Béatrice Monge

— Tu lis beaucoup ? se renseigna Élio.
Oui, c’était le cas. Depuis quelques années, elle s’était constitué une petite collection de romans et de bandes dessinées dont elle était très fière.
Chez elle, il y en avait pour tous les goûts, avec autant d’auteurs français qu’étrangers.
J’ai quelques grands crus, disait-elle souvent pour rire. Elle avait lu plusieurs titres de Léo Perutz, de Le Clézio, de Paul Auster, d’Antonio Tabucchi et de Nancy Huston. Le dernier qu’elle avait dévoré était L’île d’Arturo d’Elsa Morante.
Elle tenait énormément à ses livres, par contre elle les prêtait volontiers, à condition bien sûr qu’on les lui rende, ce qui n’était pas toujours le cas.

Extrait du chapitre " Peindre et revivre".
Je vais me remettre à peindre aussi. Je ressens de nouveau le besoin de transcender ma vie. J’ai envie d’être forte pour m’enraciner à un destin que j’aurai choisi. Dans ce destin, je coche la case du plaisir de vivre et si une créature m’écoute là-haut, j’apprécierais qu’elle exauce ce vœu. Tu vois, Hypnos ? C’est mon existence entière que je remets en question. Mais à quoi tout cela me servira-t-il si aucun homme ne s’éprend de moi ?
— Tu trouveras cet amour que tu recherches. Les forces de l’univers t’entendent. Je peux aussi te dire que Tom est chez lui. Sa famille l’entoure et le soutient. Je sais que tu penses beaucoup à lui.
— Est-ce lui mon futur chéri ? Dois-je encore m’accrocher à cet espoir ?
— Ne l’oublie pas, l’existence te réserve des surprises. Souviens-toi que c’est toi qui décides de ton avenir. Tu es maître de ton destin.
— J’aimerais que ta lumière m’éclaire sur mon futur, toi le magicien qui ne craint rien, ni de la vie, ni de la mort. Tu veux bien ?
— Mon sort n’est pas plus enviable que celui des mortels. J’erre sur cette gondole, à l’infini, dans le royaume du sommeil. Le soleil ne se lève jamais ici. Toi, tu peux le regarder en face et te réchauffer avec lui. Apprécie la vie telle qu’elle vient à toi, et respire chaque moment comme si c’était le dernier. Vis !

Au milieu de ces bruits, c’est le silence.
J’observe ce silence et le souffle du vent
qui effleurent les épaules, les nuques
et caressent des fragments
de peau sur leur passage.
J’entends mon cœur, il bat trop vite,
mes tempes cognent trop fort.
Je respire pour faire cesser ces sons incongrus
qui se déchaînent dans ma poitrine.
J’avale une grande bouffée d’air
et la rejette quelques instants après.
Je crois par-là me délivrer de mes émotions,
amplifiées pour l’heure par ma présence
dans ce véhicule qui fonce dans la poussière
du sud de la Tunisie.
Mais non, rien n’y fait

Elle flânait nonchalamment depuis une heure le long des quais, de bouquinistes en bouquinistes, sous le charme des cartes postales, des gravures et des livres anciens, lorsqu’elle aperçut un escalier raide qui descendait sur les berges de la Seine, berges baignées ce jour-là par les rayons d’un so­leil éclatant. Comme c’est beau l’eau qui brille sous cette lumière irréelle, se dit-elle.

Pour la première fois de l’année, l’atmosphère se réchauffait. Elle s’approcha du bord et ôta son blouson qu’elle posa par terre à ses pieds. Puis elle se pencha afin de contempler le reflet déformé de sa silhouette qui dansait dans l’eau, comme des morceaux d’elle-même qui n’arrivaient pas à se rassembler.

Sur quoi devait-elle se concentrer ? Son présent ? Son avenir ? Elle ne savait pas trop. Ce à quoi elle aspirait avant tout, c’était de faire les bons choix pour avancer vers le but qu’elle s’était fixé. Mais quel objectif s’était-elle donc enraciné dans la tête ? Qui était-elle vraiment ?

Quand, au fil de ses balades dans des ruelles
obscures, elle apercevait une boutique à l’enseigne
fatiguée, elle était toujours aimantée.
Elle pénétrait ainsi dans toutes les librairies dont
elle croisait les devantures et discutait des heures
avec les bouquinistes, souvent de vieux messieurs
gâteux.
Les livres, elle n’y connaissait rien, mais
elle se plaisait à les palper et à plonger son nez
dedans pour sentir leur odeur de papier défraîchi.
Elle supposait que tous ces livres dont elle chérissait
tant le contact renfermaient plein de trésors, des
vies inventées ou réelles, des pensées d’illustres
auteurs, et de moins grands aussi.
Elle n’avait jamais lu, ou si peu.
Elle ne savait pas par quoi ou par qui commencer.
Elle était perdue au milieu de tout ce choix, au milieu de ce flot de jolies couvertures et de titres tous plus ou moins alléchants.

