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Critiques de Aurélie Foglia (12)
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Dénouement

Il faut être plutôt en forme et optimiste lorsqu’on attaque Dénouement, qui est une apologie du verre à moitié vide, incarné par une jeune femme sur qui le destin s’acharne obstinément : son couple bat de l’aile, son enfant la rejette c’est d’ailleurs un petit monstre insupportable, son travail ne la passionne pas et l’angoisse et la relation avec ses parents la conforte dans son sentiment d’imposture. La séparation est inéluctable, avec perte et fracas, le macho qui est son ex, entend bien tout gagner dans l’histoire. L’attitude de l’enfant, la confronte à ses propres faiblesses qu’elle vie comme autant d’échecs dont elle s’attribue tous les torts. Quelle soit femme, mère ou enfant, Dolorès porte bien son prénom.



Une petit lueur d’espoir apparaît lorsqu’elle essaie de se reconstruire, après un épisode de dépression sévère : Internet est un portail facile mais peu fiable. La rencontre et la relation qui se met en place avec Jean semble vouée dès le départ à l’échec.



Belle écriture avec le sens de la formule, mais un tantinet désespérant tout de même. La pathologie dont souffre cette jeune femme appose un filtre grisâtre sur le scénario de sa vie, et une petite thérapie semblerait hautement nécessaire, sans laquelle le schéma d’ensemble risque fort de se répéter sans relâche



Histoire malheureusement banale d’une dépression ordinaire, avec une vraie qualité d’écriture.
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Grand-Monde

Grand-Monde est un livre dirigé entièrement

vers les arbres.



Pourquoi prendre plume pour parler d'eux ?

Parce qu’ils mettent en terre un rapport,

à la fois premier, fondamental, primordial

et cependant frêle, vulnérable, labile à la

nature.



Ils fournissent dans un silence dendrologique

la latitude et la longitude de notre nature hu-

maine.



Ils dessinent dans leur verticalité persistante

à la lisière de l'humaine condition, les immuables

supposées certitudes végétales.





Les arbres ont d'ailleurs pour nom les « Ils »

dans la première entrée, « Les Longtemps ».



" Ils n'ont pas bougé



" ils persistent



" Ils sont là



" Ils n'ont rien



" Ils n'imaginent pas



" Ils vont s'éteindre …avec la nuit peut/être



" Ils ne répondent pas



" Ils sont trop loin





Dans la partie « Ils nous font »



ces mêmes arbres sont

"geste du silence ".





Enfin dans l'avant dernière entrée

« Fûts »,



" la pluie perce l'alphabet

fluctuant des feuilles



" un arbre ne rentre pas

dans un vase tient dans

la main.



À noter encore, l'agencement très particulier

de l'écrit sur l'espace de la page blanche, qui

convient particulièrement à cette poésie des

" Ils ".



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Dénouement

La vie post-divorce



Après avoir voulu se construire une famille, Dolorès se retrouve seule, débarrassée d’un mari volage, mais aussi de son fils. Pour son premier roman Aurélie Foglia raconte cette période difficile où la dépression vous gagne.



Une histoire somme toute banale, mais de celles qui vous marquent pourtant à tout jamais. Dolorès a eu envie d’y croire, à cette vie de famille heureuse auprès d’un mari attentionné qui l’aide à éduquer leur enfant. Mais bien vite le rêve prend une tournure plus difficile, les premiers accrocs viennent s’ajouter à une gestion difficile d’un emploi du temps saturé. L’usure pointe, la crainte de la chute s’installe et avec elle ce sentiment d’avoir failli. Aussi, c’est honteuse que Dolorès se sépare de Christophe, même si les torts sont bien plus du côté du pervers narcissique, volage et déstabilisant. Comme elle l’avoue à sa mère, elle n’en peut tout simplement plus : «Un couple d’accord c’est fragile, d’accord on peut réparer, sauf que parfois c’est cassé. Et quand c’est cassé c’est cassé.»

