Personne ne saura vraiment ce qu'a vu Rudolf , ce soir du 8 octobre 1992, à l'opéra Garnier. Caché dans une loge d'avant scène, allongé sur un divan, Noureev ne peut qu'entr'apercevoir son œuvre. Mais lorsqu'il veut absolument saluer , malgré son état physique, chacun sait qu'il s'agit là d'une forme d’acquiescement. A la surprise de tous ceux qui sont dans la salle comme en coulisse, le rideau tombé sur des bayadères si romantiques se relève soudain sur Rudolf Noureev, arrivé sur scène comme par le plus grand des mystères.Immobile dans son smoking noir relevé d'un châle coloré et coiffé d'un bonnet à la Voltaire, Noureev est frêle mais debout, soutenu par les mains solides de ses deux solistes, Isabelle Guérin et Laurent Hilaire. A sa vue , une véritable onde de choc parcourt le public,qui doit bien se faire une raison : ce n'est pas le plus beau danseur de son temps qui vient le saluer, mais bien un très grand malade qui ne peut se tenir debout seul. Alors la salle se lève doucement et fait à Rudolf Noureev un long, long hommage à la hauteur de ce que fut sa carrière.Pas de cris ni de spectatrices en folie comme dans les années soixante, mais de longs applaudissements admiratifs et pour de nombreux spectateurs et amis, des larmes dans les yeux. Rudolf Noureev fait ses adieux à la scène mais aussi à la vie, avec celui qui fut son plus cher ami, son public.