouer les pauvres rêveurs de son espèce.
Le pire, c'étaient les silences après l'amour.
Les si longs silences...
Il fallait bien les meubler.