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Critiques de Arthur Machen (44)
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Le grand dieu Pan

« La vallée était comme aujourd'hui, moi-même à cette même place, lorsque je vis l'inimaginable gouffre qui bâille entre les deux mondes : le monde de l'esprit, et celui de la matière, s'ouvrir devant moi, tandis qu'au même instant un pont de flamme jaillissait entre la terre et la rive inconnue, comme pour mesurer l'abîme. »



Un médecin fait une expérience pour tenter de sonder les forces de l'ombre, celles qui dépassent l'entendement humain et sont recouvertes d'un voile. Il recherche le « monde réel », autre que celui que nous voyons, touchons. Et pour cela, il ne recule devant rien.



« Si vous voyez de la vase à la surface d'une rivière, vous pouvez être certain qu'elle vient du fond ; j'allai au fond. »



Mais l'expérience tourne court. Des années plus tard, des hommes se suicident dans Londres sans raison apparente. Dès lors, par propos rapportés de différents observateurs, certains recherchent ce qui a pu conduire ces malheureux à cette issue fatale.



« Je me propose de chercher la femme qu'il avait épousée. ''Elle'' est le mystère. »



Cette nouvelle d'Arthur Machen est assez curieuse en ce qu'elle suggère l'angoisse plus qu'elle ne dit de l'épouvante. Le lecteur imagine au travers des descriptions relatées par les chroniqueurs. Ceux qui ont eu la malchance de voir l'indicible et ne peuvent exposer avec précision l'horreur qui les tétanise. Le lecteur est tenu en haleine au travers des yeux des conteurs.



Par ailleurs, ces conteurs sont eux-mêmes en quête de réponses et nous suivons l'évolution de leurs recherches au même rythme qu'eux, la peur se faufilant à chaque nouvelle découverte, toujours parcellaire, de page en page le lecteur avance à tâtons.



« La forme de l'homme existait encore, mais tout l'enfer l'habitait ; la luxure furieuse, une haine pareille à du feu, et l'angoisse qui semblait hurler dans la nuit malgré les dents serrées, et les ténèbres du désespoir. »



Ce 19ème siècle aimait les choses mystiques et l'écriture de l'auteur est travaillée de manière à rendre les peurs survoltées : « ...les forces secrètes et redoutables qui sont au cœur de toutes choses, les forces devant qui l'âme humaine se fane et meurt, noircie comme le corps même le serait par des courants électriques. »



C'est assez amusant de voir qu'à l'origine de l'expérience point n'est de table tournante ou de médium, mais un scientifique, un médecin qui a une vision complètement folle. Non seulement il considère que son expérience doit se faire sur un être humain qui deviendra ainsi le médium permettant le contact entre les deux mondes, mais que ce cobaye lui appartient « Je pense que sa vie est à moi, pour en user à ma convenance. » Ajoutons à cela que c'est une femme... et voilà « ''Elle'' est le mystère. » La femme de l'expérience s'appelait Mary.



« Je puis créer le courant et établir la communication entre ce monde des sens et... l'avenir nous fournira la fin de la phrase. »



Suspens...
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Le grand dieu Pan

Bien qu'à la parution de ce court roman (ou longue nouvelle), on soit déjà à la toute fin du XIXème siècle, l'engouement pour la littérature gothique n'est pas tout à fait mort et a subi tout au long du siècle une évolution naturelle vers le fantastique, l'ésotérisme et enfin les sciences.



Il ne faut donc pas s'étonner si le récit commence par une expérience médicale ayant pour but de percer le mystère entre le monde réel et le monde imaginaire. Expérience malheureuse et quasi criminelle qui aura pour conséquence de libérer une force mystique qu'il aurait mieux valu laisser dans les oubliettes de la conscience humaine.



Vices, ébats sexuels débridés et crimes seront les maux qui résulteront de cette prétention de l'homme à vouloir sonder l’insondable et maîtriser ce qui ne peut et ne doit pas l'être.



L’écriture de Machen est à rapprocher de celle de Stoker qui publia son célèbre "Dracula" en même temps ; les deux oeuvre ayant également en commun la structure narrative sous forme de témoignages et journaux. Dans une atmosphère de "faisons-nous peur", la créativité de ces deux auteurs a puisé, dans l'antiquité pour l'un et dans les montagnes de Transylvanie pour l'autre, matière à troubler les nuits de leur public.



Considérant ces deux œuvres comme totalement indissociables, il n'est guère étonnant qu'elles m'aient toutes deux procuré le même plaisir mitigé.





Challenge 19ème siècle 2019

Challenge MULTI-DÉFIS 2019

Challenge NOTRE-DAME de PARIS
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Le grand dieu Pan

Arthur MACHEN naquit en 1863 à Caerleon dans le Pays de Galles et disparaîtra en 1947. Après la publication en 1881 d'un premier poème à tonalité mystique ("Eleusinia") évoquant les Mystères d'Eleusis, il comprend vite qu'il ne parviendra jamais à "vivre de sa plume".... Belle sagesse ! Ses revenus proviendront d'emplois en "diverses maisons d'édition" londoniennes puis en tant que journaliste, complétés par un "petit héritage familial"... S'échelonnera bon an mal an la publication d'une petite vingtaine de pièces originales au long d'une quarantaine d'années...