Un sentiment d’autant plus fort qu’elle n’a pu obtenir la garde de leur fils David. Le manipulateur a gagné sur tous les registres. Son dossier est en béton armé: «Sa façon de contester dans son tête-à-tête avec le juge ce qui avait été convenu entre eux et leurs avocats, de se poser en victime pour faire modifier le texte en sa faveur. Il n’a pas hésité à la faire passer pour la mère qui a abandonné le foyer conjugal, au bilan une pauvre fille pas très responsable ni très équilibrée qui cherche en prime à lui soutirer son argent. Et lui le pauvre, devant faire face avec un enfant en bas âge. Plus une grosse maison sur les bras, toutes les charges, les frais qui pleuvent. N’hésitant pas à pleurer misère malgré son salaire de cadre. Et cette femme qui fait n’importe quoi. Le juge dans sa poche.» 

La voilà qui se retrouve anéantie. Pourtant, elle n’est pas au bout de ses peines. David va lui faire payer très cher sa déchéance. Avec son salaire de prof de math, elle ne peut lui offrir qu’un logement sommaire, loin de l’univers auquel il était habitué. Du coup, il se rebelle, lui fait sentir sa déchéance, allant même jusqu’à cette cruelle sentence : «Je ne t’aime pas». À quoi peut-elle alors se raccrocher? L’alcool? Les antidépresseurs? Les réseaux sociaux? Les ami(e)s? Les objets familiers qui l’entourent? Autant de pis-allers qui sont autant de pièges. Même Jean, découvert via un site de rencontre, et avec lequel elle va entamer une nouvelle relation, ne pourra enrayer cette spirale dépressive.

Aurélie Foglia réussit fort bien à décrire les affres de l’abandon, des difficultés qui s’enchainent et qui rendent de plus en plus difficile la reconstruction. Ce roman de l’effondrement, vous l’aurez compris, est un récit dur, impitoyable. Un roman à la Soulages, avec des nuances de noir.




Lien : https://collectiondelivres.w..
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Dénouement

Il en faut du courage pour être cette Dolorès-là. Dolorès la douleur. Elle le porte bien ce prénom, qui la prédestine au malheur, aux échecs, à la fatalité de la solitude et de la dépression.



Le couple qui bat de l’aile, avec ce mari autoritaire, pervers et dominateur, puis l’échec de cette vie à deux puis trois, le divorce, la faillite de la justice et des avocats, partie perdue d’avance, la vie ratée de Dolorès la femme de... Un enfant terrible et épuisant qui ne renvoie aucun amour à sa mère, la vie difficile de Dolorès devenue la mère de... Puis l’incompréhension d’une mère quand Dolorès redevient fille de … Puis se retrouver seule dans un studio minable avec ses cartons. Avoir pour seul soutien internet pour y trouver l’âme sœur, celui qui enfin lui fera retrouver confiance en elle, prendre le large, trouver une épaule compatissante et aimante et redevenir Dolorès, la femme.



Difficile parcours de l’abandonnée dépressive à qui rien ne sourit. Car non, la courbe de sa vie ne va pas s’inverser. Rien ne va, et comment dire, pas grand-chose ne me convient non plus dans cette lecture. Des mots, des phrases, un style épuisant à lire, comme cette vie sans doute. C’est triste et morne, fastidieux de négativité, on a l’impression que tout s’accumule sur les épaules de cette pauvre femme et que rien ne pourra jamais la sortir de ses malheurs.



lire ma chronique complète sur le blog Domi C Lire https://domiclire.wordpress.com/2020/02/12/denouement-aurelie-foglia/
Lien : https://domiclire.wordpress...
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Dénouement

Dolorès quitte son mari et affronte seule les fins de mois difficiles, et l'indifférence de son fils qui lui préfère son père et lui dit, avec la brutalité et l'égoïsme de l'enfance, qu'il ne l'aime pas. Elle finit par s'inscrire sur un site de rencontre et se met à fréquenter Jean. Qui va la quitter à son tour.



