Rencontre avec Ayana Mathis, auteur du roman Les Douze Tribus d'Hattie sorti en janvier 2014 aux Éditions Gallmeister.
Je m'efforce de voir la beauté des choses. Parfois, elle me submerge. Il m'est arrivé d'avoir la sensation d'être une note de musique, une seule, un do élevé, sortant de la gorge d'une soprano, tout en éclats chatoyants, tel un battement d'ailes. C'est vraiment extraordinaire de sentir la musique comme si on était soi-même devenu musique. C'est une sensation que je n'éprouve plus souvent, mais je n'ai pas oublié cette extase.
Elle avait le nez tellement en l'air qu'elle sentait les oiseaux péter.
Il y a un soleil d'après-midi très particulier qui n'existe qu'en automne. À cette heure-là, une lumière dorée baigne le monde. Elle tombe d'un ciel de fin de journée, délicate et ténue, comme une volute de fumée de cigarette portée par le vent, presque transparente. Si douce, cette lumière...
Hattie savait que ses enfants ne se considéraient pas comme quelqu'un de gentil, et peut-être ne l'était-elle pas, mais quand ils étaient petits, il n'y avait pas beaucoup de temps pour les sentiments. (...) Ils ne comprenaient pas que tout l'amour qu'elle avait en elle était accaparé par la nécessité de les nourrir, de les habiller et des préparer à affronter le monde . Le monde n'aurait pas d'amour à leur offrir, le monde ne serait pas gentil.
Peut-être, (…), n'y avait-il rien qui fût entièrement bon ou sacré. Peut-être le bien ne s'accomplissait-il que de manière indirecte et en empruntant des voies inattendues : de fausses guérisons, ou un endroit rempli d'hommes jaloux et coléreux agitant leur bible mais qui attiraient tout de même tous ces gens tristes et leur redonnaient le moral pour quelques jours.
La moitié de ce qui ne va pas chez les gens, aujourd’hui, c’est dû au fait qu’ils n’ont pas d’endroit où aller pour trouver la paix.
Toutes ces années de vie commune sans bonheur n'avaient en rien diminué le besoin physique qu'ils ressentaient l'un pour l'autre. Des journées entières s'écoulaient au cours desquelles elle disait à peine un mot à son mari, mais la nuit, c'était autre chose, et leurs corps racontaient une tout autre histoire.
Les cubes de glace tinteraient dans les verres de cristal, tel des carillons éoliens, et la conversation tinterait de la même manière, délicate et frivole. Il y aurait dans l'air une odeur de caramel et d'algues en train de sécher, et ils s'habilleraient de blanc et il y aurait encore plus de bonheur.
Hattie croyait en la puissance de Dieu, mais elle ne croyait pas en ses interventions. Au mieux, il était indifférent. Dieu était la dernière de ses préoccupations, comme elle était elle-même la dernière des préoccupations de Dieu.
Hattie gratifia August d'un regard qui aurait arrêté un train lancé à pleine vitesse.