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Citations de Auguste de Villiers de l`Isle-Adam (238)


En haut, la douce porte tourna sur le tapis ; il souleva la tenture.

Tous les objets étaient à la place où la comtesse les avait laissés la veille. La Mort, subite, avait foudroyé. La nuit dernière, sa bien-aimée s’était évanouie en des joies si profondes, s’était perdue en de si exquises étreintes, que son cœur, brisé de délices, avait défailli : ses lèvres s’étaient brusquement mouillées d’une pourpre mortelle. À peine avait-elle eu le temps de donner à son époux un baiser d’adieu, en souriant, sans une parole : puis ses longs cils, comme des voiles de deuil, s’étaient abaissés sur la belle nuit de ses yeux.

La journée sans nom était passée.
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Là, sur le piano, qui donc avait tourné la page finale de la mélodie d’autrefois ? Quoi ! la veilleuse sacrée s’était allumée dans le reliquaire ! Oui, sa flamme dorée éclairait mystiquement le visage, aux yeux fermés, de la Madone ! Et ces fleurs orientales, nouvellement cueillies, qui s’épanouissaient là, dans les vieux vases de Saxe, quelle main venait de les y placer ? La chambre semblait joyeuse et douée de vie, d’une façon plus significative et plus intense que d’habitude. Mais rien ne pouvait surprendre le comte ! Cela lui semblait tellement normal qu’il ne fit même pas attention que l’heure sonnait à cette pendule arrêtée depuis une année.
Ce soir-là, cependant on eût dit que, du fond des ténèbres, la comtesse Véra s’efforçait adorablement de revenir dans cette chambre tout embaumée d’elle. Elle y avait laissé tant de sa personne ! Tout ce qui avait constitué son existence l’y attirait. Son charme y flottait ; les longues violences faites par la volonté passionnée de son époux y devaient avoir desserré les vagues liens de l’Invisible autour d’elle !…
Elle y était nécessitée. Tout ce qu’elle aimait, c’était là.
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Me Percenoix, quelques jours après, étant plongé dans cette préoccupation, glissa dans son escalier et fit une chute dont il décéda. Lecastelier le pleura bien amèrement.

(Le plus beau dîner du monde)
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Le plus beau dîner du monde n’est-il pas celui qui est à la pleine satisfaction du goût de ses convives ?
Percenoix triomphait. Chacun le félicitait avec chaleur.

