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Le déclic entre l'avant et l'après se situe en 1998, date de publication des ouvrages des psychanalystes Christophe Dejours, directeur du laboratoire de psychologie du travail, des victimologues Marie-France Hirigoyen et Christiane Olivier dénonçant le lent, insidieux, et mortifère processus de destruction du psychisme généré par l'univers professionnel. Sentiment de dévalorisation, stress, dépression, jusqu'au burnt-out signant le clap de fin d'une pourtant prometteuse carrière... Ces livres, décrivant un monde du travail au « goût de sang et de larmes » eurent en effet un tel écho que ledit harcèlement fut inscrit, en tant que délit, en 2002, dans la loi. Et que pléthore d'honnêtes travailleurs purent enfin mettre un diagnostic sur ce qu'ils vivaient, parfois depuis des années : l'angoisse à l'idée de reprendre le boulot le lundi, le stress de ne pas rendre à l'heure dite le dossier de l'affaire X, les insomnies à répétition, les maux de dos et les engueulades, le soir, avec Jules avaient une cause, le harcèlement moral dont ils étaient victimes. Et un responsable : le pervers narcissique qu'était Monsieur Dugenou, sous-chef du contentieux.
Manipulateur sournois, déguisant sa malveillance viscérale sous une défroque (parfois) séduisante, sans scrupule et sans remord, prêt à tout pour isoler, vulnérabiliser, soumettre et briser l'autre, seule façon pour lui d'exister, le pervers narcissique, fit alors une entrée fracassante dans nos vies de labeur.