1890 : "The Novel of the Iron Maid" ("Histoire de la vierge de fer")

1894 : "The Great God Pan" ("Le Grand Dieu Pan") [court roman]

1895 : "The Shining Pyramid" ("La Pyramide de feu")

1895 : " The Novel of the Black Seal" ("Histoire du cachet noir")

1895 : "The Novel of the White Powder" ("Histoire de la poudre blanche")

1895 : "The Three Impostors or The Transmutations" ("Les Trois Imposteurs ou Les Transmutations") [demi-roman]

1897 : "The Ceremony" ("La Cérémonie")

1904 : "The White People" ("Le Peuple Blanc")

1998 : "The Red Hand" ("La Main rouge")

1906 : "The House of Souls" ("la Maison aux âmes")

1907 : "The Hill of Dreams" ("La Colline des rêves") [roman]

1914 : "The Bowmen" ("Les Archers")

1915 : "The Great Return" ("Le Grand Retour")

1915 : "Out of the Earth" ("Sortis de la terre")

1917 : "The Terror" ("La Terreur")

1927 : "The Little Folk" ("Le Petit Peuple")

1931 : "Opening the door" ("Un grand vide")



Ses personnages fétiches ? Les fées, les elfes, le "Petit Peuple", le diable, les faunes et satyres, les gorgones, les monstres... mais surtout "le caractère Autre de ce monde", qui en font un Maître du fantastique, contemporain de Bram STOCKER et Howard Phillips LOVECRAFT.



Bref, notre ami "s'est fait plaisir" et nous le suivrons dans sa Voie des Origines (antique et romaine décadente) si originale...



"Le Grand Dieu Pan" de 1894 (soit quatre ans avant la publication du génial roman-feuilleton de l'irlandais Bram STOKER) est effectivement une de ses "pièces maîtresses". On peut supposer que la traduction tout en finesse de Paul-Jean TOULET (en 1901) lui a conservé beaucoup de sa fraîcheur actuelle... On pense immanquablement au climat mélancolique du roman "Bruges-la-Morte" (1892) de Georges RODENBACH en raison de la malédiction poisseuse qui imprègne les quelques pages (réparties en huit chapitres) de ce très court roman, tout aussi allusif et d'une concision si éloquente en Mystères... Puisque "L'autre monde" ne s'y trouve séparé du nôtre que par une fine toile, de l'épaisseur d'une feuille de cigarettes...



Chapitre d'exposition : la jeune Mary, dix-sept ans, est victime consentante d'un crime médical monstrueux contre son intégrité physique (rien de moins qu'une petite trépanation au crépuscule, "pour voir"... ). Résultat ? Elle ne verra plus jamais le monde comme avant... le "Primum non nocere" d'Hippocrate est décidément le cadet des soucis de ce "bon" (?) Docteur Raymond, son étrange "bienfaiteur" ou tuteur... Clarke devient complice par non-dénonciation de crime.

La mystérieuse Hélène Vaughan naîtra et connaîtra une longue et belle carrière proprement vampirique et pousse-au-suicide... Comme dans le "Dracula" de STOKER, la malédiction procède par contagiosité : d'abord Lucy puis Mina... D'abord Rachel (morte depuis) et le pauvre gamin Trevor (finissant idiot).



Le talent d'Arthur MACHEN tient dans sa retenue pour dérouler le fil d'Ariane des mystères et dans sa maîtrise de ce qu'il perçoit comme un "Pouvoir Premier" : une langue élusive permettant de suggérer l'horreur. Là où STOKER développe, rationalise et laisse ses personnages se justifier et revenir sur des événements déjà contés, MACHEN choisit l'ellipse et le toujours "incomplètement exprimé"...



De chapitre en chapitre, ses personnages se croisent, dénudent peu à peu le terrible Mystère dionysiaque et se passent silencieusement le relai de l'horreur.



Pour le 1 - "UNE EXPERIENCE", le docteur Raymond, M. Clarke et la pauvre Mary ...



Pour le 2 - "MEMOIRES DE M. CLARKE", Clarke à nouveau en scène, relisant le récit du docteur Phillips, l'un de ses autres amis, à propos des conduites peu communes d'Hélène Vaughan adolescente et des jeunes malheureux "témoins" ou victimes de ses agissements : Rachel M. et Trevor W. ...



Pour le 3 - "LA CITE DES RESURRECTIONS", le dandy Villiers croise le chemin de Charles Herbert, un ancien copain de collège désormais en haillons, celui-ci lui contant sa triste déchéance... Mme Herbert a précipité sa ruine et a disparu... Il en parle à "un gentleman de ses amis, Austin, qui a entendu parler de cette histoire et la complète...



Pour le 4 - "DECOUVERTES DANS PAUL STREET", retour à Clarke qui reçoit la visite du sieur Villiers : la cour de la villa de Paul Street où habita le couple Herbert vient de connaître sa première mort mystérieuse... Villiers a été visiter la misérable demeure, dont l'épaisseur de poussière et l'aura d'horreur diffuse se trouvent tout-à-fait dignes de la demeure londonienne "d'exil" du Comte Dracula...



Pour le 5 - "LA LETTRE D'AVIS", Austin et Villiers partagent la découverte d'un carnet de croquis maudits (celui de l'artiste Meyrik au tragique destin) réunissant Faunes, Satyres et Aegypans... jusqu'au portrait d'Hélène Vaughan, au regard fixe.



Pour le 6 - "LES SUICIDES", l'épidémie de suicides se poursuit à Londres, touchant nombre de "gentlemen" : Lord Argentine, M. Charles Aubernon, M. Collier-Stuart, M. Herries, M. Sidney Crashaw... Commence pour eux une étrange attraction (amoureuse ?) envers les cordes en chanvre. Par certains aspects, nous ne sommes pas si loin des excellents récit sherlock-holmesques de sir Arthur CONAN DOYLE... Austin, Villiers et Clarke semblent joindre leur forces (un peu comme les trois anciens amoureux de la belle "Lucy" de Bram STOKER) pour terrasser le démon, une démone en l'occurrence... Une certaine Mme Beaumont (de la Meilleure des Sociétés) vivant dans Ashley Street semble décidément avoir un entêtant parfum de soufre...



