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Critiques de Barbara Kingsolver (543)
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L'arbre aux haricots

À Pittman, dans le Kentucky, il ne fait pas toujours bon d'être une jeune fille dans les années 60. Si la plupart d'entre elles se retrouvent mère et femme au foyer à peine la vingtaine franchie, pour Marietta, éprise de liberté, il n'en est pas question. Élevée par sa mère, une femme libre et ouverte d'esprit, la jeune fille compte bien fuir Pittman dès que possible. Une fois le lycée terminé, elle travaille à l'hôpital pendant plus de cinq ans, à compter les plaquettes de sang, réussissant à mettre suffisamment d'argent de côté pour pouvoir se payer une voiture, une coccinelle sans siège arrière, sans starter et presque sans vitre. Sa mère la poussant à toujours réaliser ses rêves, c'est sans regret qu'elle quitte le comté. Parce qu'elle s'est tenue la promesse de changer de nom, c'est arrivée à Taylorville qu'elle décide de s'appeler Taylor. Après avoir bu un verre au bar, une fois revenue dans sa voiture, une jeune femme lui donne, presque de force, un tout jeune enfant avant de s'éloigner. Et c'est accompagnée de ce "paquetage" que Taylor continue sa route...



Si Taylor voulait changer de vie, voir autre chose que son Kentucky natal, elle ne se doutait pas un seul instant que celle-ci allait être bouleversée à ce point-là. Car cet enfant indien, qui se trouve être une petite fille, va changer à tout jamais sa vie. Pas seulement la sienne mais aussi celles des personnes qu'elle va rencontrer à Tucson, là où sa voiture va tomber en panne et là où, au gré des jours, elle va finir par s'installer. de Mattie, patronne de "Seigneur Jésus, Pneus d'occasion" à Lou Ann, toute jeune maman que son compagnon vient de quitter en passant par Edna et Mrs Parson, les deux vieilles voisines ou Estevan et Esperanza, deux immigrés guatémaltèques. Des personnes au coeur chaud et à la main tendue qui, par la force des choses, deviendront presque sa nouvelle famille. Ce roman, tout à la fois léger et dramatique, Barbara Kingsolver soulevant quelques sujets graves tels que l'immigration clandestine, les maltraitances infantiles, dépeint, avec beaucoup d'humanité, de générosité et de tendresse, des tranches de vie inoubliables.
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Des vies à découvert

Quel plaisir de retrouver Barbara Kingsolver dans ce roman de l’automne 2020 !





Deux familles sont évoquées, à deux époques différentes , en 1870, alors que Darwin commence à proposer ses théories sur l’évolution , et de nos jours. Le point commun entre ces deux époques est la maison qui abrite à 150 ans d’intervalle des individus regroupés sous le prétexte de former une famille.



En 1870, dans le New-Jersey, la petite ville de Landis, contrôlée par le fondateur homonyme , héberge Thatcher, un professeur de sciences contesté pour ses idées d’avant garde par sa hiérarchie attachée aux valeurs du créationisme. Peu soutenu par sa famille, sa femme, sa belle sœur et sa belle-mère , qu’il tente malgré tout de satisfaire dans leurs velléités futiles, alors que la maison présente des signes inquiétants de vétusté, il trouve le réconfort auprès de sa voisine, une vénérable lady qui échange une correspondance régulière avec Darwin.



De nos jours, la famille Knox, lui universitaire, elle journaliste (au chômage) se bat pour maintenir à flot une famille qui rompt avec l’image d’Epinal classique, alors que la maison menace de s’effondrer



D’une époque à l’autre, la lutte pour la survie se décline selon des prérequis différents, mais la démonstration est faite qu’il faut peu de choses pour que l’écroulement des certitudes menace la paix même des groupes. Quelque soit l’époque, la maison est la métaphore d’un monde qui s’effrite.



Les personnages sont de ceux qui deviennent immédiatement des amis que l’on se languit de retrouver lorsque la lecture doit s’interrompre. Et les 500 et quelques pages ne sont pas encore suffisamment nombreuses : c’est un crève cœur que de tourner la dernière.



L’état des lieux de notre monde du troisième millénaire peut engendrer la morosité, tant il semble bien que l’on ait franchi le point de non retour, et qu’il est clair que le modèle est caduque. Mais est-il nécessaire de recourir à la littérature pour s’en persuader ?
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On m'appelle Demon Copperhead

De David Copperfield à Demon Copperhead… C’est après avoir visité la maison de Charles Dickens que Barbara Kingsolver s’est décidée à écrire sur ce sujet qui la hante : la pauvreté endémique qui, combinée aux ravages des opioïdes, décime la population rurale de sa région des Appalaches, laissant sur le carreau, comme le garçon au coeur de ce roman, des ribambelles d’orphelins promis à l’enfer sur terre.





« Tout le monde vous le dira, les enfants de ce monde sont marqués dès la sortie, tu gagnes ou tu perds. » Pour Demon Copperhead, le jeune narrateur contraint « de se mettre au monde tout seul » par une mère junkie gisant inconsciente sur le sol de son mobil-home, la naissance devait en effet s’avérer la prémonition de toute une vie à se battre seul contre le sort d’un monde méprisé et incompris : celui des « rednecks » ou culs-terreux, ces Américains pauvres et blancs des zones rurales, en particulier du Sud et des Appalaches, caricaturés par l’Amérique des métropoles en dégénérés ignares, alcooliques et violemment intolérants, dans les faits abandonnés par les pouvoirs publics à l’existence invisible de laissés-pour-compte de l’Histoire.





« Tout ce qui pouvait être pris a disparu. Les montagnes avec leurs sommets explosés, les rivières qui coulent noires. » Depuis que l’exploitation forestière, la culture du tabac et l’industrie du charbon ont entamé leur déclin, laissant derrière elles chômage, absence de perspectives et pauvreté, la région des Appalaches est exsangue. « Il n’y a plus de sang à donner ici, juste des blessures de guerre. La folie. Un monde de douleur, qui attend qu’on l’achève. » Alors, au marasme socio-économique est venu s’ajouter une catastrophe sanitaire. Attirés comme des vautours par la vulnérabilité d’une population, marquée dans sa chair par des emplois souvent usants et accidentogènes, mais sans guère d’accès aux soins médicaux, les fabricants d’opioïdes ont inondé la région d’« inoffensifs » anti-douleur, usant, comme les procès récents ont commencé à le révéler, de tous les stratagèmes pour promouvoir des produits éminemment addictifs, portes d’entrée aux drogues dures. Aujourd’hui, la Virginie occidentale bat le record des morts par overdose aux Etats-Unis. Environ un enfant sur quatre doit y grandir sans ses parents détruits par les stupéfiants.





