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Critiques de Arnaud Friedmann (56)
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La femme d'après

« La femme d’après » d’Arnaud Friedmann a l’originalité de présenter l’histoire d’une non-agression, a contrario de nombreux autres livres. Sur une période de deux ans, toujours à Montpellier, on évolue avec l’héroïne principale, jamais nommée, marquée par une convergence fortuite, qui se termina en drame pour une jeune fille.



L’auteur a choisi de se concentrer sur le choc, sur le traumatisme psychologique engendré par une rencontre imprévue qui se conclut pour l’une en une agression verbale et en un meurtre pour une autre.



Lorsqu’un auteur masculin se met à la place d’une héroïne pour en conter son histoire, c’est toujours un peu dangereux car les sentiments risquent d’être exacerbés ou à l’inverse minimisés au regard de la réalité, surtout si le lecteur se trouve être une femme.



Pourtant, Arnaud Friedmann s’interroge avec pudeur et empathie quant au destin de ce qui peut arriver à une femme et à la façon dont elle doit continuer à vivre. Ce qui ne dure qu’un faible éventail de minutes occasionne une obsession lancinante modifiant son destin et ce, malgré le fait qu’il n’y a aucune trace visible.



Roman noir sur le regard de soi mais aussi quant à la force et à l’impact de celui des autres sur un individu, Arnaud Friedmann traite – au travers d’un fait divers – la mécanique de l’agression avec une plume efficace, sans détails inutiles. C’est toute une réflexion qui est mise en place avec comme point d’orgue, la condition féminine d’une héroïne mature.



Les dernières pages du récit vous feront connaître une accélération soudaine, menant à un dénouement fou, vous permettant enfin de reprendre votre souffle.
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La femme d'après

Échapper à un prédateur n'évite pas le traumatisme



Arnaud Friedmann se met dans la peau d'une femme agressée la nuit à Montpellier en rentrant à son hôtel. Un épisode traumatisant qui va faire basculer sa vie. La femme d'après ne sera plus jamais la même qu’avant.



En 1986, quelques jours avant la catastrophe de Tchernobyl, la narratrice a eu une brève liaison avec Jacques. Vingt ans après, cette mère célibataire revient à Montpellier pour le retrouver. Peu après minuit, alors qu'elle regagne son hôtel, elle est interpellée par quatre jeunes hommes qui lui expliquent qu'elle ne devrait pas sortir ainsi seule. Si les phares d'une voiture qui passe poussent les jeunes à fuir, le choc est violent, le traumatisme entier. D'autant qu'elle apprend un peu plus tard qu'une jeune fille de 20 à 23 ans a été agressée durant cette même nuit avant d'être assassinée non loin de là où elle marchait. Elle se torture l’esprit, cherche une explication, croit comprendre qu'elle était trop vieille aux yeux des quatre jeunes hommes. La demi-journée qu’elle va passer à la plage avec Jacques ne lui mettront pas de baume au cœur, bien au contraire. Ces retrouvailles ne sont pas celles espérées. Elle décide alors de regagner Besançon où l'attendent ses deux filles.

Mais au kiosque de la gare, c'est le choc. À la une du Midi-Libre cette Une «L'assassin a avoué» accompagnée d’une photo de son agresseur. Elle défaille.

Quand elle revient à elle, son TGV est déjà parti. Elle décide alors de regagner son hôtel et de prolonger son séjour d'une semaine supplémentaire. Mais elle ne retrouvera l’apaisement ni dans les bras de Jacques, ni en regagnant la Franche-Comté. Peut-être aussi parce que ni sa mère ni ses filles ne lui prêtent une oreille attentive.

Un an plus tard, après avoir reçu l'autorisation de rendre visite à l'assassin dans sa prison de Villeneuve-lès-Maguelone, elle revient séjourner à Montpellier. Elle pense alors qu’affronter cet homme pourra l’aider à comprendre.

Arnaud Friedmann réussit à parfaitement mettre en scène le traumatisme subi et sa transformation en un trouble obsessionnel qui va finir par emporter la raison de cette femme dans un épilogue glaçant. En la suivant au fil de ses séjours montpelliérains, on voit son esprit dériver vers un besoin incessant de rejouer la scène de l'agression, de l'analyser sans cesse, d'essayer de trouver des réponses à ses interrogations. Et comme elle ne peut les obtenir, elle va finir par sombrer. Une trajectoire que l'auteur restitue dans son implacable logique, dans sa troublante et terrifiante vérité.


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La femme d'après

La narratrice du nouveau roman d'Arnaud Firedmann, la femme d'après, n'est jamais nommée.



On sait en revanche car le roman commence ainsi, qu'un soir d'août 2009, à Montpellier, où elle est venue retrouver son amour d'il y a vingt an, elle s'apprête à regagner sa voiture lorsque quatre jeunes types la croisent.



"C'est pas prudent de se balader toute seule, comme ça, la nuit, Madame", lui lance l'un d'eux, visiblement le leader du groupe . "Tu me réponds, connasse ?" insiste-t-il. Elle ne perd pas contenance, engage le dialogue, ils passent leur chemin.



Mais le lendemain, notre quadragénaire apprendra qu'une jeune fille a été poignardée à mort cette nuit-là dans le même quartier.



Et que l'assassin est bien "le meneur" qui l'avait interpellée avant.



Pourquoi en a-t-elle réchappé ? Est-ce à cause de son âge ? Ce drame qui aurait pu être le sien va l'obséder au-delà du raisonnable, charriant culpabilité et questionnements, ravivant aussi des blessures anciennes.