"Pour le 7 - "LE RENDEZ-VOUS DANS SOHO" : la traque impitoyable de la démone commence... Austin prend peur mais Villiers et Clarke se chargeront de la basse besogne.



Pour le 8 - "FRAGMENTS", le docteur Robert Matheson relate sa découverte d'un cadavre vacillant d'états en états - préfigurant le modèle proprement innommable de "The Thing" de John CARPENTER (1983).



Mary, Hélène et tant d'autres ont donc été "contaminés" et ont rencontré le monde du "Grand Dieu Pan" qu'ils n'ont pu fuir que dans la mort consentie.



La force narrative d'Arthur MACHEN est grande, ses "effets" sont soignés et sa construction passionnante. On rejoindra aisément l'avis laudatif du connaisseur H. P. LOVECRAFT dans son essai (élaboré de 1927 à 1935) "Epouvante et surnaturel en littérature"...



"The Great God Pan" est une pièce inoubliable.
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Le grand dieu Pan

Je me demande bien lequel des éléments de ce texte court a pu hanter Lovecraft aussi longtemps avant de se mettre à édifier son univers de l'horreur cosmique totale.

Ou en fait non, il ne faut pas se le demander, parce que tout, absolument tout ici est une ode à ces initiations sans limite de quelque chose de plus grand. De plus important. De plus indicible.

Le tout porté par une écriture tout en finesse, des airs de fausse enquête gothique parfaitement maîtrisée, une retenue qui sait exactement quand esquissé un Tout inaliénable.

"Clarke... Mary, Mary va voir le Grand Pan !"
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Le grand dieu Pan

Après ma récente lecture du "tour d'écrou" d'Henry James, "le grand dieu Pan" d'Arthur Machen est une nouvelle occasion pour moi de m'intéresser au fantastique du 19ème siècle.



Ces deux récits partagent la volonté d'instaurer une atmosphère gothique et de jouer sur la suggestion et les non-dits. Mais là où "le tour d'écrou" laissait le doute planer sur la véracité de l'aspect surnaturel et s'interrogeait sur la santé mentale de son personnage principal, Machen ne laisse planer aucun doute. L'aspect fantastique est avéré. L'auteur, même s'il le fait à travers un jeu de non-dits, se plait à évoquer le surnaturel qui s'immisce dans le monde réel pour peu à peu le pervertir.



On n'est guère étonné d'apprendre que ce récit fut jugé scandaleux à l'époque de sa parution en 1894. Par petites touches subtiles et avec un art certain de la suggestion, Machen propose un récit audacieux, au lyrisme lugubre, empreint de poésie macabre, dans lequel Eros et Thanatos se mêlent discrètement sans que rien ne soit vraiment montré.

Cet art du non-dit et ce goût pour les atmosphères étranges et oppressantes a d'ailleurs influencé nombre d'auteurs, en particulier Lovecraft qui voyait en Machen un maître.



L'intrigue en elle-même est assez mince et, si elle est bien menée, son côté trop simple lui donne un aspect désuet.

Mais l'atmosphère délicieusement délétère de conte gothique font de ce "grand dieu Pan" une lecture indispensable à tous les amateurs de fantastique.



Challenge Petits plaisirs 17

Challenge Variété 12 (catégorie "un livre d'un auteur que vous n'avez jamais lu")
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Le grand dieu Pan

Si le nom de Lovecraft est aujourd'hui bien connu des amateurs de fantastique, celui de Machen l'est nettement moins.

Né en 1863 et mort en 1947, cet auteur britannique est pourtant l'un des piliers de l'horreur moderne. Son récit le plus connu, Le Grand Dieu Pan, a inspiré en son temps le susnommé Lovecraft et l'ensemble de son œuvre s'impose comme une influence majeure pour les générations qui suivront.

S'il semble ne pas avoir connu la même popularité que le père de Cthulhu, Arthur Machen peut compter sur le soutien d'une petite communauté de fans avertis qui ont su faire vivre ses écrits jusqu'à ce jour et l'ont réédité à maintes reprises dans l'Hexagone.

Découvrons aujourd'hui la dernière réédition en date. 



Cette réédition, nous la devons aux excellentes éditions Callidor qui se sont mises en tête, après Le Roi en Jaune de Robert W. Chambers l'année dernière, de fournir le même travail d'orfèvre pour ressusciter le Gallois.

Autant le dire tout de suite, le livre-objet qui en résulte est un œuvre d'art en soi. Hardcover, vernis sélectif et, surtout pas moins de vingt-six illustrations du grandiose dessinateur paraguayen Samuel Araya, comme autant de joyaux noirs qui vous hanteront longtemps. 

Le travail d'édition avec des polices d'écriture finement choisies et tout un appareil critique signé par Guillermo Del Toro, Jorge Luis Borges ou encore S.T. Joshi achève de convaincre du sérieux de cette entreprise de réédition. 

L'objet-livre qui en résulte s'avère naturellement magnifique et vaudrait à lui seul l'achat compulsif du collectionneur.

Mais ce n'est pas tout puisque le meilleur est à venir.

Le Grand Dieu Pan ne contient pas uniquement le texte éponyme mais également quatre autres récits d'Arthur Machen : La Lumière Intérieure, Histoire du Cachet Noir, Histoire de la poudre blanche et La Pyramide de Feu. De quoi raviver sérieusement la curiosité des amateurs de terreur. 



On découvre avec Le Grand Dieu Pan tout ce qui fait l'essence de l'œuvre d'Arthur Machen qui, loin de s'inscrire dans l'horreur frontale, aime tisser patiemment ses histoires pour mieux faire infuser le surnaturel. 