Quitter ou être quitté. Aimer, puis ne plus aimer, parce qu'on est trop différents, parce que la vie à deux relève parfois d'une alchimie qui se ne fait pas. Dolorès s'interroge, souffre, déprime, et se montre parfois d'une intransigeance aussi forte que celle de ses partenaires. Elle est enfermée dans un processus de répétition dont elle ne sort d'autant moins qu'elle semble assez passive, se maintenant dans une position de victime qui l'empêche de se remettre en question. Difficile, à mon avis, d'avoir beaucoup de sympathie pour ce personnage, ainsi que pour les autres, qui sont tous assez monstrueux à leur façon. A commencer par le père, une espèce de brute mal dégrossie, un peu pervers, et le fils, dont la cruauté m'a semblé peu vraisemblable. Sans parler du deuxième compagnon, encore plus brut de décoffrage que le premier. Par ailleurs les choix de l'auteur, avec un point de vue unique, celui de Dolorès, une narration chronologique au présent, l'omniprésence des objets personnifiés, qui devient à la longue assez pesante, donnent au récit un aspect longuet et répétitif auquel je n'ai pas adhéré.



Roman lu dans le cadre des "68 premières fois".


Lien : http://usine-a-paroles.fr/le..
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Le culte de l'impersonnalité : Essai sur Baud..

Cet essai de Aurélie FOGLIA est tellement foisonnant et tellement riche de citations et d'idées qu'il m'est difficile d'en faire le résumé (si tant est que l'on puisse résumer cette pensée ) .

"Il n'y aura que les gens d'une mauvaise foi absolue qui ne comprendront pas l'impersonnalité volontaire de mes poésies" , a déclaré Baudelaire .

Cette impersonnalité qu'il revendique , il en fait une machine de guerre contre le lyrisme romantique , dit personnel , et une méthode tuante pour changer la poésie . "L'hypocrite lecteur" veut croire que le poète , c'est l'homme , et qu'en lisant ses poèmes , on lit en l'homme et on apprend à le connaître . Rien n'est plus inexact avec Baudelaire .

Le moi du poète devient un homme effacé ; l'impersonnalité a un effet radical : elle le nettoie de sa chair .Il est l'autre et le semblable , celui qui se coupe de l'espace commun et ne se révèle que dans la mesure où il se soustrait .

Un bon poète , aux yeux de Baudelaire , doit avoir une forte impersonnalité .

L'impersonnalité revient à un art du détachement .

L'artiste , tel que le conçoit le poète , se situe à l'opposé de ces êtres quelconques , les fonctionnaires , les bureaucrates , cette "domesticité publique" . Mais elle n'est pas incompatible avec une exaltation de sa personnalité ; au contraire , elle l'exige .

Comme le dit François de Smet : "l'ouvrage que vous tenez entre les mains propose un point de départ a priori audacieux : vous n'existez pas . Pas plus que l'auteur de ces lignes ". Les livres baudelairiens ne disent pas autre chose : je n'existe pas , donc vous non plus . Je pense , donc je ne suis pas .

Les Fleurs du Mal distillent un parfum toxique ; quant au climat du Spleen de Paris , il ne réussit à personne , mieux vaut ne pas s'attarder .

L'abus d'impersonnalité nuit gravement à la santé , pour reprendre une formule que l'on nous inflige à toutes les sauces .

Hugo Friedrich , dans "Structures de la poésie moderne" , propose une relecture de la poésie européenne en lui donnant un berceau très français : il enregistre un vaste mouvement de dépersonnalisation , lequel , une fois amorcé avec Baudelaire , aboutit , à la fin du XIXème siècle , à une "déshumanisation" .

Voici ce que dit Friedrich :

"Les Fleurs du Mal ne sont pas de la littérature de confession ; elles ne sont pas le journal intime de ses états d'âme , quelle qu'y soit la part de souffrances de l'homme isolé , malheureux et malade . Aucun des poèmes de Baudelaire ne s'éclaire dans sa thématique par la biographie de l'auteur . D'ailleurs , aucun de ses poèmes n'est daté (contrairement à Victor Hugo ).

Par son oeuvre , il fait la proposition d'une conception et d'une pratique modernes de la poésie , capables de modifier l'ancienne relation romantique entre le poète et son texte . Le geste poétique n'est pas limité à la maîtrise esthétique .

C'est pourquoi sa poétique assume une dimension polémique , même sous les formes lissées du sonnet qu'elle respecte et de l'alexandrin cadencé le plus musical , quoique légèrement désaccordé . "Ce pays nous ennuie , ô Mort ! Appareillons ! (La Mort , Les Fleurs du Mal) .