L'auteur démonte la mécanique de l'agression et ses répercussions sur la psyché de son personnage à l'aide d'une écriture dénuée de tout gras mais qui ne refuse pas l'empathie.



Un texte qui aborde des thématiques tabous avec beaucoup de finesse psychologique et une plume précise et percutante. suite de l'article sur le blog
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La femme d'après

Comment la vie et la psychologie d’une femme peut soudainement basculer suite à un fait divers?

L’auteur Arnaud Friedmann se met dans la peau d’une femme d’une quarantaine d’années , divorcée avec deux enfants, qui, a décidé de renouer avec son amour de jeunesse vivant à Montpellier le temps de quelques jours d’été . Après le dîner elle décide de regagner sa chambre d’hôtel à pied mais se fait alors assaillir verbalement par un groupe de jeunes hommes en mal de conquêtes féminines faciles . Son étonnant sang froid et une voiture passant par là lui permet d’échapper à une agression sexuelle probable. Le lendemain, elle apprend dans le journal qu’une jeune femme a été retrouvée morte à proximité du lieu où les jeunes l’ont prise à partie.

Cette nouvelle provoque un choc psychologique irrésistible en elle. Un choc émotionnel à rebours s’empare alors d’elle , inextinguible, qui va la mener à se questionner sur le “ pourquoi en a-t-elle réchappé et pas cette jeune fille ?” Une réflexion complexe sur sa condition de femme mature , sur sa place dans la société , sur ses relations à sa famille et notamment avec sa mère . Une angoisse sourde qui dicte ses futures actions , même les plus étonnantes et même les plus dramatiques. Cette femme tombée dans un questionnement existentiel profond , qui se considère comme une victime par procuration, une blessée collatérale d’un non-évènement et non comme une survivante. La loi de l’univers l’a choisi malgré elle .

Étonnant roman qui nous plonge dans cette âme en perdition avec finesse , dans cet ébranlement psychique détaillé avec beaucoup de sensibilité.

Comme un prétexte à réfléchir sur la force des sentiments malgré les années envolées. L’amour résiste-t-il au temps qui passe ? Aux regards qui changent ? Peut-on encore s’aimer si personne ne vous prête plus la moindre attention, le moindre désir ?

Vastes questions que l’auteur touche du doigt sans vouloir pour autant nous donner une réponse précise. Mais était-ce vraiment le propos de ce livre qui est là pour nous interroger sur nous-mêmes et ,peut-être, d'ouvrir tout simplement nos horizons.





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La femme d'après

L'histoire commence au milieu d'une nuit d'été, une nuit de celles pour lesquelles on pourra dire qu'il y a un avant et un après.

Celle-ci avait pourtant bien commencée, « elle » avait retrouvé un amour de jeunesse et c'est le coeur empli de promesses qu'elle rentrait à son hôtel. Mais voilà, le destin va placer sur son chemin un groupe de 4 jeunes hommes, passablement éméchés et dont les intentions ne font aucun doute… pourtant l'agression n'aura pas lieu. le lendemain elle apprend qu'une jeune femme a été retrouvée morte quelques rues plus loin. A partir de là, elle ne va cesser de s'interroger : Cette jeune fille n'est-elle pas morte à cause d'elle ? Pourquoi pas elle ? Pourquoi l'avoir traité de « connasse » et pas de « salope » ? Qu'y a-t-il chez elle qui dissuade ? N'est-elle pas assez désirable ? Pire, est-elle trop vieille ?

A partir de là, sa vie ne sera plus la même, car de cette nuit, elle va développer une véritable obsession...



Dans ce livre il va donc être question des répercussions de cette « non-agression », du fait d'accepter que son image puisse changer avec le temps et de cette dépendance que nous pouvons avoir vis à vis du regard des autres.



Je dois bien vous avouer que je ne m'attendais pas à cela, cette lecture est très perturbante, elle nous amène à réfléchir, mais je pense que c'est le but. C'est donc assez noir, peut-être un peu trop pour moi qui ne suis pas une férue de ce type de lecture. Cependant, il faut bien admettre que c'est un livre qui ne laisse pas indifférent, aussi je suis persuadée qu'il plaira énormément aux amoureux du genre.
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La femme d'après

Montpellier un soir d'été. Une femme sort de chez le petit ami qu'elle a eu il y a 20 ans. Alors qu'elle rejoint sa voiture, elle est accostée par 4 jeunes hommes qui ne manifestent pas de bonnes intentions à son encontre. Or, elle en réchappe. Quelques jours plus tard, elle apprend que cette même nuit, une jeune femme d'une vingtaine d'année a eu moins de chance qu'elle. Elle a croisé le chemin de cette même bande, a été agressée puis tuée. Notre héroïne ne va pas réussir à se remettre complètement de cette non agression et se rejoue en boucle la scène sous toutes ses formes.



Je n'ai pas réussi à m'intéresser plus que ça aux états d'âme de cette femme, ayant même été parfois agacée. Je n'ai ressenti aucune empathie envers elle. Il m'a manqué des éléments sur son passé et son présent. En fait, on la connait très peu.



La narratrice est une femme et l'auteur est un homme. Je n'arrivais pas à me sortir de l'esprit que c'était un homme qui faisait parler une femme. Il ne s'est pas effacé au profit de son personnage. C'est un roman et bien évidemment tout (ou presque) est permis. Et ce n'est pas la première fois qu'un auteur se met à la place d'une femme et vice versa. Mais cette fois-ci, ça ne l'a pas fait. Je n'ai pas réussi à faire fusionner l'auteur et son personnage. Sûrement ne l'ai-je pas trouvé suffisamment légitime ou crédible.



