Parfois, il m'arrive de rêver d'aventuriers. Pas un des hommes qui se trouvent ici, mais des héros de légende, ô, être enlevée par un superbe pirate ! Ou emportée sur le cheval d'un bandit de grand chemin !
Quand elle avait cinq ans, elle rêvait qu'elle était une princesse. Elle deviendrait une blonde jeune fille aux yeux bleus, au teint de lys. Elle vivrait dans un palais, elle ne serait plus jamais obligée d'avaler de la purée de navets, elle aurait un chien avec lequel elle jouerait dans la journée et dormirait la nuit. Après tout, son père était le roi.
Dès l'âge de huit ans, elle avait renoncé aux contes de fées. Elle avait des cheveux marron-roux, de stupides yeux bruns et sa peau se couvrait de taches de rousseur dès qu'elle s'attardait au soleil... Elle vivait dans une maison à la campagne et mangeait consciencieusement sa purée. Quant aux chiens, il n'était pas question qu'elle demande à avoir une de ces créatures sales et bruyantes. Elle n'avait pas de père, et elle ne devait pas ennuyer sa mère avec des requêtes de petite fille égoïste.
Endurer le dédain de la bonne société est l'une des premières leçons que doit apprendre une courtisane.
Parfois la nuit, seule dans son lit, elle rêvait d’un mari imaginaire, dont les mains parcouraient sa longue chemise de nuit. Dans ces moments-là, elle sentait presque la chaleur d’un corps viril contre le sien…
Ces fantasmes étaient bien innocents, comparés à la réalité. Jamais elle n’aurait cru que l’acte sexuel s’accomplissait entièrement nu, que l’on attendrait d’elle autre chose que de s’allonger sur le dos en laissant l’homme prendre toutes les initiatives… et qu’elle devrait se comporter ainsi avec une crapule qui avait poussé sa famille à la ruine.
Bien que sa jeunesse lui conférât une certaine fraîcheur, elle était beaucoup trop voyante, trop exotique avec la robe couleur vert jade qui mettait son buste en valeur. Elle n'avait certes pas besoin de bijoux pour attirer l'attention sur son généreux décolleté. Sa toilette rehaussait son teint, ses yeux d'un brun doré, ses boucles aux reflets cuivrés. Personne n'aurait pu la prendre pour une innocente jeune fille.
L’intensité de ce regard d’azur la troubla, au point qu’elle ressentit des picotements sur tout le corps. Le ventre noué, les jambes tremblantes, elle se mordit la lèvre. Ce monstre voulait l’épouser, se servir de son nom pour entrer dans la haute société, et la mettre dans son lit par la même occasion. Elle ne parvenait pas à détacher les yeux de cette bouche pulpeuse, de ces fossettes irrésistibles…
Le rang social de Sarah semblait l’avoir changée. À une époque, elle sanglotait en voyant un enfant mendier dans la rue, et elle portait des vivres aux infirmes. À présent, elle faisait preuve d’un cynisme qui n’avait plus rien à voir avec la débutante gentille et spirituelle d’autrefois. Si elle n’avait pas eu un objectif précis à remplir, Alicia serait volontiers partie sans un mot de plus.
Ce n'était qu'un désir charnel, un besoin sexuel, celui dont elle avait entendu ses tantes discuter quand elles se croyaient seules. C'était seulement l'envie secrète qui la taraudait dans le secret de ses nuits. Elle avait pourtant juré de ne pas suivre l'exemple de sa mère, de ne pas se donner à la légère. Elle se garderait pour l'homme qui saurait gagner son estime et sa confiance.
La modestie rehausse encore votre beauté. « Mon amour est comme une rose rouge éclose en juin. Mon amour est comme une mélodie... »
Ces dés sont truqués, avoua-t-il en les saisissant entre ses doigts fins. Une petite quantité de plomb est dissimulée sous certains points, de sorte que les dés retombent toujours sur la même face. Il suffit de les lancer d’une certaine façon, et les chances de gagner augmentent considérablement. C’est très commode pour un joueur sans scrupules.