Medical City Pathologist Beck Weathers - Mount Everest Survivor
Il y a de l'énergie, de la détermination et de la force en chacun de nous.
La plupart d'entre nous n'ont jamais à puiser dans ces ressources. Contrairement aux pionniers qui ont affronté la nature sauvage et exploré des terres inconnues, nous menons des vies faciles. Leur vigueur et leur résistance nous stupéfient, mais ils n'étaient pas plus forts ni plus endurants que nous. Ils n'avaient simplement pas le choix.
En 1953, lorsque l'expédition victorieuse d'Edmund Hillary buta sur la cascade de glace, ses membres rivalisèrent d'imagination pour baptiser ses différentes sections − Hellfire Alley ("Allée du Feu de l'Enfer"), Nutcracker ("Casse-Noisette"), Atom-Bomb Area ou Hillary's Horror. En 1996, nous avons décidé d'appeler Mousetrap ("la Souricière") un sérac géant, incliné au sommet de la cascade : personne n'aurait voulu se trouver à la place de la souris quand cette très instable "souricière" refermerait son piège.
Caldwell nous a emmenés au pied d'un bloc de trois mètres de haut. Il nous a d'abord expliqué comment trouver un point d'appui. Il a posé son pouce sur un grain de cristal dépassant de quelques millimètres de la surface et, ramenant l'index et le majeur sur son pouce, il s'est hissé jusqu'à atteindre le haut du rocher avec sa main libre. Puis il s'est délicatement enroulé par-dessus. Spiderman n'aurait pas fait mieux. Pire, Caldwell semblait pouvoir le refaire en descente et en dormant.
Le vent soufflait bien trop fort pour nous permettre de monter des tentes. Alors nous avons passée dix heures à creuser un trou dans le glacier. À quatre pattes, jusqu'à trois mètres de profondeur. Puis nous avons élargi une excavation assez grande pour nous accueillir tous les six. Un travail de forçats - pas Cayenne, mais la Sibérie.
Au camp III, la pente du Lhotse vous oblige à tailler une corniche de glace pour y planter votre tente où vous vous glissez enfin, exténué. Mais quel que soit votre degré d'épuisement, vous devez obéir à deux règles essentielles. Premièrement, évitez le somnambulisme, si possible. Deuxièmement, dès le réveil, n'oubliez surtout pas d'équiper vos deux semelles de leur douze pointes chacune − ces crampons qui seuls vous raccrochent à cette pente.
Chen Yu-Nan, lui, avait oublié. Il est sorti de sa tente avec ses seuls chaussons intérieurs. Il a fait deux pas, et... zzzip ! il a glissé direct dans une crevasse où la mort l'attendait.
Le 9 mai, nous avons entamé les choses sérieuses. Nous avions déjà franchi la cascade de glace du Khumbu, surmonté la Combe ouest, et nous nous trouvions à mi-parcours d'une muraille de glace de mile cinq cents mètres : la face du Lhotse, que tout alpiniste se doit de traverser avec le plus infini respect.
Les simples lois de la physique imposent cette prudence. Avec une glace comme celle de la face du Lhotse, vous ne bénéficiez d'aucun coefficient de friction : glissez inopinément , et vos chances de vous rattraper sont infimes. Vous passez purement et simplement à la trappe.
La tempête s'est d'abord manifestée par un grondement sourd et lointain, qui s'est très vite mué en plainte déchirante : escaladant la montagne, le blizzard nous a ensevelis en quelques minutes à peine sous ses pelletées de neige. Je ne distinguais même plus mes pieds. À moins d'un mètre, mon compagnon avait disparu, avalé par cette éclipse blanche et hurlante. Durant la nuit, les vents dépasseront les 130 km/h. Et la température ambiante chutera jusqu'à − 51°C.
Ce n'est pas votre corps qui vous porte là-haut, mais votre esprit. Votre corps est épuisé bien avant d'atteindre le sommet. Seul votre objectif vous pousse à continuer. Si vous perdez cet objectif, votre corps devient un poids mort, un boulet à traîner.
Rien ne me donnait plus de plaisir, de satisfaction et de sérénité que de parcourir ces espaces sauvages en compagnie de mes camarades alpinistes.
L'anatomopathologie telle que je la pratique est une science à la fois savante et stupide, exercée en chambre. Je peux étudier n'importe quel échantillon de tissu humain, où qu'il ait été prélevé dans le corps, quels que soient l'âge de la personne ou la manière dont l'échantillon a été découpé, et déterminer si le tissu en question est sain ou malade. Un exercice certes fascinant, et un puzzle intéressant à reconstituer, mais qui ne favorise pas franchement le contact avec vos semblables.