De plus, j'ai trouvé le récit trop froid, trop désincarné alors que le sujet ne manque pas d'intérêt mais il aurait mérité un traitement différent. Et cerise sur le gâteau, les quelques passages sur les défécations de l'héroïne qui auraient vraiment pu être évités.



Globalement, un roman un peu nébuleux, je n'ai pas vu où l'auteur voulait m'emmener et une lecture plutôt ennuyeuse.

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Le tennis est un sport romantique

Roman français sur lequel j'avais flashé lors des présentations de la rentrée littéraire de septembre tant j'adore le tennis, de loin mon sport préféré et que je trouvais l'idée de départ ( le jour de la finale de Rolland Garos 1984 entre Lendl et Mac Enroe, une mère isolée de province française révèle à son jeune fils que son père n'est autre que Mc Enroe) mais hélas elle n'est jamais vraiment exploitée... les 3-4 premiers chapitres qui suivent des matchs importants de Mc Enroe restent interessants, mais vite l'intrigue se délite pour devenir un de ces romans français si courant peuplés de personnages un peu fantomatiques, sans chair et une intrigue tout autant neurasthénique..

. Un livre aussitôt lu aussitôt oublié et pourtant j'aurais adoré aimer ce roman!!
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Le trésor de Sunthy

Tout d'abord, je tiens à remercier Lucca éditions de m'avoir fait parvenir ce roman jeunesse d'Arnaud Friedmann au Liban.



Ce roman convient aux enfants à partir de onze ans afin de les sensibiliser aux retrouvailles de leurs origines à travers l'histoire par la simple et ludique théorie d'éveiller et piquer la curiosité de l'enfant pour lui apprendre les valeurs familiales et l'inciter à partir vers de la découverte de nouveaux horizons.



J'avoue avoir été comblée par le récit qui se construit en douceur et prépare Elder une jeune adolescente de quatorze ans au caractère vivace et pleine de gaieté, qui vit dans l'insouciance de son âge et va se retrouver du jour au lendemain face à une situation qui lui était totalement étrangère jusque-là. Cette adorable jeune fille va prendre conscience sur la gravité de la maladie de son grand-père et se retrouver face au venin pernicieux de la mort qui se prépare à lui enlever cet homme qui lui était un peu indifférent quelque part… toutefois lui dévoiler une page de son histoire amènera bien des questionnements à Elder que le sens de l'analyse, la perspicacité, la détermination vont lui donner envie de vouloir renouveler avec l'histoire d'un pays comme le Cambodge pour déterrer les secrets familiaux longtemps enterrés, mais gravés dans le coeur à jamais de ce grand-père que la vie n'a pas épargné et l'a stigmatisé de souffrances indélébiles.



C'est une transformation réelle qui va se tisser au fil des pages par un amour naissant et profond entre cette fille et son grand-père qui va créer bien des changements en elle et lui faire prendre part à une certaine maturité par le partage, l'écoute… des ressentis tout nouveaux qui vont s'installer que le lecteur ne manquera pas de capter par la justesse et souplesse de plume de l'auteur.



Arnaud Friedmann retrace le Cambodge pays d'Asie du Sud-Est avec beaucoup d'intérêt en insistant à mettre en évidence à travers son personnage la longue agonie durant la période 1975 où sa vie a basculé... Un récit qui s'étale sur les pages comme un feu brûlant qui tarde à s'éteindre reflétant l'horreur de cette guerre ignoble qui a englouti bien des âmes sous terre.



Les Khmers rouges, le temple D'Angkor Vat, les religions, les idéaux tout est exposé avec soin pour permettre à l'enfant et même aux grands d'apprécier cette lecture et apprendre à renouer avec ses racines. Un trésor essentiel qui sera la clé de l'avenir !



Pour conclure, on se retrouve marqué par tous ces évènements qui démontrent pour tous les protagonistes une lutte incessante et contradictoire partagée entre le pardon et la haine, la colère et l'amour pour deux pays.Il est vrai qu'on ne peut renier son pays natal mais l' attachement profond à cette terre d'accueil ,de tolérance et de fraternité qu'est la France se comprend aisément.



D'autre part, l'auteur met en lumière ce que peut faire l'ingéniosité d'une enfant pour éviter à toute une famille de continuer à vivre dans l'ignorance par peur ou par faiblesse.



C'est un roman de jeunesse historique qui expose beaucoup de richesses ! J'espère qu'Arnaud Friedmann a d'autre projets en cours pour une nouvelle évasion vers un autre pays car il a une particularité propre celle de permettre à l'enfant d'apprécier l'histoire qui est assez vaste.
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Le fils de l'idole

Orphelin recueilli par une riche famille suisse, Paul a, jusqu'à ses 16 ans, mené une vie préservée et paisible: l'année scolaire dans un pensionnat haut de gamme, l'été au bord du lac de Genève, l'hiver à Gstaad. Docile, consciencieux, élève brillant, il se démarque de ses camarades uniquement par ses goûts musicaux. Alors que tous les autres hurlent avec les rockers à la mode, Paul se délecte de Mozart. L'avenir, il se l'imagine dans une grande villa avec vue sur le lac, riche homme d'affaires genevois profitant de sa bonne fortune et de ses privilèges.

Mais son monde idéal va voler en éclats le jour où il apprend qui étaient ses parents. Il est le fils de Nick Simon et de sa compagne Laura Black, deux icônes de la scène rock qui, en leurs temps, ont défrayé la chronique pour leur musique mais aussi leurs abus, leurs excès et finalement leurs suicides tragiques.

