Comme les poèmes de Keats, les ports bretons du XVIIIème sont comparables à "des fenêtres magiques s'ouvrant sur l'écume des mers périlleuses, dans de féeriques terres délaissées" ...
L'aspect d'une ville, disait Baudelaire, "change plus vite hélas ! que le coeur d'un mortel" ...
- Oh ! L'avenir ! ... fit M.de Monplaysir.
Elle leva la tête vers lui, une ombre de tristesse dans les yeux :
- Oui, l'avenir, n'en parlons pas. Des gens de notre sorte ont rarement une fin digne d'eux ...
Mais très vite elle se reprit :
- Bah ! Le présent est à nous. N'est-ce point suffisant pour être heureux ? ...
Au début du XVIIe siècle, la Bretagne fait encore figure de nouvelle venue dans le royaume. Elle est à peine moins étrangère à la France que le Danemark ou la Finlande. En 1532, François 1er avait semé la consternation en annonçant à son entourage qu'il voulait partir pour ce pays arriéré... Aux yeux de ses favoris, c'était là une folie et ce voyage "devait être redouté à l'égal de celui de l'enfer".
Les Bretons aux longues barbes, aux cheveux pendants sur leurs épaules, aux gros bonnets de laine, semblaient sortir d'un autre âge. Réfractaires aux étrangers, leurs moeurs étaient celles de clans très anciens. Même le christianisme en passant sur leurs rivages et sur leurs forêts n'avait pu leur arracher d'antiques superstitions. La religion et la sorcellerie, la légende et l'histoire, le mythe et la réalité s'harmonisaient d'ailleurs avec les sites sauvages, les falaise abruptes, les dolmens et les calvaires de leur grand fief maritime et sylvestre. Rien ne changeait sur ces côtes où les voix des trépassés se mêlaient au vent les soirs de tempête. Un vent terrible, sifflant autour des maisons, secouant les volets, éteignant les chandelles... Ces soirs-là, disait-on, les équipages des navires étrangers passant au large de la Bretagne avaient intérêt à ouvrir l'oeil : des pilleurs d'épaves veillaient.
La foi devait décupler leurs forces.