Ici, c'est l'expérience du Dr Raymond sur une jeune fille du nom de Mary qui va très mal tourner. Témoin de la chose, Clarke ne peut que constater le basculement dans la folie qui s'opère. Quelques temps plus tard, dans la bonne société Londonienne, une certaine Mme Beaumont fait une entrée fracassante… et attire sur elle les soupçons de Clarke et de ses amis suite à une étrange série de suicides que même Scotland Yard ne comprend pas. 

Tout, dans ce premier texte, va définir le style fantastique d'Arthur Machen : une personne confrontée à l'inexplicable, souvent par les suites d'une expérience malencontreuse, une enquête qui remonte et assemble les pièces d'un puzzle de plus en plus terrifiant et cette sensation de malaise diffus qui prend à la gorge le lecteur pour ne plus le lâcher.

L'horreur d'Arthur Machen n'est pas grandiloquente, elle est taiseuse, vaporeuse, élusive. 

Le Britannique est fasciné par l'existence d'un monde extrêmement ancien dont nous avons tout oublié ou presque. Un monde qui renferme des êtres monstrueux dont la seule vision peut rendre fou ou pervertir à jamais celui qui l'aperçoit. On retrouve le même procédé dans le texte suivant, La Lumière intérieure, avec une expérience lugubre qui finit par aboutir à la dégradation de l'âme et à la vision d'un monde impossible à supporter pour l'expérimentateur. On retrouve le goût prononcé de l'auteur pour l'enchâssement du récit dans le récit, avec la lecture de lettres ou de rapports pour éclaircir l'histoire et nous donner la sensation d'enquêter nous-même aux côtés du narrateur. Mais si l'on pourrait hâtivement cataloguer tout cela comme une série de péripéties policières, on s'aperçoit avec la suite que ce serait bien insuffisamment pour décrire et saisir les obsessions de Machen.



Les deux textes suivants, Histoire du cachet noir et Histoire de la poudre blanche, vont affirmer cette terreur qui hante l'œuvre du Gallois. 

Machen semble obsédé par ce qu'il reste des mythes anciens dans notre propre époque - ou plutôt dans la sienne, au XIXème siècle - et comment nous avons pu les transformer pour mieux les supporter.

Ainsi, dans Histoire du cachet noir, un scientifique à la recherche d'un continent perdu à explorer, va comprendre qu'il a trouvé bien plus dangereux que cela. C'est Miss Lally qui va découvrir le témoignage final du professeur Gregg et comprendre, non sans frayeurs, l'ampleur de ce qu'il a découvert. Encore une fois, les choses sont élusives, floues, parlant et recyclant des mythes anciens, des fées, des rumeurs sur le « petit peuple » mais en révélant la nature beaucoup plus sombre de l'ensemble. 

Une nature que nous avons oblitéré, caché, pour notre propre bien. 

Arthur Machen s'érige en adepte de l'horreur à l'orée du regard, saisissant parfaitement l'essence du fantastique originel où le doute crée l'angoisse autant que la vision du mal elle-même. Ce qui fait la force d'Histoire de la poudre blanche n'est pas simplement la révélation du destin tragique et la vision d'horreur qui accompagne la confrontation entre le Dr Haberdeen et ce qu'est devenu Mr Leceister suite à un traitement mystérieux, mais bel et bien ce que cette transformation et ce que l'origine de cette poudre dit d'un monde extrêmement vieux et sombre où la sorcellerie était une chose bien réelle et carnassière. Chez Machen, la peur naît de l'inconnu et de l'inimaginable caché à nos yeux. Un inconnu qu'on pourrait dévoiler malencontreusement à tout moment. Cette façade qui s'écroule est d'ailleurs souvent la résultante d'une expérience malencontreuse et l'on sent que le Britannique, qui voit les avancées technologiques de son temps, craint ce que celles-ci pourraient donner pour l'homme. Surtout lorsque ces découvertes sont mises en rapport avec sa propre morale chrétienne. 

Pourtant, l'influence des écrits religieux cède surtout le pas à l'existence de puissances beaucoup plus anciennes. 

Dans l'ultime récit, La Pyramide de Feu, c'est une nouvelle enquête qui nous emmène au milieu de nul part, dans des collines quasiment désertes, terrain de jeu favori de l'auteur, pour mieux nous replonger dans un temps reculé, entre ruines du monde Romain et folklore du petit peuple. 

Vaughan et Dyson, en tentant de comprendre de mystérieux symboles faits de pointes de flèche, vont finalement résoudre une bien étrange disparition par la même occasion.

Et être les témoins d'actes terribles qu'ils ne souhaitent certainement pas ébruité…mais faire retomber dans les limbes de l'oubli au plus vite.

Arthur Machen exprime ainsi que certaines choses doivent rester cacher à l'humanité, que le voile qui nous sépare d'entités monstrueuses ne doit pas être soulevé… sous peine de damnation et de folie. 

Il en résulte une expérience qui marque, très loin des tendances actuelles qui virent au gore grotesque ou à une surenchère de retournements de situations. L'horreur revient ici à ses fondements fantastiques les plus bruts, nous fait douter, nous laisse imaginer le pire, nous laisse trembler dans la brume. 



Non seulement cette édition du Grand Dieu Pan est d'une beauté surnaturelle, mais elle regroupe par la même occasion des textes d'une qualité et d'une importance certaine dans l'histoire du fantastique moderne, imposant définitivement Arthur Machen comme un incontournable du genre. 