À la dernière lettre de l’alphabet, elle constata
qu’il y avait plusieurs livres de Zola. Elle avait déjà
entendu prononcer plusieurs fois ce nom d’auteur
au collège. Il lui paraissait enchanteur. Elle ouvrit
un de ses titres au milieu et huma l’odeur qui s’en
dégageait, tout en toisant la libraire, dont le regard
perçant balayait régulièrement l’espace autour d’elle.
Rien ne devait lui échapper à cette caissière.
Munie de sa bague, elle formula des paroles, qui cette
fois-ci allaient procurer un effet, elle l’espérait.
— Tourne tes yeux de l’autre côté. Ne m’observe pas, s’il te plaît !
Et subitement, son ordre fut exécuté. La tête
de la caissière pivota lentement vers un client assis
sur un tabouret avec des livres d’art qu’il feuilletait
sans retenue.
Extrait du roman " Le pouvoir de la bague"

Certains clients se promenaient dans les rayons,
d’autres compulsaient des livres pris au hasard sur
les étagères.
Elle chercha celle des poètes français.
Son regard erra de nom en nom. La plupart d’entre eux ne lui
évoquaient rien.
Elle s’arrêta sur les B.
Baudelaire occupait à lui seul tout un côté de la bibliothèque.
Elle parcourut des yeux tous ses albums, et sous
le coup d’une forte impulsion en délogea un, ce
qui provoqua un net déséquilibre dans la rangée.
Tous les Baudelaire se retrouvèrent par terre, sauf
un. Elle lut : Le spleen de Paris, petits poèmes en prose.

Extrait du roman ; " Le pouvoir de la bague".

Premières phrases de l'essai que j'écris en ce moment, dont le titre est : " Une autre France est possible".
Bien que la France soit un pays relativement riche si l’on compare son PIB par habitant à bon nombre de pays européens, il n’en demeure pas moins que diverses inégalités se creusent et que pour y vivre sereinement et dignement, certains affrontent chaque jour ce que l’on appelle communément « le parcours du combattant ». Ce fut, et c’est toujours mon parcours.
Loin de moi l’idée de relater ici mes multiples vicissitudes. Dans cet essai en forme de guide pratique, je souhaite plutôt partager mes recherches, mes hypothèses et mes questions, traiter de divers sujets et proposer une vision personnelle de la société dans laquelle nous vivons.

La France des gilets jaunes est derrière nous, mais son esprit demeure, tapi dans chaque tête. C’est pourquoi j’ai tenu à terminer cet essai en y ajoutant des données récentes.
Depuis novembre 2018, le président de la République et les élites du gouvernement français n’ont pas réinventé leur façon de fonctionner. Rien n’a changé ou plutôt tout s’est aggravé.
Notre appartenance à l’Europe explique sans doute beaucoup de choses, car les députés européens y prennent des décisions qui touchent tous les états sans qu’ils aient beaucoup leur mot à dire. Toutefois, les dirigeants français pourraient se comporter de manière plus compatissante, bienveillante et empathique.
Ainsi, ils pourraient contribuer à bouleverser notre pays et son monde rural si cher aux yeux des Français, dans le sens positif du terme.
Nous pourrions envisager un avenir plus séduisant et prometteur, une autre France qui saurait donner l’exemple et où l’on aimerait vivre.
J’y crois. Pour moi, c’est possible.

— C’est quoi la spiritualité pour toi ?
— Le salut de mon âme. Pour y parvenir, j’affronte chaque jour les humains et la société en étant
aimable, altruiste et pacifique. Je respecte les gens,
les tolère et leur pardonne. J’essaie d’éviter les conflits et de plaire à tout le monde, même aux esprits.
J’ai fait un grand pas en avant ces derniers temps
pour me libérer de toutes mes craintes et obsessions.
— Tu réussis peu à peu à vaincre ta psychose,
mais le combat sera encore long.
— Je vais me remettre à peindre aussi. Je ressens
de nouveau le besoin de transcender ma vie. J’ai
envie d’être forte pour m’enraciner à un destin
que j’aurai choisi. Dans ce destin, je coche la case
du plaisir de vivre et si une créature m’écoute là-haut, j’apprécierais qu’elle exauce ce vœu. Tu vois,
Hypnos? C’est mon existence entière que je remets
en question. Mais à quoi tout cela me servira-t-il
si aucun homme ne s’éprend de moi ?
— Tu trouveras cet amour que tu recherches.
Les forces de l’univers t’entendent.

