Pour les fêtes, nous vous réservons dimmenses surprises : le nouveau livre de Baru, Grand prix dAngoulême, qui aborde la Seconde Guerre mondiale dans Rodina, la nouvelle enquête de Benoit Collombat (Cher Pays de notre enfance, Le Choix du chômage) , avec Grégory Mardon, sur les dessous de lassassinat à Paris de Dulcie September, deux beaux textes illustrés avec Edgar Poe revisité par Paul & Gaëtan Brizzi (grand format) et le célèbre Chant de Noël de Dickens illustré par Manuele Fior.
Accrochez-vous aussi car nous aurons de très beaux livres en complément : lédition anniversaire du Voyage de Marcel Grob avec un épilogue de 6 pages inédites, lédition format comics de Shaolin Cowboy et des intégrales dUrban et de Kililana Song.
+ Lire la suite
- Sous la rotonde, il y avait l'imprimerie. C'est là qu'étaient imprimés les affiches du RPR.
- Le RPR faisait sa communication sur le dos de Peugeot ?
- Bien sûr. Le quartier général électoral du RPR pour les villes du coin, c'était l'usine [automobile] de Poissy. Ils ne se cachaient pas, hein ! La colle et les affiches étaient stockées à l'usine. Beaucoup de gars du RPR bossaient ici. L'usine pesait sur la vie politique... Elle fournissait aussi les voitures du parti gaulliste. Dans leurs convois, il y avait beaucoup de Simca, puis de Peugeot. Elle fournissait même un des chauffeurs de De Gaulle en personne !
- Quoi ?
- Un gars du 'service intérieur'...
- Un 'mouchard', donc ?
- Voilà. Il ne faisait pas grand-chose à l'atelier. Et il s'absentait en cas de besoin. C'était un mec du SAC.*
(p. 133)
* extrait de Wikipedia : Le service d'action civique (SAC) a été, de 1960 à 1981, une association au service du général de Gaulle puis de ses successeurs gaullistes, mais souvent qualifiée de police parallèle, créée à l'origine pour constituer une « garde de fidèles » dévouée au service inconditionnel du général après son retour aux affaires en 1958. [...]
https://fr.wikipedia.org/wiki/Service_d%27action_civique
[ le journaliste Benoît Collombat à François Colcombet, magistrat et homme politique français ]
- Justement. Evoquons votre déclaration-choc à l'émission 'Les Dossiers de l'écran'. On est le 7 mai 1974, deux jours après le premier tour de l'élection présidentielle. Le 27, Giscard sera élu face à Mitterrand. Et vous dites : 'Nous espérons ne pas avoir à découvrir que le hold-up de Strasbourg n'a pas servi à acheter des hommes politiques.' Vous pouvez nous en dire plus ?
- Il faut savoir qu'à l'époque, il n'existait pas de loi sur le financement des partis politiques. L'argent, ils le prenaient partout. Il n'y avait pas de contrôle. Tous les partis se débrouillaient comme ils pouvaient... Moi, avant l'émission, je savais que [le juge] Renaud instruisait sur le gang des Lyonnais. Il avait compris qu'ils bénéficiaient de complicités à haut niveau. A Lyon, nous connaissions bien les liens entre le SAC* et les truands. Et la somme du hold-up de Strasbourg était tellement importante qu'il fallait bien un... habillage pour la réinvestir.
(p. 41-42)
* Service d'Action Civique, une 'police parallèle'...
https://fr.wikipedia.org/wiki/Service_d%27action_civique
"Connaître son passé est en effet indispensable si l'on veut éviter d'âtre condamné à le revivre."
(extrait de la Postface)
- On comprend bien que Boulin* gênait... Mais, que pouvaient contenir ses fameux dossiers, qui l'ont sans doute mené à sa perte ?
- Sa longévité ministérielle a fait de lui un fin connaisseur de l'Etat. Il est passé par le secrétariat d'Etat au Budget et par le ministère des Finances.... Ce sont les deux 'tours de contrôle' d'où il a pu voir les turpitudes de sa propre famille politique.
- Tu parles de...
- L'argent noir de la Françafrique, bien sûr. Elf, le Gabon, les mallettes de billets entre Libreville et Paris, les réseaux Foccart au service de Jacques Chirac, pour qui, Boulin, soudain 'premier-ministrable', devient très dangereux.
- D'où cette tentative de déstabilisation politique du RPR, avec cette 'affaire' du terrain de Ramatuelle...
- Voilà... Authentique, résistant, réputé compétent et travailleur, gaulliste 'social', Boulin pouvait rassembler bien au-delà de la droite. Et donc contribuer à la réélection de Giscard en 1981... Une catastrophe pour Chirac ! Ce qui n'était pas prévu, c'est que Boulin ne se laisse pas faire et menace de sortir ces dossiers.
(p.180)
* Robert Boulin, décédé en 1979 (officiellement suicidé)
Pourquoi raconter cette histoire aujourd’hui ? D’abord parce que cet assassinat s’est déroulé sur le sol français, en plein Paris, quelques semaines avant la réélection de François Mitterrand à l’Élysée. Ensuite, parce que cette affaire reste un mystère. L’enquête judiciaire française s’est soldée par un non-lieu en juillet 1992, sans que soient identifiés les coupables. […] L’assassinat de Dulcie September est une histoire qui reste très gênante pour la France : Dulcie dénonçait les relations économiques illégales entre Paris et le régime de l’apartheid, notamment en matière d’armement. Ce soutien des autorités françaises à un régime officiellement raciste est, aujourd’hui, encore, largement méconnu. […] Depuis plus de dix ans, j’accumule de la documentation, j’épluche les archives et je réalise des interviews filmées avec celles et ceux qui ont connu Dulcie à l’époque. Beaucoup sont morts aujourd’hui. Le temps est venu de raconter cette histoire et de tenter de comprendre pourquoi Dulcie September est devenue une cible. – Benoît Colombat
_Notre seul salaire, c'était la peine, l'effort et l'idéal.