Ces gens qui sont ses voisins, Barbara Kingsolver nous fait pénétrer dans leur tête et dans leur peau. Crédible et réaliste jusque dans la langue gouailleuse oscillant entre la naïveté et la trop grande lucidité d’un jeune garçon privé d’enfance, la narration de son parcours par Demon Copperhead nous confronte de l’intérieur au rouleau compresseur de l’injustice, de la souffrance et du désespoir. Laissé orphelin par la violence et la drogue, il va devoir se battre pour tenter de se construire malgré les défaillances du système de placement familial et les pièges de l’addiction. Heureusement, entre ses mauvaises rencontres et fréquentations d’une part, ses propres béances intérieures d’autre part, il trouvera aussi sur son chemin suffisamment de personnages magnifiques de force et de générosité pour contrer les préjugés et changer le regard sur ceux que l’on présente habituellement en bloc comme un affreux ramassis d’indécrottables arriérés.





Un grand, riche et très long roman, couronné du prix Pulitzer, qui fait comprendre l’humiliation de cette Amérique-là, emmurée dans ses difficultés au point de voir en sa peau blanche le seul dernier vestige de sa fierté et, en un certain Trump, l’espoir d’être enfin compris.


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On m'appelle Demon Copperhead

« - Waouh j'ai fait. J'étais pas au top niveau inspiration ».

Moi aussi j'ai dû en lâcher quelques-uns de Waouh et pas seulement à la fin, au moins autant de fois que j'ai fait une pause en m'abreuvant de ce que je venais de lire, ou en refermant le pavé pour reprendre mes esprits. C'est à dire un nombre insensé de fois.

« On m'appelle Demon Copperhead », c'est la petite musique intarissable d'un récit de jeunesse qui vous lancine le cerveau, un ton obsédant de tendresse à la mélancolie noire qui vous susurre d'y retourner voir ce qui va bien pouvoir lui arriver à ce gamin de Demon, Damon ou Diamant, c'est la voix magistrale d'un gosse sans famille mais bien câblé, plutôt très bien même, aux vérités insolentes et lucides, pleines de bon sens et de gouaillerie. La voix d'un personnage inoubliable, digne d'un Holden lu d'ailleurs par Demon, dont il découvre à la fin de son livre « que ce qu'il voulait vraiment au fond de de lui, c'était se planter au bord d'un champ et rattraper les petits garçons avant qu'ils se jettent de la falaise comme il l'avait fait ».

Même si Demon, lui, rêve plutôt d'aller voir l'océan, et même s'il a de qui tenir par ailleurs niveau culturel. Barbara Kingsolver s'est inspirée du David Copperfield de Dickens, l'idée lui étant venue à la visite de la maison dans laquelle il l'a écrit. Plus qu'un exercice littéraire, elle écrit un roman miroir à distance spatio-temporelle sûrement parsemé de références (notamment avec les personnages : les McCobb, Tommy, Mr Dick, Dori et son chien Jip, ….), mais elle écrit surtout un roman faste en visite guidée d'une Amérique de la misère et des inégalités sociales, via les services sociaux empêtrés dans la perfidie des familles d'accueil, mais aussi la violence ordinaire ou la crise des opioïdes.... de l'Angleterre victorienne à l'Amérique des Appalaches plus d'un siècle après le saut ne paraît pas si grand, qui fera dire à Demon au sujet de Dickens qu'il a lu aussi, que « putain, il les connaissait les gamins et les orphelins qui se faisaient entuber et dont personne avait rien à branler. T'aurais cru qu'il était d'ici »

On fait connaissance avec Damon et sa junkie de mère dans leur mobil-home du comté De Lee, avec pour voisins les Peggot et leurs cousins à l'infini. C'est déjà le temps de la misère pour lui, et pourtant c'est aussi un temps de l'enfance qu'il regrettera par moments, copain avec Maggot, aimé des Peggot. Un temps d'avant la violence d'un beau-père pervers, un temps d'avant les balbutiements des services sociaux et les ballotages en familles d'accueil pourries. Les premiers temps de ce récit sont rythmés par un festival de vacheries pour les démunis et les orphelins, mais la résilience pointera le bout du nez pour Demon, doué pour le dessin et le sport. Un récit noir avant l'espoir mais égrené aussi de rires, dont la lecture s'apparente au flux infatigable d'une histoire addictive à épingler de bons mots gouailleurs, habitée de personnages saisissants : Maggot et ses cils à rendre jalouses les cousines Peg, Fast-Forward, Emmy et tante June, Mr Dick sur son fauteuil roulant avec son cerf-volant imprimés de mots, Coach et sa fille Angus avec qui il passait des soirées complices, « allongés sur des poufs à se balancer des pop-corns de pénalité pour avoir pété hors-jeu »

« On m'appelle Demon Copperhead » a obtenu le Pulitzer 2023 (avec Trust d'Hernan Diaz). Sa noirceur et sa longueur seront peut-être des motifs de rejet pour certains, quand les amoureux d'une littérature fougueuse devraient ne pas être effrayés par le pavé, mettre de côté le bandeau, respirer un bon coup et se laisser emporter par la verve de cette voix magistrale. Une top lecture en ce qui me concerne.
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Les cochons au paradis

Alors que Taylor et sa fille, Turtle, sont parties de Tucson pour un court voyage, elles s'arrêtent ce jour-là au barrage Hoover. Au moment de repartir, la petite fille est témoin d'un accident. Elle raconte à sa mère, dans la voiture, qu'elle a vu un homme tomber dans le grand trou près de l'eau. Aussitôt, Turtle retourne sur ses pas et tente, avec la plus intime conviction, de convaincre le gardien, alors seul présent maintenant que la nuit est bien entamée, qu'un accident a certainement dû avoir lieu au coucher du soleil. Après avoir été interrogées par le patron, les secours sont enfin avertis, le gardien ayant reconnu l'homme, au vu de la description faite par Turtle, comme étant Lucky Buster, un attardé qui traine ici depuis deux semaines. Enfin, dans la matinée, celui-ci est émergé du trou. Taylor décide alors de ramener l'homme chez lui, à Sand Dune, dans l'Arizona, où sa mère, Angie tient un petit restaurant. Évidemment, celle-ci est heureuse de revoir son fils, même si elle a vu les infos et lu plusieurs articles, mentionnant cette petite fille qui a sauvé un homme. De retour chez elle, Jax, son petit ami, l'informe qu'un assistant d'Oprah Winfrey a appelé, celle-ci voulant inviter Turtle à son émission, "Les enfants qui ont sauvé des vies". Un brin réticente, Taylor accepte tout de même. Et c'est lors de cette émission qu'une certaine Annawake Fourkiller, avocate à Tahlequah, s'intéresse de plus près à cette petite Cherokee et sa mère blanche...



