Citations de Arthur Schopenhauer (980)
Ce sont des moutons qui suivent le bélier de tête, où qu'il les conduise : il leur est plus facile de mourir que de penser.
(En somme), certainement les sages de tous les temps ont toujours dit la même chose, et les sots, c'est-à-dire l'incommensurable majorité de tous les temps, ont toujours fait la même chose, savoir le contraire, et il en sera toujours ainsi. Aussi Voltaire dit-il : Nous laisserons ce monde-ci aussi sot et aussi méchant que nous l'avons trouvé en y arrivant.
Il est un piège effronté que vous pouvez poser contre votre adversaire : lorsque votre adversaire aura répondu à plusieurs questions, sans qu’aucune des réponses ne se soient montrées favorables quant à la conclusion que vous défendez, présentez quand même votre conclusion triomphalement comme si votre adversaire l’avait prouvée pour vous. Si votre adversaire est timide, ou stupide, et que vous vous montrez suffisamment audacieux et parlez suffisamment fort, cette astuce pourrait facilement réussir.
[…] toute belle et vraiment riche intelligence s’exprimera toujours de la manière la plus naturelle, la plus directe et la plus simple, et elle s’efforcera, si cela est possible, d’exprimer ses pensées aux autres et par là même de s’adoucir la solitude que l’on doit ressentir dans un monde comme celui-ci ; au contraire, l’esprit pauvre, confus et mal fait va se revêtir de l’expression la plus cherchée, de la rhétorique la plus obscure ; il essaiera ainsi d’envelopper dans une phraséologie lourde et pompeuse la petitesse, la niaiserie, l’insignifiance, la banalité de ses idées ; c’est comme celui qui manque de prestance et de beauté et qui prétend compenser ce défaut par la splendeur de ses habits ; il cherche à dissimuler à force d’ornements barbares, d’oripeaux, de plumes, de collerettes, de falbalas et de manteaux la laideur et la petitesse de sa personne. Cet homme serait bien embarrassé s’il devait aller nu ; notre auteur ne le serait pas moins, si on le forçait à traduire en langage clair le mince contenu de son ouvrage obscur et pompeux.
Il n'y a en effet aucune opinion, aussi absurde soit-elle, que les hommes n'aient pas rapidement adoptée dès qu'on a réussi à les persuader qu'elle était généralement acceptée. (p.50)
L'honneur ne consiste pas dans l'opinion d'autrui sur notre mérite, mais uniquement dans les manifestations de cette opinion; peu importe que l'opinion manifestée existe réellement ou non, et encore moins qu'elle soit, ou non, fondée. Par conséquent, le monde peut avoir la pire opinion sur notre compte à cause de notre conduite; il peut nous mépriser tant que bon lui semble; cela ne nuit en rien à notre honneur, aussi longtemps que personne ne se permet de le dire à haute voix.
Une autre tare fondamentale du christianisme […] est la suivante : il a, contredisant la nature, arraché l’homme au « monde animal » auquel il appartient pourtant essentiellement et veut à présent le faire valoir totalement seul, considérant les animaux très exactement comme des « choses ».
Les religions sont comme les vers luisants: pour briller, il leur faut l'obscurité.
Me mêler aux querelles philosophiques de mon temps, cela m'entre aussi peu dans l'esprit que, quand je vois la populace se rosser dans la rue, je ne songe à descendre et à prendre part à la bagarre.
Si l'on s'aperçoit que l'adversaire est supérieur et que l'on ne va pas gagner, il faut tenir des propos désobligeants, blessants et grossiers. Être désobligeant, cela consiste à quitter l'objet de la querelle (puisqu'on a perdu la partie) pour passer à l'adversaire, et à l'attaquer d'une manière ou d'une autre dans ce qu'il est : on pourrait appeler cela l'argumentum ad personam pour faire la différence avec l'argumentum ad hominem.
Ce qui différencie le sort des mortels peut être ramené à trois conditions fondamentales. Ce sont :
1° Ce qu'on est : donc la personnalité, dans son sens le plus étendu. Par conséquent, on comprend ici la santé, la force, la beauté, le tempérament, le caractère moral, l'intelligence et son développement.
2° Ce qu'on a : donc propriété et avoir de toute nature.
3° Ce qu'on représente : on sait que par cette expression l'on entend la manière dont les autres se représentent un individu, par conséquent ce qu'il est dans leur représentation. Cela consiste donc dans leur opinion à son égard et se divise en honneur, rang et gloire.
Les gens du commun ont un profond respect pour les spécialistes de tout ordre. Ils ignorent que celui qui se fait profession d’une chose n’aime pas la chose même, mais ce qu’elle lui rapporte – et que celui qui se fait profession d’une chose la connaît rarement à fond, car s’il l’étudiait à fond, il n’aurait en général plus le temps de l’enseigner.
Quand un homme tue un tigre on parle de " Jeu de chasse "
Quand un tigre tue un homme on parle de sauvagerie
A méditer !
Car, lorsqu’une fois on a tâté des œuvres sérieuses, rarement continue-t-on à se plaire à la farce, surtout celle du genre ennuyeux.
[...] Stratagème 8
Mettre l'adversaire en colère ; car, dans sa fureur, il est incapable de porter un jugement exact et de s'apercevoir de son avantage. On l'agace en étant ouvertement injuste à son égard, en le harcelant en étalant d'une manière générale son impudence [...]
Un héros a honte de toutes les lamentations , sauf celles de l'amour car, en elles, ce n'est pas lui, c'est l'espèce qui gémit.
L'art est contemplation des choses, indépendante du principe de raison.
L'art [...] épanouissement suprême et achevé de tout ce qui existe [...] nous pouvons l'appeler la floraison de la vie.
Tout le monde sait qu'on allège les maux en les supportant en commun : parmi ces maux, les hommes semblent compter l'ennui, et c'est pourquoi ils se groupe pour s'ennuyer en commun.
Seuls, en effet, la douleur et le manque peuvent produire une impression positive et par là se dénoncer d’eux-mêmes : le bien-être, au contraire, n’est que pure négation. Aussi n’apprécions-nous pas les trois plus grands biens de la vie, la santé, la jeunesse et la liberté, tant que nous les possédons ; pour en comprendre la valeur, il faut que nous les ayons perdus, car ils sont aussi négatifs. Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroît la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur.