Mon cœur battait la chamade, mais, oui, j'allais mieux. Beaucoup mieux. J'étais amoureuse de mon patron.
Et donc, j'étais foutue.
Dès qu’un appel de Sophie éclairait l’écran de mon téléphone, je redevenais un petit garçon impatient. C’était peut-être ridicule, mais je ne pouvais pas m’en empêcher. Il me suffisait de penser à elle – ce que je faisais à longueur de journée – pour ne plus être Neil Elwood, milliardaire, mais Neil Elwood, adolescent troublé.
Ce soudain retour à la puberté n’avait pas tellement sa place dans une réunion cruciale pour laquelle il m’avait fallu parcourir cinq mille kilomètres en avion. Quelle que soit ma discrétion au moment d’identifier mon contact, il n’échappait pas à mes collaborateurs que j’avais la tête ailleurs alors que j’étais supposé présider cette réunion.
Je m’étais toujours considéré dans l’air du temps, mais à force de vivre avec une femme qui cachait son horreur en apprenant que je ne connaissais pas le nom de telle ou telle ancienne star de Disney Channel, je commençais à perdre mon assurance.
- Exact, admit-il tout en étirant la jambe pour fermer le robinet avec ses orteils.Je sais qu'une fois que tu as ouvert ton coeur à quelqu'un, ton amour est inconditionnel.
Ses mots me provoquèrent une bouffée d'émotions qui me compressa les côtes.
- Tu es prêt à tant donner de ta personne que si tu venais à être déçu, tu ne t'en remettrais sans doute jamais.
Je trouvais Emir de bonne compagnie, il ne considérait pas le sexe comme le trophée à remporter à tout prix, mais plutôt comme une éventualité future délectable. J’avais rencontré – et éconduit – de nombreux hommes et femmes qui me prenaient pour un libertin invétéré et partaient du principe que j’étais partant pour les baiser. Comme si le sexe coulait de source, de façon aussi évidente qu’une poignée de mains.
Un délice, murmura-t-il contre ma cuisse. Je pourrais te savourer comme ça toute la nuit.
J'enfouis le visage dans son cou et respirai son odeur.Cet homme,aussi excitant qu'insupportable,détenait une partie de mon cœur et m'avait offert en échange une partie du sien.
- Si je m'emporte, c'est uniquement parce que j'ai peur de t'aimer, balbutiai-je en me sentant ridicule.Je ne voulais pas que l'amour s'immisce entre nous.
- Eh bien, excuse-moi d'être parvenu à te charmer.
Relevant mon menton,il sourit et s'empara de ma bouche avec sensualité.La main qu'il n'avait pas blessée vint épouser la forme de ma joue et il frotta son nez contre le mien.C'était le baiser le plus romantique de toute ma vie.
VOUS VOUS SOUVENEZ DE CETTE PROMESSE FAITE À MOI-MÊME ET SELON LAQUELLE JE NE DEVAIS PLUS PENSER À LA NUIT torride passée en compagnie de Neil ? Vous l’avez deviné, dès lors que j’ai compris que Neil faisait semblant de ne pas me reconnaître, cette promesse est tombée dans les oubliettes.
Nous nous sommes tous rassemblés dans la salle de réunion pour l’annonce générale. Elwood & Stern avait racheté Porteras à l’ancienne direction mais le format et le style du magazine demeureraient inchangés. Neil eut un mot pour chaque employé puis donna le relais à la nouvelle équipe de gestion. Tandis que ces derniers exposaient leur politique de procédure qui apparaîtrait progressivement au sein du magazine, Neil sonda la pièce, s’attardant sur chacun des travailleurs qu’il venait d’acquérir.
Une pensée m’obsédait.
Ils devinent tous que j’ai couché avec lui, j’en suis sûre.
Quel abruti a eu l’idée saugrenue d’inventer les blind dates ? Franchement, il aurait mérité qu’on l’exécute sur la place publique. Comme au Moyen Âge, écartelé par deux chevaux lancés au galop. Ou bien écrabouillé par une pluie de rochers. Ou encore plongé dans de l’huile bouillante. Les rendez-vous galants, ce n’était pas mon fort. J’avais attendu la fac pour connaître mon premier véritable rencard. Et encore, il s’était arrêté devant le dortoir de la fille, quand elle m’avait dit : — On va peut-être arrêter là, non ? Après avoir tenté de redresser la tour de Pise qu’était ma relation amoureuse pendant les huit dernières années, je n’étais pas sûr de vouloir recommencer à zéro avec une autre femme. Mais celle-ci était « faite pour moi », me disait-on. C’était sûr, j’allais « l’a-do-rer ». Ben voyons. J’avais la pression, maintenant.