_Vous ne croyez pas que c'est un peu trop beau ?
_Heureusement qu'il y a des gens qui croient un peu au beau, de temps en temps...
"Il y a deux histoires : l'histoire officielle menteuse qu'on enseigne, puis l'histoire secrète, où sont les véritables causes des évènements, une histoire honteuse." Honoré de Balzac cité par Roberto Scarpino dans sa post face.)
J'ai été maire d'une petite commune arrachée au RPR : Combs-la-Ville. Pour eux, c'était donc un lieu de reconquête ! Dans la rue, les rapports été musclés. Je ne tolérais pas qu'ils tentent de tenir la ville : lancer des tracts diffamatoires, être omniprésents, faire n'importe quoi… Bref, j'avais donné une consigne : les socialistes ne reculent pas ! Et, un matin, toutes les chaussées de ma ville portaient une inscription : SAC vaincra. Ça avait été fait dans la nuit. Mais nous aussi, on était sur le terrain, la nuit. Finalement on a repéré une camionnette qui nous semblait étrange. Les gars en avaient découpé le fond et peignaient la chaussée comme ça. On a poussé l'enquête pour voir d'où venait cette camionnette. Il s'agissait d'un véhicule de la Préfecture de Police de paris, conduit par les gars du SAC.
Étienne DAVODEAU : - «Comme on va pas mal en parler dans ce bouquin, tu peux me rappeler ce que c'était, le SAC ?
Benoît COLLOMBAT : - C'était le "Service Action Civique"... Même s'il n'avait que peu à voir avec le civisme !
- Et c'était quoi exactement, son rôle ?
- C'est bien le problème... Officiellement, le SAC est une simple association créée en 1960 par des fidèles du Général de Gaulle, comme Jacques Foccart, Alexandre Sanguinetti ou Roger Frey, pour "défendre sa pensée et son action"… Deux ans plus tôt, en 1958, ces mêmes fidèles avaient soutenus l'arrivée au pouvoir du Général dans des conditions proche d'un coup d'état. C'était l'opération "Insurrection". Il s'agissait pour les gaullistes de contrer un autre coup d'état, mené au même moment par des militaires partisans de l'Algérie française. Et en 1961, à Alger, un putsch tente à nouveau de renverser le pouvoir. Dans le tumulte de la guerre d'Algérie, le rôle du SAC consiste donc à "verrouiller" le pouvoir gaulliste contre tout débordement potentiel.
- Ok, je comprends mais... concrètement, les militants, ils font quoi sur le terrain ?
- Un véritable travail de service d'ordre ! Ils surveillent les meetings électoraux, protègent les candidats gaullistes, effectuent des opérations "coup de poing" contre les militants communistes...
- Une sorte de police privée...
- Oui. Le SAC fonctionne comme une véritable organisation parallèle au pouvoir... dont il a la bénédiction ! L'ancien patron du SAC, de 1962 à 1969, ex-garde du corps du Général, Paul Comiti, avait une expression assez éclairante : il disait qu'il s'agissait de "s'adresser au Bon Dieu sans passer par les curés".
- Le "Bon Dieu", c'est de Gaulle ?
- Bien sûr. Sauf qu'au nom de "l'idéal gaulliste", le SAC se transforme en organisation mafieuse...
- Une mafia ? Tu n'exagères pas un peu ?
- Non. Je ne te dis pas que c'est la même chose qu'en Italie, mais ça y ressemble par certains aspects : des truands intègrent rapidement le mouvement. Parmi eux, certains ont rendus de "grands services" pendant la guerre d'Algérie. Leur carte du SAC - tricolore ! - les protège. Des gens sont assassinés en toute impunité. Le président Pompidou tente d'épurer le mouvement en 1968, mais ça ne change pas grand-chose. Dans les années 70, le SAC possède des relais puissants au sein de la police, de la justice, du syndicalisme. C'est un véritable "État dans l'État" dirigé de façon souterraine par le "Monsieur Afrique" du gaullisme, Jacques Foccart.
- La 2ème guerre mondiale La guerre froide La guerre d'Algérie... On ne s'en rend plus vraiment compte aujourd'hui, mais le SAC est finalement assez central dans l'histoire de la France récente !
- Exactement ! Il a germé dans le climat de violence "légitime" de la résistance. Pour certains de ses membres, il a ensuite du être perçu comme un moyen de prolonger cette "fraternité d'armes" avant de complètement dériver.
- Tu veux dire que, pour ceux-là, après la libération, revenir à notre vie normale et renoncer à cette violence légitime fut difficile ?
- Voilà, il y a aussi l'anti-communisme de l'après-guerre : le SAC affronte le service d'ordre du parti communiste, qui ne fait pas dans la dentelle non plus. La violence est en quelque sorte légitimée par la peur du "péril rouge". Il règne dans ces milieux-là une vraie crainte d'une invasion soviétique ! Et puis cette violence n'est pas inutile au pouvoir gaulliste, pour faire le sale boulot en Algérie, contre le FLN, puis contre l'OAS. Plus tard, en mai 1968, le SAC s'avère un appui dont il serait idiot de se priver en cas de coup dur !
- C'est vraiment une spécificité française, non ?
- Oui, l'histoire du Sac est indissociable du gaullisme.Elle est dont liée à celle de la quatrième république.