Citations de Armel Job (721)
En Ardenne, le vétérinaire n'est pas le doux praticien en blouse blanche, équipé d'une lampe frontale, qui fait tirer la langue au chien-chien et au canari, c'est une armoire à glace qui débarque en bottes dans les fermes, qui ouvre en deux coups de scalpel le flanc d'une vache et y plonge les bras jusqu'au coude, pour en extirper l'obligatoire cul-de-poulain de la race blanc bleu. Au savoir-faire, il ajoute la force et la fatigue, qui sont les deux vertus cardinales du campagnard.
J'ai songé à maman. Elle était seule à Moulin-Kreuzer et affreusement malade sans doute. Bien que nous vivions ensemble depuis si longtemps, je ne m'étais jamais soucié de ce qui se passait en elle. Je la quittais le matin et je la retrouvais le soir, comme les objets de la maison dont on ne sait pas trop s'ils continuent à exister quand on n'est pas là.
Devant le chagrin, tout le monde s'incline. Le chagrin exalte, il transforme en saints ceux qui souffrent. Mais le chagrin est pervers. Il fait de nous des égoïstes qui n'ont même pas honte de l'être, puisque c'est en son nom qu'on nous isole sur un piédestal, offert à la vénération. Et de là-haut, avec la palme du martyre à la main, on ne pense plus à baisser les yeux sur son compagnon d'infortune, qui pleure tout autant sans doute, mais dont les larmes tombent pudiquement à l'intérieur.
Beaucoup de femmes passent leur vie à essayer de comprendre les hommes, mais les hommes, eux, se fatiguent rarement à comprendre les femmes.
L’âme ne réside pas, comme on le croit communément, dans quelque repli inaccessible de l’être humain ; l’âme habite le corps tout entier, elle peut, le cas échéant, le faire frémir de la nuque aux talons.
Une demi-vérité est pire que le silence. Une demi-vérité, c’est déjà un mensonge complet, et il n’y a pas de chemin plus difficile à rebrousser que celui du mensonge.
La joie est parfois contagieuse, la tristesse toujours.
Mais, tout de suite, il avait dû constater qu’une demi-vérité est pire que le silence. Une demi-vérité, c’est déjà un mensonge complet, et qu’il n’y a pas de chemin plus difficile à rebrousser que celui du mensonge.
Quand on rapporte ces histoires somme toute banales de personnes qui s'évertuent à s'empoisonner l'existence en lâchant la bride à leurs médiocres passions, ceux à qui l'on pense le moins, en général, ce sont les enfants. Car ces gens la plupart du temps ont aussi des enfants qui assistent impuissants et navrés à la programmation du malheur de la famille. Les enfants accueillent la vie comme elle se présente, ils n'essaient pas d'en contrarier le cours naturel.
Nous croyons naïvement que le mal que nous avons subi nous incite d’autant plus à faire le bien. En fait, le mal pervertit au point que ses victimes bien souvent deviennent ses alliés. Parce qu’on nous a offensés, nous n’avons plus qu’un méchant souhait, que les autres subissent les mêmes offenses que nous.
Souvent nous sommes agacés quand nos vieux parents nous rappellent des anecdotes de notre enfance.
Il nous semble qu'ils font surgir devant nous un inconnu un peu ridicule.
On est plusieurs personnes successives dans la vie.
L'adulte en qui on se transforme fait bien des fois regretter aux parents l'enfant dont il est issu.
Les mères sont toujours les dernières à s'apercevoir que leurs enfants ne sont plus des enfants.
Qu’est-ce qui la rendait si belle ? Pour être jolies, les femmes n’ont pas besoin de grand-chose. Un corps svelte, un nez raisonnable, des lèvres franches, le cou dégagé. Les yeux, les cheveux ? Toutes les nuances de couleur conviennent. Avec ce peu, la nature n’a jamais manqué d’inspiration pour fabriquer beaucoup de personnes agréables.
La beauté, la vraie beauté, celle qui touche, celle qui serre la gorge, c’est une autre paire de manches. Les éléments de la joliesse ne lui suffisent pas. Elle vient d’autre part. Elle sourd de l’interieur, elle inonde le visage, elle tient dans la lumière qu’elle lui communique.
Pour le faire renaître de ses cendres, on a souvent besoin de raconter le passé à quelqu'un.
C'est quand on voit s'allumer dans les yeux d'autrui une étincelle d'émerveillement qu'on peut croire soi-même à sa beauté.
Brusquement, elle lui donna un baiser qui atteignit principalement sa joue, mais dans son mouvement glissa sur la commissure de ses lèvres.Dans son esprit, ce baiser n'était qu'un remerciement à un enfant turbulent qui n'est pas aussi méchant qu'on l'aurait cru.
Mais peut-être son cœur se méprit-il. Tandis qu'elle rentrait au village, il bondit comme un fou dans sa poitrine.
Qu'est-ce donc que cet entêtement de la nature humaine à piétiner ce qui s'offre pour courir après ce qui se refuse ?
Peut-on imaginer l'effet que faisaient les jambes des femmes en ces temps-là? Les hommes comme Rodolphe avaient vécu des années dans un monde où les jambes balayaient le sol. Il avait fallu attendre la Grande Guerre pour que les jambes apparaissent en éclaireuses. Puis, vu le chaleureux accueil qu'elles avaient reçu, les robes s'étaient troussées rapidement pour danser le fox-trot et les nouvelles danses venues d'Amérique.
L'Allemand peinait à garder son bras levé, le pistolet flageolait entre ses doigts. Mais Eva avançait, tendant même sa main libre devant elle.
Aux cinq mâles en présence, les trois embusqués et les deux reîtres estropiés, elle en mettait plein la vue, on l'imagine. En elle, ils devaient envier ces choses qu'ils auraient attendues pour eux-mêmes en ce moment : du courage, de la bravoure, du poil aux pattes comme on dit, alors qu'aux pattes, elle n'en avait sûrement pas, cette gazelle.
Qu'est-ce que ça peut bien faire à une femme de se conduire comme un bonhomme? Ce n'était pas par l'effet d'une virilité secrète qu'elle bravait le pistolet. (...) Car les yeux des femmes ne voient pas comme ceux de leurs preux chevaliers. Ils distinguent encore l'homme derrière sa cuirasse de gugusse.
Si vous passez en Belgique au mois de mai, lorsque vous dégusterez une gueuse sur la Grand-Place, ne vous étonnez pas que le garçon de café vous entretienne non de la pluie et du beau temps, mais de musique classique. C’est qu’à cette époque, les Belges de toute condition suivent avec ferveur le concours musical Reine Élisabeth. Tout à coup un pianiste kazakh, une violoniste sud-coréenne défraient la conversation comme jamais ne l’espèreraient les joueurs de football ou les briscard de la question linguistique.
"A côté de la fenêtre , sous le téléphone accroché au mur, la masse de la patronne remplit un grand fauteuil d'osier auquel chacun de ses mouvements arrache des gémissements douloureux .
Elle est vêtue d'une simple combinaison beige qui déborde par tous les orifices de son tablier à fleurs .
Par - devant , les boutons, acculés à l'extrémité de la bride, contiennent vaillamment les amas indistincts de son ventre et de ses mamelles .
La peau de ses jambes et de ses bras est si distendue qu'elle en est transparente ,....
On voit, à travers, une chair rosâtre alvéolée de blancheurs, qui ressemble à du hachis à saucisse .
Elle n'a plus ni poignet ni chevilles ..... ]
Depuis longtemps , la graisse est venue à bout de tous les membres,....."