Indispensable et obsédant, forcément.
Lien : https://justaword.fr/le-gran..
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La colline des rêves

Lors de ses errances dans la campagne galloise du XIXème siècle, un jeune aspirant écrivain s'éveille à son monde intérieur, au contact de ruines romaines juchées sur une colline forestière, sorte de frontière entre notre monde et un au-delà inquiétant, nimbé de flammes crépusculaire, et annonçant un cortège de fantômes. D'abord dévasté par cette vision, le héros en est secouru par un sentiment amoureux. le romantisme noir et ses flammes d'outre-monde sont alors nuancés par une longue rêverie voluptueuse, pleine de symbolisme décadent (Machen écrit ceci en plein milieu des années 1890). le héros fantasme ainsi une ville entière : Avallaunius, probable version romanisée de l'île légendaire d'Avalon. Cela donne matière à un chapitre où l'auteur élabore des descriptions d'un grand raffinement synesthésique : les chants de voix latines et l'odeur de la mer bercent les dégustation de vin dans des coupes serties de pierres précieuses chamarrées, reflétant la richesse des couleurs de la ville, fondues dans une « radiance d'opale ». Lors de cette accalmie, l'auteur dévoile en filigrane sa vision extrêmement esthétisante de la littérature et critique les procès intentés aux auteurs et à leurs postures au XIXème siècle (dont celui, tout récent, d'Oscar Wilde) : « l'humanité doit être jugée par la littérature, et non la littérature par l'humanité. »



Puis vient le moment de gagner Londres pour tenter sa chance dans le monde des lettres. Coupé de ses racines, isolé dans des ruelles obscures et sinistres, le héros émerge brutalement de sa rêverie, pour se rendre compte qu'il n'a pas avancé dans la vie mais au contraire reculé vers une dépravation originelle, qui revient colorer les ruelles les plus sordides de la même flamme inquiétante qu'il avait éveillée dans la colline des rêves, porte du cauchemar. La réalité se perd, vers un dénouement inévitable.



Largement fondé sur la jeunesse d'Arthur Machen, ce roman s'avère inégal, car je le trouve dans l'ensemble plombé par l'éternel défaut qui menace le romantisme : une trop grande complaisance doloriste, ressassée sur de trop nombreuses pages, si bien qu'il est difficile d'échapper à la lassitude. Les aspirations déçues de l'artiste frustré et misanthrope sont décrites de manière constamment emphatique : son coeur comme un « charbon ardent » qu'il voudrait ôter de sa poitrine, les autres êtres humains comme les « silhouettes encapuchonnées du cobra », etc. Bien que dévoyé par cette grandiloquence, le talent poétique de Machen n'en demeure pas moins considérable, et laisse transparaître une description sensible et désabusée de la vie d'artiste dans l'Angleterre fin-de-siècle.
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Chroniques du petit peuple

L’œuvre de Machen a été nourrie par les paysages du Pays de Galles, où il passa son enfance, et par l’abondante matière de ses légendes, propices aux rêveries fantastiques, au milieu de forêts brumeuses, de collines escarpées et de landes désolées. Pays d’enchantements et de mystères donc, avec ses nymphes et ses fées, mais aussi de ténèbres et de sorcellerie. Une race maudite, « le petit peuple », aurait subsisté après les invasions celtes en vivant sous la terre. Ce sont des hommes de petite taille, au faciès hideux, et aux rites étranges et cruels. Des disparitions soudaines, des crimes déconcertants dans les rues de Londres, mènent parfois sur leurs pas et défient la raison…
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Le grand dieu Pan

Avec Le Grand dieu Pan, le Britannique Arthur Machen livre ce qui deviendra un des classiques de l'épouvante tout droit issu du XIXème siècle.

Comme chez plusieurs de ses contemporains, la narration ne s'établit pas de façon directe mais passe par le récit de plusieurs intermédiaires. On retrouve ce procédé dans certaines histoires fantastiques de Guy de Maupassant notamment.



Vers 1870, un médecin qui s'est depuis vingt ans voué dans ce qu'il appelle "la médecine transcendantale", mène une expérience sur le cerveau d'une jeune fille, Mary. Comme il l'explique à son ami Clarke, venu assister à titre de témoin, il l'a tirée "du ruisseau et de la faim, dans son enfance. [Il] pense que sa vie est à [lui], pour en user à [sa] convenance." Digne personnage plein de bienveillance gratuite, n'est ce pas? Le but de cette expérience, entre positivisme et ésotérisme, est d'inciser une infime partie du cerveau afin de lever le voile qui recouvrirait ce que nous considérons comme la réalité, de permettre de rencontrer Pan, dieu de l'abîme, et ouvrir les yeux sur ce que le monde est réellement. Ce Dr Richard est l'image-même du savant pour qui rien ne doit arrêter le champ d'expérimentation. Son ami lui fait-il remarquer les risques potentiels, tant physiques qu'éthiques, il est targué d'avoir "toujours été un timoré".



Quelques années plus tard, en 1888 (année sanglante à Londres avec les crimes de Jack l'Éventreur que l'auteur cite à un moment pour constater l'incapacité de la police dans l'affaire), de curieux événements surviennent dans les beaux quartiers de la capitale. Tous concernent de riches hommes dont la fin est rien moins que ténébreuse. Et ce qui relient ce beau monde est une superbe femme, mystérieuse et au passé trouble.



Ces faits sont narrés par des tiers, proches des victimes d'un curieux sorts et qui cherchent à en savoir plus.

Arthur Machen maintient le suspense en ne dévoilant que quelques bribes à chaque fois. L'inconnu, l'indicible, l'effroi extrême qui marque le visage des défunts et le mystère de cette femme renforcent le malaise. Tout tourne autour de ce qui a été vu qui n'aurait jamais dû l'être. Mais voilà, l'Homme est un animal mû par la curiosité voire l'orgueil (rien ne saurait être tenu hors de sa portée). Relents de judéo-christianisme puisque c'est la femme qui donne à voir, nouvelle Ève de l'ère industrielle anglaise.