Sa relation avec Roberto était plus fantasmatique que réelle, même s’il y avait eu quelques échanges de tendresse et des câlins. Elle avait reçu une éducation tellement stricte. On ne devait pas tromper son époux dans sa famille. Pourrait-elle un jour outrepasser ce carcan rigoriste ?
Pourrait-elle devenir comme l’héroïne du roman de G. Flaubert Madame Bovary, une autre Emma, une femme mariée qui franchit les tabous de la société pour vivre une liaison illégitime, sublime et impossible ?
Aurait-elle, comme elle, le cran de rejoindre souvent son amant à cheval ?

En vérité nous n'aimons que les livres qui ne
forment pas un tout, qui sont chaotiques, qui sont
impuissants.
C'est la même chose pour tout, de même nous ne
nous attachons tout particulièrement à un être que
parce qu'il est impuissant et incomplet, parce qu'il est
chaotique et imparfait.

L’ARGENT : SON POUVOIR SUR LES INDIVIDUS

L’argent, ces pièces et ces billets qui ne valent rien et pourtant représentent beaucoup grâce à l’intérêt que nous leur portons, nous allons en parler ! Ce moyen, au centre de toutes les préoccupations, de tous les désirs, des rêves et fantasmes et des disputes et procès, nous voulons tous le posséder en grosse quantité. En fait, il nous mène par le bout du nez. Comment a-t-on pu en arriver là ? Quand les échanges ont-ils disparu ? Les premières monnaies qui sont apparues en France sont les francs. Le franc à cheval est le premier franc français, monnaie d’or à 24 carats pesant 3,88 grammes. Créé le 5 décembre 1360 et mis en circulation en février 1361.
Actuellement, de nombreuses personnes tentent de rétablir le troc pour assurer leur subsistance. Pourquoi ? Parce que nous nous rendons tous compte, plus ou moins consciemment que de détenir beaucoup de capital et de biens liés à nos gains, change notre nature profonde.

La crise est une occasion de repenser notre société et de construire un monde plus juste.
Pourquoi ce titre ? Je crois que si nous vivions dans une collectivité plus équilibrée, la distribution du travail et des revenus ouvrirait à chacun la possibilité d’occuper un emploi lucratif. Ainsi, chacun pourrait se loger, se nourrir, lui et sa famille sans trop de soucis.
Dans ce cas, je me permettrais de rêver à une France où la misère, la délinquance et les violences liées au manque de ressources n’existeraient plus.
Selon moi, une équitable répartition des biens pourrait mieux nous protéger de l’hostilité et engendrer de meilleures relations humaines.
Car nous le savons tous, la frustration et la privation peuvent déchaîner beaucoup de colère.

Notre société est en faillite de valeurs morales et éthiques. Ce phénomène s’accentue depuis le début de ce que je vais appeler « la crise du Covid-19 ».
Le rapport à l’argent et la suprématie des puissants en constituent- ils l’unique cause ? La finance est-elle au centre de toutes les relations commerciales et straté-giques au point que son pouvoir annihile tout le socle de ce que nos maîtres ont enseigné dans les siècles passés ? Tout ce qui soude nos contacts humains : l’honnêteté, la loyauté, la droiture, la sincérité, l’intégrité, la fidélité et aussi la franchise est-il en train de disparaître peu à peu ?

Vivre en France depuis plusieurs années est devenu beaucoup moins plaisant qu’avant. Bien que ce soit un pays magnifique, les menaces et la peur pèsent constamment sur nous. Cette appréhension tenace teintée d’une forte insatisfaction a certainement été à l’origine du mouvement social des gilets jaunes débuté le 17 novembre 2018.
Pourquoi des Français de plus en plus nombreux se rebellent- ils contre un état qui selon eux bafoue notre démocratie ? Pourquoi ce mouvement a-t-il une telle défiance vis-à-vis de la classe politique et des corps intermédiaires ? D’où vient ce sentiment de délaissement de certains territoires ?
Voici les questions que je me suis posées à ce moment-là.

C’était l’heure où l’on se plaisait à rêvasser, car finalement la vie est fabuleuse si l’on se donne les moyens de la savourer.

Il s’interrompit. Il n’avait guère envie de se dévoiler, de négocier et encore moins de philosopher. Il considérait que beaucoup de paroles ne servaient à rien et que les silences étaient bien plus parlants.