« Suiza » paru chez Gallimard, premier roman de la bisontine Bénédicte Belpois, ne peut laisser indifférent. Ecrit d?une plume absolument remarquable, il nous emmène en Espagne auprès de Tomas et Suiza, personnages passionnés et émouvants, abîmés par la vie.
Interview réalisée par Bénédicte du blog Au fil des Livres
Montage : Grand Besançon Métropole
On ne perçoit pas consciemment comment certaines personnes vous manquent avant de les connaître, on devine juste, une fois qu’on les a rencontrées, qu’on ne pourra plus jamais vivre sans elles.
Les hommes savent reconnaître la folie, ils marchent à ses côtés tous les jours.
Tout petit déjà, je me réfugiais là, quand mon père m’avait grondé pour quelque bêtise d’enfant. J’avais placé un vieil escabeau sous le petit carré de ciel et maintenant je restais là à fumer, la tête dans la lucarne. Depuis cet observatoire, ma vue s’étendait sur toute ma campagne galicienne. Les champs à perte de vue, comme une houle verte et molle qui rappelait la mer si proche et pourtant invisible. Les eucalyptus, les gommiers bleus. La couleur bleu tendre des jeunes feuilles, le vert foncé qui vient plus tard. Quand le vent du matin se levait et faisait soupirer la forêt, c’était comme s’il y en avait deux en une. Bleue ou verte. Verte ou bleue. Selon sa force, c’était toujours différent. Si la brise agitait mollement les feuilles, c’était comme un grand banc d’anchois affolés, qui fuyaient devant les filets des pêcheurs, quand leurs ventres étincelants capturaient un rayon de soleil. Si la brise devenait vent, la forêt entière mugissait, et couraient alors dans les grandes branches et sur les cimes de fortes vagues bicolores, pleines d’écume, qui s’écrasaient contre le ciel. Des eucalyptus, j’aimais particulièrement les gros troncs lépreux, qui s’épluchaient en de grandes squames parfumées, laissant apparaître la peau neuve, fraîche et lumineuse. Je connaissais le bruit des feuilles sèches sous mes bottes et le craquement des petites lanternes que mimaient leurs fruits. Je me disais qu’il fallait que j’y aille dans l’après-midi, que ça me ferait du bien de voir mes plantations. Quelques hectares, pour la pâte à papier. C’était toujours un déchirement pour moi de couper ces colosses, mais je coupais malgré tout car ces arbres étaient des ogres qui dévoraient tout sur leur passage, chênes, pins, châtaigniers séculaires de la forêt originelle.
Il régnait ce matin-là, comme à l'accoutumée, ce mélange délicat d'opposés climatiques qui caractérisent la région. Cette douceur maritime régulièrement assassinée d'une lame de froid montagnard, dès que les rayons du soleil disparaissent derrière le mur contre lequel vous marchez.
Je ne suis qu’une simple femme. Une simple femme, qui n’aime que les héros. C’est la punition pour celles qui ont ce penchant : les héros meurent jeunes et les femmes qui les ont aimés vivent vieilles pour les pleurer encore plus longtemps.
Écoute la musique, disait-elle, n’écoute que ça. Sers-toi de ton corps pour me dire ce que je dois faire, comment je dois danser pour t’accompagner. Sers-toi de moi, pour être toi, laisse faire l’âme du tango.
La paternité n’est pas une histoire de sperme, c’est une histoire d’homme, de responsabilité.
Il venait enfin ce soleil, il explosait derrière la crête et c'en était fini de la douceur.
Fais attention à comment tu parles à ta femme, Gonzalo, une même parole peut être une figue mûre ou un couteau dans ton ventre selon comment tu l’utilises.
« Les secondes ont frappé dans ma tête , une à une, avec l’intensité d’un glas. Le désir est monté en moi, comme un vent violent annonçant la grêle. Mon cœur gonflait inexorablement, il était seul à s’étouffer dans ma poitrine tout à coup trop petite . Ce qu’il me restait de poumons avait disparu , tassé quelque part, puisque je ne respirais plus .
J’ai fermé les yeux , au bord du malaise , j’ai cherché de l’air » ......