Il s'agit pour le poète , de s'emparer de la totalité du monde lyrique et de le soumettre à un chaos fécond . L'expérience de l'impersonnalisation passe par la littérature , il n'y a pas d'autre moyen . Elle dépasse largement l'usage des drogues , même si elle les comprend .

Si Baudelaire prend cet exemple extrême , c'est que certaines substances ont la capacité d'altérer le rapport du moi au monde et à soi , et que cette expérience d'étrangement est à la portée de tous .

En tout état de cause , l'impersonnalité est , selon le poète , le seul sésame qui permette d'entrer à la fois dans son projet et dans ses poèmes . Il n'existe pas encore de nom pour ce qu'il est en train de faire .

Pour reprendre la pensée de Baudelaire , le deuil du moi est aussi le deuil de Dieu .

Ceci dit , l'impersonnalité baudelairienne est aussi le gage d'une respiration ; elle permet d'aérer , et c'est immense .

L'ouvrage de Aurélie Foglia s'articule en trois parties :

1- Méthode pour éliminer le moi

2-Se perdre : mode d'emploi

3-Sujet spectral

Je tiens à remercier les Editions RUMEURS et Babelio pour cet essai brillant et riche de réflexion(s)
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Dénouement

Une déception pour ce roman. Je suis totalement passée à côté.

L'histoire est vraiment banale.

Il y a beaucoup de longueurs malgré une écriture poétique. Ce livre est "lourd", sans intérêt pour moi.

Ce livre aurait pu être beaucoup moins long.

Enfin, je n'ai pas compris le lien entre le titre et le roman.

Dommage...
Lien : https://lacabanedemeslivres...
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Grand-Monde

Aurélie Foglia signe ici un livre tout aux "Ils", aux "Longtemps" : les Arbres. Elle les contemple, trouve en eux la vie, le souffle, mais aussi le miroir des souffrances humaines (ils sont taillés, mutilés, arrachés, violentés...).

L'organisation du texte peut être déconcertante: les espaces noircis d'écritures sont irréguliers mais offrent, à y regarder de plus près, l'impression de feuilles et de branchages sur la page blanche.

Ce livre est politique, et laisse transparaître l'engagement de son autrice, sans pour autant être militant.



Le texte ne se laisse pas apprivoiser facilement, il exige différentes lectures, plus on le lit plus on l'aime.
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Le culte de l'impersonnalité : Essai sur Baud..

LE CULTE DE L'IMPERSONNALITÉ, ESSAI SUR BAUDELAIRE de Aurélie Foglia aux éditions Rumeurs s'ouvre, paradoxalement, sur la nécrologie du poète culte mettant en perspective son existence hors norme jusqu'à sa dernière année, paralysé, dans ses tourments comme ses débordements afin de mieux évacuer cette biographie.

Ainsi, de ses jeunes années, sa vision de la littérature de son époque, Baudelaire cherche à se débarrasser de l'ego, s'insurge contre le romantisme.

C'est ainsi que se dresse, dans cet essai exceptionnel, la personnalité du poète, à travers les œuvres de ses contemporains comme à la suite des Fleurs du Mal. Richement documenté, les poèmes de Rimbaud avec Une Saison en Enfer ou la lecture analytique de Gaspard de la nuit de

Aloysius Bertrand portent Baudelaire à manifester sa mélancolie, son Spleen en empruntant au figures lyriques leurs thèmes impersonnels qui font du poète, un auteur culte de son époque.

Un essai à lire absolument pour les amoureux de Baudelaire

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Dénouement

"Le pessimisme est d'humeur ; l'optimisme est de volonté."

Alain, "Propos sur le bonheur"



"Et si elle n'en veut pas, de la liberté ? Elle ne pense qu'à s'en débarrasser de sa liberté, cette seconde virginité malvenue de la solitude."



Elle, c'est Dolorès. La douleur, c'est elle.

