Citations de Belinda Cannone (347)
Soudain se présente sous nos yeux une chose, un paysage, une personne qu'on n'attendait pas (qu'on ne se savait pas attendre) et dont on réalise qu'il correspond pourtant à un désir : inimaginé, inespéré, et cependant accordé au plus secret, connivent. Cet écart - l'objet est inattendu mais mystérieusement ajusté - est la condition (la définition) de l'émerveillement dont on peut dire, en ce sens, qu'il n'est jamais ce qu'on cherche mais ce qui survient.
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Pas d'être si désirable dont on ne se lasse.
Je retrouvai bientôt cette allégresse de la danse, cette étreinte fugitive, oui, cette joie quand j enlace une partenaire et vogue et tourne , tangue.
Le tango: forme fantasmatique de libre échangisme régule et courtois, la représentation de la nature provisoire des coup,les contemporins.
Dans le cas de strict monologue intérieur, le seul moyen d’élargir la vision consiste à multiplier les points de vue individuels (comme le fait Faulkner dans Tandis que j’agonise, par exemple). Car comment éviter de tomber dans le solipsisme qu’un tel choix formel induit ? Comment prétendre parler du monde, et de quel monde, si la parole est absolument relative à celui qui la profère ?
Qu’est-ce qui, en toi, a vu si clair en lui ? Comment savais-tu que tu aimerais son corps, sa voix, sa manière ? L’as-tu choisi dans une sorte de prescience, ou bien au contraire ton désir de lui s’est-il façonné à son contact, apprenant à s’accorder à ses particularités, à en jouir ? Mais c’est toujours ainsi avec le réel, tu ne sais pas si l’univers te contente si bien parce que vous êtes faits de la même étoffe, inventés au même creuset, ou si ton désir de vivre procède de ce lent et délicieux appareillement de ton être et du monde — de ton être et de cet homme.
Le geste
Chaque matin, de la fenêtre de mon bureau
je regarde mon chêne,
seul hôte du grand champ qui s’étend devant
la maison,
de l’autre côté de la route, et qui est désigné
au cadastre sous le nom de Paradis.
Durant le jour, quand le ciel versicolore est en fête,
ou quand l’eau perle sur la vitre,
qu’une ombre s’étire, que des traînées de brume flottent
ou qu’un animal passe,
je prends une photo à travers le carreau.
tu jouis avec le coeur, rarement sans - moins
Belinda Cannone
D'espérer chaque fois si ardemment que c'est lui qui t'appelle fait battre ton coeur dès que tu entends la sonnerie du téléphone, et de même, le grelot qui indique l'arrivée d'un message écrit ou d'une image provoque en toi une petite commotion.
Dans le désir tu sors de toi. Tu te mets soudain à équidistance de ta personne et de l'autre. Tu fonds, et ainsi lui signifies. Regarde dans quel état d'attente tu me mets. Tu jouis, et ainsi lui murmures Ecoute dans quel rêve, quel plaisir tu me conduis.
Le plaisir est dilution de soi dans la sensation : alors tu es au-dessus de toi-même, en un lieu où tu rencontres l'homme. Le plaisir qu'engendre le désir - ce que vous fabriquez à deux.
La sauvagerie sera notre ordinaire. Et quand nous voudrons la douceur nous la demanderons.
- Une foudre délicate tressaille en moi, répète Beloizo.
-Mais viens me prendre sans manières, enfouis toi en moi, fais moi jouir en cascade que je sois rassasiée et avide, comblée et assoiffée encore, car mon envie de toi est inépuisable.
Vous vous quitterez repus et pourtant pleins d'un désir intact. Vous venez à peine de commencer à vous étreindre.
L’incontestable érotisme qui s’attache au tango ne se convertit pas forcément en désir sexuel.
« Je t’embrasse comme je t’aime (Philia ).»
Infinie variété des expériences humaines à laquelle répond l'infinie inventivité des romans. Ainsi, je découvre le monde, le roman me le fait connaître car il m'enseigne ce qu'est y être sujet, et aucune expérience humaine réelle, fût-elle riche et pleine et comblée, ou aventureuse et surprenante, aucune expérience, parce qu'elle est nécessairement limitée, ne peut donner à éprouver et à comprendre le millième de ce que la lecture nous apprend. (30)
Je dirais que l'intelligence, c'est la vigilance< : c'est la capacité de faire un pas de côté pour se regarder raisonner et interroger ce que 'on vient de penser.
Dans le hors-série collector du magazine Psychologie N° 55
Beloizo dit : "J'aime que dans ta bouche il y ait un palais."
J'aime d'ailleurs passionnément, dans la montagne, l'impression de fraîcheur et de propreté, de pureté même qui s'en dégage. Ces tapis d'herbes et de plantes basses, ces sentiers moelleux, ces rochers décorés de lichens, ces ruisseaux clairs et l'air délicieux me donnent le sentiment d'avancer dans un monde préservé du désastre causé « en bas» par notre hubris et notre désinvolture.
D'où l'inquiétude sourde, à Chamonix, devant la rétractation des glaciers perceptible d'une année sur l'autre - confirmation que même dans cet ultime havre la nature subit les conséquences de notre irresponsabilité. (p.52)
Bien sûr, il n'y a pas une forme mais des formes diverses qui, ailleurs qu'en montagne, sont presque toujours invisibles - souterraines.
Mais voici ce que j'essaie d'exprimer par ces mots de « forme du monde » : habituellement, nous marchons sur le monde et, qu'il soit plat ou vallonné, nous le percevons (si nous prenons le temps d'y songer) comme une surface amorphe qui soutient nos pieds.
Tandis qu'au cours de l'ascension, ses figures se révèlent, extraordinairement variées, et nous prenons conscience que le monde a une forme. (p.42-43)
Une belle sauvagerie sera l'ordinaire de nos jours fastueux.
Ne jamais craindre la profusion, la générosité des mots et des gestes, l'abondance des déclarations - dire et offrir sans frein. Abonder.