Paul ne sait que faire de cette vérité qui le bouleverse. Approché par Claire, journaliste qui a été une des nombreuses fans de son père, il s'accroche à elle pour tenter de comprendre ses parents et ce qu'ils lui ont peut-être transmis.





Amis des clichés, bonjour! Ils sont venus, ils sont tous là!

Le chanteur de rock beau comme un Dieu qui carbure aux drogues dures et qui après chaque concert choisit dans la foule des fans hystériques celle qui partagera son lit.

Sa compagne, une fille laide, qui braille plus qu'elle ne chante et ne recule devant aucune provocation pour attirer l'attention.

Ces deux-là s'aiment à leur façon et cachent leurs sentiments et leurs angoisses sous des comportements excessifs : alcool, drogue, cachets, disputes homériques, saccages des chambres d'hôtel,etc.

La fan qui a collectionné toutes les coupures de presse de son idole. A 40 ans, elle n'est toujours pas remise de sa passion adolescente et garde encore dans un carton sous son lit sa précieuse collection.

Leur rejeton très comme il faut, adorateur de Mozart, heureux comme un poisson dans l'eau dans sa pension suisse. La révélation de sa filiation va le rendre fou. Moralité? Les rock stars devraient éviter de procréer!

Le style se veut original mais ne l'est pas. Des phrases courtes, comme martelées, de temps en temps, une coupure de presse ou une dépêche AFP qui n'apportent rien, des personnages stéréotypés. A aucun moment, je ne suis entrée dans cette histoire froide comme un hiver suisse malgré le sang, les larmes et le sexe. Je l'ai lu dans l'indifférence et terminé dans la perplexité. S'il y avait un message, je ne l'ai pas saisi...
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La femme d'après

Arnaud Friedmann est un passionné de tennis. Quel rapport avec la littérature ? Je vais y venir. Il est aussi un maître de l’ambiguïté, capable de se glisser avec une justesse captivante dans l'esprit d'une femme et d'en décortiquer minutieusement les impulsions électriques qui le traversent. C'était déjà le cas dans Le tennis est un sport romantique, le roman par lequel j'ai fait sa connaissance et d'où on ressortait sans être sûr de rien quant à la version de l'histoire proposée par son héroïne. Ici, il franchit un cap supplémentaire dans la plongée psychotique, l'air de rien. Ça se fait progressivement, à la première personne du singulier. Le lecteur est directement projeté dans l'esprit de la narratrice, d'abord primesautier avant que la tension et le malaise ne gagnent, sans ostentation, mais sur un fil que l'on sent prêt à se rompre au gré d'un crescendo bien maîtrisé. Arnaud Friedmann est un joueur de fond de court. Patient. Méthodique. Il construit son point pas à pas, gagne méthodiquement du terrain avant d'asséner le coup fatal. Imparable.



Tout se joue en quelques secondes. A Montpellier, alors qu'elle quitte le domicile d'un amour de jeunesse revu vingt ans plus tard et que flotte le doux parfum d'une promesse de renouveau, la narratrice croise la route de quelques jeunes en goguette qui l'interpellent, un poil menaçants. Elle fait face, ils s'éloignent. Mais le charme est rompu. Le lendemain elle apprend dans la presse qu'une jeune fille a été retrouvée morte à quelques mètres de ce même endroit, a priori l’œuvre de ceux qu'elle a croisés. Un drôle de sentiment s'empare d'elle. Pourquoi est-elle passée entre les mailles ? Pourquoi n'ont-ils pas "voulu" d'elle ? Leur a-t-elle paru trop vieille ? C'est le début d'un questionnement obsessionnel qui va l'amener à revenir deux étés de suite sur les lieux et à faire face aux failles encore béantes sur lesquelles elle s'est construite. Pourquoi cette "non-agression" bouleverse-t-elle autant cette femme de cinquante ans, mère de deux adolescentes, à l'apparence solide et sans histoire ? Que remue cet événement au plus profond d'elle-même ? C'est tout l'objet du minutieux travail d'Arnaud Friedmann qui vient saisir la fragilité de la psychologie d'une femme au milieu du gué, soumise à tant d'injonctions contradictoires depuis l'enfance et dont la vulnérabilité est soudain exposée dans toute sa complexité. C'est très finement observé, mené. La bascule est progressive, le malaise diffus. Cette femme intrigue, agace, émeut, effraye. On marche sur des œufs, la folie affleure, on ne sait jamais très bien ce qui se joue exactement. Jusqu'à la rupture. Ou pas.



Les dernières pages sont haletantes, une ultime accélération de coup droit laisse le lecteur sur place. Le match est plié, avec la manière.
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La femme d'après

"Tu me réponds, connasse?"



En rentrant à son hôtel, après avoir passé la soirée avec Jacques, son amour de jeunesse, qu'elle n'avait pas vu depuis 20 ans, elle se fait agresser par quatre jeunes gens. Trois sont spectateurs, le quatrième est le meneur. Elle entame un pseudo dialogue, parle de ses filles, lui montre même des photos d'elles... Elle sait ce qui l'attend. Mais le destin en décide autrement et ils passent leur chemin...



Cet homme, cette agression la hantent...



Et elle est d'autant plus bouleversée que le lendemain, elle apprend qu'une jeune fille de 20 ans a été retrouvée assassinée, à quelques rues de là...



Pourquoi elle? Pourquoi elle et pas moi?

Est-elle fautive, dans la mesure où elle a essayé de les dissuader?

Elle s'est sentie agressée, mais au final était-ce une agression?

Qu'aurait-elle dit en allant porter plainte?



Tout tourne en boucle dans son esprit : les mots du meneur, son haleine, les effluves d'alcool, le timbre de sa voix qu'elle ne saurait décrire mais reconnaîtrait sans douter une seule seconde.