Si la novella a aujourd'hui un aspect suranné qui charme plus qu'il n'effraie, Le Grand dieu Pan demeure un classique du genre dont plusieurs grands noms actuels du roman horrifique - à commencer par Stephen King - se reconnaissent comme tributaires et héritiers.
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Le grand dieu Pan

*** Quand on appelle Dieu le Diable***



Première lecture d'Arthur Machen, ce romancier anglais, maître de la terreur des mondes inconnus.



Fin 19ème, à Londres, un médecin, Raymond, invite son ami Mr. Clarke a assister à une expérience unique : la médecine transcendantale sur le cerveau d'un jeune fille de dix sept ans, Mary. le but, lever le voile qui permet de rencontrer le dieu Pan, le dieu de l'abîme, autrement dit le diable.



Quelques années plus tard, en 1888 (année où Jack l'Eventreur s'éclatait à Londres !), des événements inexplicables se produisent dans le Londres bourgeois. Des gentilshommes, toujours très riches, meurent les uns après les autres de terreur, d'effroi se terminant par un suicide. Tous ont fréquenté une femme d'une beauté à couper le souffle mais au regard démoniaque.



L'auteur, a dans ce roman gothique, maintenu le suspens tout au long de la lecture, renforçant le malaise du lecteur en décrivant à la perfection l'effroi qui se lisait sur les visages des suicidés.

Le dieu Pan, reste une littérature classique du genre, qui a donné son héritage à bon nombre d'écrivains du XXè siècle.



Bienvenue sur mon groupe FB ici : https://www.facebook.com/groups/3136010473291822/
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La Colline des rêves et autres récits fantastiq..

"La colline des rêves" est un roman fantastique aux accents décadents. C'est aussi un roman d'apprentissage, sur l'écriture, contenant de nombreux éléments biographiques. La prose hypnotique est magnifiquement restituée par la traduction d'Anne-Sylvie Homassel. Pour avoir lu Machen en anglais, j'ai retrouvé la musique si particulière de l'écrivain gallois, qui fait la part belle aux sonorités et aux sensations. L'histoire se résume aux flux de pensées d'un jeune homme inapte au monde réel, qui identifie la beauté dans la nature, les traces romaines et l'écriture. Ses recherches artistiques l'éloignent de plus en plus de ses contemporains, de sa propre famille, de la bonne société méprisante qui constate son échec. Il devient misanthrope, ne vit que de phrases incomplètes, incomprises dans une magnifique quête symboliste et morbide.

Ce recueil édité aux Forges de Vulcain contient aussi des nouvelles fameuses : "le Peuple blanc" évoque le monde souterrain des origines, la persistance de croyances païennes et horrifiques ; "Un fragment d'existence", inédit en français, joue du contraste entre les trivialités de la vie quotidienne et les profondeurs cachées, sublimées que le narrateur-rêveur découvre au fil de ses balades dans Londres, avant de s'y perdre ; "Les archers" et son histoire éditoriale mouvementée ; et enfin "La terreur", nouvelle qui porte bien son nom et qui eut une étonnante descendance, de Daphné du Maurier à Alfred Hitchcock.

Il était temps qu'Arthur Machen revienne en librairie, grâce au long travail effectué par sa traductrice, qui œuvre avec passion depuis des années dans la revue du Visage Vert. Cette édition est illustrée par l'ami Bastien Bertine et préfacé par mon éditeur Christophe Thill. Autant de raisons de louer cette publication de 500 pages.
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Le grand dieu Pan

Après la lecture, on se demande combien d'oeuvres ce texte d'Arthur Machen a pu influencer ? Des centaines ? Des milliers ? Et la plupart ne sont que des pâles imitations: autant de malédictions anciennes, de terreurs cosmiques, suggestions horribles, quand la réalité n'est qu'un voile que les curieux tentent de soulever. S'il fonctionne encore aujourd'hui, c'est sans doute parce que son auteur y croyait vraiment. Les récits imbriqués, les couches de questionnements et de sensations étranges, familières enveloppent le lecteur jusqu'à une chute efficace en diable.
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Le grand dieu Pan

Arthur Machen n’est pas seulement l’inventeur des fameux « Anges de Mons », c’est aussi un grand spécialiste des croyances et mythes celtiques, très à l’aise avec le « Petit peuple », autrement dit les fées, lutins et autres farfadets… beaucoup plus inquiétants chez lui que dans nos contes de fées actuels.

Classique du fantastique ayant notamment beaucoup influencé Lovecraft, en particulier dans sa manière d’aborder l’horreur à la manière d’une enquête policière aux révélations successives, LE GRAND DIEU PAN est un court roman datant de 1890. A l’époque décrié par la critique (toujours clairvoyante n’est-ce pas), il s’est imposé depuis comme un incontournables de l’épouvante gothique et une date clé du genre à l’instar de DRACULA. Dans ce récit, il est question d’une jeune femme, Mary, devenue folle après avoir vu le dieu Pan, et qui va exercer son influence néfaste, à la manière d’une succube, sur différents gentlemen. N’en disons pas plus, le bouquin est court, se lit en deux heures, et mérite la découverte par le curieux !

