L'œil du monde
De jour de nuit d'en haut d'en bas
le monde nous regarde.
Autour de nous la foule des petites feuilles,
à nos pieds ces milliers d'insectes,
tout là-haut ces oiseaux
ces nuages pressés, ces étoiles pointues,
tout n'est qu'un œil qui veut nous voir.
Et aussi ce soleil curieux
qui se réfléchit sur les tours de verre
pour mieux apercevoir le petit homme
qui se croit seul sur le trottoir,
ce soleil allumé plein phare
qui fixe le chauffeur sur l'autoroute…
Même celui qui veut échapper au regard,
qui se camoufle et qui s'enterre,
celui qui se croit invisible
pour n'avoir jamais regardé le monde,
sentira grésiller autour de lui
les yeux infinis de la nuit,
des petits bruits de silence…
Personne n'y peut échapper :
nous sommes tous sous le regard du monde.
La machine à laver du temps
peut effacer les souvenirs d'amour,
Le vent peut dessécher
l'humide des baisers.
Il restera au fond de nos regards
le halo d'un sourire.
La poussière des jours
peut irriter les yeux,
le fleuve d'habitude nous rouiller...
Restera dans le noir
un éclat de sourire.
Il restera qu'on s'est aimé.
Être dedans
Savez-vous nager dans la feuille ?
gambader dans les flammes ?
grimper sur un nuage ?
épouser une chaise ?
un œil de chat, une fourmi ?
Connaître-aimer c'est se placer au centre
entrer dans le royaume du miroir.
Les malins, les « blindés »,
les ricaneurs fiers d'eux devant leur glace
se heurteront toujours
au dur reflet de leur ricanement.
Il ne seront jamais dedans.
Comment pourraient-ils voir
une simple main qui se trend ?
MINUIT VOLE !
La pendule n’est pas folle :
elle a bien sonné minuit.
Elle dit que le temps vole,
que la vie la vie s’enfuit.
Douze coups l’un contre l’autre
se sont fondus dans le noir.
Douze oiseaux l’un après l’autre
s’envolent de leur perchoir.
Déjà minuit : le temps vole
la vie brûle, l’ombre luit…
La pendule n’est pas folle :
elle a bien sonné minuit.