Où l'on retrouve avec grand plaisir Turtle, la jeune Cherokee qui a grandi, et sa mère adoptive, Taylor, rencontrées dans "L'arbre aux haricots". Même si l'adoption de l'enfant, quoique naturelle pour Taylor, ne s'est pas vraiment faite dans les règles, elle était loin de se douter que, quelques années plus tard, suite à un passage télévisé, une avocate spécialiste des droits de l'enfant indien allait remettre en cause cette adoption. Obligée de fuir, du Kentucky jusqu'à Las Vegas, la jeune femme allait tout faire pour protéger sa fille et tenter de maintenir ce lien si fort entre elles. Là encore, elle fera de belles et remarquables rencontres, d'Angie Buster à Barbie. Elle pourra également compter sur sa mère, tout juste séparée de son nouveau mari, qui jouera un rôle déterminant pour l'avenir de Turtle et Taylor ainsi que sur Jax, son nouveau compagnon. Barbara Kingsolver dépeint avec beaucoup d'émotion l'amour et la tendresse entre Taylor et sa fille mais aussi avec lucidité l'Amérique des laissés-pour-compte. Elle traite ici aussi de la famille et pointe du doigt les adoptions illégales d'enfants indiens, parfois enlevés à leur famille, comme ce fut le cas pour le frère d'Annawake. L'on comprend ainsi pourquoi elle s'intéresse tant à Turtle et va tout faire pour retrouver des membres de sa famille. Un roman touchant, parfois drôle, empli d'humanité...
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On m'appelle Demon Copperhead

Grosse claque encore une fois avec ce nouveau roman de Barbara Kingsolver, doté du prestigieux prix Pulitzer !



On est d’emblée happé par la logorrhée de ce gamin, qui n’est pas né sous une bonne étoile. Sa mère l’élève seule, comme elle peut, aidée par les généreux voisins qui lui prêtent un mobil home. Près de son ami Maggot, il grandit comme une herbe folle, connaissant les affres des familles d’accueil accompagné d’un petit nuage noir au dessus de la tête. Tout aurait pu s’arrêter au collège, s’il n’avait pas été repéré pour ses dispositions pour le foot …Mais là encore, la mauvaise fée veille et bouleverse les projets précaires que l’on avait élaboré pour lui.



L’amitié puis l’amour le guident sur ce parcours d’obstacles, qu’il franchit avec plus ou moins de bonheur. D’autant que rodent les démons des paradis artificiels, pourvoyeurs de revenus et d’extase, mais si dangereux…



C’est somptueux, par la forme et par le fonds. Les confidences incessantes de Demon nous accrochent à lui comme une bernique à un rocher. Par question de lâcher ce petit gars avant de connaître le dénouement. Et puis Barbara Kingsover dénonce les méfaits des prescriptions d’opioïdes de synthèse qui ont provoqués la mort de 300 000 personnes en vingt ans. Le discours écologique, récurrent dans’oeuvre de l’autrice, n’est pas absent de cet état des lieux.



Double moderne de David Copperfieds, que l’on aurait presque envie de relire, un héros que l’on ne peut oublier



Un grand cru de cette autrice que je vénère.



624 pages Albin Michel 31 janvier 2024

Traduction (Anglais) Martine Aubert
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L'arbre aux haricots

J’aime ces héros américains qui quittent tout un jour. Ils montent dans une vieille voiture et partent sans se retourner pour une vie meilleure. Ils arrivent à rouler sans encombres, rencontrent des gens sympas et trouvent toujours un petit boulot pour subsister. Imagine…. Toi tu fais ça : au bout de 100 mètres le moteur de ta voiture fume et prend feu et tu as un bon de retour en plus des frais de réparation. Mais même si tu arrives à traverser une partie de notre cher pays, personne ne t’adressera la parole te prenant pour un moins que rien, tu ne trouveras pas du boulot et résultat tu te diras que chez toi, ce n’était pas si mal ! Alors le rêve est dans ma lecture et j’ai suivi Taylor avec plaisir puisqu’elle quitte tout, un beau jour pour ne pas finir comme les jeunes de sa région. Pourtant une rencontre fortuite et la voilà avec ce qu’elle fuyait : un enfant. C’est le passage le plus difficile de livre puisque l’auteur parle de maltraitance et d’abus sexuels sur une petite de trois ans. Taylor ne se posera pas longtemps des questions. Elle repart sur les routes avec cette petite fille pour une nouvelle vie. Taylor est indépendante, libre, tenace et joyeuse. Comme moi quoi ! Quoi ? Que vient faire l’arbre aux haricots dans cette histoire ? Vous n’avez plus qu’à vous plonger dans cette histoire pour le savoir. Vous ne le regretterez pas les paysages sont magnifiques.
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Les cochons au paradis

Une bonne lecture - un peu moins que L’Arbre aux haricots, mais bien sympa quand même.

On retrouve cette belle qualité de Barbara Kingsolver de savoir écrire un roman agréable à lire, pas prise de choux du tout, avec des personnages attachants, tout en abordant des problèmes de fond intéressants.

On a ici le plaisir de retrouver Taylor et sa fille adoptive, Turtle, de faire plus ample connaissance avec Alice, la mère de Taylor, et de découvrir son très charmant petit ami musicos, Jax. Ils se retrouvent dans une situation angoissante vu qu’une avocate cherokee, Annawake Fourkiller, a découvert le caractère illégal de l’adoption et considère que l’enfant ne doit pas être coupée de sa culture indienne. L’occasion pour l’auteur d’attaquer une idéologie individualiste qui méprise les loosers - Hey! s’ils sont dans la mouise plutôt que premiers de cordée, c’est qu’ils l’ont bien cherché hein, ces abrutis - , et de dénoncer des situations intolérables de pauvreté quand Taylor, en fuite pour qu’on ne lui enlève pas sa fille, se retrouve dans la galère, sans aides sociales. L’occasion surtout d’évoquer certains problèmes des Indiens aux États-Unis: de très nombreux enfants arrachés à leur famille pour être adoptés par des familles blanches, des populations déplacées dans des conditions épouvantables...
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Un été prodigue

Le comté de Zebulon, une petite parcelle de terre des Appalaches dans le Kentucky. Un territoire sauvage que l'homme doit domestiquer jour après jour. C'est ici que Lusa a posé ses valises après son mariage avec Cole. Une union trop brève, interrompue tragiquement par la mort de Cole dans un accident. Lusa, fille de la ville, scientifique spécialiste des insectes, mélange atypique de cultures juive et palestinienne, doit faire face à son deuil intolérable, à la ferme endettée, à sa belle-famille hostile. Un choix s'offre à elle : partir et retrouver sa vie d'avant ou devenir fermière, faire fructifier ses terres, trouver un nouveau mode de fonctionnement, moins polluant moins destructeur et arrêter le tabac qui était la principale source de revenus de son mari, et bien sûr, apprivoiser ses belles-soeurs...