(Le plus beau dîner du monde)
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Il lui prit la main: c'était la main d'Alicia! Il respira le cou, le sein oppressé de sa vision: c'était bien Alicia! Il regarda les yeux...c'étaient bien les yeux...seulement le regard était sublime! La toilette, l'allure...-et ce mouchoir dont elle essuyait en silence, deux larmes sur ses joues liliales,-c'était bien elle encore...mais transfigurée! devenue enfin digne de sa beauté même: l'identité idéalisée.
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- Mais nous serons toujours en dépendance, reprit-elle, par cela seul que nous sommes forcés de penser. Il faut croire à la Pensée : nier ceci n’étant qu’une pensée encore. Et c’est pourquoi nous n’avons pas une action, pas une idée, pas un raisonnement, qui n’ait son principe dans la Foi. Nous croyons en nos sens, en notre doute, en notre progrès, en notre néant, bien que cela soit douteux, rigoureusement parlant, puisque rien ne se prouve. Le scepticisme le plus profond débute par un acte de foi.
Or, puisqu’il faut que nous choisissions, choisissons le mieux possible ! Et puisque la Croyance est la seule base de toutes les réalités, préférons Dieu. La Science aura beau m’expliquer à sa façon les lois de tel phénomène, je veux continuer à ne voir, moi, dans ce phénomène que ce qui peut M’AUGMENTER l’âme et non ce qui peut l’amoindrir. Si les mystiques s’illusionnent, qu’est-ce qu’un Univers inférieur même à leur pensée ? Dans la Mort, est-ce la logique de deux abstractions qui me rendra mon propre Infini-divin perdu ?
Non ! Non. Je fermerai donc les yeux sur un monde où mon esprit a l’air d’un étranger. Peu m’importe si les lois du mécanisme des astres sont pénétrées, puisqu’elles ne m’apprennent qu’une destruction certaine ! Tentations, que ces étoiles qui s’éteindront ! Illusion, que le « scientifique » avenir ! L’Histoire des temps modernes, c’est l’histoire de l’Humanité qui entre en son hiver. Le cycle sera bientôt révolu. Comme les sages des vieux jours m’en ont donné l’exemple sacré, je ne saurais hésiter, moi chrétienne et pécheresse, entre votre « siècle de lumières », et la Lumière des siècles.
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- Quand je pense la Lumière, continua-t-elle, mon très humble esprit coïncide avec ce qui fait que toute lumière peut se produire. L’Esprit, en qui se résout toute notion comme toute essence, pénètre et se pénètre, irréductible, homogène, un. Et, quand je pense la notion de Dieu, quand mon esprit réfléchit cette notion, j’en pénètre réellement l’essence, selon ma pensée ; je participe, enfin, de la nature même de Dieu, selon le degré qu’il révèle de sa notion en moi, Dieu étant l’être même et l’idéal de toutes pensées. Et mon Esprit, selon l’abandon de ma pensée vers Dieu, est pénétré par Dieu – par l’augmentation proportionnelle de la notion-vive de Dieu. Les deux termes, au bon vouloir de ma liberté, se confondent en cette unité qui est moi-même ; et ils se confondent sans cesser d’être distincts. Or, la Révélation chrétienne étant la conséquence et l’application de cet absolu principe, je n’ai pas à la traiter de « chimère qui a fait son temps » puisqu’elle est de la nature de son principe, c’est-à-dire éternelle, inconditionnelle, immuable.
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Tu me demandes si tu n’as jamais pressé dans tes bras que mon fantôme ? conclut la belle rieuse : eh bien, permets-moi de te répondre que ta question serait au moins indiscrète et inconvenante (c’est le mot, sais-tu ?) si elle n’était pas absurde. Car, cela ne te regarde pas.
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ELISABETH : […] Son sourire perpétuel m’a rempli l’âme de poison et de ténèbres ! … Ses chiffres m’ont aveuglé l’esprit. Qu’il vive ou meure, je suis incapable d’être autre que… ce que je suis devenue. Le monde est vide pour moi désormais… -Je ne suis ni folle ni malade, mais il me semble que je suis atteinte de cet ennui éternel auquel les femmes comme moi sont condamnées, et qui, tout pesé, ne pardonnera jamais.
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--Tout à coup l'actuelle Nature, alarmée de ces approches ennemies, accourt, bondit et te rentre dans le coeur, en vertu de ses droits formels non encore prescrits.--Secouant, pour t'étourdir, les logiques et sonores anneaux de ta Raison, comme on secoue le hochet d'un enfant pour le distraire, elle se rappelle en toi.--Ton angoisse?... va, c'est elle! c'est elle seule qui, sentant bien sa misère en présence de cet autre monde imminent, se débat pour que tu te réveilles tout à fait,--c'est-à-dire, pour que tu te retrouves en elle,--car ton organisme en fait partie, encore,--et pour que tu refoules, par cet acte même, tes hôtes merveilleux en dehors de son grossier domaine! Ton «Sens-Commun?» Mais c'est le filet de rétiaire dont elle t'enveloppe pour paralyser ton essor lumineux, pour se sauvegarder et te reconquérir, toi, son prisonnier qui t'évadais! Ton sourire,--une fois les murs de ton cachot reconnus, une fois bien payé de ses obscurs prétextes,--c'est le signe de son illusoire triomphe du moment, lorsque, tout persuadé de sa pauvre réalité, te voici replongé et limité de nouveau dans ses leurres.

Ainsi, te rendormant, tu as dissipé, en effet, autour de toi, les précieuses présences évoquées, les parentés futures, inévitables, reconnues! Tu as banni d'autour de toi les solennelles et réflexes objectivités de ton Imaginaire; tu as révoqué en doute ton Infini sacré. Quelle est ta récompense? Oh! te voici tranquillisé!

Tu t'es retrouvé sur la Terre...--rien que sur cette terre tentatrice, qui toujours te décevra, comme elle a déçu tes devanciers! rien que sur cette terre, où, naturellement, revus de mémoire et avec des regards redevenus purement rationnels, ces salubres prodiges ne te semblent plus que nuls et vains.--Tu te dis:--«Ce sont là des choses du sommeil! des hallucinations!...»--que sais-je? Et, te payant ainsi du poids de quelques mots troubles, tu amoindris étourdiment en toi-même le sens de ton surnaturel. A l'aurore suivante, accoudé à la fenêtre ouverte aux airs purs du matin, le coeur joyeux, rassuré par ce traité de paix douteuse avec toi-même, tu écoutes au loin le bruit des vivants (tes semblables!) qui s'éveillent aussi et vont à leurs affaires, ivres de Raison, affolés par toutes les soifs de leurs sens, éblouis par toutes les boîtes de jouets dont se paye l'âge mûr de l'Humanité qui entre en son automne.

