- D'ailleurs, Albert, tu devrais enlever tes chaussures et mettre d'autres chaussettes. tu vas attraper une pneumonie. Mon petit-fils peut t'en prêter une paire sans problème, pas vrai ?
- Excuse-moi, mais je ne vois pas ce que tu veux dire, mamie, s'excusa Erik, qui, d'une main, s'assura que sa frange était toujours bien en place.
(...)
Furieux, Erik monta à l'étage en serrant les poings. L'idée qu'un inconnu introduise ses pieds dégoulinants de transpiration dans ses chaussettes de pure laine vierge le paniquait. Il ouvrit l'armoire et hésita un moment : lesquelles lui céder? Sans aucun doute, il fallait que ce soient les plus vieilles parmi celles qu'il avait sélectionnées pour son voyage. Le problème, c'est que toutes ses chaussettes étaient dans un état impeccable...
Entre les ombres, Erik se tordit le cou et distingua une petite forme au milieu de l'oreiller. qu'y avait-il sur son lit? Non sans anxiété, il tendit la main et palpa lentement cet objet inconnu. De quoi s'agissait-il ? A tâtons, il s'aperçut que la chose était enveloppée de papier. Tremblant, il l'approcha de la faible lumière de la lampe de chevet, puis défit avec précaution l'emballage. Le tonnerre gronda avec force, tout près de là.
Dans le papier, Erik découvrit le roi blanc du jeu de sa grand-mère, couvert de sang séché. La feuille était une page de livre arrachée, qui affichait les vers suivants :
Et voici qu'une arête de fer
- sa dernière heure est venue -
La retient accrochée par un bout.
Déjà pâlit et disparaît la clarté de la lune...
Ensuite, il se mit à courir comme un fou dans la rue. Ses Lombartini volèrent au-dessus des flaques. De temps en temps, elles retombaient dans l'eau, mais en ce moment de crise, Erik Vogler ne se souciait pas de la propreté de ses chaussures italiennes. Seules deux choses lui importaient : atteindre sain et sauf la maison de sa grand-mère et retourner à Brême aussi vite que possible.