Plus bas, dans la bourgade d'Egg Fork, Nannie Rawley, 75 ans, continue d'exploiter sa ferme à sa manière, sans désherbants, sans pesticides, comptant sur la seule nature pour réguler insectes et plantes. Elle tient à son mode de vie et à son label bio et ne s'en laisse pas compter par son voisin, le grincheux Garnett Walker, troisième du nom. Ce veuf, pieux et rigide, ne croit ni en la théorie de l'évolution, ni en la capacité de Nannie de gérer correctement une ferme. Ces deux-là s'affrontent quotidiennement pour des vétilles.

Plus haut, dans la forêt du comté de Zebulon, sur les pentes des Appalaches, vit Deanna. Cela fait deux ans qu'elle a quitté le monde des hommes pour vivre en ermite dans un refuge de l'office forestier. Elle entretient les chemins, tance les braconniers et surtout, elle suit la piste d'une famille de coyotes. L'espèce semble vouloir se réimplanter dans la région après des années d'absence. Passionnée par le prédateur, Deanna ne pense qu'à le protéger, le cacher aux yeux du monde et même si elle s'amourache d'Eddie Bondo, un jeune et beau chasseur, elle sait qu'elle est prête à tout pour sauver les coyotes.



Le temps d'un été, Barbara Kingsolver nous invite à partager la vie des habitants du comté de Zebulon, une terre de fermiers touchés par la crise qui tentent de survivre à la mondialisation. Certains ont perdu leur ferme ou l'ont vendu pour aller travailler à l'usine et s'assurer un revenu et des horaires fixes. D'autres s'accrochent au tabac et aux anciennes valeurs, pour eux il s'agit de dompter la nature, de la mater, en devenir le maître. Et puis il y a ces femmes qu'on regarde d'un œil mauvais parce qu'elles ont décidé de vivre en harmonie avec tout ce qui les entoure, soucieuse de préserver plantes et animaux, de cohabiter avec toutes les espèces, de réinventer l'agriculture. Car ce livre est un véritable hymne à la nature, à l'écologie, à l'agriculture raisonnée. Ce petit comté de Zebulon est le royaume des papillons, des libellules, des oiseaux en tout genre, et aussi des prédateurs comme le coyote. Au milieu d'une flore luxuriante, dans le décor somptueux des montagnes, tout ce petit monde évolue, le temps d'une journée pour certains papillons ou plus longtemps pour ceux qui survivent aux chasseurs. Barbara Kingsolver raconte ici la beauté de la Nature qui sait si bien créer, réguler, sélectionner, supprimer.

Un été prodigue est un livre de sensations, on ressent la chaleur du soleil, on frémit sous un orage de montagne, on sent le chèvrefeuille, on goûte les conserves de tomates. Et c'est aussi un livre de sentiments, on s'attache à ses femmes, Lusa et ses chèvres, Nannie et ses pommiers, Deanna et ses coyotes. Une immersion en pleine nature qui a un parfum des étés de l'enfance, un très beau roman.
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Dans la lumière

Dellarobia n’a pas une vie de rêve, ça non !

Coincée avec ses 2 enfants de 5 ans et 18 mois dans une ferme des Appalaches, dans une région pauvre, quasi sinistrée, avec un mari qu’elle n’aime plus, apathique - « Que fallait-il donc pour bouger un homme qui, lorsqu’il était à bout de souffle, et il n’en avait guère au départ, ressemblait à une montagne ? » - , qu’elle n’aurait jamais dû épouser, et à côté de beaux-parents indifférents...quel tableau, allez-vous me dire !

Et je continue : il pleut depuis des mois ; tout ce qu’elle possède, ce sont des objets « soit incassables soit cassés » ; le commerce de la laine de leurs moutons ne rapporte plus rien ; elle ne sort jamais de chez elle et ne voit quasi jamais d’adultes, à part ceux que je viens de citer, et heureusement, sa meilleure (et seule) amie Dovey, la délurée.

Je continue ? Non, car Dellarobia, malgré tout, est une femme de caractère, qui assume : « Les gens font des erreurs. Les erreurs fichent ta vie en l’air. Mais c’est à cause d’elles qu’on a ce qu’on a. Ca forme un tout. Un jour où on s’occupait des moutons, Hester a dit que ça sert à rien de se plaindre de son troupeau, parce qu’il représente la somme de tous les choix passés ».



Elle assume, donc. Enfin, presque...Car au début du roman, elle est prête à partir, elle s’en va, elle monte la colline...Et puis là, il lui arrive quelque chose d’extraordinaire :

« Une beauté surnaturelle lui était apparue, une vision de gloire qui l’avait clouée sur place. Pour elle seule ces branches orange se soulevaient, ces longues ombres se changeaient en une levée de lumière. On aurait dit l’intérieur de la joie » : des centaines de milliers de papillons ont élu domicile dans les arbres derrière chez elle.

Cette découverte déclenche chez elle un sursaut d’espoir : « J’étais tellement focalisée sur ma petite vie. Ma petite personne. Et j’étais face à quelque chose de tellement plus grand. J’étais forcée de revenir et de mener une vie différente. »



Et là, on peut dire qu’elle change, sa vie : des médias (ceux qui veulent faire à tout prix de l’audience, qui filment et coupent au montage, qui font semblant d’écouter mais qui ne veulent que du sensationnel) aux scientifiques (les vrais, ceux qui testent, qui apportent tout le matériel, qui sont payés par l’Université, qui squattent le bout de sa prairie pour faire leurs analyses au millimètre près), elle doit s’adapter. Elle doit changer. Et elle entraine sa famille dans son sillage, son amie, son village.