Oubliant, alors, de quels droits d'aînesse inestimables tu payes, toi-même, en ta conscience, chaque lentille de ce plat maudit que t'offrent, avec de froids sourires, ces martyrs, toujours déçus, du Bien-être,--ces insoucieux du Ciel, ces amputés de la Foi, ces déserteurs d'eux-mêmes, ces décapités de la notion du Dieu dont la Sainteté infinie est inaccessible à leur mensongère corruption mortelle, voici que tu regardes, toi aussi, avec une complaisance d'enfant ébloui, cette glaciale planète qui roule la gloire de son antique châtiment dans l'Étendue! Voici qu'il te semble pénible et nul de te souvenir que,--sous quelques tours, à peine révolus dans l'attrait circulaire de son soleil déjà piqué, lui-même, des taches de la mort,--tu es appelé à quitter pour jamais cette bulle sinistre, aussi mystérieusement que tu y es apparu! Et voici qu'elle te représente maintenant le plus clair de tes destinées.

Et, non sans quelque sceptique sourire encore, tu finis par saluer en ta Raison d'une heure,--toi qui sors d'un grain de blé,--la Législatrice «évidente» de l'inintelligible, informe et inévitable INFINI.
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-Celui qui aime ne redit-il pas, à chaque instant, à celle qu'il aime, les deux mots si délicieusement sacrés qu'il lui a déjà dits mille fois? Et que lui demande-t-il, sinon l'écho de ces deux paroles, ou quelque grave silence de joie?

