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Citations de Assia Djebar (173)


Moins de quarante ans après, on tue des journalistes, des médecins,
des instituteurs, des femmes professeurs ou infirmières, on tue des
« diplômés » quand ils ne sont pas au pouvoir, qu’ils ne veulent pas se
protéger ou n’y songent pas, quand ils vivent dans les quartiers populaires,
quand…
[…] Viser celui qui parle, qui dit « je », qui émet un avis, qui croit
défendre la démocratie. Abattre celui qui se situe sur le passage : de la
pluralité de langues, de styles de vie, celui qui se tient en marge, celui qui
marche, insoucieux de lui-même ou inventant chaque jour sa personnelle
vérité.
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Pour les fillettes et les jeunes filles de mon époque - peu avant que la terre natale secoue le joug colonial -, tandis que l'homme continue à avoir droit à quatre épouses légitimes, nous disposons de quatre langues pour exprimer notre désir, avant d'ahaner : le français pour l'écriture secrète, l'arabe pour nos soupirs vers Dieu étouffés, le libyco-berbère quand nous imaginons retrouver les plus anciennes de nos idoles mères. La quatrième langue, pour toutes, jeunes ou vieilles, cloîtrées ou à demi émancipées, demeure celle du corps que le regard des voisins, des cousins, prétend rendre sourd et aveugle, puisqu'ils ne peuvent plus tout à fait l'incarcérer ; le corps qui, dans les transes, les danses ou les vociférations, par accès d'espoir ou de désespoir, s'insurge, cherche en analphabète la destination, sur quel rivage, de son message d'amour.
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Assia Djebar
Écrire, c’est vivre doublement.
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Chaque fois qu'elle prononçait les mots de "Pilou chéri", l'une ou l'autre des spectatrices, assises sur la natte, esquissait un sourire d'indulgence. "Pilou chéri" répétait Marie-Louise en désignant ainsi l'officier. Nous, les fillettes, nous courions jusqu'au verger pour pouvoir éclater de rire et nous moquer. "Pilou", c'était Paul et le "chéri" qu'elle ajoutait devait être un vocable réservé, pensions-nous, aux alcôves et aux secrets des couples.
"Pilou chéri", il me suffit d'épeler ces mots pour ranimer le tableau : la jeune Européenne vaniteuse devant le parterre des auditrices accroupies, notre excitation de fillettes déjà puritaines, nous qui, dès l'année suivante, allions rester à notre tour cantonnées dans l'espace de la maison et de son verger.
"Pilou chéri", mots suivis de touffes de rires sarcastiques ; que dire de la destruction que cette appellation opéra en moi par la suite ?Je crus ressentir d'emblée, très tôt, trop tôt, que l'amourette, que l'amour ne doivent pas, par des mots de clinquant, par une tendresse voyante de ferblanterie, donner prise au spectacle, susciter l'envie de celles qui en seront frustrées... Je décidai que l'amour résidait nécessairement ailleurs, au-delà des mots et des gestes publics.
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Vocable pour suggérer le viol, ou pour le contourner : après le passage des soldats près de la rivière, eux que la jeune femme, cachée durant des heures, n'a pu éviter. A rencontrés. A subis. "J'ai subi la France", aurait dit la bergère de treize ans, Chérifa, elle qui justement n'a rien subi, sinon, aujourd'hui, le présent étale.
Les soldats partis, une fois qu'elle s'est lavée, qu'elle a réparé son désordre, qu'elle a renoué sa natte sous le ruban écarlate, tous ces gestes reflétés dans l'eau saumâtre de l'oued, la femme, chaque femme, revient, une heure ou deux après, marche pour affronter le monde, pour éviter que le chancre ne s'ouvre davantage dans le cercle tribal - vieillard aveugle, gardiennes attentives, enfants silencieux avec des mouches sur les yeux, garçonnets déjà soupçonneux :
- Ma fille, y a-t-il eu "dommage" ?
L'une ou l'autre des aïeules posera la question, pour se saisir du silence et construire un barrage au malheur. La jeune femme, cheveux recoiffés, ses yeux dans les yeux sans éclat de la vieille, éparpille du sable brûlant sur toute parole : le viol, non dit, ne sera pas violé. Avalé. Jusqu'à la prochaine alerte.
Vingt ans après, puis-je prétendre habiter ces voix d'asphyxie ? Ne vais-je pas trouver tout au plus de l'eau
évaporée ? Quels fantômes réveiller, alors que, dans le désert de l'expression d'amour (amour reçu, "amour" imposé), me sont renvoyées ma propre aridité et mon aphasie.
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Quel est celui, dans mon oreille, qui écoute ma voix ?
Quel est celui qui prononce des paroles par ma bouche ?
Qui, dans mes yeux, emprunte mon regard?
Quelle est donc l'âme, enfin, dont je suis le vêtement ?