Barbara Kingsolver aborde sans ambages le thème de la science et du changement climatique, crucial, auquel les gens accordent encore si peu d’importance. Elle traite de la pauvreté, également, sans honte ni langage de bois. Mais elle reste malgré tout profondément humaine et proche de la sensibilité féminine de l’héroïne, ce qui nous la rend attachante.

Pas de morale, ici, rien que du concret. Face aux papillons, des actions, des explications. Et la remise en cause d’une femme, une toute petite femme.

Roman peut-être un brin bavard, mais quel engagement, quelle vérité !

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L'arbre aux haricots

Être lycéenne dans les sixties, ça peut paraître sympa, mais dans le comté de Pittman il aurait tout aussi bien pu s'agir des années 50 - Pittman ayant dans tous les domaines à peu près vingt ans de retard. Alors dès qu'elle peut, Marietta s'achète une vieille bagnole pour pouvoir franchir les limites du comté, sans un regard en arrière, décidant même tant qu'à faire de changer de nom pour être plus sûre de bien tourner la page.

L'Arbre aux haricots est une sorte de roman d'apprentissage, à travers de belles rencontres, et aussi avec la prise de conscience de la laideur, de la dureté du monde.

L'humanité de beaux personnages pour qui on se prend d'affection se cogne à l'inhumanité de l'Histoire, comme Estevan, la classe incarnée, immigré maya, militant syndicaliste guatémaltèque, fuyant la terrible répression de la dictature, vivant au Pays de la Liberté la vie de chien des sans-papiers, des «illégaux». On croise des familles qui survivent dans des parcs, ramassent de quoi manger dans les poubelles du McDonald, et se font réveiller à coups de bâton le matin par des policiers. On s'attache à Turtle, si petite et déjà victime de violences.

«Comment en rester à Turtle, à un homme qui fait du mal à un bébé quand c'est la règle générale de s'attaquer à ceux qui ne peuvent pas se défendre?»

Mais les autres, ce n'est pas toujours l'enfer. Si les arbres aux haricots vivent souvent dans un sol pauvre, ils peuvent compter sur les rhizobia, des insectes microscopiques, pour transformer l'azote en engrais, et Marietta-devenue-Taylor adore cette idée d'une organisation invisible destinée à aider la plante à s'épanouir, parce que finalement, dans ce roman, c'est un peu la même chose avec les gens, il y a beaucoup de tendresse et de profondeur dans leurs relations, ils sont plutôt généreux, chaleureux, ils s'aident les uns les autres à tenir debout, à s'en sortir, à faire que la vie vaille quand même nettement la peine d'être vécue.

Alors malgré tout, c'est lumineux, on a beaucoup de plaisir à lire cette histoire, avec ses personnages attachants. Un livre très sympa - je compte bien en lire d'autres de Barbara Kingsolver.

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Les yeux dans les arbres

A la veille de la décolonisation, un pasteur baptiste fanatique part avec sa femme et ses filles au Congo Belge afin d’évangéliser un village reculé. Le père avec une obstination qui tourne à la démence tente de baptiser la population délaissant sa famille alors que le pays, avec la proclamation de son indépendance, la prend au piège en sombrant dans le chaos. Les 5 femmes survivront et tour à tour nous raconteront cette expérience extrême qui les aura marquées à jamais.

Le roman, tragique mais empreint aussi de drôlerie et d’un humour ravageur (les filles du pasteur ne sont pas des mauviettes !) fait mouche dès le départ et nous faisons vite cause commune avec elles. Bien sûr, l’histoire de cette famille est indissociable du contexte politique dans lequel elle se déroule : sans didactisme, entremêlant habilement les deux, Barbara Kingsolver nous fait vivre cette période trouble et mouvementée du Congo devenant Zaïre et n’hésite pas à pointer du doigt les sinistres agissements des occidentaux.

« Les yeux dans les arbres » est un magnifique roman, sans doute le plus ambitieux et abouti de Barbara Kingsolver.

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Un jardin dans les Appalaches

Ce n’est pas un roman, c’est le récit d’une démarche courageuse pour que l’on puisse envisager un avenir viable à cette planète. C’est un pas dans la bonne direction…

Barbara Kingsolver, son mari Steve L. Hopp et leurs deux filles décident de reprendre une petite ferme dans les Appalaches en Virginie et de vivre de leur production ou de celle de leurs voisins. Ils sont des « locavores », consommateurs de produits locaux. L’auteure, presque à la façon d’un journal de bord, va narrer cette expérience de déconstruction d’un mode de consommation pour le remplacer par un mode beaucoup plus en adéquation avec la nature et l’environnement de sa famille. Elle en profite pour dénoncer l’organisation mafio-agro-industrielle qui empoisonne la planète et nos estomacs.

Il y a les écologistes des villes et les écologistes des champs. Les uns parlent, les autres agissent. Les premiers se disculpent d’être des pollueurs en triant leurs déchets mais en consommant toujours aussi mal et toujours autant, les seconds dépassent les mots des discours imbéciles des premiers et ont les deux pieds bien ancrés dans la planète, ils agissent. Barbara Kingsolver et sa petite famille vont opérer cette mutation.

On ne devient pas « écolo » avec une empreinte carbone égale à zéro du jour au lendemain. Le processus passe d’abord par la déconstruction de l’individu, car l’écologie est avant tout une affaire d’éducation afin d’adopter les bons réflexes, les bons usages. C’est la même démarche qu’un séjour en clinique de désintoxication, sauf qu’en l’occurrence on ne parle pas d’une addiction mais de dizaines d’addictions dont il faut s’affranchir. C’est pourquoi les générations montantes ont plus de chances d’être la solution pour la sauvegarde de la planète alors que leurs ainés, eux, sont plus ou moins perdus à la cause.

« Un jardin dans les Appalaches » est une œuvre intéressante à découvrir. Elle peut susciter des vocations. L’écriture de l’auteure est toujours pleine de fraicheur et de candeur, la lire est une véritable promenade de santé.

Traduction de Claire Buchbinder.

Editions Rivages, 499 pages.

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Un été prodigue

Plus qu’un roman, « Un été prodigue » est un manifeste pour la véritable écologie. Pas celle des boudoirs parisiens ni des foires politiques, pas celle des polémiques imbéciles sur le tour de France, le sapin de Noël, le barbecue etc…, pas celle non plus du terrorisme vert d’une poignée de fanatiques hystériques qui se servent du véganisme, du féminisme pour élaborer des théories loufoques, pour servir leurs propres ambitions politiques et leur image médiatique.

