Citations de Bernard Chenez (15)
Les choses ne sont jamais seules. La plus petite des pierres porte son ombre.
C'est ma main qui la première a vu mon père. Nous marchions. Devant moi, les souvenirs sont confus parce que multiples. Je ne lève ni ne tourne la tête vers lui. Aujourd'hui, je sens encore cette main, paume gravée de profonds sillons, phalanges noueuses, doigts longs, secs, aux ongles carrés. Des créneaux de château fort. (p. 116)
L'adolescence ne laisse un bon souvenir qu' aux adultes ayant mauvaise mémoire...
François Truffaut
Les suites pour violoncelle seul, c'est comme se frotter le dos avec la plus grande des serviettes après le plus délicieux des bains.
Être autodidacte ça oblige aux chemins de traverse. On en fait des détours pour aller où la colère vous emmène. C'est comme monter un escalier en loupant des marches. Faut pas s'en plaindre. A personne. Faut continuer de monter, et cacher ses bleus aux genoux.
vouloir parcourir les chemins de son enfance, c'est étaler des coques de noix sur une table, les recouvrir d'une nappe légère, et tenter de mettre le couvert.
Au mieux chaque assiette est de travers. Eventuellement les verres se brisent.
Pourtant je persévère. Je m'obstine à dresser une table, attendant des convives qui ne viendront pas.
Cupidon est agile quand il a le rouge aux joues et se fait les premières dents
Les vraies leçons de colère, ce n'est pas dans les assemblées générales que je les ai apprises. C'est après la cantine, dans les locaux du comité d'entreprise. En empruntant le Voyage au bout de la nuit, Mozart, Bach et les autres, je me suis construit une vie au comptant, une mort à crédit. (p. 48)
Faut-il être tout nu pour avoir l'air comme tout le monde?
Pour que s'effacent les différences sociales?
Je n'en suis pas si sûr.
Il y a à Tokyo une ligne de train qui s'appelle Yamanote-sen. Circulaire. Entièrement aérienne. Elle délimite officieusement le centre de cette mégapole. Le temps de parcours est d'environ une heure. L'un de mes plaisirs est d'en faire le tour complet. Placé dans la première voiture, juste derrière la vitre du conducteur. La fois suivante, j'effectue le parcours à contre-courant, le nez collé sur la grande vitre du dernier wagon.
Ma façon d'écrire se juxtapose à cette façon de voyager.
J'annote seulement les gares au gré du parcours. Tantôt dans le sens de la marche, tantôt à contresens. Je m'interdis de descendre à une station. Je m'autorise juste le changement de quai. Seul le voyage compte.
Mon écriture n'a comme fil conducteur que le roulement incessant des roues sur les rails.
N'étant pas sujet au mal des transports, ce non-respect de la chronologie m'apporte la jouissance de l'imprévu.
Enfant, poser des questions était ma façon de grandir indéfiniment.
Mon écriture n'a comme fil conducteur que le roulement incessant des roues sur les rails.
La différence se fait sentir quand les belles anses qui ornent les comptoirs vous excluent d'un regard.
La solitude, c'est l'absence de monnaie sociale. p.67
Le fer de lance de la classe ouvrière n'avait plus de hampe. J'ai franchi une dernière fois l'entrée de l'usine. Je savais que c'était la dernière. p.11
Qu'est-ce que l'exotisme? Pour J.M.G.Le Clezio , écrivain hanté par l'ailleurs et les immenses richesses de notre Cosmos terrestre "L'exotisme est un vice ,parce que c'est une manière d'oublier le but véritable de toute recherche , la conscience."