De la silhouette gisant à terre, Louis ne percevait que les gémissements. Pourtant, des mots familiers l'incitèrent à tendre l'oreille. Lorsque l'homme à terre se remit à marmonner, Louis reconnut les prières que sa mère lui avait appris à réciter pour calmer la peur. C'était également ces mêmes phrases que le rabbin lui faisait réciter pour préparer sa cérémonie de bar mitzvah à la synagogue. Louis fut soudain saisi d'horreur : "Ce soldat est juif ! Un Juif allemand ! Peut-être que sa mère à lui aussi lui avait conseillé de dire cette prière si un malheur venait à le terrasser ?" Louis chassé rapidement cette pensée de son esprit, se ressaisit et s'enfuit promptement.
"En attendant, Friedrich reviendra en permission. Peut-être même qu'il viendra pour des périodes de repos assez longues pour que vous puissiez vous marier [...]"
Mais Friedrich ne revint pas en permission.
Il ne revint pas du tout.
Il fut l'un des premiers à tomber sur le front belge.
Nous faisons ce que l'on nous demande de faire, pour le meilleur et pour le pire. Seul le moment présent nous importe, comment continuer, comment rester en vie. Notre réalité n'a pas d'avenir.
La guerre était bien loin de l’héroïsme enjolivé de son imagination, elle était cruelle et inhumaine [...].