Et, en effet, on sent que le mieux est de réentendre les seules paroles qui puissent nous ravir, précisément parce qu'elles nous ont ravi une fois déjà. Il en est de cela, tenez, tout simplement, comme d'un beau tableau, d'une belle statue où l'on découvre tous les jours des beautés, des profondeurs nouvelles; d'une belle musique que l'on veut réentendre de préférence à de nouvelle; d'un beau livre que l'on relit sans se lasser, de préférence à mille autres, qu'on ne veut même pas entr'ouvrir. Car une seule chose belle contient l'âme simple de toutes les autres. Une seule femme contient toutes les femmes, pour qui aime celle-là. Et lorsqu'il nous incombe une de ces heures absolues, nous sommes ainsi faits que nous n'en voulons plus d'autres, et que nous passons notre vie à essayer, inutilement, de l'évoquer encore,--comme si l'on pouvait arracher sa proie au Passé.
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En vérité, tout, je vous assure, peut, absolument, répondre à tout: c'est le grand kaléïdoscope des mots humains. Étant donnés la couleur et le ton d'un sujet dans l'esprit, n'importe quel vocable peut toujours s'y adapter en un sens quelconque, dans l'éternel à peu près de l'existence et des conversations humaines.--Il est tant de mots vagues, suggestifs, d'une élasticité intellectuelle si étrange! et dont le charme et la profondeur dépendent, simplement, de ce à quoi ils répondent!
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ELISABETH : […] A cause de cette nature malheureusement exceptionnelle peut-être, mais qui était en moi et dont personne ne daignait tenir compte, j’éprouvais pour ce que la plupart des gens nomment aujourd’hui la « vie réelle » et soi-disant « pratique », -vous comprenez ? …- un éloignement si profond, un dégoût si terrible, si éternel, que je baissais la tête, silencieusement. […] Et toutes les fois qu’une impression, qu’une simple idée me semble belle, m’élève au-dessus de la vie et me fait oublier mes servitudes et mes soucis, je donnerai toujours tort au fait qui se permettra de vouloir en démentir la réalité, quelque spécieux que puisse paraître ce fait. Et cela, simplement parce que, existence pour existence, en ce monde, en cette bonne réalité à trois-cent soixante-cinq jours par an, tenez, je crois qu’il vaut encore mieux être dans les nuages que dans la boue, quelle que soit l’épaisseur et la solidité de cette dernière.
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[à propos de Wagner]
Nous sommes obligés de l'arracher du piano (quel piano! sourd, sonore, profond, ondoyant, magique, un gong de cristal, un orage, un tonnerre, et d'une douceur, un murmure divin quand il veut!) Nous sommes obligés de lui dire : assez! Et quand il chante, c'est fou, c'est à ne pas croire ! parce que, au bout de deux heures, nous sommes réellement malades. Ce n'est plus un piano ni une voix : c'est une vision : l'orchestre ne signifie rien avec lui. Il est impossible d'aller plus loin, et nous nous mettons tous à pleurer et à gambader dans la maison. Judith lui donne des coups et nous sautons sur lui. Madame de Bülow – il appelle madame de Bülow sa "grande amie" – dit qu'il n'est pas comme cela d'habitude avec personne, et qu'il ne joue que rarement. Il nous joue tout, tant que nous voulons. C'est parce qu'il sent bien que nous nous ferions tuer. Il nous traite d'enthousiastes, et tout le monde l'admire dans la ville comme le plus grand homme de l'Allemagne. Il ne reçoit personne, personne, jamais. C'est le grand Inspiré de la musique universelle du monde visible et invisible. Avec lui et sa poésie, on touche, comme il dit, à l'autre bord! Et il a été sublime quand il a dit ça.
[lettre de Villiers de l'Isle Adam à Jean Marras, Juillet 1869.]
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Et rapides étaient les étreintes des doigts de fer de ce preux moderne : et les purs cols de neige de deux ou trois chanteurs étaient traversés ou brisés avant l'envolée radieuse des autres oiseaux-poètes.
Alors, l'âme des cygnes expirants s'exhalait, oublieuse du bon docteur, en un chant d'immortel espoir, de délivrance et d'amour, vers des Cieux inconnus.
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Jeunes gens de France, âmes de penseurs et d’écrivains, maîtres d’un Art futur, jeunes créateurs qui venez, l’éclair au front, confiants en votre foi nouvelle, déterminés à prendre, s’il le faut, cette devise, par exemple, que je vous offre : « ENDURER, POUR DURER ! » vous qui, perdus encore, sous votre lampe d’étude, en quelque froide chambre de la capitale, vous êtes dits, tout bas : « ô presse puissante, à moi tes milliers de feuilles, où j’écrirai des pensées d’une beauté nouvelle ! » vous avez le légitime espoir qu’il vous sera permis d’y parler selon ce que vous avez mission de dire, et non d’y ressasser ce que la cohue en démence veut qu’on lui dise, - vous pensez, humbles et pauvres, que vos pages, jetées à l’Humanité, payeront, au moins, le prix de votre pain quotidien et l’huile de vos veilles ?
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Quant à l’ancien député, ses « vers », suivant son étonnante expression, m’avaient échauffé la bile. C’était (autant que je puis m’en souvenir)
une sorte de pot-pourri de légendes sans suite, et, comme on dit,
sans rime ni raison. Il était question, là-dedans, de Mahomet,
d’Adam et d’Ève, du Sultan, des régiments de la Suisse et
des chevaliers errants : c’était, enfin, le capharnaüm le plus chaotique
dont cerveau brûlé ait jamais conçu l’extravagance.
Quelques bons mots, ça et là, – quelques appréciations justes,
ne le rendaient, à mes yeux, que plus dangereux pour les esprits faibles.
Je ne conçois pas qu’on ait nommé député un pareil individu :
ce recueil m’avait donné là, vraiment, une piteuse idée
de notre belle langue française.
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Je remplis donc le salon d’un de ces éclats de rire qui,
répétés par les échos nocturnes, faisaient jadis, – je m’en souviens, –
hurler les chiens sur mon passage !… – Depuis, j’ai dû en modérer l’usage,
il est vrai, car mon hilarité me terrifie moi-même.
J’utilise, d’ordinaire, ces manifestations bruyantes dans les grands dangers. C’est mon arme, à moi, quand j’ai peur, quoique ma peur soit contagieuse :
ce m’est un sûr garant contre les voleurs et les meurtriers,
quand je suis dans les lieux écartés. Mon Rire mettrait en fuite,
mieux que des prières, les fantômes eux-mêmes
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Le Peuple ?… Certes, personne ne le chérit plus que moi ;
mais, de même que ma fonction est de le plaindre, la sienne est de souffrir.
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Mais, sous le voile de ce dont il parle, nul ne traduit, n'évoque et n'exprime jamais que lui-même. Or, conçues par toi, imbues de ton être, pénétrées de ta voix, par ton esprit reflétées, les choses de ces paroles, à leur ressortir de ta nature et de toi préférées, ne m'arrivaient, incarnées en l'intime de ta présence, que comme autant d'effigies de toi-même - frappées en des sons neutres d'une vibration toujours étrangères à leur sens, et le démentant.
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