Alors, quand elle se peint ainsi,



"Elle qui est si bien lunée. S'émerveillant, d'aussi loin qu'elle se souvienne, d'une branche qui bouge, d'une nuance dans un nuage, toujours d'accord et de bonne humeur, au point que cette joie sans raison fait d'elle un être presque inadapté au réel, à sa jungle, à ses logiques sombres et rapaces."



pitié, ne vous faites pas avoir, c'est un faux !



Dans ce roman, tout n'est qu'absence d'horizon et de perspectives, tout est d'une grisaille éteinte et désolante.



Enseignante de mathématiques en collège, Dolorès quitte Christophe, son mari volage, abandonne derrière elle le confort d'une maison et son fils, David, un gamin odieux qui, la plupart du temps, la laisse vaincue :



"Cet enfant n'a jamais fait corps avec elle, même quand elle le portait, un inconnu qu'elle découvre toujours avec une sorte de crainte."



"Dénouement" raconte, quoi de plus banal, la séparation d'un couple. le désarroi et la dépression post-divorce qui menacent Dolorès d'effondrement sont transcrits dans une langue moderne faite de phrases hachées, déconstruites pour dire sa souffrance, son impossibilité d'être à ce qui l'entoure, la perte de ses repères :



"Un restaurant sert non pas à manger mais à se retrouver face à face et patienter, c'est-à-dire parler, n'avoir rien d'autre à faire que se."



Le texte est saturé – gangréné serait plus juste - de termes négatifs, dépréciatifs : le climat y est "menaçant", "impossible", "difficile", "monotone" ; elle y est "craintive", "abîmée" ; les gens y sont "frileux" ; les meubles, "sombres", les photos, "surexposées" ; tout n'est que "malentendu", "écroulement", "fissures" ; les objets sont "cassés", "échoués". La syntaxe, quant à elle, suinte de phrases aux formes au pire négative au mieux restrictive, c'est dire !



"Ils n'étaient pas. Pas spécialement séduisants. Pas jeunes pas riches rien. Ne crois pas. C'était pas moi qui choisissais. Je. Prenais ce qui se présentait."



"Dénouement", écrit du seul point de vue de Dolorès, pâtit des choix narratifs opérés. Cette monotonie univoque, même si elle sert le propos, m'a anéantie dans ce flot que Dolorès "débite à toute vitesse sans y mettre d'intonation" et où peu de clichés m'auront été épargnés.



Alors quand soudain, là, vers le milieu du livre, je tombe enfin sur ce que je n'attendais plus,



"Elle, Dolorès, se lance. Il est grand temps. Parce qu'à présent de tout son être abîmé il y a quelque chose dont elle veut se saisir, c'est la vie."



l'incurable optimiste que je suis veut y croire. Je me dis que la lectrice en moi va pouvoir aller l'avant, s'extirper de ce marasme, de cet horizon bouché, indépassable et sans issue. Le moment est venu de rompre avec le passé, pour elle, avec les 146 pages précédentes, pour moi et, pour nous deux, de jeter un dernier coup d'oeil dans le rétroviseur avant de prendre un nouveau départ.

J'en serai pour mes frais.

C'est accablant !

Alors, quand se noircissent les dernières lignes, je suis soulagée de pouvoir unir ma voix à celle de Jean, amant de passage trouvé sur Internet :



"Je ne peux plus. Je te jure. Peux plus. À bout. On s'était juré de ne pas s'installer dans le mensonge tu te souviens ? Je pars à l'étranger. J'ai quelqu'un."



Je pars. J'ai une autre lecture.



1er roman,

Lu pour la session automne 2019 des #68premieresfois.




Lien : https://www.calliope-petrich..
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Comment dépeindre

La poète et artiste peintre Aurélie Foglia rend compte dans son dernier livre d’une triple expérience : celle d’une poète qui écrit sur l’acte d’écrire, d’une peintre sur celui de peindre (quels liens entre les deux ?), enfin d’une femme victime d’articide de la part de son compagnon violent.



Comment commencer un tel livre ? Dans son ordre chronologique des quatre saisons (À la manière de ma main / Avoir à voir / Peindre avec la langue / Vous désarticulées) ou bien à rebrousse-temps ? Pour moi qui ai tendance à lire d’abord dans le désordre, je débuterai cette note par la dernière saison (pages 109 à 203) qui occupe la plus grande partie de l’ouvrage. On remarque d’ailleurs que la pagination s’arrête à la page 199, les derniers poèmes n’étant pas foliotés. Est-une erreur de maquette ou un choix signifiant comme si les feuilles restaient désormais sans repères ?

