Ajoutons que le statut vestimentaire perturbe ceux qui en parlent. L'examen est inévitablement intime, sexuel ou moral. Il rappelle son propre physique, colle à la peau et au corps.
Ainsi, au Bangladesh, une ouvrière du textile meurt tous les deux jours au travail. Ces drames n’ont pas le même impact psychologique sur le consommateur que les images d’ouvriers agonisants dans les décombres d’une usine textile. Pourtant, comment ignorer l’essor des problèmes d’infertilité, des cancers et de l’autisme dans les pays de production de textiles ? Et, qu’on ne s’y trompe pas, les vêtements empoisonnés rendent aussi malades les employés et les consommateurs occidentaux.
Les manutentionnaires, les employés de logistique, et donc les vendeurs et vendeuses qui ouvrent les cartons, déballent et rangent les vêtements, se retrouvent en contact avec les produits toxiques. La circulaire conseille le port d’un équipement de protection fourni par l’employeur, ce qui semble faisable dans le cas des infrastructures portuaires, mais je n’ai trouvé aucune mention d’un employé de vente muni d’une combinaison et d’un masque.
Parmi les détaillants qui ont admis avoir utilisé l’usine Rana Plaza, on trouve notamment Benetton, Le Bon Marché, Mango, Matalan, Primark et Walmart, mais des centaines d’autres entreprises utilisent la main-d’œuvre bangladaise à bas prix.
En revanche, la fast fashion née des années 1980 aura été à l’industrie de l’habillement ce que la thanatopraxie (les soins de conservation du mort) est à un cadavre : un cache-misère.
Or le capitalisme paralyse physiquement, mentalement, spirituellement et artistiquement les personnes, travailleurs, ouvriers, consommateurs, intellectuels et designers.
Ce sont les maux exprimés des ouvriers qui assurent à peu près la sécurité des consommateurs – les efforts des industriels restent, on le voit bien, insuffisants.
Au point qu’au début des années 1900, le Texas est le plus grand producteur de coton du pays. Vingt ans plus tard, il en vend même à la Chine.
Les jeunes travailleuses qui n’ont pas eu les moyens de rentrer chez elles se sont reconverties dans le tourisme sexuel de Saipan.
Il est préférable de comprendre comment l’esclavage et la non-liberté mutent à chaque phase du capitalisme et du travail salarié.