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Qigang Chen et Marino Niola
Hervé Baslé et Yvon Lemen
Musique : le Cirque des Mirages et Irène Akiko Iida
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© Des mots de minuit - France 3 - Mars 2006
Entre terre et mer.
Ma Bretagne est située entre terre et mer. Les champs meurent là où les rochers paraissent et plongent dans l'écume du ressac. Les cultures sont les fleurs du paysage, leurs différents tons de vert annoncent l'émeraude de l'océan.
Ici, on naît paysan ou marin selon sa destinée, on cultive le sol ou on laboure la mer. Mon grand-père naquit pêcheur. A treize ans, il partit en mars affronter les périls des glaces et des tempêtes sur les bancs de Terre-Neuve. Il revint en octobre. Puis il repartit et s'en retourna une vie entière, du même mouvement de la vague qui s'éloigne du rivage, se gonfle et s'abat sur le sable pour s'y reposer.
Il chassa la morue dans les brumes du Grand Banc au large des Roches Virgin. Il mouilla ses lignes sur le Banc à Vert et le Bonnet Flamand. Il débarqua à Saint-Pierre quand la pêche était bonne. Il y prit du bon temps et soigna ses blessures. Il y retrouva des cousins partis des siècles avant lui, et qui avaient fait souche. Il faillit y rester pour les yeux d'une belle fille.
Ce film est son histoire et celle de tous ceux qui ont fait "le grand métier". C'est aussi le récit du destin de Pierre, un saisonnier descendu des Mont d'Arrée pour louer ses bras au littoral fertile, au temps où la terre avait encore besoin des bras des hommes pour être cultivée. Il rencontra l'amour et découvrit la mer …"
Hervé Baslé
L'auto stoppa devant la brèche du Champ dolent. C'est là que Jean-Baptiste venait passer ses colères, chasser son cafard, attendre que la terre se remette à tourner rond quand tout lui paraissait aller à hue et à dia. Il y avait semé du maïs au printemps, et les plants atteignaient maintenant soixante-dix à quatre-vingts centimètres. Au milieu du champs, la pierre – un menhir isolé – les dominait de ses huit mètres cinquante.
Un soir de mai 1920, Pierre, journalier à la ferme des Cloarec, rentrait chez lui après une longue et dure journée de travail. Le jeune homme avait vingt-quatre ans. Plus grand que la moyenne des gars de la montagne, il avait la peau blanche, la chevelure blonde, des yeux clairs où le bleu du ciel disparaissait parfois au profit de la grisaille du temps. Un regard de marin perdu au milieu des terres.