Fouettée par le vent violent, la rue dégringolait jusqu’au port en un long ruban de pavés blonds. Au pied de la colline s’amoncelaient des bicoques de pêcheurs, délabrées et délavées par des années d’intempéries. À la façon dont elles s'épaulaient les unes les autres, Cœur croyait voir de tenaces matrones prêtes à braver mille nouvelles tempêtes ensemble. Face à elles, trônant sur les flots où le bleu se mêlait au vert, les fiers navires de la Marine d’Or se drapaient dans leurs voiles blanches comme des duchesses dans leurs dentelles. Leurs coques parées de couleurs et de dorures soutenaient des forêts de mâts et des entrelacs de cordages pareils à des toiles d’araignées. Sur les ponts et sur les quais grouillait une agitation incessante : les cris, les appels et les chants des marins montaient vers le ciel dans un indiscernable chaos. L’air frais sentait le sel et les marées.
La demoiselle obéit, mais ses yeux étincèlent. Mutine, elle sautille à travers la pièce sous la vigilance indulgente de ses aînées. Elle n'arrête ses espiègleries que devant la mère de Séraphin. Elle ne parle guère, la mère, mais elle regarde.
"La guerre est une sombre affaire dont les hommes feraient bien de se garder, Chevalier. Elle paraît grandiose et glorieuse tant qu’on ne fait que se l’imaginer, mais la réalité est une chose abjecte, sale, vide de sens et infiniment triste. Je ne comprends pas que chaque génération puisse l’oublier, et entretenir les mêmes rêves d’épopées chevaleresques."
Se danse :