"D'où vient que ces idées nouvelles se multiplient depuis ce qui n'est pas arrivé, l'autre soir?"



Elle devient alors obsédée par ce non-événement et par le meurtre d'une autre. Elle développe non seulement de la culpabilité, mais aussi une obsession de son corps et de son âge, ressassant à l'infini le fait qu'elle ait échappé au pire probablement parce qu'elle n'est plus aussi jeune qu'elle le pense, plus assez désirable.



C'est là que le malaise intervient, on la suit dans ses interrogations, ses obsessions, ses provocations, les réponses qu'elle se fait, les regards qu'elle interprète, l'envie puis le dégoût qu'elle ressent pour le corps des hommes. Elle sombre petit à petit dans une sorte de folie douce et de désespoir jusqu'à l'uppercut final!



C'est finement observé, finement écrit, à aucun moment je n'ai senti que la plume était celle d'un homme. J'ai été happée par cette lecture, que j'ai dévorée et que j'ai beaucoup aimée!



Bravo Arnaud Friedman! Et merci à la Manufacture de livres pour cette découverte et pour cette couverture magnifique!
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À l'heure de Moscou : Des nouvelles du Tran..

Chacun des douze auteurs de ce recueil a rédigé une nouvelle ayant pour cadre la célèbre ligne ferroviaire du Transsibérien.

Ce train relie Moscou à Vladivostok en une semaine. Il parcourt 9 288 kilomètres via plus de 900 gares - mais ne s'arrête qu'à une cinquantaine d'entre elles.



Le contrôleur Dimitri, personnage principal de la première nouvelle de l'ouvrage, réapparaît dans les histoires suivantes. Outre Dimitri et le train, chaque récit présente quelques aspects de la vie à l'époque soviétique. Les difficultés à vivre sous un régime autoritaire et liberticide sont mises en évidence, même si l'on y voit quelques personnages s'accommoder du système et y percevoir une voie vers le progrès de l'humanité.



Les styles d'écriture de ces nouvelles sont variés, de même que leurs genres, quelques unes s'apparentant au fantastique ou à la SF.



Le version offerte par Babelio est en format à l'italienne alors que la seule image de la couverture trouvée sur internet est à la française. Le format à l'italienne rend bien hommage à l'esprit du livre et aux illustrations de la couverture, puisqu'il permet de mieux représenter visuellement l'immensité des espaces parcourus par le Transsibérien. Les illustrations au milieu des textes sont sobres mais contribuent à faire de ce livre un bel objet.



Il est probable qu'aucune de ces nouvelles ne me laisse un souvenir impérissable, mais cet ouvrage collectif est original dans sa forme et sa lecture agréable.



• Je remercie Babelio et les éditions du Samovar.
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La femme d'après

Besançon, 17 septembre, Livres dans la boucle. Il est le local de l'étape. Je ne le connais qu'à travers des échanges virtuels sur le tennis avec une amie commune et "La vie secrète du fonctionnaire" que j'ai aimé. "Il" c'est Arnaud Friedmann et selon cette amie, son petit dernier "La femme d'après" devrait aussi me plaire. Elle avait raison.



Aussitôt acheté, l'encre de la dédicace à peine asséchée, et me voilà plongée dans l'histoire sombre de cette femme plus si jeune, divorcée et mère de deux filles. Elle a fait le chemin de Besançon à Montpellier pour retrouver l'amour de ses vingt ans. Il est tard, elle le quitte après avoir dîné chez lui et rentre à son hôtel. "Ils sont quatre, trois derrière, un qui se tient devant, qui met le cap sur [elle] comme si [elle] n'existai[t] pas. Ou que si justement. Comme si [elle] existai[t] trop." Ils échangent quelques mots, il la traite de "connasse". Elle ne baisse pas les yeux. Ils passent leur chemin. On pourrait dire que rien n'est arrivé et pourtant… Et pourtant cette "non-agression" aura un impact fort sur la narratrice, surtout lorsque le lendemain elle apprend que le corps d'une jeune fille a été découvert à quelques pas de la rencontre.



L'intrigue finement racontée, la construction parfaite telle une tragédie en trois actes, l'écriture sèche, cinglante, précise, exempte de tout mot inutile, le rythme qui au fil des pages s'accélère petit à petit jusqu'à une fin "coup de poing" rendent le récit totalement addictif. le talent de l'auteur est grand qui s'immisce dans l'âme féminine et en décrypte toutes les nuances. Cette femme qui ne porte pas plainte, "Est-ce qu'on porte plainte quand on s'est fait traiter de connasse ?", qui en vient presque à regretter de ne pas avoir été agressée parce que… parce que peut-être n'était-elle plus suffisamment jeune, plus suffisamment séduisante. Et surtout, qui s'interroge sur sa vie, confrontée au dédain de sa mère, à sa jeunesse qui s'en va, à ses pensées de plus en plus sombres. Une immersion totale dans la tête d'une femme. Une très belle réussite.



Un grand merci à l'amie qui me veut du bien et m'a conseillé cette lecture toute en délicatesse et sensibilité.


