Débat entre Pinar Selek, sociologue et militante féministe, et Aurélien Bernier, essayiste et défenseur de la démondialisation. Tous deux discutent des thèses de Murray Bookchin concernant le « communalisme », et des expériences qu'elle nourrissent.
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Les décideurs européens l'assuraient , la concurrence ferait baisser le prix du gaz et de l'électricité , au profit des ménages comme des entreprises . Il se produit l'inverse depuis les années 2000 . Si la reprise chaotique d'une économie bouleversée par la pandémie explique la flambée actuelle , la dérégulation génère une augmentation structurelle des prix encore plus inquiétante .
Depuis la fin de l'été 2021 , les prix de l'énergie grimpent dans toutes les parties du monde . Le tarif régulé du gaz en France a augmenté de 57% pour les ménages depuis le premier janvier . L'électricité suit le même chemin : passée , en dix ans de 120 euros le mégawattheure à 190 euros , la facture des particuliers va monter en flèche en 2022 . Cette crise tire l'inflation dans la zone euro à son plus haut niveau depuis 2008 ( 3,4% sur un an ) et menace plus particulièrement les personnes précaires et les entreprises .Alors que beaucoup de commentateurs n'y voient que des raisons conjoncturelles , les vraies causes sont à rechercher à Bruxelles .
Le 19 décembre 1996 les pays de l'Union Européenne adoptent une directive concernant les " règles communes pour le marché intérieur de l'électricité " . Pour gérer ce monopole naturel , beaucoup d'états membres ont bâti un service public intégré , qui assure la production , le transport et la distribution . Mais Bruxelles veut instaurer " Un marché de l'électricité concurrentiel et compétitif ". Moins de deux ans plus tard , une autre directive amorce la privatisation du gaz .
La méthode a été mise au point par des économistes de Chicago , expérimentée au Chili . Elle met en œuvre deux principes . La " séparation patrimoniale " vise à isoler des activités précédemment intégrées au sein d'une même entreprise publique de façon à les rendre indépendantes les unes des autres . Sujet d'une attention particulière , les activités de gestion des réseaux doivent être séparées , comptablement puis juridiquement , pour offrir un traitement " équitable " à tout les producteurs et fournisseurs qui se feront concurrence sur les marchés dérégulés . Au cours des années 2000 , Réseau des Transports d'Electricité ( RTE ) , et Electricité Réseaux Distribution France ( ERDF , à présent Enedis ) sont détachés d'Electricité de France ( EDF ) . Chez Gaz De France (devenue GDF Suez , après sa privatisation , puis ENGIE ) , le réseau de gazoducs à haute pression et les activités de distributions ont été intégrées à une autre structure . Et ainsi de suite .

****** EXTRAIT DE L'INTRODUCTION ******
Copenhague , 18 décembre 2009 , le sommet international consacré aux changement climatique , que tout le monde attendait et qui à écouter la voix des médias : " Ne pouvait pas se solder par un échec " , s'achève lamentablement .Les négociations accouchent d'un texte d'intentions ( c'est habituel ) , sur la réduction des gaz à effet de serre sans véritable engagement chiffré concret des parties et sans échéances claires . Le désaccord entre pays industrialisés et pays du sud n'a jamais paru aussi profond . Les grands médias prennent des mines consternées ( hypocritement ) ; les mouvements écologistes rivalisent de communiqués aux tons plus scandalisés les uns que les autres , menaçant , alarmant , appelant à un sursaut citoyen ..... en vain .
Et pour cause . L'issue de Copenhague était connue d'avance . Tout du moins des personnes qui s'intéressent de près à la question environnementale et aux négociations internationales et qui n'ignorent pas les rapports de force politiques à l'œuvre ..... Pour le capitalisme , la pérennité de l'ordre économique mondial est la priorité et elle le restera quoi qu'il advienne .
Cette histoire pourrait faire sourire. L’histoire d’une libéralisation délirante, d’un gigantesque scandale boursier (les méfaits d’Enron, d’ailleurs, ne se limitèrent pas à la seule spéculation sur l’électricité) et le reflet de la dépendance absolue de nos sociétés aux ressources énergétiques.
L'action de l'homme sur la planète, façonnée par le mode de production capitaliste, a aujourd'hui quatre conséquence majeures : les changements climatiques, l'érosion de la biodiversité, l'épuisement ou la distribution inégale des ressources non renouvelables, avec notamment des difficultés croissantes d'accès à l'eau pour certaines population, et la présence de substances toxiques dans le milieu naturel.
Dans le même temps s'installa une discours qui visait à culpabiliser le citoyen, suffisamment efficace pour dissimuler les vraies responsabilités.
A grands renforts de communication dans les médias, les lanceurs d'alerte étaient en général descendus en flèche et leurs travaux dénigrés. Le traitement de la question des OGM ou celui du changement climatique montrent que cette vieille stratégie est encore utilisée de nos jours, au moins pour gagner du temps.
Pour les énergies de réseau, les choses sont plus compliquées. Puisqu’il serait économiquement aberrant de démultiplier les infrastructures de transport, il faut passer par la « dé-intégration verticale », qui consiste à séparer les activités de production, de gestion de réseau et de commercialisation, puis à introduire la concurrence en amont et en aval du réseau
Quoi de mieux, pour saper un service public, que de le faire fonctionner comme une entité privée, de lui faire obéir à une logique de rentabilité à court terme ?
Ainsi, malgré les revendications des associations, certaines substances dangereuses, dites cancérigènes, mutagènes et toxiques pour la reproduction, n'ont pas été interdites par REACH au motif discutable que les industriels n'auraient pas eu de solution immédiate pour les remplacer.
Selon Hervé Kempf, le débat sémantique est de fait dépassé : nous sommes déjà en décroissance, puisque la capacité de la biosphère à supporter les "activités humaines" telles qu'elles sont dictées par le capitalisme baisse terriblement.