Dans ces rayonnages, j’avais aligné les disques ou les films qui me faisaient vivre plus fort, les romans et les monographies d’artistes qui avaient changé ma vision du monde.
Ma piaule était une chapelle dédiée à mes êtres humains favoris. C’était un sas, un cockpit aux creux duquel je faisais des voyages insensés. Quand j’en sortais pour aller chez Poséidon, c’était toujours bizarre. C’était comme s’extraire d’une zone protégée pour affronter un monde sans pitié, infesté de laideur et de haine. Ce qui me frappait le plus hors de ma bulle était l’absence de couleurs. La ville paraissait dessinée au charbon et fusain, dans des nuances de gris et d’anthracites plus ou moins profondes.