D’une lecture aisée en dépit de tournures de phrases quelque peu archaïques, d’une construction typique de son époques et d’un vocabulaire légèrement suranné, LE GRAND DIEU PAN n’effraie plus mais garde intact son pouvoir de fascination. En une centaine de pages, Machen nous permet de découvrir le côté obscur du monde, ces régions où subsistent les pouvoirs antiques et les ancestrales divinités païennes. Ainsi que ces cultes encore rendus par des adeptes fervents à des entités ayant existés bien avant la chrétienté et continuant à exercer leur puissance sur le monde. Les Grands Anciens ne sont pas loin…

Une agréable lecture à découvrir impérativement pour les amateurs de fantastique classique.




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Le grand dieu Pan

Considéré comme un classique de la littérature d'épouvante, ce court roman écrit dans un style gothique correspond aux attentes face a ce type de texte. Une barrière entre le monde des hommes et celui des êtres surnaturels a été brisée, et une créature a pris place dans le corps d'une innocente jeune femme qui détruit tous ceux qui la fréquentent. La peur du diable, les horreurs suggérées par des phrases redondantes qui m'ont beaucoup rappelé Lovecraft, des manifestations maléfiques en font une intrigue intéressante a suivre même si elle n'est pas exceptionnelle pour un lecteur actuel.

Un texte qui apporte quelque chose d'un peu différent a qui veut connaitre la littérature du XIXème ou d'horreur, ou les deux à la fois.

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Chroniques du petit peuple

Descriptions des campagnes, collines, landes et forêts de l'ouest du Pays de Galles pour voyager ; Asiki, Daione Sidhe d'Irlande, Tylwydd Têg pour se perdre et rituels, disparitions et mystères pour avoir peur et douter. Arthur Machen, auteur membre de la Golden Dawn n'oublie aucun ingrédient pour nous faire partager sa vision du Petit Peuple. L'intérêt pour ce fil conducteur, clairement annoncé dans le titre, s'estompe parfois au gré des nouvelles car leur construction est souvent similaire.

A lire impérativement si vous aimez les fées. A lire impérativement si vous n'aimez pas les fées.
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Chroniques du petit peuple

Arthur Machen (1863-1947) était un écrivain loué par Lovecraft et ce-dernier s’inspira largement de ses techniques narratives pour ses propres nouvelles consacrées à Cthulhu. Aujourd’hui, Machen s’avère hélas quelque peu oublié quoique LE GRAND DIEU PAN reste un classique souvent réédité. Machen écrivit aussi l’histoire « The Bowmen » à l’origine de la célèbre légende des Anges de Mons, une fiction considérée à présent, par beaucoup, comme un fait historique. Un glissement du mythe à la réalité qui lui inspire le très plaisant « Sortis de terre » et ses étranges rumeurs.

Ses CHRONIQUES DU PETIT PEUPLE permettent de découvrir et surtout d’approfondir son œuvre. Ces contes, fantastiques et teintés d’une épouvante subtile, bénéficient d’une écriture fine et ciselée, très moderne finalement, sans les lourdeurs qu’a pu avoir Lovecraft justement. A la lecture de « L’Histoire du cachet noir » et « la pyramide de feu », on comprend rapidement l’influence qu’a pu avoir Machen sur le père de Cthulhu. Dans les deux cas nous assistons à la mise en place progressive d’un véritable puzzle dans lequel chaque pièce s’imbrique pour former un tableau effrayant invitant le lecteur à prendre conscience de l’influence du Petit Peuple. Laquelle transparait aussi dans « La main rouge » et l’angoissant « Substitution » au sujet des Changelins.

Car chez Machen, les fées et leurs semblables (lutins, elfes et autres) sont loin des bienveillantes créatures habituellement croisés dans la Fantasy et les régions d’Angleterre où elles se cachent (mais l’imprudent peut les découvrir, généralement en empruntant un sentier arboré) recèlent bien des dangers. Les jeunes filles disparaissent, les petites filles sont inconscientes du Mal tapi dans les forêts et les bébés sont remplacés dans leur berceau par d’horribles métamorphes…Les nouvelles, quoiqu’indépendantes, se ressemblent par leur construction et leur thème, à savoir la survivance, dans les campagnes anglaises, de créatures légendaires et maléfiques et toutes aboutissent, à la manière d’un puzzle, à l’acceptation, par le lecteur, de la réalité de ces mythes britanniques ancestraux. Encore une fois la comparaison avec Lovecraft se montre pertinente…chez l’un le Petit Peuple, chez l’autre les Grands Anciens mais, dans les deux cas, l’existence d’un monde horrifique et dangereux caché aux yeux des hommes de notre temps et dont la découverte les plonge dans l’épouvante voire dans la folie.

Avec son écriture parfaitement maitrisée et son art du récit ponctué de réflexions quasiment philosophiques sur le sens du Mal (comme en témoigne le long dialogue ouvrant « Le peuple blanc ») voici un incontournable du fantastique à l’ancienne…toujours pertinent après plus d’un siècle ! Une belle découverte.


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Le Peuple blanc (et autres récits de terreur)

LE PEUPLE BLANC



Un récit envoûtant qui prend la forme du journal (Le Livre Vert) d’une petite fille qui vit au milieu de la forêt avec son père (un avocat très occupé) et sa gouvernante. Celle-ci, très au fait des coutumes et légendes de la région, lui raconte des histoires à la fois merveilleuses et terrifiantes sur le petit peuple qui hante les bois et sur les cérémonies secrètes qui s’y déroulent. L’enfant explorera dans les moindres détails la contrée environnante, le Pays de Voor, ce qui nous vaut des descriptions sublimes qui ne sont pas sans évoquer Le Domaine d’Arnheim que Poe avait publié en 1847. Elle découvrira, au fil de ses contacts avec les esprits des lieux, de nouvelles langues, comme la langue Chian ou les lettres Aklo ; elle refusera de nous en dire plus sur les Nymphes, les Dôles, ou sur Jeelo ou les Voolas.; elle contemplera les grands beaux Cercles et participera aux jeux Mao. Son journal se terminera par un cri d’émerveillement « j’ai vu les nymphes, je les ai appelées et Alanna, la nymphe de l’obscurité est venue ». La gouvernante disparaîtra et on retrouvera la petite fille empoisonnée, gisant près d’un objet à moitié enfoui : une magnifique et lumineuse statue d’un Dieu romain. A l’instar de Mary dans Le Grand Dieu Pan, elle a vu l’indicible.

