Le surlendemain de notre visite à Lischka, nous sommes repartis dans la Mercedes de Harry Dreyfus, notre cameraman, pour le 554, Bergisch-Gladbacher Strasse. Il est 7 heures et il fait très froid. A 7 h 50, Lischka sort. Nous sommes plaqués contre une palissade tout près de la station de métro. Il est vêtu d’un grand manteau ; avec ce manteau, son chapeau, ses lunettes et sa serviette noire, il ressemble à un gestapiste.
Lischka s’approche de la station, mais traverse la rue dès qu’il nous repère. Il s’engouffre dans la rue parallèle à la ligne de tram en hâtant le pas ; puis il accélère vraiment. Nous le filmons à quelques mètres de distance. A ce moment, Lischka s’arrête et repart dans un sens, puis dans l’autre, tandis que nous sommes toujours à côté de lui. Il se met soudain à courir et nous courons à un mètre de lui, tout en le filmant.
Lischka fuyait dans sa propre ville, dans ses propres rues ; il se trouvait confronté tout à coup à son passé. La séquence que nous avons enregistrée ce jour-là provoquera en Israël une réelle émotion lors de sa diffusion, et passe aujourd’hui encore sur les télévisions du monde entier quand il est question du sort des criminels nazis.