Lien : https://memo-emoi.fr
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La femme d'après

« Ils sont quatre, trois derrière, un qui se tient devant, qui met le cap sur moi comme si je n’existais pas. Ou que si, justement. Comme si j’existais trop. » Montpellier 2009, un soir d’été. Une femme revient d’une soirée passée chez un ex-amour de jeunesse. Elle se fait apostropher par un groupe d’hommes : « C’est pas prudent de se balader toute seule, comme ça, la nuit, madame. » Menaces à peine voilées, rires inquiétants… Elle a peur. Pourtant, elle occupe l’espace, elle parle, amorce la discussion et ces paroles déstabilisent ses potentiels agresseurs. Ils passent leur chemin. Elle a échappé à l’agression. Le lendemain, le corps d’une jeune femme est retrouvé dans le même quartier. Persuadée qu’il s’agit là des mêmes attaquants, elle se met à développer le syndrome du survivant. Elle se sent coupable d’avoir survécu. Pourquoi ne lui ont-ils fait aucun mal ? Commence alors une lente descente aux enfers pour « La femme d’après », victime d’une non-agression.



Si l’on peut facilement évaluer, imaginer les conséquences d’une agression de rue, comment appréhender les pensées, les émotions, les sensations d’en avoir réchappé ? Quand le cerveau se met à tourner en boucle, à envisager tous les possibles de ce qui aurait pu mal tourner, « Elle » entreprend de décortiquer ce qui reste de cette soirée. Une agression est une attaque physique brutale qui atteint l’intégrité physique, mais peut aussi attaquer l’intégrité mentale. C’est cette atteinte à l’intégrité psychologique qu’Arnaud Friedmann va décortiquer.



« Je m’éponge le front, je n’avais pas ces pensées délirantes avant l’agression dont je n’ai pas été victime. » « Elle » se souvient… de la résonance du mot connasse, de l’odeur de menthe, de la voix du meneur, de Jacques chez lequel elle avait passé la soirée. Elle ne se souvient pas des visages, elle souffre de prosopagnosie, mais tout le reste demeure bien vivant dans son esprit et le restera durant 3 ans. Pendant 3 années, à la même période de l’année, au même endroit, « Elle » reviendra presque en pèlerinage, pour comprendre, pour accepter, pour tenter de faire taire sa culpabilité de survivante, pour essayer de passer à autre chose. Une seule question l’obsède : pourquoi ? Une seule réponse est trouvée : « Ils m’ont épargnée parce que j’étais trop vieille pour me faire violer. » L’engrenage infernal est lancé : est-elle réellement trop vieille ? Cette obsession de l’âge, du corps qui vieillit, du désir de l’autre qui s’éteint cannibalisent toutes ses pensées. Des réflexions délirantes naissent qui l’emmènent vers une forme de folie, une fixation impossible à raisonner. Le seul moyen d’y remédier est de rencontrer le Meneur, celui qui n’a pas voulu de sa peau.



Arnaud Friedmann dresse ici le portrait d’une femme sur le fil du rasoir. Entre remises en question, délires, rêves éveillés, et dérives mentales, « Elle » dont l’auteur tait le prénom, un peu vous, un peu moi, est dans sa quarantaine. Comme toutes les femmes qui ont connu ce passage, elle redoute l’altération de sa beauté et du désir qu’elle provoque chez les hommes. « Elle est portée sur la chose, avait dit ma mère. » Si les hommes ne vous désirent plus, que veut encore dire être une femme ? Cette idée fixe prend toute la place. Provoque les affabulations les plus tordues. Lui fait prendre tous les risques. La liberté du corps contraste alors avec l’emprisonnement de l’esprit et chaque pas qui résonne sur les pavés du passé de cette non-agression remet en cause les actions du présent.



J’ai trouvé ce texte à l’atmosphère glaçante d’une grande finesse. D’une part, parce qu’il explicite parfaitement les conséquences d’un non-événement qui finit par occuper tout l’espace psychique et démontre avec pertinence à quel point le cerveau peut disjoncter. D’autre part, et c’est sans doute le plus remarquable puisque « La femme d’après » est écrit par un homme, l’aptitude de l’écrivain à comprendre et à retranscrire les marques du passage du temps sur le corps d’une femme. Il ne s’agit pas simplement de vieillissement, il s’agit du regard de l’autre, des répercussions psychologiques que cela engendre, de la perte des repères dans ce qui faisait la féminité, et disons-le, du sexe. Ne plus désirer une femme parce que son corps a vieilli est sans doute le pire des outrages et la plus dégradante des insultes. Les dommages causés peuvent être irrémédiables. Je vous laisse apprécier et juger de ces ravages dans la toute fin du roman.


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L'invention d'un père



"... en se concentrant sur la respiration de Béatrice, il peut entendre son souffle, à intervalles réguliers.

Dans une semaine il sera mort."



Un homme sait ses derniers jours arrivés et décide d'enlever son enfant, qu'il ne connaît pas car il a quitté la maman à quelques jours de l'accouchement.

Cet enfant, c'est un bébé de quelques mois, une belle petite fille, Béatrice.

Il s'installe avec elle dans une cabane isolée dans la forêt.



Au fur et à mesure que les jours passent, il apprend à connaître cette enfant, il découvre son odeur, ses pleurs, ses rires et se perd dans son regard.



Avec elle, il ressent la simplicité des choses, perçoit l'importance de la vie et des petits bonheurs. En quelques jours il veut construire avec elle des souvenirs et un semblant de vie, de moments partagés. Il lui écrit pour plus tard. Il veut exister pour elle, c'est sa façon à lui de ne pas mourir complètement, de ne pas disparaître...



De lui, on ne sait rien, même pas son prénom, et malgré la violence de son geste, on se surprend à être touché par ce personnage solitaire noyé par la nostalgie de son passé, qui semble perdre certaines notions du réel et plonge dans des moments fantasmés.