Dans cette quatrième partie intitulée « Vous désarticulées », avec son accord au féminin, l’auteur s’adresse à ses toiles comme à ses enfants. Que s’est-il passé dans la vie de l’artiste ? Une note explicative nous le précise en toute fin : son compagnon, prédateur violent, a en son absence détruit toute son œuvre, soit 150 toiles. Un articide-féminicide car la peintre et ses créations sont charnellement liées, indissociables l’une de l’autre. Un prédateur sait toujours où porter ses coups, son but étant la mort de sa proie. Ne reste au bout du compte du « massacre » que la seule œuvre qu’il connaisse : « l’œuvre de la violence ». Qu’on ne s’y trompe pas, il s’agit d’un crime, par démantèlement et dépossession. Faut-il être un artiste, un poète, pour le comprendre ? La police, la justice ont minimisé l’impact de l’articide sur sa victime, comme certaines personnes de son entourage : « heureusement tu / es saine et sauve / ce sont tes toiles / qui ont trinqué / ce ne sont que des toiles / après tout... ». Les œuvres sont de la chair, du sang, du temps, de l’amour, elles vivent comme des « enfants du bout des doigts », comment l’ignorer ? Quelle est cette société où l’on tolère autant de violences à l’égard des femmes ? Où ce n’est pas si important « après tout » ? Faut-il attendre que la femme perde la vie pour que l’on intervienne ?



un pan d’œuvre est mort

de mon vivant



le corps atteint

se replie et se tait



un arbre à qui on a

arraché ses bourgeons



quand on touche à l’œuvre

l’œuvre crie



c’est plus fort que moi





Cette métaphore de l’arbre n’en est pas une, on le comprend en reprenant le livre à son début. Le lien de la peintre-poète avec l’arbre est organique, consubstantiel. Son nom même Foglia ne signifie-t-il pas qu’elle est feuille ? Le rapport est intime, ontologique. L’arbre, pérenne, silencieux, profus dans ses formes et couleurs, est source, lumière, vie, ressource inépuisable. Il est là depuis la nuit des temps, présence tutélaire que la main heureuse ne peut asservir.





les arbres sont mes aiguilles

pinceaux mètres étalons

échelles béquilles

/…/



Aurélie Foglia peint les arbres avec son corps, à mains nues, au plus près de la matière et des éléments, comme dans un retour aux origines de l’humanité. Seule la toile-paroi est l’interface. Il lui faut dépeindre, désapprendre à peindre comme on désapprend à écrire pour retrouver la source vive du surgissement, son point d’émergence. Elle recherche l’instant premier qui permet la libre création, désentravée de tout.



ma pratique remonte



à l’époque où l’homme avait plus

de mains



s’en remettait aux rites avant de

ses corps



tapis dans ses viscères à l’image de

la touffeur dehors



pour conserver l’animation ma-

gique des ombres sur les parois à

nu



d’une caverne





Cette expérience directe et intense de la peinture est particulièrement émouvante car elle dit la réappartenance à soi-même, au monde, à ses éléments, à son histoire. Plus rien n’est séparé. La main caresse, devient musique, main d’harmonie, de don et non de prédation.



La bouche aussi est une « cave ». C’est elle le lieu premier de la poète, qui précise : « je ne suis pas / peintre à l’origine ». Sa peinture, toute instinctive, relève du geste. Elle avance sans intellect, sans mots, − pour leur échapper peut-être − dans un jaillissement libre comme l’est celui du poème. Ce dernier est un arbre sur la page, filiforme et aéré dans ses ramures, filtrant sa lumière goutte à goutte. Il se cherche, se sculpte à son rythme, crée son espace, voudrait se « peindre avec la langue ». On le voit, arbres, poèmes, peintures sont étroitement liées dans une même énergie vitale. Ils procèdent du même rituel sauvage, dépourvu de nom car il ne sait ce qu’il cherche, toute trace créant son chemin, son inconnu jubilatoire libre de toute attache.



