Citations de Auguste de Villiers de l`Isle-Adam (238)
L'homme qui t'insulte n'insulte que l'idée qu'il a de toi. C'est-à-dire lui-même.
L'avenir est aux explosifs.
LE PRINCE KROPOTKINE.
Mais le temps et la réflexion n'arrangent-ils pas toutes choses ?
L (lattitude) égale H (hauteur), moins delta (première différenciation), cosinus P (pôle), moins delta² / 2, sinus carré de P (pôle), tangente H (hauteur).
(Formule des peuples civilisés, à l'aide de laquelle, étant donné une étoile et un sextant, - chacun peut préciser sur une carte le point exact du globe où il se trouve.)
Et moi, l'amour m'a rendue plus cruelle à ton égard que la mort à l'égard de l'homme. Fussé-je celui qui a créé toutes choses pour les détruire une à une, et si mes pas foulaient les étoiles et le soleil, et les âmes des hommes comme ses pas les ont toujours foulées, Dieu sait que je pourrais être plus cruelle que Dieu.
Ils sont ceux qui ne s'intéressent plus. Ayant compris, une fois pour toutes, de quelle atroce tristesse est fait le rire moderne, de quelles chétives fictions se repaît la sagesse purement terre à terre, de quels bruissements de hochets se puérilisent les oreilles des triviales multitudes, de quel ennui désespéré se constitue la frivole vanité du mensonge mondain, ils ont, pour ainsi dire, fait vœu de se contenter de leur bonheur solitaire.
Elle et lui, l'un de l'autre isolés par le hasard des villes et des contrées, grandirent, en des milieux parallèles, sans se rencontrer jamais. (...)
Ah ! c'est que tous deux avaient, comme nous, reçu le jour au sein triste de ces nations occidentales, lesquelles, sous couleur d'établir, enfin, sur la terre, le règne "régulier" de la Justice, vont, se dénuant, à plaisir, de ces instincts de l'En-Haut - qui, seuls, constituent l'Homme réel, - et préfèrent s'aventurer librement, désormais, au gré d'une Raison désespérée, à travers les hasards et les phénomènes, en payant chaque "découverte" d'un endurcissement plus lourd du coeur.
Deux beaux êtres humains se sont rencontrés à cette heure des années qui précède le tomber merveilleux de l'automne ; à cette heure où, - telle que, sur de riches forêts, après une ondée d'orage, l'étoile du soir, - la Mélancolie se lève, illuminant de mille teintes magiques toutes les âmes bien nées.
Naturellement attentifs aux bruits et aux voix que leur propre est d'imiter, ces perroquets, se trouvant, par hasard, si haut placés qu'ils n'entendaient guère que les orages, en avaient étudié, au fond d'un spécial silence, les vibrations profondes. Si bien qu'aujourd'hui, tous, - avec un ensemble que le terroir sonore et l'irradiation plongeante des sons rendaient inquiétant, - contrefaisaient, à s'y méprendre, le fracas de l'électricité dans l'étendue, la plainte des longues rafales, les ruissellements de l'averse au travers des feuillées.
Au grondement de cet interminable orage qui, dès l'aurore, commençait à rouler au-dessus de leurs têtes, les infortunés animaux qui peuplaient l'Île se retiraient, courbés, dolents et plein d'effroi, chacun dans sa retraite (...)
Efflux éternisés de la Nécessité divine, les Anges ne sont, en substance, que dans la libre sublimité des Cieux-absolus, où la réalité s'unifie avec l'idéal. Ce sont des pensers de Dieu, discontinués en êtres distincts par l'effectualité de la Toute-Puissance. - Réflexes, ils ne s'extériorisent que dans l'extase qu'ils suscitent et qui fait partie d'Eux-mêmes.
Ce Talisman de la Croix stellaire que contemple Helcias est pénétré d'une énergie capable de maîtriser la violence des éléments. Dilué, par myriades, sur la terre, ce Signe, en son poids spirituel, exprime et consacre la valeur des hommes, la science prophétique des nombres, la majesté des couronnes, la beauté des douleurs.
Je suis donc insensible et faite de silence
Et je n'ai pas vécu ; mes jours sont froids et vains ;
Les Cieux m'ont refusé les battements divins !
On a faussé pour moi les poids de la balance.
Moi, ma nuit au sombre voile
N'a, pour charme et pour clarté,
Qu'une fleur et qu'une étoile :
Mon amour et ta beauté !
Au sortir de ce bal, nous suivîmes les grèves ;
Vers le toit d'un exil, au hasard du chemin,
Nous allions : une fleur se fanait dans sa main ;
C'était par un minuit d'étoiles et de rêves.
Dans l'ombre, autour de nous, tombaient des flots foncés.
Vers les lointains d'opale et d'or, sur l'Atlantique,
L'outre-mer épandait sa lumière mystique ;
Les algues parfumaient les espaces glacés ;
Les vieux échos sonnaient dans la falaise entière !
Et les nappes de l'onde aux volutes sans frein
Écumaient, lourdement, contre les rocs d'airain.
Sur la dune brillaient les croix d'un cimetière.
Aime-moi, toi qui sais que, sous un clair sourire,
Je suis pareille à ces tombeaux abandonnés.
Avance tes lèvres, dit-elle, mes baisers ont le goût d'un fruit qui se fondrait dans ton cœur.
GUSTAVE FLAUBERT.
La Tentation de Saint Antoine.
Le hasard voulut, cependant, qu'elle détournât, vaguement, les yeux vers la foule ; en cet instant, les yeux du jeune homme et les siens se rencontrèrent, le temps de briller et de s'éteindre, une seconde.
S'étaient-ils connus jamais ? ... Non. Pas sur la terre. Mais que ceux-là qui peuvent dire où commence le Passé décident où ces deux êtres s'étaient, véritablement, déjà possédés, car ce seul regard leur avait persuadé, cette fois et pour toujours, qu'ils ne dataient pas de leur berceau.
Sa présence à Paris ne datait que du matin, de sorte que ses grands yeux étaient encore splendides.
Quand je me réveillai, un bon soleil jouait dans la chambre.
C'était une matinée heureuse. Ma montre, accrochée au chevet du lit, marquait dix heures. Or, pour nous réconforter, est-il rien de tel que le jour, le radieux soleil ? Surtout quand on sent les dehors embaumés et la campagne pleine d'un vent frais dans les arbres, les fourrés épineux, les fossés couverts de fleurs et tout humides d'aurore !
Je mis pied à terre, silencieusement : j'attachai le cheval au volet et je levai le marteau de la porte, en jetant un coup d'oeil de voyageur à l'horizon, derrière moi.
Mais l'horizon brillait tellement sur les forêts de chênes lointains et de pins sauvages où les derniers oiseaux s'envolaient dans le soir, les eaux d'un étang couvert de roseaux, dans l'éloignement, réfléchissaient si solennellement le ciel, la nature était si belle, au milieu de ces airs calmés, dans cette campagne déserte, à ce moment où tombe le silence, que je restai -sans quitter le marteau suspendu, - que je restai muet.