Béatrice Picon-Vallin

Le travail de mise en scène rapporté par la fondatrice du Théâtre du soleil. C'est vivant, plein d'énergie et engageant.

Paru il y a bientôt dix ans et revenant ce qui fait l'esprit du Théâtre du Soleil, cet assemblages de réflexions et explications d'Ariane Mnouchkine sur son travail et surtout celui de sa troupe est passionnant. Elle dit son exigence, mais surtout le travail commun et la force du collectif, pas seulement celui des comédiens. Les techniciens, les membres du bureau administratifs. Tous on une influence et une implication dans la création. Ne serais ce que leurs présences ou non les premiers jours de répétitions dessine une direction. Que l'on ai fait ou non, l'expérience d'aller au Théâtre du Soleil, on s'y sent comme plongés. Le langage parlé, puisque retranscrit, du livre est un formidable facteur de compréhension. Simple. Direct. Exigeant mais humain.

Fascinante leçon de création collective...



La collection "Actes Sud - Papiers" est précieuse pour les amateurs de théâtre, la partie "Mettre en scène", dirigée par Béatrice Picon-Vallin, l'est encore davantage.

Dans son opus de 2009 consacré à Ariane Mnouchkine, on trouve à la fois une excellente introduction didactique, un long entretien entre la directrice du Théâtre du Soleil et des élèves du CNSAD et de l'ENSATT, et, rareté, un extrait de notes d'interventions prises à la volée lors du "stage" proposé chaque année à plusieurs centaines d'actrices et d'acteurs souhaitant se frotter (et éventuellement rejoindre) aux méthodes du Théâtre du Soleil.



Quelques morceaux choisis :

"La peur n'est pas la même, la peur devant une araignée n'a pas les mêmes symptômes que la peur du tigre ou la peur d'un assassin, ou la peur d'un amoureux devant son amoureuse. C'est toujours la peur, mais avec des couleurs différentes, des symptômes différents. Le médecin qu'est l'acteur cherche, il explore ; en fait, il connaît la maladie mais il ne connaît pas les symptômes. (...) Les grands auteurs sont ceux qui ont l'art de donner à chaque phrase une petite maladie différente qui s'aggrave jusqu'à aller au crime ou à la mort, ou qui au contraire se calme. Un acteur, une actrice doit comprendre ces maladies et en trouver les symptômes."

"Quand je vois le monde autour de moi, je me rends compte que je ne comprends pas 90% des choses qui s'y passent, mais je sais que c'est de ma responsabilité que d'arriver à le comprendre, et je continue avec une obstination qui peut paraître tout à fait stupide à certains, de penser que nous pouvons, nous devons agir sur le monde, comme un grain de sable - chacun d'entre nous."

"Le metteur en scène propose. Il faut proposer quelque chose où chaque actrice, chaque acteur sente qu'il y a un peu de lui."

"Quand il s'agit d'une pièce écrite, je demande aux comédiens de ne pas apprendre leur texte parce que je ne veux pas qu'ils l'apprennent - je sais que c'est rare. Je n'aime pas du tout quand ils savent trop vite leur texte : je pense que c'est un facteur de mécanisation très difficile ensuite à oublier. Ils gardent donc le texte en main très longtemps."



Fourmillant de précisions et de réflexions, ce court volume passionnera les amateurs de la Cartoucherie et du théâtre en général, mais devrait aussi intéresser toutes celles et tous ceux que la création collective et ses mécanismes fascinent.

Un livre sur la trajectoire splendide du Théâtre du Soleil. Ariane Mnouchkine parle de son exigence artistique ainsi que son espérance pour le théâtre. La venue de la beauté est imprévue dans la Cartoucherie. Il les faut donc « tenter le théâtre » sans cesse jusqu’au moment où le diamant bien taillé répand la lumière.

Précieux entretiens avec Omar Porras, qui éclairent avec justesse ses recherches scéniques.



Grâce à une amie bien inspirée, j'avais eu la chance d'assister en 2006 à la mise en scène de "Pedro et le Commandeur" (Felix Lope de Vega) par Omar Porras, et de découvrir ainsi le tourbillon dansant et festif que ce Colombien installé en Suisse, fortement inspiré par Ariane Mnouchkine, Jerzy Grotowski et le théâtre de rue, est capable de projeter.



Pour fêter les 20 ans de la création de son Teatro Malindro à Genève, Luz Maria de Vega a pu rassembler de précieux entretiens avec Omar Porras, publiés récemment par Actes Sud Papiers.



On y trouvera de remarquables éléments biographiques et techniques, retraçant notamment nombre d'influences, d'adaptations et de digestions réussies au cours de la déjà longue carrière de l'acteur-metteur en scène, ainsi que des éléments forts sur ses quêtes, ses intentions, et ses particularités, notamment quant au rôle de la musique et de la danse dans ses constructions.



"La musique n'est pas un élément de décoration ; elle est la sève du texte, elle lui donne son sens. Chaque mouvement scénique est accompagné de musique. Celle-ci fait aussi le lien entre l'acteur et le spectateur. Elle évoque et éveille un état d'esprit qui ne passe pas par la réflexion : elle est immédiate. (...) Au théâtre, ce sont les comédiens qui découvrent la cadence, puis c'est à moi de l'orchestrer et de l'affiner. C'est un art plus complexe, car il faut inventer le rythme cardiaque du spectacle."



Une nouvelle pièce de choix pour l'amateur de théâtre et de création, qui confirme à nouveau à quel point la collection "Mettre en scène" d'Actes Sud vaut le déplacement.