Barbara Kingsolver est une botaniste et son écologie renoue avec le principe même de ce mouvement : le respect de l’environnement par l’homme, le respect de la chaîne alimentaire qui permet l’équilibre et le renouvellement des ressources de notre planète.

« Un été prodigue » raconte cette écologie à travers trois femmes qui vivent dans cette magnifique région du sud des Appalaches. Deanna est garde forestière. Elle vit recluse dans sa cabane jusqu’au jour où elle croise la route d’Eddy Bondo, un chasseur de coyotes de 24 ans. Lusa vient de perdre son mari Cole. Elle hérite de la ferme de son mari et va essayer de se faire accepter par sa belle-famille en rendant l’exploitation familiale rentable. Nannie est une vieille écologiste qui cultive un verger bio et a maille à partir avec son voisin Garnett, farouche consommateur de produits chimiques qu’il utilise pour soigner ses plantations de châtaigniers qu’il essaye de réimplanter dans la région…

La lecture du roman de Barbara Kingsolver est très agréable, pleine de fraîcheur, c’est une promenade en pleine nature. Ses personnages sont attachants et on est rapidement séduit par leurs histoires. Sa vision de l’écologie est plus que convaincante, elle charme, elle envoute.

La terre est une arche de Noé qui traverse l’univers. Il semblerait stupide à un capitaine de vaisseau et son équipage de saborder son vaisseau, et pourtant…

Traduction de Guillemette Belleteste.

Editions Rivages, poche, 559 pages.

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Dans la lumière

Une sympathique écofiction, qui chante la splendeur des monarques, une espèce de papillon menacée par la déforestation et les dérèglements climatiques.

Le fond est intéressant bien sûr, mais Barbara Kingsolver m’ayant habitué à des mariages beaucoup plus réussis entre le côté militant de son écriture et sa capacité à offrir au lecteur un vrai plaisir de lecture, j’ai été déçue. En fait, ça marche assez bien quand elle parle de fracture sociale, quand elle évoque le mur d’incompréhension qui peut séparer le scientifique, l’universitaire, d’une communauté rurale frappée par la crise. Mais pour ce qui est d’alerter sur la cata écologique, sa forte motivation et son louable désir de provoquer une prise de conscience semble lui faire parfois un peu oublier de puiser dans tout son talent romanesque.

J’aime bien les personnages, surtout Dellarobia qui, enceinte à 17 ans, se retrouve coincée dans une vie qui ne lui convient pas vraiment, qui grâce aux papillons va sortir de sa chrysalide et prendre son envol. Mais niveau rythme, ce n’est pas ça. L’intrigue aurait eu besoin d’être sérieusement enrichie. Je me suis un peu ennuyée alors que je m’attendais à une histoire prenante.
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On m'appelle Demon Copperhead

Demon Copperhead rêve de voir la mer depuis tout petit.

Normal pour un enfant de 9 ans. Mais le petit Damon (son véritable prénom) n’est pas né dans la bonne maison (d’ailleurs il ne vit pas dans une maison mais dans un mobil home), ni avec les bons parents (difficile puisque son père est mort et sa mère une junkie défoncée qui ne va pas tarder à faire une bonne overdose).

Alors, une fois sa mère morte, Damon, qui en avait déjà bien bavé, va se rendre compte qu’il n’avait fait jusque-là qu’effleurer la misère du monde, et que maintenant il va y être plongé jusqu’au cou.

L’océan qui l’attend c’est celui des malheurs. Seule bonne nouvelle, il ne périra pas noyé sous la vague, puisque que c’est lui qui nous raconte son histoire à la première personne d’un ton gouailleur, lucide et désabusé. Et puis Mrs Peggot, la vieille femme qui élève son petit-fils Maggot, le meilleur copain de Damon, lui a prédit qu’il était impossible qu’il se noie car il est né coiffé. D’ailleurs, son père étant mort noyé en sautant d’une falaise de la baignoire du Diable, Demon s’est fait la promesse de ne pas prendre de bains ni de périr sous les flots.

Ce dernier point nous apporte un petit motif de réconfort, car rien ne va être épargné au petit Damon balloté de pseudos familles d’accueil en combines foireuses.

Heureusement, de bonnes personnes vont venir parfois baliser son chemin, le rattraper par le col avant qu’il ne sombre complètement ou qu’il pense à se jeter du haut de la falaise.

Un roman-fleuve bien noir qui vous enfonce la tête dans cette misère crasse dans laquelle tous se débattent en tirant le diable par la queue, en se forgeant leur propre morale et repères pour survivre. Il suffit de tendre la joue droite pour s’en prendre une bonne sur la joue gauche, et puis on recommence.

Barbara Kingsolver signe un roman social extrêmement riche, dense, avec peu de temps morts. Si vous ne savez pas ce qu’est un redneck, alors lisez ce livre, vous n’aurez pas de meilleure définition de cette population blanche et pauvre de laissés-pour-compte de l’Amérique, prompte à voter et revoter Trump. J’ai été également édifiée par les ravages des différentes drogues (euh … médicaments) comme l’oxycodine qui se transforme en juteux business pour des groupes pharmaceutiques puissants et des médecins véreux.

Ce livre décrit minutieusement l’histoire de la Virginie Occidentale, sa population comme ses anciennes usines de charbon et cultures de tabac en faillite. J’ai également découvert le terme de melungeon, qui désigne une ancienne communauté métissée avec des origines européennes, africaines et indiennes, dont descend le père de Damon.

La galerie de personnages est foisonnante, pourtant on ne s’y perd jamais. Ce roman est également une immense et intense fresque de tous les sentiments humains.

Le lecteur ressort de ces 605 pages rincé, abattu. Pourtant, tout au bout, il y aura peut-être un espoir, et, qui sait, l’océan, je vous laisse découvrir par vous-même…

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On m'appelle Demon Copperhead

« On veut rien d’autre, nous les garçons dépenaillés de par le monde. Que devenir des hommes. »



Plus facile à espérer qu’à mettre en œuvre pour le jeune Demon Copperhead, né d’une mère paumée, ex-alcoolo et toxico dans un mobil home du Tennessee dans le comté de Lee. « Vous avez le Nord et vous avez le Sud, et puis vous avez le comté de Lee, la capitale mondiale des perdants. »



Rapidement orphelin, Demon va affronter un parcours de vie qui semble inéluctable : maltraitance des familles d’accueil, négligence des services sociaux, exploitation des petits boulots… puis les fréquentations douteuses, la drogue et la bataille pour la survie.