Nouvelle exploration du Mal Absolu, ce texte est également très intéressant par ses créations imaginaires, notamment linguistiques. A l’instar de Lovecraft avec son Necronomicon, Machen suggère sans donner de contenu précis, technique bien connue pour étoffer l’aspect mystérieux de son invention. Les lettres AKLO connaîtront du reste une belle postérité : L'Aklo a été appris par Wilbur Whateley (HPL: The Dunwich Horror) et utilisé par Alonzo Typer (HPL: Le Journal d'Alonzo Typer). Il apparaît également comme un élément clé de l'œuvre sur le Mythe de Cthulhu d'Alan Moore, The Courtyard. D’autres y verront une étrange consanguinité avec le langage énochien du Dr John Dee.

Pour les « complétistes », on signalera que Daniel Harms consacre une entrée à l’Aklo dans son Encyclopedia Cthulhiana (1998) : « Langage qui était originellement celui des Hommes-Serpents de Valusie . Il est encore utilisé sous une forme modifiée par les prêtres au service des Grands Anciens ainsi que par le Petit Peuple du Pays de Galles. Le terme « Aklo » peut aussi se référer à une série de rituels magiques ou désigner un moment précis où une incantation peut être prononcée… » Enfin on ne peut pas conclure sans signaler le site https://app.memrise.com/course/92726/aklo-building-upon-rlyehian/ qui propose un cours par correspondance sur l’aklo (et le rlyehian) ! Et c’est gratuit…

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Le grand dieu Pan

Donc revenons à ce roman, écrit au XIXe siècle. Ce livre, une grosse nouvelle plutôt, commence par l'expérience d'un savant fou, le docteur Raymond a d'ailleurs quelque chose du docteur Jeckyll à la différence qu'il fait ses expériences sur une jeune fille. Le but : voir le grand dieu Pan, le dieu du chaos et de l'abîme que personne ne peut contempler. Quelques années plus tard, une mystérieuse femme sème le malheur et la folie autour d'elle...



J'aime beaucoup le roman dit "gothique" et celui m'a beaucoup plu par sa dimension philosophique et la référence au mythe de la caverne de Platon. Le savant veut percer le voile d'illusions, accéder au monde des Idées non pas par la philosophie ou bien par la religion, mais par la science (on sent l'influence du positivisme), mais un esprit non préparé est-il prêt à accepter cette rupture ?
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Le grand dieu Pan

Great God Pan

Traduction : Paul-Jean Toulet



Vous qui n'avez jamais lu "Le Grand Dieu Pan", vous ignorez encore ce qu'est la Peur. Vous aurez beau vous targuer d'avoir dévoré l'intégralité de Clive Barker, cela n'y changera rien : "Le Grand Dieu Pan" dominera toujours le plus gore des romans modernes.



Ambrose Bierce pensait que, pour lire une histoire de fantômes ou un conte d'épouvante, il fallait avant tout se placer dans des conditions idéales, à savoir le faire la nuit, à la lueur chancelante d'une bougie, dans une vieille maison au plancher qui craque, et dans la plus parfaite solitude, cela va de soi. Son point de vue se défend mais, pour un ouvrage tel que "Le Grand Dieu Pan", peu importent l'heure, le lieu, les conditions : la Peur, une Peur impériale, celle que Jean Ray, autre fabuleux magicien de l'Angoisse, a su dépeindre, drapée dans les brumes de ses Flandres natales, est toujours au rendez-vous.



Oui, vous aurez beau connaître par coeur les ambitieux projets du Dr Raymond et le témoignage du Dr Clarke, vous aurez beau réciter sur le bout des doigts les noms de tous ceux qui, dans ce court mais fulgurant roman, "ont vu le Grand Pan", au même passage, au même instant, toujours - toujours - l'angoisse vous étreindra le coeur. Pis : le livre refermé, et même s'il fait soleil, vous aussi vous aurez l'impression non pas d'avoir "vu" l'indicible et sinistre majesté du Grand Dieu Pan mais d'avoir perçu au plus profond de vous-même l'un des sombres reflets de son aura.



D'une habileté technique qui laisse pantois et d'une intensité dramatique qui ne faiblit pas un seul instant, "Le Grand Dieu Pan" est un de ces récits qu'on n'oublie jamais. Ouvrez-le et laissez-vous marquer au fer rouge par la Peur qui y dort : tant que vous ne l'aurez pas fait, vous ne pourrez vous prétendre un véritable sectateur de ce genre divin et secret qu'est la littérature d'épouvante ... ;o)
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Le grand dieu Pan

Sous le voile, le monde de Pan.



Cité à de nombreuses reprises dans l'essai de H.P. Lovecraft "Epouvante et surnaturel en littérature", je me suis précipité pour m'en procurer un exemplaire. Déception, la littérature gothique du XIXe n'a plus d'emprise sur le thème de l'horreur au XXIe! De nombreux courants littéraires depuis sont passés qui en ont exploré les plus intimes abysses...

La matière est pourtant fort intéressante: un monde troublant surgit progressivement sous le voile de notre réalité et dont le point de contact est une femme. Et tous ceux qui rentreront en contact avec elle n'en sortiront pas indemnes.



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