Diwan de Sham's Tabriz (XIIe siècle)
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L'enfance serait-elle secret inaudible, poussière de silences ?
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Le poète arabe décrit le corps de son aimée ; le raffiné andalou multiplie traités et manuels pour détailler tant et tant de postures érotiques ; le mystique musulman, dans son haillon de laine et rassasié de quelques dattes, s 'engorge d' épithètes somptueuses pour exprimer sa faim de Dieu et son attente de l 'au-delà...
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- Je ne vois pour les femmes arabes qu'un seul moyen de tout débloquer: parler, parler sans cesse d'hier et d'aujourd'hui, parler entre nous, dans tous les gynécées, les traditionnels et ceux des H.L.M. Parler entre nous et regarder. Regarder dehors, regarder hors des murs et des prisons!...
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Surtout , il me faudrait veiller à ne pas troubler ainsi le sommeil des hommes ,en remuant des états d 'âme .
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Je crois entendre, certaines nuits, la voix grave de Fatima, particulièrement cette dernière fois où je la vis vivante, allongée sur sa couche, mais parée comme une mariée : je faisais partie de la seule délégation des épouses et mères des Ançars qu’elle accepta de recevoir. Oui, parfois, au cœur de la nuit, j’entends ses derniers mots accusateurs : - Je vais être débarrassée de tous vos hommes ! Dorénavant comme ils me paraissent lourds, tous ces hommes à l’opinion indécise !

Quelle Musulmane de cette ville ou d’ailleurs perpétuera cette éloquence enflammée qui nous brûlait, qui tenait en émoi ?
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L'amour , telle la douleur nue, vite asséchee, garde parfois un regard cannibale. (p.30)
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"Certes derrière la "soie" de ce silence se tapit le soi, ou le moi, qui s'écrivant peu à peu s'arrime, en se coulant dans le sillon de l'écriture, aux replis de la mémoire et à son premier ébranlement-un "soi-moi", plus anonyme, car déjà à demi effacé...."
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La marcheuse est ensevelie sous la soie immaculée, elle dont on ne pourra apercevoir que les chevilles et, du visage, les yeux noirs au-dessus de la voilette d'organza tendue sur l'arrête du nez. Ma main frôle le tissus de son voile; je me sens si fière de paraître à ses côté ! Je la guide, comme on le ferait pour une idole mystérieuse : moi, son enfant, je dirai son page, ou même son garant, tandis que, s'éloignant de la demeure de sa mère, elle se dirige lentement vers une autre maison familiale"
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Plus la pudeur raidit les corps en présence, plus le mot recherche la mise à nu. La réserve naturelle ralentit un geste ou un regard, exacerbe un frôlement de la main, de la peau ; par refus orgueilleux de se parer, la neutralité du vêtement est affirmée en choix — en même temps, et dans un même élan, la voix se dénude et se livre par des mots nets, précis, purs. Elle s'élance, elle se
donne, irruption de lis dans une allée ténébreuse...
Préliminaires de la séduction où la lettre d'amour exige non l'effusion du cœur ou de l'âme,mais la précision du regard. Une seule angoisse m'habite dans cette communication : celle de ne pas assez dire, ou plutôt de ne pas dire juste. Surmonter le lyrisme, tourner le dos à l'emphase; toute métaphore me paraît ruse misérable, approximative faiblesse.
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on pouvait dans mon quartier ancien…la confondre avec mes autres concitoyennes : couvertes du voile de soie (de soie moirée ou, pour les plus âgées, de soie mêlée de laine fine, pour en adoucir les plis), la pointe d’organza raidie et à demi transparente sue l’arête du nez, masquant ainsi le bas du visage pour rehausser les yeux fardés, agrandis au khôl, ainsi que le front surmonté parfois d’un bijou d’or ou de perles
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Tu vois ma fille , ma tout petite fille , ce fut ma première
joie : non pas le défi contre les autres que je narguais -le
défi donne plutôt comme une ivresse . Non ,ce fut une joie
dure , une vibration de tout mon corps , de mes muscles ,
de mes mollets qui sortaient nus sous ma jupe plissée .
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en fait, ne m'a jamais quittée le désir de m'envoler, de me dissoudre dans l'azur ou bien au fond du gouffre béant sous mes pieds, je ne sais plus trop; Une houle demeure en moi, obsédante, faisant corps avec moi tout au long du voyage; une houle ou bien une peur, plutôt une réminiscence qui m'a insidieusement amenée à garder comme un regard intérieur, distant, mais ouvert sur quoi... ? ...
.... Comme si "vivre", je veux dire "vivre pour de bon", "vivre vraiment", se
jouait par une autre, votre double mais ailleurs, là-bas, derrière l'horizon!"
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Je trouvais je ne sais quel goût amer à ce mois de juillet , et à
cette plage épanouie comme une femme .
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« Les routes sont les mêmes, ce sont les êtres qui changent »
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