La force du récit réside dans la psychologie du personnage, l'ambiguïté de la situation et la beauté des moments de reconnaissance entre ce père et son enfant. C'est un très beau texte, qui ne peut laisser insensible. La puissance des mots et des situations en font un roman bouleversant, que je vous empresse de découvrir!
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L'invention d'un père

"Le soir, il murmure à Béatrice l'histoire d'un père qui emmène sa fille dans une cabane au milieu des bois pour qu'elle y entende la caresse du vent à travers les feuilles. Un père qui veut sauver quelques moments avant de disparaître. Béatrice l'écoute. Il parvient presque à se convaincre, à trouver leur situation féerique, à na pas s'effondrer quand il lui demande pardon pour sa disparition prochaine."

Je pense que cet extrait résume bien ce roman poignant qui vous serrera le cœur.

Pourtant au départ ce père n'a rien d'un père, il ne devrait même pas avoir le droit de ressentir le moindre sentiment paternel ayant abandonné la maman quelques jours avant l'accouchement. Mais au seuil de la mort alors que sa fille Béatrice n'est qu'un tout petit bébé, il a besoin d'expier même s'il lui reste très peu de temps pour corriger un maximum de ses erreurs.

Construit en un huis-clos entre un père et un bébé dont il ne sait pas comment s'occuper, dans une cabane abandonnée au fond d'un bois, ce texte est donc un mea culpa mais comme tous les regrets, cette introspection, ce besoin de vivre toute une vie en quelques jours, interviennent trop tard.

Comme dans son précédent roman, l'auteur crée un personnage qui n'est pas tout à fait celui que le lecteur pense découvrir. Tout le talent d'Arnaud Friedmann, hormis sa superbe plume, réside dans la psychologie qui incarne ses textes, dans l'ambiguïté de ses personnages principaux. On n'est vraiment pas loin du roman noir, l'auteur flirte ouvertement avec le genre.
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La vie secrète du fonctionnaire

Mais qu'y a-t-il derrière l'uniforme, le sourire figé ou l'air sévère du fonctionnaire ? Qui sont réellement ces femmes et ces hommes que l'on regroupe sous ce même qualificatif impersonnel ? Fonctionnaire. Ca rêve un fonctionnaire ? Ca rit ? Ca pleure ?... Ce sont eux qu'Arnaud Friedmann met en scène tout au long de ces dix nouvelles à l'humour doux amer, oscillant entre absurde et désespoir. Ayant lui-même travaillé dans la fonction publique, disons que l'auteur a de la matière pour dresser des portraits et esquisser des situations que l'on devine vécues ou connues. Mais la tendresse et l'empathie qu'il montre à l'encontre de ses personnages permet d'éviter l'écueil du pamphlet ricaneur pour livrer un réel objet littéraire original et instructif sur la vie de ces héros anonymes.



Ils sont policier, agent SNCF, maître-nageur, dirigeant de maison de retraite ou cadre au conseil départemental. Chacun à sa manière est pris entre deux forces, l'inertie de super-administrations engluées par les règles et la paperasse d'une part, les impératifs toujours plus forts de productivité liés aux promesses politiques des gouvernements successifs. Chacun tente de résister aux règles absurdes, aux injonctions statistiques, aux dis fonctionnements hiérarchiques... Jusque-là, rien de bien nouveau. Si ces personnages nous touchent, c'est parce que l'auteur prend la peine de gratter sous la surface et de nous parler des femmes et des hommes sous les costumes. Leurs renoncements, leurs rêves oubliés, leur envie soudaine de tout envoyer bouler, les petits grains de sable qui viennent enrayer la machine et faire remonter à la surface des sensations d'époux, de fils, de mère, d'amante ou d'amoureux transi. Les vies de fonctionnaires sont-elles si différentes des nôtres ? Qui a pris le temps un jour, de se demander qui était l'employé derrière le guichet, celui qu'on agresse pour un rien, sur lequel on se défoule (et que l'on préfère pour cela à une machine que l'on ne peut pas humilier) ?



J'avoue que j'étais curieuse de lire de nouvelles choses de la part d'Arnaud Friedmann que j'ai découvert par hasard il y a quelques années avec un livre qui ne pouvait que m'être destiné le tennis est un sport romantique, mettant en scène une mère avouant à son fils qu'il est le fils de John McEnroe alors qu'ils sont en train de regarder la fameuse finale de Roland-Garros 1984. Changement de sujet radical donc, sur un thème qui m'est beaucoup plus éloigné et qui me permet d'apprécier de façon plus distanciée et moins acquise le talent de conteur et de tricoteur de l'auteur.



La nouvelle est un exercice difficile et, ma foi, il s'en sort bien. le recueil possède un vrai fil rouge, une unité thématique et explore par l'intermédiaire de chacune des nouvelles (introduite par une note ou une circulaire administrative qui ajoute beaucoup de saveur), un pan de l'univers attaché aux fonctionnaires dans la réalité autant que dans l'inconscient collectif.



C'est bien vu, instructif et divertissant. Gageons que ce recueil pourrait oeuvrer à améliorer la façon dont le grand public perçoit les fonctionnaires (ou veut les percevoir), ces êtres qui persistent à garder leur part d'humanité sous le moule qu'on leur impose.
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La femme d'après

Il est une heure du matin.

Une femme seule traverse des rues désertes. Une femme dans la quarantaine. Encore séduisante. Et séduite ce soir-là par un amour de jeunesse.



En face d'elle, quatre jeunes hommes.

Le danger, elle ne le sent pas tout de suite. A cause d'une légère ivresse peut-etre. Celle du vin et celle du flirt. En tout cas, elle avance sans crainte...



De cette agression, qui s'achèvera par un "connasse" retentissant, elle s'en sort indemne. Sans savoir ni comment, ni pourquoi.