Pas chanceux le Demon. Mais costaud, obstiné, encaissant difficilement les coups, mais les encaissant ; se relevant avec peine à chaque chute, mais se relevant. « Quand tu te tiens sur un petit tas de merde, à essayer de trouver ta place, c’est un sacré combat. »



Face au dragon issu de l’Oxy et des cachetons qui le dévorent, Demon va rencontrer quelques bonnes âmes comme autant de perches de sursauts : les Peggot, voisins toujours là ; Coach et sa fille Angus où il entrevoit la « vraie » vie ; Miss Annie et Armstrong, couple d’enseignants qui lui apprendront la confiance.



Couronné d’un Pulitzer, On m’appelle Demon Copperhead de Barbara Kingsolver – traduit par Martine Aubert – est une immense saga sociale revisitant le Copperfield de Dickens téléporté au XXIe siècle, au cœur de ce Dixieland de l’Amérique des paumés et laissés pour compte.



Méga pavé, exigeant à lire (depuis combien de temps avais-je pris 8 jours pour lire 600 pages ?), on le referme avec cette sensation d’avoir lu un roman tour de force, totalement maîtrisé et au style et à la traduction particulièrement travaillés.



Porté par sa voix de narrateur, on souffre avec Demon (et parfois beaucoup), on espère que chaque nouvelle rencontre sera le bonne, on rêve que Dori soit la love story idéale et on tombe avec lui à chaque nouveau coup que la vie lui porte.



On m’appelle Demon Copperhead est assurément un grand livre. Tout le monde n’ira probablement pas au bout mais pour ceux qui le feront, la récompense sera belle.

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Des vies à découvert

Quel roman ! Bien construit, riche, magnifiquement écrit, un vrai plaisir ! Les chapitres pairs sont contemporains (2016). Un narrateur à la troisième personne nous présente Willa Knox et sa famille, dont la situation n'est pas vraiment brillante. le magazine dans lequel Willa travaillait a fait faillite, et l'université de Virginie où son mari, Iano, était professeur titulaire a fermé. Willa a hérité d'une maison à Vineland, dans le New Jersey, et Iano a trouvé un poste pour une durée d'un an près de là : déménagement, nouvelle vie, perte de revenus, etc. Willa, pour des raisons que je ne dévoilerai pas, doit s'occuper de son acariâtre beau-père, de ses deux enfants adultes (un garçon et une fille en galère financière) et d'un bébé. En parallèle, les chapitres impairs nous entrainent dans la deuxième moitié du XIXe siècle (1871). Là aussi, un narrateur à la troisième personne nous fait découvrir une famille : Thatcher Greenwood, jeune professeur de sciences naturelles, Rose, sa ravissante femme, beaucoup plus conformiste qu'il ne l'imaginait, son insupportable belle-mère Aurelia, et sa sympathique jeune belle-soeur Polly. le trait d'union entre les deux familles : la maison qu'elles habitent et qui, déjà, pose divers problèmes à Thatcher. le titre anglais du roman Unsheltered (Sans-abri) est encore plus explicite que l'ironique double sens du titre français…

***

À 150 ans de distance, les parallèles entre les familles, mais aussi entre les époques sont nombreux et volontairement accentués par l'auteur : le ou les derniers mots d'un chapitre deviennent le titre du chapitre suivant, soulignant ainsi l'indissociabilité des deux époques. C'est sur Willa, comme sur Thatcher, que repose le fragile équilibre de chacune des familles. Willa se révèle une sorte de mère courage qui porte tout sur ses épaules et qui aime profondément sa famille, même son redoutable et irascible beau-père, immigré grec raciste et réactionnaire, pétri d'admiration pour un homme politique en campagne que tout le monde reconnaîtra. Iano aide sa femme, mais avec une certaine désinvolture… Willa trouvera un peu de réconfort en voyant sa fille Tig (Antigone !), qu'elle croyait immature, s'accommoder du présent et en tirer tout le parti qu'il est possible. Quant à Thatcher, déçu par le mariage, il se ressourcera auprès de sa voisine, Mary Treat, dont il découvre rapidement qu'elle est une scientifique respectée par ses pairs, mais pas par ses concitoyens, et qu'elle entretient une correspondance suivie avec les plus brillants esprits de son temps, dont Darwin… Thatcher admire Mary et partage ses idées progressistes.

***

Dans chacune des époques, Barbara Kingsolver met en lumière une figure d'autocrate, à tout le moins de populiste. En 1861, Charles K. Landis (1833-1900) achète des terres pour y fonder une communauté où l'alcool est interdit. Il y attire des viticulteurs italiens (!) qui devront fabriquer du jus de raisins et non pas du vin… le directeur de l'école où enseigne Thatcher partage ses idées réactionnaires. En 2016, un politique « grande gueule », qui a prétendu qu'il serait élu même s'il tirait sur quelqu'un en pleine ville (je cite de mémoire), n'a finalement tiré sur personne mais a été élu président des Etats-Unis… Beaucoup des thèmes abordés permettent de constater la fin du rêve américain et la difficulté pour la classe moyenne de ce pays de garder espoir en l'avenir. Il y aurait tant de choses à dire sur les prises de positions féministes, écologistes, progressistes, humanistes qu'on trouve dans ce beau et riche roman… Tant de choses à dire aussi sur le style de l'auteur, modulé selon chacune des époques : une ironie mordante et des dialogues décapants dans la partie contemporaine, des sous-entendus feutrés et des conversations emplies de non-dits dans l'autre… Faites-vous votre idée : lisez-le, vous ne devriez pas être déçu !

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L'arbre aux haricots

Taylor Greer, jeune fille dégourdie et culottée ne veut pas finir comme la plupart des filles de son patelin du Kentucky : fille-mère coincées là pour toujours. C’est décidé, elle part vivre à l’ouest !

Quand, dans les grandes plaines d’Oklahoma, sa vieille coccinelle tombe en panne, elle s’arrête le temps des réparations. Mais au moment de repartir, une femme dépose sur le siège passager un colis pour le moins singulier : emmitouflée dans une couverture, dort une petite indienne Cherokee, minuscule et couverte de bleus...



C’est drôle comme on peut avoir certains aprioris sur un livre. On me l’avait tellement conseillé comme une « lecture très sympa » que je pensais me trouver face à une sorte de feel good de bonne qualité, un peu fantaisiste, rythmé et drôle, avec une ribambelle de personnages colorés, tous plus attachants les uns que les autres. Et j’avais raison.