Les mots, eux aussi, sont libérés de leurs attaches. Ils frayent sur la page directement, sans l’aide des liens grammaticaux traditionnels, comme les couleurs qui, juxtaposées en touches sur la toile, changent de valeur au contact l’une de l’autre. Dans la création, tout s’interpénètre, mots, couleurs, matière, corps en un même acte d’amour, une même quête d’absolu : « le jaune est la couleur du jouir. »

L’auteur use dans ses vers de coupes signifiantes, un mot en contenant un autre que la césure inattendue éclaire tout à coup. Le mot n’est pas seul mais pris dans un réseau de sens qu’il fait entendre par divers procédés lexicaux, une façon de rappeler que tout sur cette terre a partie liée, les arbres comme les humains, comme leur langage. Alors on lit, on relit, on revient en arrière sur la fine « marquèterie » pour capter un autre reflet, une autre vibration. « Où êtes-vous / mes arbres ar- / rasés ». Un mot dit toujours plus qu’il « n’en a l’art ». Et s’il est impuissant à dire, il se renouvelle : « langue coupée / d’avoir vu l’invoyable » ou se réinvente : « je doigts / faire de la toile une page ».

Mots mobiles comme les couleurs qui jouent ensemble, s’appellent en miroir, mots qui excèdent leur rôle commun pour se mêler à leur guise dans la fluidité de la langue, la spontanéité originelle. Et sur la page l’œil aussi se fait mobile comme la main sur la toile. Le titre lui-même « comment dépeindre », question ou assertion, joue sur différentes épaisseurs sémantiques : comment décrire l’acte de peindre, celui d’écrire, comment faire abstraction de tout ce que l’on sait pour atteindre la nudité du surgissement, comment raconter le crime et le deuil, comment vivre sans peinture, amputé de soi ?

Souhaitons à Aurélie Foglia de retrouver l’énergie pure de ses mains, pour l’amour des arbres, des mots et des couleurs. Et que justice lui soit rendue.

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Dénouement



Lu dans le cadre des 68.

"Elle est si fatiguée. Fatiguée comme un arbre. Il y a tellement de façons de rompre. De façons si différentes qu'on ne croirait pas qu'elles puissent porter le même nom. Il y a la façon qu'a une feuille, discrète, feutrée, préparée, au point que quand elle se sépare de la branche on dirait plutôt un détachement. Il y a la façon qu'a la branche elle-même fracassante, ayant attendu un soir de tempête, n'en pouvant plus de vent et d'effort, pour casser d'un coup, laissant une blessure laide au tronc avec le sentiment persistant d'un manque, d'un déséquilibre."

C’est l’histoire d’une usure, d’un désespoir, de la vulnérabilité, de la honte.

Voici venu le moment de la grande résolution : partir.

Dolorès est une épouse, une mère, une prof de math qui s’accommodait du rapport confortable dans sa vie aux objets, à sa famille tel le robot ménager fiable, silencieux.

Elle se décompose, elle s’effondre de l’intérieur.

Elle même devenue la chose de son mari, elle s’écroule. Transparaît ainsi sa fragilité.

Deux axes dans ce livre sont intéressants.

Tout d’abord, les personnages : ils sont tous abominables, monstrueux.

Sa mère, être égoïste et insensible, le vieil ami, mi fermier mi rentier qui donne un sens à la vie via le chagrin et le renoncement, son fils, David, petite boule de refus destructrice et cruelle, la banquière « philosophe », l’avocate, acide, grossière, brutale. Enfin, Christophe, son mari riche, protecteur, pervers qui la réduit à l’état de loque, de dépendance. Il fait de Dolores une moins que rien.

Elle va avoir la force de combattre cet état de soumission pour replonger à nouveau… tel est le dénouement de chacune de ses histoires : la rupture.

Le second axe qui peut être relevé dans ce roman c’est la place que réserve Dolores aux objets et le parallèle qu’elle en fait avec sa déliquescence.

Malgré ces deux entrées, les répétitions, les longueurs peuvent agacer.

Ce roman ne m’a pas déplu mais je n’en ferai pas mon coup de cœur de la semaine
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