Une agression dont elle est incapable de se plaindre à la gendarmerie. Elle était menacée, elle le sait. Pourtant ils ne l'ont pas touchée. Pas molestée.

Il faudrait des plaies, des injures un peu plus virulentes. Un vêtement déchiré. Quelque chose qui raconterait la violence réelle de cette rencontre.



Le lendemain, elle apprend qu'une jeune femme a été tuée. Violée et tuée. Quelques rues plus loin. Elle avait vingt ans. Quatre individus. Et en double page, le portrait de celui qui a articulé connasse. Connasse. Connasse. Connasse.

Le mot claque. Résonne. Comme un coup de feu.



Le traumatisme et la culpabilité se teintent bientôt d'ambiguïté. Cette question, affolante. Affligeante dans cette situation. Pourquoi elle et pas moi ?



Je n'ai pas pu lâcher ce livre. Je l'ai lu d'une traite, le souffle retenu, suspendu aux mots de cette quadra aux prises avec sa conscience. Dans tous les sens. L'auteur s'emploie à nous retranscrire les contacts, les bruits, les voix, les odeurs... avec une acuité parfois presque douloureuse.

Cette agression révèle ou réveille quelque chose d'animal chez elle, qui prend racine tellement loin, dans son corps de fille. De mère. De femme.

Subjuguée.

Incapable de refermer le roman, même quand l'atmosphère devenait vicié, une atmosphère tellement bien rendue.

Mais quel talent !
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La femme d'après

Si je n'avais pas gagné ce roman lors de l'opération masse critique, et donc si je ne m'étais pas engagée à le lire et en faire une critique, je l'aurais abandonné. Dès le premières pages, je n'ai pas aimé l'écriture, froide, intello, désincarnée. Le coeur du sujet est intéressant : une femme de mon âge échappe à une agression. C'est la femme d'après qui est tuée. La narratrice, au long de ces 200 looooongues pages, s'interroge: pourquoi est-ce que ce n'est pas elle qui a été tuée ? Parce qu'elle est trop vieille pour se faire violer ? Parce qu'elle est trop moche ?

La question en soi n'est pas inintéressante: même si toutes les statistiques démontrent que le viol n'a rien à voir avec la beauté, une femme de 47 ans peut légitimement s'inquiéter du désir qu'elle (ne) suscite (pas). Mais là, c'est chiant, vraiment. D'ailleurs la narratrice n'a tellement rien à dire qu'elle en arrive à raconter comme elle chie. Consternant.

Bref, j'en suis venue à bout mais franchement je n'en retire rien alors qu'il y avait au moins 2 très bonnes idées.

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La femme d'après

« Il y a l'air tiède du milieu de la nuit, quelques moteurs en écho, le bourdonnement des télévisions à l'intérieur des immeubles, puis soudain des voix. »

L'incipit donne le ton. « La femme d'après » est contemporain, vif, serré comme un café fort, superbement maîtrisé.

Une femme, la narratrice, fil rouge de ce récit psychologique, féminin, le « je » comme un aimant.

C'est la nuit. L'urbanité d'une ville endormie, presque. Elle vient de retrouver dans le nid d'un hôtel son amour de jeunesse. Pas de côté, se prouver que tout peut se renouer malgré les années irrévocables. D'un âge certain, entre les rives de la jeunesse et ses charmes, la bascule vers l'âge avancée, elle est ici.

Elle traverse un parc, entend des voix qui se rapprochent immanquablement. L'angoisse crescendo, elle se heurte de plein fouet au danger. Quatre jeunes hommes s'arrêtent devant elle. La peur armure, la nuit complice de ses faiblesses, elle va affronter le meneur qui la traite de connasse plutôt que de salope. Elle montre au cador de ces garçons, les photos de ses filles. Trop vieille pour être violée ou trop déroutante pour ce meneur à qui elle propose aussi une cigarette ?

Le choc est titanesque. Agressée dans le sombre de sa féminité, elle rentre seule à l'hôtel, le droit de passage de ces derniers est pour elle l'ultime affront et dans un même tempo un soulagement.

« S'ils m'ont suivie, ils peuvent me voir pleurer. de ça, je me vengerai. Plus tard. »

Arnaud Friedmann est dans cette capacité d'un mimétisme hors pair. L'écriture est une chevelure, les traits doux et la trame à l'identique d'un corps ployé par les angoisses existentielles propres à la féminité.

Elle va sombrer dans les méandres des conséquences de cette agression qu'elle mettra sous la chape des silences douteux.

Pourquoi a-t-elle échappée à cette agression ?

Le récit enfle, se gorge d'un crime commis sur une jeune fille la même nuit. Elle connaît l'assassin et son haleine mentholée.

« La femme d'après » est sombre, sociologique, démonte un à un tels des diktats, les fantasmes d'une femme angoissée et fragile en proie à la folie.

« C'est parce que tu as pas eu peur. Ça s'est vu, que t'avais pas peur. Je respecte ça. »

Ce roman d'une infinie douleur, intranquille, poignant est l'ombre tenace d'un thriller. Le portrait d'une femme, emblème des errances, des souffrances, des écueils liés à la perte de l'estime de soi, canevas d'un roman perfectionniste tiré au cordeau. Un séisme mental jusqu'au point final. Inoubliable. Publié par les majeures éditions La Manufacture de livres.
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Qui a écrit le roman "Les souvenirs", dans lequel le narrateur, apprenti romancier, prend conscience à l’occasion du décès de son grand-père de tout ce qu’il n’a pas su vivre avec lui et il comprend que le seul moyen de garder l’amour vivant est de cultiver la mémoire des instants heureux ?

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