Seulement ce livre n’est pas que ça : derrière l’humour et le vernis loufoque il y a des vies cabossées, de la misère, des galères et des femmes abîmées qui s’entraident pour se fabriquer tant bien que mal une petite place au soleil.

J’ai aimé ce microcosme presque entièrement féminin, et ces portraits de femmes fortes malgré l’adversité. J’ai aimé aussi les paysages arides de l’Arizona, les jardins de cactus et les orages d’été, la salsa pimentée et les fresques murales aux couleurs criardes. J’ai aimé cette histoire totalement farfelue, les situations cocaces et les dialogues fleuris. J’ai aimé l’écriture vive, imagée et drôle. Et surtout j’ai aimé qu’on me parle de maternité comme d’un cadeau, de la nature comme d’une chose merveilleuse et un peu magique, de la féminité comme d’un formidable atout.

Oui, ça fait du bien !

Un joli coup de coeur pour moi, et une impatience : la suite (Les cochons au paradis) est déjà sur ma table de chevet.
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Dans la lumière

Depuis l’âge de dix-sept ans, la vie de Dellarobia est confinée dans cette ferme du Tennessee, dans cette maison, partagée entre son mari et ses deux enfants. Insatisfaite de sa vie, elle étouffe, a soif d’autre chose et ne se sent plus la force de suivre sa raison. Pourtant bien consciente de son erreur et des dégâts qui vont en découler, elle se dirige vers la petite cabane de chasse, vers une aventure extraconjugale.

Cet automne des plus pluvieux a détrempé les lieux mais elle grimpe la piste raide et rocailleuse. Même les arbres couchés à cause de ce sol imbibé qui ne les retient plus ne l’arrêteront pas.

C’est en premier lieu une petite tache orange qui capte son attention dans la forêt de sapins puis, comme suspendus aux conifères, une multitude d’amas brunâtres, « telles d’énormes grappes de raisin » tremblant dans la canopée. À la percée d’un rayon de soleil, l’embrasement des arbres avec une couleur orange crépitant de toute part la cloue sur place et s’envole alors l’envie de l’adultère qui allait être commis.



Dellarobia revient dans son foyer et ne peut annoncer la nouvelle car il faudrait expliquer sa présence là-haut dans la forêt.

La famille vit sur les terres des parents de Cub, son mari. Dellarobia vit au rythme de ses deux enfants, allège sa routine monotone en se confiant à son amie Dovey. Ses tâches, en dehors du foyer, se résument à débarrasser des impuretés la toison fraîchement tondue des moutons. Ses plus proches voisins sont ses beaux-parents qui prennent toutes les décisions et son mari l’exaspère souvent par sa soumission envers eux. Hester, la belle-mère est sèche et fière, autoritaire, et pour elle toutes choses se rapportent à Dieu.

La ferme ne rapporte plus, enfin pas assez. Les emprunts contractés asphyxient la famille et l’unique remède financier est le déboisement de la forêt. Dellarobia va insister pour que Cub se rende sur place avant de concéder à la vente du bois afin qu’il constate la présence des papillons qui s’avèreront être des monarques. Ceux-ci on décidé de passer l’hiver dans le sud des Appalaches au lieu du Mexique en raison de catastrophiques glissements de terrain qui ont tout ravagé sur leur lieu de repli hivernal.

Cub, et par ricochet toute la congrégation, pensent qu’elle a été touchée par la grâce puisqu’elle a « senti » que quelque chose d’extraordinaire, de miraculeux, avait eu lieu sur leur petit bout de montagne. Cela donne lieu un chapitre entier, long comme un sermon, sur la lourde influence de la religion dans ces contrées.

La nouvelle de la présence des papillons attire une équipe de scientifiques qui s’installent sur la propriété. Dellarobia se passionne pour ces monarques et sa soif de connaissances lui permet de côtoyer un monde auquel elle aurait pu avoir accès si elle n’avait pas dû interrompre ses études en raison de sa première grossesse qui s’était pourtant terminée trop prématurément. Elle comprend que la vie de famille est trop étriquée pour elle. Elle va s’épanouir lorsqu’ils lui confieront certaines tâches. Son fils de sept ans sera aussi de la partie, avec sa maman, et il aura un comportement magnifique de maturité, un sacré petit bonhomme curieux du monde qui l’entoure !



Fatalement, nous aurons le cliché des évènements extraordinaires qui ameutent leur lot de curieux et de journalistes voyant là le prétexte à un scoop de plus en passant à côté de l’alerte climatique de cet évènement inhabituel.



Mon enthousiasme pour ce roman est sans bornes. J’y ai trouvé l’exhaustivité des sujets qui me passionnent. On sent vraiment l’attachement de Barbara Kingsolver à la nature, au vivant, quand elle parle des ces papillons. Chaque évocation est féérique.

Le quotidien de Dellarobia est décrit longuement et précisément si bien que j’ai eu le sentiment d’être à ses côtés presque physiquement. Cette proximité en a fait une amie le temps du roman. Son complexe d’infériorité face aux étudiants et aux scientifiques m’a particulièrement émue.

On est vraiment dans le concret lorsque l’auteure aborde les préoccupations du monde agricole impacté économiquement par le climat et pris en tenaille par les banquiers et d’un autre côté le monde scientifique qui voit l’écosystème en péril et essaie de tirer l’alarme. Ils dénoncent une évidence exponentielle : «un monde qui se désagrège dans le feu et l’eau ». Même les saisons sont diluées.

Tous les passages liés aux monarques ont nourri mon intérêt pour la biologie dont l’extraction de leurs lipides, source énergétique pour leur survie face aux températures qui chutent. Quel prodigieux travail de documentation !



Pour terminer, le « pacte de durabilité » proposé par un sensibilisateur montre bien le décalage entre les propositions des gens bien-pensants et la réalité du quotidien des foyers modestes. Celui-ci cherche à expliquer à Dellorobia qui n’a pas un sou, ne sort jamais de sa ferme, comment maîtriser son empreinte carbone : « moins » d’avion ? Elle ne l’a jamais pris. Moins de voiture neuve ? Ils ont changé déjà deux fois le moteur de la leur pour la faire durer. Acheter d’occasion ? Elle ne fait que ça. Changer l’électroménager pour des moins énergivores ? Elle n’a pas du tout les moyens… Tout est dit : elle n’a pas les moyens de contribuer activement au dérèglement climatique ! Ce luxe destructeur est plutôt réservé à tous ceux qui gagnent trop d’argent.

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