Baptiste Gourden

Elle se saoulera d’été et de vin, gardera le regard haut, si haut perché qu’il accrochera les nuages qu’elle stockera au plafond de sa chambre.

Il se sentait si seul qu’il allait chaque semaine chez le coiffeur, uniquement pour se faire toucher le crâne par une femme. Comme, par principe, il refusait d’aller voir des professionnelles, il allait chez le coupe-tifs. Parce que c’était moins cher que les masseuses. Il donnait toujours un peu plus pour que le shampooing dure longtemps. Et puis un jour, la calvitie est arrivée… Il s’est pendu.

Fédor parle de ses amours perdues, des femmes qu'il a connues, belles. Et toujours il les quittait. Sarah, Camille, Amina. Trois histoires d'amour. Trois saccages du coeur. Fédor est heureux d'avoir vécu ce qu'au final peu de gens ont la chance de vivre. L'inconditionnel, le sans-réserve, la sueur des sentiments. Quotidien en broutilles sublimées. Petites choses, petites morts, odeur de café, femmes aimées au creux du cou. Leurs mains sur sa peau. Leurs paupières qui se ferment. Leur souffle au fond de la nuit. Leurs reins. Leur bouche. Leur manière de marcher au-dessus du trottoir sans jamais le toucher. Et leurs rires. Bêtes souvenirs qui cascadent sans cesse dans la cervelle du vieux. Il n'a jamais bien compris pourquoi à une certaine heure, il s'en allait. Pourquoi n'a-t-il jamais eu le courage de rester? Simple question qui tourne en rond, sans réponse, jamais.

Puis ils firent l'amour. Cet amour qui se regarde au fond des yeux. Cet amour qui ne s'écrit pas, qui ne s'évanouit pas une fois les corps désunis.Ils firent l'amour comme ils ne l'avaient jamais fait. Leur bouche à bouche pour savoir que c'est la vie, leur bouche à peau, leur bouche à sexe, leur bouche brûlante partout où elle pouvait se terrer.

L’Italie. C’est un bon choix, il paraît qu’il y fait bon vivre. On dit que le soleil y brille chaque jour. On dit que la nourriture est délicieuse. On dit que les habitants parlent à un inconnu comme à un frère. On dit que la mer caresse la montagne et que la langue chante et roule comme les navires au large.

C'est un point blanc, au loin, lézardé de pluie neigeuse, le long d'une langue de bitume noire.
La route à cette heure est vide, dépecée de ses véhicules.
Remington marche contre le vent.
Gainée dans une jupe de velours, assortie de collants rayés, elle met un pied devant l'autre tout en tendant le pouce qu'elle a, après une bonne minute de réflexion, sorti de sa poche gauche. Elle est loin de l'autre bout de la route. Elle en a dépassé des pointillés blancs, des lignes et des panneaux.

Leurs mains mélangées pratiquent la caresse minuscule, celle qui fait bondir le cœur.

Dès son plus jeune âge, Remington pensait pouvoir être simplement. Sans avoir à défendre une existence propre, sans se livrer au combat de la reconnaissance, sans déverser un flot inconsidéré de larmes pour devenir.

Lui mort, rien ne lui survivra. Peut-être restera-t-il de lui un souvenir émietté dans quelques vieilles mémoires.

Une voiture se gare, deux flics en jaillissent, une fille entre les bras, maquillée par Picasso, qui gueule que non c'est pas une pute, qu'elle allait seulement acheter du pain et qu'on a bien le droit d'aller à la boulangerie en minijupe et résilles.