Les élèves ont trop souvent côtoyé des enseignantes n'aimant pas leur tâche ou qui répètent inlassablement, mot à mot, les mêmes formules depuis des années. Les plus anciennes élèves ont soufflé à l'oreille des nouvelles qu'il y a peu de mémorisation avec sœur Parenthèse, mais qu'elle fait appel à leur intelligence pour une compréhension éclairée. Ah ces parenthèses ! Parfois, elles durent plus d'une demi-heure, pendant laquelle les élèves déposent leurs crayons et se permettent même de poser les coudes sur le pupitre, sachant que la religieuse est si concentrée et emportée par son récit qu'elle ne verra pas ce signe d'indiscipline. La sœur les pimente toujours de gestes amples, de mimiques expressives, de réactions inattendues. Quel spectacle! Mais quelle passion, de plus... Tant d'amour pour son métier !
Marie aimerait laisser libre cours à son imagination, mais la chose s'avère impossible. La vie des religieuses est réglée comme une horloge suisse. Chaque chose en son temps et lieu, se répétant tous les jours de l'année. Il ne reste à la jeune enseignante qu'une demi-heure avant le coucher, période toujours propice à la méditation, après avoir terminé la préparation des leçons du lendemain. Est-ce suffisant pour élaborer un plan de roman ? Elle connaît la réponse que le chapelain lui ferait et évite de lui poser la question. Prier, il va de soi ! Il reste une solution : se lever plus tôt afin d'écrire.
La discipline forme le caractère, mais voilà parfois une situation difficile pour des jeunes cœurs. Quand la cloche les appelle vers leurs salles de cours, elle sonne comme une libération
Le monde change plus rapidement à l'extérieur qu'à l'intérieur. Une guerre mondiale ! Une religieuse dans la cinquantaine a avoué à Marie avoir entendu parler du conflit européen de 1914 seulement en 1917. Cette conflagration, cruelle et sanglante au-delà de toute imagination, avait changé le monde. Ce qui se passe aujourd'hui est sans doute davantage terrible. Le rôle de la femme, lui répète-t-on, consiste à devenir une bonne épouse catholique et une mère de famille exemplaire.
Sœur Marie-Aimée-de-Jésus garde les mains jointes, ce qui l'empêche de penser à tous ces propos alarmants. Elle se dit que la vie est remplie de jolis moments, même au cœur de cette société jugée si dangereuse. Quelle belle enfance que la sienne, malgré une situation sociale difficile : pauvre logement, salaires de crève-la-faim et sacrifices constants de sa mère. Pourtant, elle ne se souvient pas avoir pleuré souvent.
Les femmes ont de grandes qualité de cœur et nul n'ignore que si notre religion règne dans cette province, c'est grâce au personnel ecclésiastique et aux femmes. De plus, je ne pensais pas que des religieuses puissent être drôles et si rafraîchissantes. Cependant, nous sommes à la merci des décisions de nos supérieurs, lesquels sont éclairés par Dieu.
Se montrer aimable et jolie, c'est très peu ! Cela ne suffit pas! L'intelligence devient un impératif. Une femme intelligente peut parler de tout et capturer à l'hameçon des sentiments les plus beaux poissons... heu, je veux dire : les plus intéressants candidats !
L'histoire est la science de la compréhension du passé servant à mieux comprendre le présent. Or, dans le programme actuel, il n'y a pas de lien entre ce passé et le présent. C'est un passé inerte, figé dans un carcan de dates et de conventions propagandistes.
L'histoire est une matière mineure au programme du primaire. Cela sert surtout à activer la mémoire, à faire un peu plus de lecture et à développer des notions de compréhension. Les savoirs eux-mêmes deviennent fort peu utiles dans la vie d'une épouse.
Je n'ai jamais vu un péché mignon aussi peu mignon. Je préférerais le péché de gourmandise pour le chocolat. Ça sent moins fort.