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Citation de Cielvariable


Petit récit de psy

Philippe était un petit bonhomme de huit ans très anxieux dans son milieu scolaire. Il refusait de parler aux adultes, même à son enseignante, ainsi qu’aux pairs de la classe, exception faite de deux amies. Il s’isolait aussi volontairement, n’entrait pas en contact avec les autres et faisait preuve de peu d’expressions faciales.

On m’avait sollicitée afin que je procède à l’évaluation de cet enfant, dont l’équipe-école remettait en question le contact avec la réalité. Était-il tellement dans son monde qu’il ne comprenait pas réellement ce qui se déroulait autour de lui ? Des comportements étranges, tels que gruger ses cols de chandail, s’arracher les petites gales sur la peau, tirer sur ses sourcils et faire des bulles avec sa salive, étaient aussi observés régulièrement.

Les parents soutenaient que, à la maison, il était au contraire très volubile. Les traits anxieux se traduisaient cependant par des réactions de panique lorsqu’il recevait de l’eau sur la tête (dans la douche, par exemple) ainsi que des inquiétudes exagérées concernant sa sécurité, la maladie ou la nouveauté. La proximité physique de l’adulte était nécessaire à tout moment et il dormait toujours avec ses parents.

Lors de ma première période d’observation en classe, l’enfant attendit passivement à son bureau que l’activité académique en cours prenne fin, alors que lui avait déjà effectué le travail. Il ne chercha pas à s’engager dans une nouvelle activité ni à interagir avec qui que ce soit pendant au moins une quinzaine de minutes. Il ne réagit pas non plus devant une situation loufoque qui provoqua le rire des autres enfants, et parut à la fois sous-réactif et désengagé du monde autour de lui.

À la récréation, il se plaça dans un endroit peu passant et resta debout, immobile comme un piquet. Les seuls mouvements perceptibles étaient ses doigts et son col de chandail, portés à sa bouche. Il n’observa pas les jeux des jeunes autour de lui et, lorsque les groupes de maternelle défilèrent pour monter dans l’autobus, il jeta quelques regards furtifs aux enfants.

Pour créer une première approche avec Philippe, au retour en classe, je pris mon iPad et entrepris de montrer des photos de mes chats à sa petite voisine de bureau ; sa mère m’avait rapporté qu’il était lui-même très attaché à son matou et j’espérais ainsi susciter une réaction chez lui. Il s’intéressa aux images, mais demeura en retrait pendant de longues minutes, puis finit par me dire : Mon chat s’appelle Rocket. Je me retournai donc vers lui et demandai : Ah oui ? Et il est de quelle couleur, Rocket ?, mais cette approche fut trop directe et il se détourna rapidement, en baissant le regard.

Le lendemain, il fut amené par sa mère à mon bureau pour que je puisse évaluer son intelligence. Lorsque j’ouvris la porte, je vis dans ses yeux qu’il m’avait reconnue. Il accepta de me suivre sans grande hésitation, ce qui me surprit. Puis, une fois seul avec moi, il se mit à me parler tout bas, en chuchotant… et sembla ne plus vouloir s’arrêter ! Il fallut que je l’interrompe dans ses propos pour que nous puissions procéder aux épreuves cognitives, mais, même en plein examen, il raconta ce qui lui passait par la tête, comme si le fait d’avoir retenu ses paroles pendant si longtemps avait créé un urgent besoin de tout dire !

Philippe était un jeune très intelligent, présentant un bon contact avec la réalité, mais à la fois terriblement anxieux et opposant. Il fut dirigé vers une classe à effectifs réduits pour enfants atteints de troubles de santé mentale et put évoluer adroitement, grâce aux interventions des enseignants et éducateurs qui l’encadraient.
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