Pendant ce temps, le patron attendait. J'habitais près de chez lui ; il m'arrivait de le rencontrer. De son ton bourru, il me dit un jour:
- Puisque tu ne fais rien, tu peux venir cet après-midi laver ma voiture, pour que je puisse partir à la campagne.
La honte, la rage, m'empêchèrent de répondre. S''était-il rendu compte qu'il parlait à un autre? Il voyait toujours en moi le jeune ouvrier à qui il pouvait commander n'importe quoi, à n'importe quel moment. Vraiment, il croyait encore que faire grève, c'était ne rien faire. Je me sentais maintenant envie de lui apprendre ce que voulait dire en français: faire grève. A moins qu'il ne retrousse lui-même ses manches, sa voiture resterait sale. Ce n'est pas lui qui aurait la patience de la passer impeccablement au "Simoniz". Sa voiture allait porter la marque de la grève.